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Humanisme : le Contrat social
15 juillet 2007

Le matin des magiciens 3

2è partie

Quelques années dans l’ailleurs absolu

Pauwels et Bergier s’interrogent sur le sens de l’histoire. Ils se demandent si l’histoire vraie est celle de la civilisation, mélange de progrès techniques et de progrès de la spiritualité. Pour eux, l’histoire politique est peut-être une histoire parasite. Ils pensent que les physiciens et les psychanalystes ont accepté le réalisme fantastique et que c’est cette imagination qui les a fait avancer. A contrario, les historiens s’enferment dans le cartésianisme et que cela rend les peuples malheureux. Ils se définissent comme « amateurs d’insolite et scribes des miracles », ils veulent revisiter l’histoire à leur façon. Ils s’inspirent de la méthode de Charles Fort et évoquent le nazisme en accueillant les faits les plus bizarres sous réserve de les pouvoir authentifier. Ils prétendent rechercher les pulsations de l’extraordinaire, rien de moins. Et l’aspect fantastique du nazisme est soutenu par Pauwels et Bergier en jugeant convenable d’associer Hitler à l’antéchrist ce qui est une façon de déresponsabiliser l’humanité et les Allemands en particulier d’avoir laissé le dictateur prospérer. Pauwels et Bergier ont étudié certains travaux de la section occulte des services de renseignements allemands. Ils ont découvert que les nazis croyaient aux propriétés magiques des clochetons d’Oxford qui auraient empêché les bombes de tomber sur la ville. Ils évoquent le principe de « synchronicité » de Jung pour expliquer que dans l’histoire des événements indépendants entre eux pourraient avoir des rapports sans cause mais significatifs à l’échelle humaine. Le danger de la « recherche historique » de Pauwels et Bergier est de rendre le nazisme fascinant et d’apporter de l’eau au moulin des révisionnistes. Ils écrivent d’ailleurs : « Il nous semble que certains des faits que nous avons relevés peuvent rendre nécessaire la révision des structures de l’histoire cartésienne » (p 319). Bergier, ancien déporté, ne peut être suspecté de révisionnisme mais le cas de Pauwels est plus ambigu.

Les deux auteurs pensent que l’avenir peut être prévu par l’observation de faits sociaux minuscules. Ils parlent du climat d’épouvante du nazisme qui selon eux était annoncé dans les récits de l’écrivain allemand Hans Heinz Ewers : La Mandragore et Dans l’épouvante. C’est oublier que tout le programme d’Hitler était contenu dans Mein Kampf y compris l’extermination des Juifs par le gaz.

Pauwels et Bergier réfléchissent sur la nature d’Hitler. Pour Otto Dietrich, son attaché de presse, il était un homme démoniaque. Pour Pauwels, Hitler était responsable, il refuse donc de voir en lui un démon. Néanmoins, Pauwels et son comparse ne retirent pas l’aspect religieux du nazisme en affirmant que « la guerre qu’Hitler imposa au monde fut « une guerre manichéenne, ou, comme l’a dit l’Ecriture, une lutte des dieux ». Il est vrai que certains nazis étaient férus d’ésotérisme mais de là à donner raison à Rauschning qui affirmait que tout Allemand avait un pied dans l’Atlantide où il cherchait une meilleure patrie il y a un pas trop grand à franchir. La preuve, les Allemands n’ont pas voulu renoncer au protestantisme ou catholicisme malgré les pressions d’Hitler. Pauwels et Bergier évoquent Jean-Paul Toulet, écrivain français oublié. Traducteur d’un autre auteur obscur, Toulet est en effet à l’origine des traductions de Arthur Machen. Machen avait écrit « Great God Pan », un roman spiritualiste. Toulet s’en inspira pour écrire « Monsieur de Paur, homme public » en 1898. Arthur Machen était né en 1863 dans le pays de Galles, il fut commis de librairie puis instituteur. Il vécut de traductions. Ses premiers récits fantastiques furent publiés en 1895. Dans The Great Pan, il affirmait que le Grand Pan, n’était pas mort et que les forces du mal ne cessent d’attendre certains d’entre nous pour les faire passer de l’autre côté du monde. L’aspect fantastique de son oeuvre venait peut-être de ses origines car il vit le jour à Caerlson-on-Usk qui fut le siège de la cour du roi Arthur d’où les Chevaliers de la Table Tonde partirent à la recherche du Graal. A 39 ans, il renonça à la littérature et devint acteur ambulant dans une compagnie shakespearienne. Puis avant la guerre de 1914, il devint journaliste. Pour lui, la réalité c’était le surnaturel et le monde extérieur était un réservoir de symboles. Il écrivit une nouvelle, le Archers, pour The Evening news, relatant l’arrivée de Saint George en armure à la tête d’une troupe d’anges venus porter secours à l’armée britannique au cours de la bataille du Mans. Or des soldats écrivirent au journal pour dire que ce fait était bien réel et nullement tiré de l’imagination de Machen. A 60 ans, il écrivit son autobiographie. Ses échecs le tenaient dans la misère et en 1943 Bernard Shaw réussit à réunir des fonds pour que Machen ne meurt pas à l’asile. Il mourut paisiblement en 1947. Après avoir évoqué Machen, Pauwels et Bergier affirment qu’aux alentours de 1880, en France, en Angleterre et en Allemagne se créèrent des sociétés initiatiques. Ils évoquent la célèbre Golden Dawn car Machen en fut l’un des adeptes. Fondée en 1887, la Golden Dawn était issue de la Societa Rosicruciana in Anglia créée vingt an avant par Robert Wentworth Little et qui était réservée aux francs-maçons ayant obtenu le grade de maître. Cette société comprenait 144 membres dont l’écrivain Bulwer-Lytton, auteur des Derniers jours de Pompeï. La Golden Dawn pratiquait la magie cérémonielle et l’obtention de pouvoirs initiatiques. Elle était au contact avec des sociétés secrètes allemandes plus tard liées à l’Anthroposophie créée par Rudolph Steiner.
La golden Dawn fut dirigée par le mystérieux Aleister Crowley puis par le poète Yeats. On y trouvait également Bram Stoker, l’auteur de Dracula.
Pauwels et Bergier cherchent dans les textes de Machen un éclaircissement sur le nazisme et le trouvant l’estiment plus significatif que tout ce qui a été dit par l’histoire officielle. Ce texte, c’est l’introduction d’une nouvelle intitulée The White people. La nouvelle de Machen commence par un dialogue entre Abrose et Cotgrave sur les saints. Ambrose affirme que les saints n’ont jamais fait une bonne action et qu’il existe des hommes qui sont descendu au fond des abîmes du mal mais n’ont jamais commis une mauvaise action. Pour lui, le Mal, dans son essence est une chose solitaire, une passion de l’âme. Il estime que les assassins sont des bêtes dangereuses mais pas des pêcheurs. Ils tuent pour des raisons négatives alors que pour Ambrose le Mal est totalement positif. Pour lui, le péché réside dans la volonté de pénétrer de manière interdite dans une sphère autre et plus haute. Ce péché est une tentative pour obtenir une extase et un savoir qui n’ont jamais été donnés à l’homme et celui qui tente cela devient un démon. Nous sommes à ce point saturés de matérialisme que nous ne reconnaîtrions sûrement pas le vrai mal s’il nous arrivait de le rencontrer. Ainsi les Hiérarques de l’Enfer passent inaperçus parmi nous et sont eux-mêmes inconscients du mal qu’ils incarnent. Le vrai péché s’élève à un tel degré que nous ne pouvons absolument pas soupçonner son existence. Il ne peut être confondu avec des méfaits sociaux.

Après cette nouvelle, Pauwels et Bergier citent la théorie « scientifique » et les conceptions « religieuses » qui ont alimenté le nazisme originel et auxquelles Hitler a cru : la terre est creuse, nous habitons à l’intérieur. Les astres sont des blocs de glace, plusieurs lunes sont tombées sur la terre, la nôtre tombera, toute l’histoire de l’humanité s’explique par la bataille entre la glace et le feu, l’homme est au bord d’une mutation, quelques exemplaires de l’homme nouveau existent. Enfin, il y a des alliances possibles avec le Maître du monde qui règne sur une cité caché en Orient.

Hitler se voyait comme un ennemi de l’esprit selon Pauwels et Bergier. Pauwels rappelle que son gourou Gurdjieff était pareil qu’Hitler sur ce point. Les deux auteurs évoquent Willy Ley, expert en fusées qui s’enfuit d’Allemagne dès 1933 et révéla l’existence à Berlin d’une petite communauté spirituelle fondée sur un roman de Bulwer-Lytton : la Race qui nous supplantera. Ce roman décrit des hommes dont le psychisme est beaucoup plus élevé que le nôtre. La communauté dont parlait Ley s’appelait la Loge Lumineuse ou Société du Vril. Le vril, expliquent Pauwels et Bergier, c’est l’énorme énergie dont nous n’utilisons qu’une infime partie. Celui qui est maître du vril devient maître du monde. La Loge Lumineuse était liée à la Théosophie et aux Rose-Croix. Karl Haushofer, le géopoliticien, aurait fait partie du Vril (voir les Sept hommes de Spandau de Jack Belding).

Pauwels et Bergier reviennent sur Lytton, érudit génial qui ne s’attendait pas à inspirer un groupe mystique pré-nazi. Il souhaitait juste mettre l’accent sur des réalités du monde infernal. Il affirmait dans ses romans qu’il existait des êtres doués de pouvoirs surhumains et que ceux-ci nous supplanteront et conduiront les élus de la race humaine vers une formidable mutation. Pauwels et Bergier évoquent les « Supérieurs inconnus » qu’on trouve chez les mystiques d’Orient et d’Occident, habitants sous la terre ou venant d’autres planètes. Machen en parle lui aussi, il pense à un monde du Mal « plein de cavernes et d’habitants crépusculaires ». Les deux auteurs sont persuadés qu’Hitler partageait cette croyance. Mathers, fondateur de la Golden Dawn, prétendait être en contact avec les « Supérieurs Inconnus », il l’affirmait dans un manifeste aux « Membres du Second Ordre » en 1896.

Hitler confia à Rauschning, chef du gouvernement de Dantzig, ses théories sur la mutation de la race humaine. Rauschning affirmait qu’Hitler avait des crises nocturnes au cours desquelles il prononçait des chiffres sans aucun sens, puis des mots et des bribes de phrases. Pauwels et Bergier estiment que Mathers et Hitler avaient les mêmes croyances, que leurs expériences fondamentales étaient identiques et qu’une même force les guidait. Donc les sociétés initiatiques seraient les manifestations plus ou moins importantes d’un autre monde que celui dans lequel nous vivons. Les deux auteurs vont jusqu’ à dire : « Le nazisme a été un des rares moment dans l’histoire de notre civilisation, où une porte s’est ouverte sur autre chose, de façon bruyante et visible » (p 357). Mais ils ont tort de considérer le nazisme comme quelque chose de magique car il était la mise en pratique d’une politique acceptée démocratiquement.

La Golden Dawn, les Rose-Croix et le Vril auraient été liés à la Société Théosophique créée par Héléna Blavatsky mêlant ésotérisme occidental et hindouisme. Pauwels et Bergier estiment que René Guénon dans son étude « Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion », publié en 1921, avait vu monter les périls derrière la théosophie et les groupes initiatiques néo-paiens. Guénon écrivait : « n’y aurait-il pas, derrière tous ces mouvements, quelque chose d’autrement redoutable, que leurs chefs ne connaissent peut-être pas, et dont ils ne sont pourtant à leur tour que les simples instruments. Pauwels et Bergier parlent également de l’anthroposophie de Rudolf Steiner. Il pensait que le théosophisme et les diverses sociétés néo-païennes venaient du grand monde souterrain du Mal et annonçaient un âge démoniaque. Ce que les deux auteurs ne disent pas ce que Steiner avait fait partie de la Société Théosophie de Blavatsky et l’avait quittée car elle était opposée au Christ. D’après Pauwels et Bergier, les premières équipes nazies semblaient considérer Steiner comme l’ennemi numéro un. Ils dispersèrent les réunions, menacèrent de mort les disciples, les obligèrent à fuir l’Allemagne et incendièrent le centre anthroposophique de Dornach en Suisse. Pourtant les deux auteurs oublient que Steiner croyait en l’inégalité des races comme les nazis.

Pauwels et Bergier abordent les théories « scientifiques » nazies. Deux théories sont nées : la théorie du monde glacé et la théorie de la terre creuse. Elles ont failli chasser d’Allemagne la science moderne et auraient déterminé certaines décisions militaires et contribué à la catastrophe finale. En 1925, les savants d’Allemagne et d’Autriche reçurent une lettre de menace. Il leur fallait se ranger derrière Hitler et les théories d’Horbiger avant qu’il ne soit trop tard. C’est Horbiger lui-même qui avait écrit cette lettre. Sa doctrine s’appelait la Wel (doctrine de la glace éternelle). Il était contre la science objective et se croyait prophète. Horbiger disposait de moyens financiers considérables. Il opérait comme un chef de parti : services d’informations, bureaux de recrutement, cotisations, propagandistes recrutés recrutés dans les jeunesses hitlériennes. Il publia trois ouvrages de doctrine et éditait un magazine à gros tirage, La clef des événements mondiaux. Il avait des dizaines de milliers d’adhérents. Horbiger était Autrichien comme Hitler. Sa doctrine de la glace éternelle devait fournir le contrepoison aux créations récentes comme la psychanalyse, la relativité et la sérologie. Les théories d’Horbiger, les grands déluges, les migrations successives, avec ses géants et ses esclaves répondaient à la théorie de la race aryenne. Horbiger était né en 1860 dans le Tyrol. Il avait fait ses études à l’Ecole de Technologie de Vienne. Dessinateur chez le constructeur de machines à vapeur Alfred Collman, il était entré ensuite comme spécialiste des compresseurs chez Land, à Budapest. Il fit fortune en inventant un nouveau système de robinet pour compresseurs. Il se passionnait pour les applications astronomiques des changements d’état de l’eau. Il prétendait expliquer par là toute la cosmographie et toute l’astrophysique. Selon Pauwels et Bergier, la doctrine d’Horbiger tire sa puissance d’une vison complète de l’histoire et de l’évolution du cosmos. Elle explique la formation, la naissance de la terre, de la vie, de l’esprit. Elle répond aux trois questions essentielles : qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Pour Horbiger tout repose sur l’idée de la lutte perpétuelle, dans les espaces infinis, entre la glace et le feu. Il ne croit pas à l’évolution de Darwin mais à une série d’ascensions et de chutes. Des géants, des civilisations fabuleuses nous auraient précédés, il y a des centaines de milliers d’années. Pour lui, les lois du ciel sont les mêmes que les lois de la terre et tout fonctionne par cycles. Pauwels et Bergier exagèrent l’influence d’Horbiger. Ses écrits n’ont pas dépassé la portée de la revue « Ostara », revue ésotérique et antisémite que lisait le jeune Hitler et les historiens l’ont complètement oublié.

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