Le matin des magiciens 4
Pauwels et Bergier évoquent l’origine de l’univers et son
expansion et la mettent en relation avec la doctrine d’Horbiger qui est
radicalement différente. Pour lui, l’univers procéderait de la
rencontre entre un soleil des millions de fois plus grand que le nôtre
avec une planète gante constituée de glace. L’explosion engendrée créa
les planètes. Les planètes finiront par retomber en glace dans le
soleil, il y aura une nouvelle explosion et un recommencement. Horbiger
était appelé « le Copernic du XXè siècle » par les nazis. Pauwels se
souvient que Gurdjieff lui aussi croyait comme Horbiger à la théorie
des quatre lunes dont les trois premières se seraient écrasées sur la
terre. Horbiger pensait que chaque ère correspondait à une de ces
lunes. Quand une des trois premières lune était proche de la Terre, la
gravitation était différente et les hommes étaient des géants (à la fin
du secondaire selon Horbiger). Des géants survivant au cataclysme
engendré par la chute de la deuxième lune auraient formé les hommes,
plus petits, du ternaire ce qui expliquerait les dieux grecs. Les
hommes géants et petits auraient créé la civilisation atlantidéenne
selon Horbiger et son disciple anglais Bellamy. Quand la troisième lune
très proche de la terre aurait fait monté les eaux, les hommes auraient
créé une civilisation maritime. Tiahuanaco, près du lac Titicaca serait
un vestige de cette civilisation. Pauwels et Bergier semblent séduits
par cette théorie en décrivant ce qui serait des preuves d’une
civilisation, sans doute l’Atlantide, étendue sur cinq centres :
Tiahuanaco, Nouvelle-Guinée, Mexique, Abyssinie et Tibet. Les deux
auteurs évoquent ensuite Lobsang Rampa, un soi-disant lama qui en fait
était un imposteur. Pour eux, Lampa serait un Allemand envoyé en
mission spéciale au Tibet par les nazis. Lampa confirma la théorie
d’Horbiger sur les géants. Selon Bellamy, disciple d’Horbiger, pensait
que l’Atlantide n’aurait pas disparu engloutie mais au contraire
abandonnée par les eaux suite à l’écrasement sur la terre de la
troisième lune. Pour Horbiger, il y aurait eu une deuxième Atlantide
dans l’Atlantique Nord. C’est de cette seconde Atlantide que parlerait
Platon. Celle-là aurait été engloutie suite à la captation par la terre
d’une quatrième lune qui aurait provoqué le reflux des mers du Nord. Ce
serait l’explication du Déluge de la Bible. Pour Horbiger, les « races
naines et sans prestige » sont apparues pendant les millénaires sans
lune. On le voit, la cosmologie de Horbiger est purement raciste.
Pauwels
et Bergier prétendent que les essais de V2 furent retardés par les
chefs nazis pour soumettre les rapports du général responsable des
fusées aux apôtres horbigeriens. Il fallait savoir si les V2 ne
déclencheraient pas de désastre si la « glace éternelle » était violée.
Les deux auteurs s’appuient sur les Mémoires du général Darnberger pour
révéler cette anecdote. D’après eux, il existait près d’un million
d’adeptes d’Horbiger dans le monde en 1953 ce qui paraît surprenant
quand on sait aujourd’hui qu’Horbiger est totalement oublié. Si Hitler
s’intéressait à Horbiger c’est parce qu’il s’opposait à la science
orthodoxe et pour lui il y avait « une science nordique et
nationale-socialiste qui s’oppose à la science judéo-libérale ».
Pauwels et Bergier mettent l’accent sur la vision du monde par Hitler
qui selon eux n’apparaît pas chez les historiens. Ils le voit comme un
ésotériste. Pour lui la politique n’aurait été que la manifestation
extérieure, l’application pratique et momentanée d’une vision
religieuse des lois de la vie sur terre et dans le cosmos (p 395).
Pauwels et Bergier estiment que le nazisme était une civilisation
totalement différente de la nôtre. Ils l’appellent socialisme magique.
Mais le nazisme n’avait rien de socialiste et on se demande ce qu’il
pouvait avoir de magique. La théorie d’Horbiger fonctionnait par
cycles. Il affirmait que nous subissons une offensive de la glace tous
les 6000 ans (déluges et catastrophes) et une offensive du feu au sein
de l’humanité (tous les 700 ans). La deuxième poussée de feu avait eu
lieu avec l’apparition des chevaliers teutoniques et la nouvelle avec
la fondation de « l’ordre noir » nazi. D’après Rauschning, Hitler
croyait posséder un savoir magique, source de ses succès présents et
futurs. Il ne pouvait s’expliquer autrement que par l’action des forces
cachées la merveille de son propre destin. Il croyait au cycle des 700
ans et donc pensait que l’homme arrivait nettement à une phase de
métamorphose. Son racisme s’expliquerait donc par des croyances
ésotériques. Pourtant Rauschning n’a pas relié la doctrine raciale
nazie au système général d’Horbiger ce qui tend à prouver l’exagération
par Pauwels et Bergier de son importance. Selon Horbiger, les Tziganes,
les Noirs et les Juifs ne sont pas des hommes au sens réel du terme.
Nés après l’effondrement de la force vitale châtiée ces créatures
modernes (particulièrement les Juifs) imitent l’homme et le jalousent,
mais n’appartiennent pas à l’espèce. Avec ces théories démentes il
apparaît difficile pour Pauwels et Bergier de juger les nazis comme des
hommes. Ils préfèrent les voir comme des Martiens mais une fois encore
c’est déresponsabiliser Hitler et ses sbires, les exclure de la nature
humaine et donc prendre le risque d’un retour du pire qui malgré tout a
fait partie de l’humanité.
Pauwels et Bergier insistent
lourdement sur l’aspect « magique » du nazisme : « Notre esprit refuse
d’admettre que l’Allemagne nazie incarnait les concepts d’une
civilisation sans rapport avec la nôtre. C’est pourtant cela, et rien
d’autre, qui justifie cette guerre, une des seules de l’histoire connue
dont l’enjeu ait été réellement essentiel. Il fallait qu’une des deux
visions de l’homme, du ciel et de la terre triomphe, l’humaniste ou la
magique. » (p 406). Ce qu’ils ne comprennent pas c’est que la magie
fait rêver alors que le nazisme était un cauchemar. On pourrait même
croire qu’ils se réjouissent de cette magie : « La nouveauté formidable
de l’Allemagne nazie, c’est que la pensée magique s’est adjoint la
science et la technique » (p 407). Le mot « formidable » est vraiment
très ambigu et peut être mal interprété. Pauwels et Bergier, pourtant
férus d’ésotérisme n’hésitent pas à en souligner les dangers
réactionnaires en associant Guénon (penseur ultra-réactionnaire et
ésotériste) à Hitler : « l’hitlérisme, c’était le guénonisme plus les
divisions blindées » (p 407). Les deux auteurs estiment que si Hitler a
perdu à Stalingrad c’est parce que Horbiger avait prédit un hiver doux
en Russie et parce que le Führer pensait pouvoir contrôler le froid sur
le principe horbigerien de la glace éternel. C’est encore une
interprétation alternative de l’histoire.
Toujours plongés
dans le nazisme, Pauwels et Bergier relatent une anecdote peu connue.
En avril 1942, Hitler envoie en expédition les meilleurs spécialistes
du radar sur l’île balte de Rügen. Munis de radars perfectionnés, les
chercheurs tentent de prouver que la terre est creuse et que nous
n’habitons pas l’extérieur du globe mais l’intérieur. Les deux auteurs
s’appuient sur des révélations de Martin Gardner publiées dans « In the
name of science » et par des allusions du docteur Fisher qui fit partie
de l’expédition. La doctrine de la terre creuse est née en Amérique en
1818. Un ancien capitaine d’infanterie, Symnes, soutint que le monde
était creux et envoya une lettre en ce sens aux membres du Congrès et
aux directeurs d’université. Il affirmait que dans le cas de la Terre
on pouvait distinguer cinq sphères placées les unes à l’intérieur des
autres, toutes habitables à l’intérieur et à l’extérieur et équipées de
vastes ouvertures polaires. Un autre Etats-unien, Cyrus Read Teed
proclama que la Terre était creuse et il fonda une revue, L’Epée de
feu. Il créa une religion le Koreshisme qui réunit 4000 adeptes.
D’après Pauwels et Bergier, la société du Vril croyait que des êtres
possédant un pouvoir psychique supérieur au nôtre habitant des cavernes
au centre de la terre et en sortiraient un jour pour régner sur nous.
Un aviateur allemand, Bender fonda également son mouvement le Hohl Welt
Lehre. Hitler et ses camarades préféraient croire aux théories de
Bender plutôt qu’à celle d’Einstein car ce dernier était juif. C’est la
montée des forces occultes en Allemagne qui a poussé Einstein à
s’exiler aux Etats-Unis et ainsi a donné l’énergie nucléaire aux futurs
vainqueurs. Après l’expédition de l’île de Rügen, l’influence de Bender
s’arrêta et il fut jeté en camp de concentration où il mourut.
Pauwels
et Bergier évoquent l’euthanasie des faibles et des incurables par les
nazis et cherchent encore à prouver que cette horreur ne s’explique pas
que par la politique mais aussi par la mystique nazie. Pour eux, il
aurait existé un culte multiforme, d’un état de sur-esprit absorbant
des rites divers, des croyances mal liées entre elles. (p 431). Quel
est donc le culte nazi pour Pauwels et Bergier ? « Ce qui est pour nous
probable, c’est l’exercice du puzzle magique, d’un fort courant
mystique luciférien ». Tout cela peut servir à expliquer un grand
nombre de faits terribles, de manière plus réaliste que celle des
historiens conventionnels qui veulent voir uniquement, derrière tant
d’actes cruels et déraisonnables, la mégalomanie d’un syphilitique, le
sadisme d’une poignée de névrosés, l’obéissance servile d’une foule de
lâches » (p 431). Le culte luciférien aurait été véhiculé par la
Société Thulé et l’Ahnenerbe. La Société Thulé aurait été fondée par
Dietrich Eckardt, poète, dramaturge et journaliste. Eckardt aurait
rencontré Hitler en 1920 dans la maison de Wagner à Bayreuth. Eckardt
et Rosenberg auraient dirigé la pensée et les actes d’Hitler pendant
trois ans. Eckardt fit partie des sept membres fondateurs du partie
nazie. Juste avant sa mort, il aurait écrit (en 1923) : « Suivez
Hitler. Il dansera, mais c’est moi qui ai écrit la musique. Nous lui
avons donné les moyens de communiquer avec Eux. Ne me regrettez pas :
j’aurai influencé l’histoire plus qu’un autre allemand... ».
Thulé
est l’Atlantide du germanisme. Une île disparue dans l’extrême-nord,
berceau d’une civilisation engloutie. Les secrets non perdus de Thulé
permettraient de préparer la mutation vers le surhomme. Pauwels et
Bergier prétendent que Thulé est devenue le centre magique du nazisme
avec Karl Haushofer. Mais Hitler a ordonné l’interdiction des sociétés
secrètes dès 1935, société Thulé comprise et cela Pauwels et Bergier ne
le disent pas.
Les deux auteurs rappellent qu’Hitler est né le 20
avril 1889 en Autriche à Braunau. Pour eux, cette ville est une
pépinière de médiums notamment Willy et Rudi Schneider mais aussi Mme
Stockhammer. Bien sûr cet aspect de Braunau est complètement évincé par
les historiens d’université. Hitler aurait dit à Rauschning : « ce qui
se passe, c’est plus que l’avènement d’une nouvelle religion... ».
Pauwels et Bergier sont complètement obsédés par l’aspect ésotérique du
nazisme. Il existait, on ne peut le nier mais il était une partie
infime de la doctrine politique d’Hitler et c’est cette doctrine qui a
permis à Hitler de gagner les élections en 1933. Dans les discours, les
tracts et les affiches, il n’était pas question de Thulé et d’Horbiger.
La thèse de Pauwels et Bergier ne peut donc être complètement validée.
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