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Humanisme : le Contrat social
8 juillet 2007

Le matin des magiciens II

L’alchimie comme exemple

Pauwels évoque une rencontre avec un alchimiste au Procope en 1953. Cet homme a sévèrement critiqué Gurdjieff que Pauwels avait suivi. Il prétendait que la pierre philosophale existait et que le mystérieux Fulcanelli vivait encore. Puis Pauwels revient sur sa rencontre avec Bergier qui lui fit connaître l’alchimie et lui permit de sortir de son antiprogressisme. Ce qui intéressait Pauwels dans l’alchimie c’était le mélange entre science et spiritualité. « Nous pensons enfin ceci : l’alchimiste au terme de son « travail » sur la matière voit, selon la légende, s’opérer en lui-même une sorte de transmutation. Ce qui se passe dans son creuset se passe aussi dans sa conscience ou dans son âme ». (p 142). Pauwels et Bergier affirment qu’il existe 100 000 livres sur l’alchimie et que ces ouvrages sont ignorés ou méprisés alors qu’ils contiennent peut-être quelques uns des secrets de l’énergie et de la matière. Ils citent de nombreux alchimistes qui auraient découvert des éléments chimiques dès le Moyen-Age. Ils ne nient pas que certains textes alchimiques aient pu être délirants mais ils expliquent la démence de leurs auteurs par l’inhalation du mercure. Ils s’intéressent à l’alchimie parce qu’ils sont persuadés que les anciens alchimistes détenaient des connaissances secrètes très évoluées mais qu’elles ont été perdues ou qu’elles n’ont pas été déchiffrées. Fulcanelli allait jusqu’à prétendre que l’alchimie serait le lien avec des civilisations englouties depuis des millénaires et ignorées des archéologues. Pauwels et Bergier prétendent que des piles électriques ont été trouvées à Bagdad et qu’elles avaient été fabriquées dix siècles avant Volta mais aucun archéologue sérieux ne l’a confirmé. Cherchant à convaincre les plus rationalistes, les deux auteurs racontent une anecdote à propos d’Helvetius. Le philosophe des Lumières reçut la visite d’un homme qui se prétendait alchimiste. Dubitatif, Helvetius demanda des preuves et l’homme lui fournit un fragment de pierre philosophale et la méthode pour s’en servir. Helvetius aurait donc réussi à transformer du plomb en or. Pauwels et Bergier tirent cette anecdote d’un livre de Kurt Seligmann intitulé « Le Miroir de la magie ». Pauwels évoque la jeunesse de Bergier quand celui-ci rencontra un professeur à qui il avait confié le désir de devenir alchimiste mais se fit rembarrer et rediriger vers l’industrie du sucre. On apprend que de 1934 à 1940, Bergier fut le collaborateur d’André Helbronner lequel fut assassiné par les nazis à Buchenwald en 1944. Il avait été le premier professeur de faculté à enseigner la chimie-physique en France. En 1937, Bergier rencontra Fulcanelli, l’auteur des Demeures philosophales et du Mystère des cathédrales. Fulcanelli mit en garde Bergier à propos du nucléaire. Il prédit que les explosifs nucléaires pouvaient raser des villes et empoisonner la terre. Bergier à cette époque doutait du sérieux de l’alchimie mais Fulcanelli réussit à le convaincre en lui donnant sa définition du grand-oeuvre : « il existe un moyen de manipuler la matière et l’énergie de façon à produire ce que les scientifiques contemporains nommeraient un champ de force. Ce champ de force agit sur l’observateur et le met dans une situation privilégiée en face de l’univers. De ce point privilégié, il a accès à des réalités que l’espace et le temps, la matière et l’énergie, nous masquent d’habitude » (p 164). On retrouve Bergier en Allemagne en 1945, en train de découper un coffre-fort au chalumeau afin de s’emparer d’une bouteille contenant de l’uranium. C’est la preuve que les nazis avaient la bombe atomique (cette révélation a été confirmée par un journaliste en 2006). Bergier fit un rapport au gouvernement provisoire sur la réalité des recherches sur les explosifs nucléaires et sa bouteille d’uranium lui fut confisquée. Il rencontra un officier Etats-unien, Eric Edward Dutt qui cherchait à tout prix Fulcanelli. Dutt fut fusillé par le contre-espionnage français en Afrique du Nord et on ne retrouva jamais Fulcanelli.

Pauwels et Bergier décrivent l’alchimiste moderne. Il est solitaire, secret, possède un matériel dérisoire. Il décrypte de vieux textes avec patience, humilité et foi. Pour commencer son travail, il prépare dans un mortier d’agate, un mélange de trois constituants : un minerai, un métal et un acide. Il broie ces éléments à la main et les mélangent pendant six mois. Ensuite, il chauffe le tout dans un creuset pendant dix jours. Il dissout enfin le contenu du creuset grâce à un acide. Cette dissolution doit s’effectuer sous une lumière polarisé. il évapore le liquide et recalcine le solide. Il va recommencer cette opération pendant plusieurs années. C’est un événement exceptionnel, d’origine terrestre ou cosmique, influençant son creuset, que semble attendre l’alchimiste. Au bout de plusieurs années d’un travail toujours le même, l’alchimiste finit par estimer que la première phase est terminée. Il ajoute alors à son mélange un oxydant. Il y a dans son creuset du soufre provenant de la pyrite et du charbon provenant de l’acide organique. Il va recommencer à dissoudre, puis à calciner, sans relâche, durant des années, dans l’attente d’un signe. Ce signe reçu, l’alchimiste retire son mélange du creuset et le « laisse mûrir » à l’abri de l’air et de l’humidité jusqu’au premier jour du prochain printemps. Quand il reprendra les opérations celles-ci viseront à la « préparation des ténèbres ». Alors le mélange est placé dans un récipient transparent en cristal de roche, fermé de manière spéciale. Le récipient est chauffé jusqu’à incandescence pour obtenir une « essence », un « fluide » appelé « l’aile de corbeau ». L’essence qui se dégage du récipient est appelé également « gaz électronique », c’est l’ensemble des électrons libres qui constituent un métal et lui assurent ses propriétés mécaniques. L’alchimiste continue de chauffer le récipient en cristal pendant des mois ou des années observant la formation de « l’oeuf alchimique » le mélange changé en fluide bleu-noir. Il ouvre alors son récipient dans le noir et le liquide fluorescent se solidifie et se sépare. Des alchimistes modernes prétendent avoir ainsi obtenu des éléments chimiques nouveaux. Dans le récipient, il reste des scories que l’alchimiste va laver pendant des mois à l’eau distillée puis il conserve l’eau à l’abri de la lumière et des variations de température. Cette eau aurait des propriétés chimiques et médicales extraordinaires. C’est le dissolvant universel et l’élixir de longue vie de la tradition. Pauwels et Bergier parlent bien d’un élixir donnant la vie éternelle et se réfèrent au professeur Ralph Milne Farley, sénateur des Etats-Unis et professeur de physique moderne qui a imaginé l’existence d’une société secrète d’immortels vivant depuis des siècles et se reproduisant par cooptation. Une telle société, qui ne se mêlera pas de politique et n’interviendrait nullement dans les affaires des hommes, aurait toutes chances de passer inaperçue (p 181). Pauwels et Bergier reviennent sur le travail de l’alchimiste. Celui-ci essaye de recombiner les éléments simples qu’il a obtenus. Il les mélange dans son mortier et les fait fondre en présence de catalyseurs. Il obtiendrait ainsi des substances ressemblant absolument aux métaux connus mais avec des propriétés nouvelles. Quant à la pierre philosophale, c’est la poudre obtenue en broyant un verre modifié alchimiquement d’une coloration rouge rubis avec fluorescence mauve dans l’obscurité. L’alchimiste ne transmute pas que les éléments, il se transmute lui-même sous l’influence des forces émises par le creuset. Sa vie se trouve prolongée, son intelligence et ses perceptions atteignent un niveau supérieur.

Pauwels et Bergier se lancent dans des prédictions sur l’avenir de la société à l’ère de la guerre froide. Ils croient à la fatalité historique qui ne serait qu’une des formes du destin spirituel de l’humanité (p 188). Ils ne pensent pas que l’humanité périra mais qu’elle renaîtra après avoir subi d’immenses douleurs.

Les civilisations disparues

Pauwels et Bergier dressent la biographie de Charles Fort. Enfant d’épiciers, journaliste, collectionneur de papillons, Fort fut surtout connu comme compilateur de notes sur des événements invraisemblables et pourtant établis : OVNI, pluie de grenouilles, neige noire, averses de sang... Il appela ses 25 000 notes son « sanatorium des coïncidences exagérées » (p 194). En huit ans, Fort se mit en devoir d’apprendre tous les arts et toutes les sciences à la Bibliothèque Municipale de New-York, au British Museum et par une correspondance avec les plus grandes bibliothèques et librairies du monde. Durant ces huit années, il rédigea 40 000 notes dans un langage sténographique de son invention. Il composa son premier ouvrage, Le Livre des Damnés en 1919 qui produisit une révolution dans les milieux intellectuels. Après le Livre des Damnés, Fort publia en 1923, Terres Nouvelles puis parurent Lo ! en 1931 et Talents sauvages en 1932. La grande idée de Fort était que rien n’est isolable. Toute chose isolée cesse d’exister. Fort s’en prenait à la structure mentale de l’homme civilisé. Il réclamait contre Descartes, un point de vue sur le général à partir de quoi le particulier pourrait être défini dans ses rapports avec lui, à partir de quoi chaque chose serait perçue comme intermédiaire d’autre chose. Il souhaitait que soit reconnu un raisonnement au-dessus du binaire (vrai ou faux). Fort n’est pas un naïf. Il s’insurge seulement contre l’habitude de nier a priori. Les pluies bizarres pourraient, selon Fort, venir de mondes extra-terrestres. Il imagine une super-mer des Sargasses d’où se jetteraient des épaves, des détritus, vieilles cargaisons des naufrages interplanétaires. Il imagine également des météorites sur lesquelles seraient gravés des messages que recevraient des sociétés secrètes. Il pense que la Terre a été visitée par des extra-terrestres dans un lointain passé et que les paléontologues cachent la vérité en reconstruisant arbitrairement les ossements des dinosaures qui pourraient être, selon lui, autre chose. Il a inventé la théorie des Anciens astronautes (extra-terrestres ayant conquis la terre dans la préhistoire) popularisée par Von Daniken. Fort préfigure même la série télévisée « X files » avec la théorie du complot du gouvernement frayant avec les extra-terrestres : « quelque chose a sur nous droit légal par la force, après avoir payé pour l’obtenir l’équivalent des verroteries que lui réclamait notre propriétaire précédent plus primitif. Et cette transaction est connue depuis plusieurs siècle par certains d’entre nous, moutons de tête d’un culte ou d’un ordre secret, dont les membres en esclaves de première classe nous dirigent au gré d’instructions reçues » (p 213). Fort croit voir des traces de ventouse sur les montagnes du monde entier qui seraient des traces de communication avec les extra-terrestres et que ces messages seront un jour déchiffrés par des francs-maçons ou des jésuites de l’espace. Après s’être intéressés à Fort, Pauwels et Bergier tentent de revisiter l’archéologie. Ils pensent que des fresques préhistoriques ou des passages de textes sacrés prouvent la venue d’extra-terrestres sur notre planète. Ils pensent que l’anthropologie attend son Copernic pour démontrer que l’humanité n’est pas le centre de l’univers. Ils évoquent le Rameau d’or de Sir James Frazer dans lequel on trouve rassemblés les « folklores » de tous les pays. Dans ce livre on apprend que les peuples dit « primitifs » connaissaient les antibiotiques et pouvaient faire tomber la pluie. Une fois encore, il s’agit pour Pauwels et Bergier de démontrer que la science était déjà bien avancée bien avant le XXè siècle.

Une nouvelle d’Arthur C. Clarke est insérée « Les neufs milliards de noms de Dieu ». Cela n’a rien d’étonnant car cet écrivain de science-fiction est passionné de sciences et de métaphysique et participa à la revue de Pauwels et Bergier « Planète ». Cette nouvelle raconte l’histoire d’un lama qui loue un ordinateur pour pouvoir établir la liste de tous les noms possibles de Dieu.

Pauwels et son comparse s’émerveillent sur le mystère de la construction des pyramides. Toutefois ils ne croient pas à l’Atlantide : « Nous ne tomberons pas dans le piège des légendes : Lémurie ou Atlantide » (p 241). Ils préfèrent évoquer Tartessos, cité minière disparue en - 500, Cordoue et la Grenade qui inventèrent la science moderne et la « propulsion à réaction » (Pauwels et Bergier prétendent que des manuscrits arabes du XII siècle présentent des schémas de fusées !). Les deux auteurs parlent également de l’île de Pâques qui fut découverte par un Hollandais en 1722. Ils ne comprennent pas comment les habitants de cette île ont pu construire 593 statues immenses. Ils prétendent que les premiers missionnaires de l’île ont détruit des tablettes de bois couvertes de hiéroglyphes qui contenaient le souvenir de passage sur la terre d’autres êtres, de visiteurs venus d’ailleurs (p 243). Ils parlent aussi de Tiahuanaco qui serait une civilisation émanant de l’homme blanc sans en donner les preuves. Ils évoquent les Mayas considérés comme supérieurs aux Grecs et aux Romains. Forts en connaissances mathématiques et astronomiques. L’altiplano de Bolivie intrigue Pauwels et Bergier car la présence humaine y est vieille de 9 000 ans et les hommes ont des spécificités biologiques (huit millions de globules rouges au lieu de cinq millions). Concernant les figures de la plaine de Nzaca, les deux auteurs ne résistent pas à la tentation d’y voir des pistes d’atterrissage pour des « civilisations atomiques disparues » (p 247). Ils rappellent que l’homo-sapiens a 75 000 ans. Ils supposent que pendant cette période plusieurs civilisations techniques ont pu exister. Par exemple, le folklore esquimau parle de tribus transportées dans le Grand Nord, à l’origine des temps, par des oiseaux métalliques géants. Pauwels et Bergier supposent qu’une civilisation supérieure contrôlait le globe il y a 10 000 ans et organisait des déportations. Il est également question des cartes trouvées par le marin turc Piri Reis. Ces cartes datent du premier siècle jusqu’à Christophe Colomb et seraient aussi exactes que les cartes modernes. Pauwels et Bergier veulent voir dans les mythologies des chroniques enluminées d’événements véritables.
Ainsi, les textes bibliques relateraient une visite ancienne de voyageurs interplanétaires.

Pauwels et Bergier évoquent le culte du cargo. Le « cargo » est un terme anglais qui désigne les marchandises commerciales à destination des indigènes : boîtes de conserve, bouteilles d’alcool, lampe à paraffine. En Nouvelle Guinée, les indigènes en contact avec les Australiens ne les ont pas cru capables de fabriquer de tels objets. Ils ont cru que les blancs faisaient des rites magiques pour que les dieux leur envoient le « cargo ». Les Néo-Guinéens tentèrent de reproduire ces « rites » en parlant dans des boîtes de conserve, dressèrent des tiges de bambou au-dessus de leurs cases, à l’imitation des antennes et construisirent des fausses pistes d’atterrissage dans l’attente du « cargo ». De cette anecdote, Pauwels et Bergier tirent l’hypothèse que nos ancêtres ont fait de même avec des civilisations supérieures techniquement. Pour eux, l’ésotérisme serait le moyen de remonter vers un état supérieur de conscience de renouer avec la splendeur des civilisations englouties simplement en essayant d’interpréter différemment des textes religieux, en y voyant autre chose que la religion.

La première partie du Matin des magiciens se termine par un texte écrit par Walter Miller, « un cantique pour Saint Leibowitz ». C’est l’histoire d’un moine, le frère Gérard de l’Utah qui rencontre un pèlerin. Après le départ du vieil homme, le moine découvre à ses pieds une boîte métallique. Elle contient des outils détériorés par les siècles. La boîte date d’avant le « Déluge de flammes ». Des documents se trouvent également dans la boîte. Il s’agit tout simplement d’une liste de courses, de calculs, d’un bon de pari mutuel et d’un plan. Revenu à l’abbaye, le jeune moine est poussé à se rétracter après avoir annoncé qu’il avait vu un ange et découvert des « trouvailles archéologiques » mais il refuse et est sévèrement puni. Ses « trouvailles » datent de 1956, année où vécut le bienheureux Leibowitz, fondateur de l’Ordre du jeune moine. On apprend qu’une guerre nucléaire a eu lieu et a détruit l’essentiel de la civilisation en quelques semaines. Après la guerre, est apparu l’Age de la Simplification pendant laquelle les humains se vengèrent sur les politiciens et les scientifiques en les tuant. Ils détruisirent également tous les livres pour éviter une nouvelle civilisation technologique. Leibowitz créa un ordre consacré à la préservation de la culture et à la transmission des rares livres aux générations futures. Mais Leibowitz, reconnu comme ancien savant, fut pendu. Six siècles se sont écoulés depuis, nous sommes au XXVIè siècle. Le jeune moine est autorisé à recopier une des « reliques » de Leibowitz, qu’il a trouvées. Il choisit le « Mécanisme de Contrôle Transitoriel » et le décore comme s’il s’agissait d’un document religieux. Le Nouveau Vatican enquête sur Leibowitz en vue de sa canonisation et on demande à frère Francis de relater sa rencontre avec le pèlerin. Mais la canonisation de Leibowitz n’est pas si simple et le Nouveau Vatican envoie l’Avocat du diable pour interroger frère Francis. Finalement Leibowitz est bien canonisé et le frère Francis est invité par le Nouveau Vatican pour assister à la cérémonie. Sur le chemin, un voleur lui prend son âne et tente de lui dérober l’enluminure qu’il a mis quinze ans à confectionner mais devant les supplications du frère,le gredin lui laisse le document. Enfin Frère Francis rencontre le pape qui lui affirme être sûr de pouvoir comprendre un jour le savoir de Leibowitz.

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Commentaires
C
Ne faut-il pas prendre le Matin des Magiciens comme une bouteille à la mer?... En substence, comme ils le disent, un "appel" pour trouver un Einstein de la pensée magique. Ils ouvrent des pistes à ceux qui ne sont pas "Initiés" mais qui en ont le profil, du moins la curiosité. Sorte de maïeutique pour qui veut tenter le voyage. La magie, au sens où ils l'abordent, est une alchimie de l'âme. En ce sens, fulcanelli est éternel. Le chemin est long et solitaire, de fait.
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