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Humanisme : le Contrat social
11 novembre 2007

Les bibliothèques dans la chaîne du livre

Les bibliothèques dans la chaîne du livre
Emmanuelle Payen

Enjeux et politiques du livre et de la lecture

En 1962 une circulaire créent les maisons de la culture par André
Malraux. Bizarrement les bibliothèques et la lecture publique sont
exclues de ce projet. Si la fréquentation des équipements culturels a
augmenté; c’est aussi en raison de l’augmentation de la population
française et, surtout, parce que les catégories sociales les plus
investies dans la vie culturelle ont intensifié leur rythme de
fréquentation. Il ne faut donc pas confondre diffusion et
démocratisation. Il importe aujourd’hui de se débarrasser de la fausse
querelle entre culture légitime et culture de masse. Les bibliothèques
ont su s’ouvrir aux nouvelles formes de la culture d’aujourd’hui sans
renier le moins du monde leur engagement fondateur à l’égard du
patrimoine littéraire. Deux millions d’usagers des bibliothèques les
fréquentent sans s’inscrire c’est pourquoi, si l’on veut vraiment
parler de démocratisation culturelle, on ne peut s’en tenir à suivre
une logique quantitative et viser le loi du plus grand nombre.
L’inscription ne saurait constituer le critique unique à l’aune duquel
il conviendrait d’évaluer l’impact d’une politique culturelle comme
celle de la lecture publique. La non inscription apparaît comme un
protection de l’image de soi, comme refus des normes de lectures
imposées par le système du prêt institutionnel (délais, quantité
d’ouvrages). L’inscription peut être vécue comme une forme de
renoncement à une libre pratique de lecture, conquise difficilement en
surmontant la mauvaise image de soi. La politique de lecture publique
doit encourager la prise de parole de chacun et participer à la
construction et à l’épanouissement de tous. Elle doit participer à la
construction et d’une identité collective et à la création du lien
sociale.

Lecture et usages des médiathèques en France

L’univers culturel des jeunes est plus soumis qu’il ne l’a jamais été à
des machines qui, dans les relations interactives qu’elles instaurent,
imposent des rythmes et disqualifient la lenteur et le temps que
réclame l’appropriation personnelle du livre. La valorisation de la
lecture littéraire contribue à maintenir dans l’ombre des genres
livresques moins bien reconnus (magazines, lecture sur écran). Les
bibliothèques, malgré leurs changements et certaines prises de position
en terme d’ouverture culturelle en leur sein, sont loin d’être
épargnées par ce processus de survalorisation et de définition de
l’excellence littéraire. En tête des genres de livres préférés des
Français de 15 ans et plus figurent les romans autres que policiers et
d’espionnage qui recueillent le suffrage d’une personne sur cinq. Les
femmes lisent des romans sentimentaux, des biographies romancées, les
best-sellers et les prix littéraires. Les hommes lisent des romans de
science-fiction et fantastiques, les romans historiques, les grands
auteurs du 20è siècle.

La banalisation du livre risque de se
poursuivre avec la migration et la multiplication des textes sur les
écrans et les réseaux numériques. Roger Chartier évoque trois
révolutions : révolution de la technique de production et de
reproduction des textes, révolution du support de l’écrit, révolution
des pratiques de lecture.

Une sociologie de l’auteur contemporain

Le ministère de la culture a trouvé une solution pour résoudre la
bataille du droit de prêt : les auteurs bénéficient d’un intéressement
financier en prêt de leurs ouvrages, mais le coût n’en est pas
directement assuré par les lecteurs puisqu’il est pris en charge par un
système de taxes et de subventions. Pour les écrivains il existe deux
activités : l’activité professionnelle exercée contre une rémunération
qui est celle de l’économie « normale » où l’on travaille pour gagner
sa vie. Pour le régime vocationnel la dissociation entre activité de
création et rémunération prend la forme d’une indifférence envers
l’argent et le refus de toute pratique intéressée. Il est donc normal
de revendiquer la gratuité de l’écriture et conséquemment le
non-paiement de la lecture ce qui crée une tension avec l’activité
professionnelle.

1
La dimension économique de l’édition

La chaîne du livre comprend éditeurs et imprimeurs, diffuseurs,
distributeurs et librairies mais aussi bibliothécaires et critiques
littéraires. Les composantes industrielles et commerciales de l’édition
ne font qu’un avec le livre imprimé. L’éditeur donne son existence
physique à l’oeuvre née de l’imagination d’un auteur, permettent ainsi
au texte d’aller à la rencontre de multiples lecteurs. L’éditeur prend
le risque financier, industriel et commercial. L’édition est une
production organisée des livres. Ce qui semble indispensable au succès
d’une entreprise éditoriale est un goût persévérant pour le commerce.
L’éditeur se doit d’être à l’écoute, voire à l’affût du marché, tout
éditeur est également en situation d’agir sur le marché plutôt que de
le suivre. L’éditeur doit engager différentes dépenses : à-valoir versé
à l’auteur, composition et mise en page, relecture et correction,
photogravure, papier, impression et façonnage. L’éditeur est tributaire
de l’outil de production comme de l’outil de distribution. Il existe
trois blocs d’éditeurs : Hachette, Gallimard et les Presses de la cité.
Parce qu’elle est une entreprise parmi d’autres, la maison d’édition
est aussi une machine de production. Spécialiste de produits culturels,
elle n’en est pas moins soumise à la logique économique générale. Il
s’édite 30 000 nouveaux ouvrages annuels en France.
Les étapes de la
production d’un livre : les tâches d’édition (correction, iconographie,
PAO). Ces opérations sont appelées la prépresse; les tâches de
fabrication (impression, façonnage, transport du tirage jusqu’aux
entrepôts du distributeur. L’impression numérique renouvelle
considérablement les conditions économiques et techniques de la
production, de la fabrication et de la diffusion du livre. La
possibilité d’éditer un livre à faible tirage pour un coût de
fabrication qui demeure accessible permet d’imaginer que les éditeurs
vont atteindre des prix concurrentiels sans constituer d’importants
stocks.

La librairie partenaire culturel

En 1998, il
existait 26 000 points de vente de livres dont 4 000 magasins
considérés comme « pôles livres ». Un libraire est un commerçant du
livre qui allie l’équilibre financier de son entreprise, sa conception
du métier, ses sélections dans la production éditoriale, et les besoins
de sa clientèle. Le libraire est un médiateur des livres, c’est-à-dire
un de ceux qui relient un texte à ses lecteurs, il a des points communs
avec le bibliothécaire. Les libraires concluent des contrats, l’office,
avec les différents diffuseurs, via leur distributeurs. Il s’agit de
l’envoi régulier, automatique et ponctuel, spécifiant un accord sur un
nombre d’exemplaires fixé pour chaque titre paraissant dans un genre
donné. La rentabilité financière d’une librairie suppose que le livre
se vende. La librairie devient l’art d’équilibrer les livres de vente
lente et de vente rapide, ou la spécialisation dans les livres de vente
rapide. Le professionnalisme des libraires tient dans une mise en
valeur particulière des ouvrages mais aussi dans la qualité de leur
relation au client. Le libraire est celui qui travaille sa vitrine
comme une promesse au passant, non d’une rencontre avec un produit
commercial, mais avec un univers. Le libraire saura également suggérer
le livre souhaité, mais aussi des essais sur le même thème ou des
romans dans une veine similaire. Il est également capable de faire le
succès d’un livre qu’il a particulièrement aimé sans que celui-ci ait
bénéficié d’une couverture médiatique. La bibliothèque n’est pas
concurrente de la librairie puisque les adultes qui fréquentent les
bibliothèques sont aussi ceux qui achètent des livres. Les coopérations
entre libraires et bibliothécaires concernent l’accueil des écrivains
ou le travail sur des thèmes communs en lien avec une manifestation
organisée par la ville.

L’édition numérique.

Elle
recouvre plusieurs notions : on parle fréquemment des NTIC (nouvelles
technologies de l’information et de la communication) qui évoquent la
convergence des technologies numériques (texte et son font l’objet d’un
codage numérique qui aboutit au multimédia) et leur diffusion par
internet. Les éditions 00 h 00, première édition numérique créée en
1997 permettent de passer d’une économie de l’offre à l’économie de la
demande. Les livres sont vendus sous forme de fichier numérique à
télécharger ou commander un exemplaire qui sera imprimé à l’unité. oo h
oo prend fin en 2003.

2
Trop cher, ne donnant accès qu’à un
nombre limité de titres, le livre électronique n’aura pas réussi à
s’imposer. L’édition universitaire emploie l’édition numérique. L’offre
est à forte prédominance des acheteurs anglo-saxons. En ce qui concerne
le revues électronique Elsevier a augmenté considérablement le prix de
ses abonnements ce qui a engendré la constitution de consortium de type
COUPERIN, groupements d’achat qui permettent de négocier de meilleurs
tarifs. L’édition de fiction permet l’auto-publication qui rappelle en
partie l’édition à compte d’auteur. L’électronique permet également la
création spécifique avec l’apparition de la littérature électronique
(oeuvre originales créées pour une diffusion exclusivement numérique,
ou l’échange à l’instar de Zazieweb site littéraire qui regroupe des
espaces d’expression. En revanche la fiabilité scientifique et
l’absence de dates, l’absence d’objectivité ne permettent pas de
recueillir les atouts de l’encyclopédisme sur Internet contrairement
aux bibliothèques.

Diffusion et distribution

Le diffuseur
doit assumer la promotion des ouvrages auprès des détaillants, grâce
aux services d’une équipe de représentants qui présentent et défendent
les ouvrages auprès des libraires et autres détaillants, procèdent au
suivi des relations commerciales (fonctionnement du service des
nouveautés, évaluation des ventes) et prennent des commandes appelées «
notés », ils représentent les éditeurs et sont amenés à régler la
grille d’office et les conditions de remises.
Le distributeur a la
responsabilité de l’ensemble de l’objet livre et la gestion des flux
financiers. Il envoie les offices, répond aux commandes en faisant des
colis, en encaissant les factures correspondantes et en gérant les
retours et le pilon. Le distributeur gère le stock, le suivi des ventes
et des comptes clients. Liste des diffuseurs-distributeurs : Hachette,
Havas, CDE-SODIS, EDITIS. Les contraintes de la diffusion-distribution
ont joué un rôle initiateur dans la concentration éditoriale qui va
voir peut à peu disparaître le tissu des maisons généralistes moyennes.
La distribution apparaît comme un intermédiaire opaque (relation
fournisseur-client) et neutre (le distributeur n’agit pas au conditions
de fonctionnement de la chaîne du livre). Les bibliothèques sont
devenues un acteur à part entière du livre grâce à la promotion de la
production éditoriale, la progression des acquisitions, le
développement de l’emprunt et de la consultation (290 millions
d’imprimés prêtés en 2000). Les bibliothèques font partie de la chaîne
du livre parce qu’elles ont complètement partie liée à l’offre de
livres existante même si elles se différencient radicalement des autres
maillons de la chaîne composée d’acteurs privés où règnent des logiques
commerciales. Les bibliothèques entretiennent un double rapport avec la
chaîne du livre : fonctionnel d’approvisionnement qui les met en
rapport avec le libraire, le distributeur ou l’éditeur, culturel qui
apparaît dans l’animation et la promotion des livres et de leurs
auteurs. Entre la bibliothèque et la librairie il existe des
similitudes : donner accès à la diversité des livres. Ce qui les
différencie tient à l’opposition prêt/achat et l’insertion plurimédia
du livre dans les médiathèques qui n’existe pas dans les librairies.
Bibliothèques et librairies doivent tenir compte de la production
éditoriale, son fonds et ses nouveautés. Elles doivent aussi tenir
compte de la demande des usagers ou des clients. Ce qui distingue
librairie et bibliothèques tient également à l’élimination des fonds.
La librairie élimine des ouvrages par nécessité impérative d’équilibre
financier qui porte sur des ouvrages récents alors que le désherbage en
bibliothèque ne répond pas à une logique de court terme.

La bibliothèque et l’oeuvre : entre savoir et création

Les bibliothèques sont des partenaires à part entière des éditeurs et
des auteurs, elles ont un poids économique et politique de plus en plus
considérable.

Les bibliothèques et l’édition indépendante

L’édition contemporaine en France est articulées autour d’une
opposition entre quelques très grands groupes éditoriaux et une très
nombreuse famille d’éditeurs aux tailles plus modestes. 12 000 éditeurs
sont recensés dans le supplément de Livres hebdo. Le bibliothécaire
doit être conscient de cette économie du livre car cette bi-polarité de
l’édition renvoie à deux logiques contradictoires.
3
Les
groupes éditoriaux sont soumis à la logique financière alors que les
éditeurs indépendants font le pari d’accompagner plus longtemps un
auteur, cherche un public visé, constituent lentement leur fonds. pour
André Schiffrin (L’édition sans éditeurs) les financiers qui tiennent
l’édition ne comprennent que les retours rapides sur investissement et
le taux de profit, chaque titre se devant d’être immédiatement
rentable. Toute littérature et toutes sciences humaines et toute
perspective critique sont exclues de ces maisons. Elles fabriquent des
produits industrialisés. Les bibliothécaire sont conscients qu’un petit
nombre d’entreprises éditoriales dominent le secteur et ne reflète pas
la diversité intellectuelle de l’offre éditoriale française. Cela a des
incidences sur leur travail. Il devient obligatoire d’être attentif à
l’ensemble des productions éditoriales. L’édition indépendante est
soutenue par le Centre National du Livre dont la mission est de
contribuer au développement d’ouvrages de vente lente. Le souci de
suivre l’actualité éditoriale indépendante est quasi déontologique pour
les bibliothèques dans la chaîne du livre. Les bibliothèques doivent
proposer une offre alternative à l’offre marchande. Les bibliothécaires
doivent être des passeurs de livres en jouant leur rôle de guides
enthousiastes par leurs conseils ce qui permet des les distinguer des
vendeurs de grandes surfaces.

Les bibliothèques et le marché du livre.

En 1992, le parlement européen adopte la directive sur le droit de prêt
et de location. A cette occasion, les éditeurs et le ministère de la
culture ont fait un point sur ce que les bibliothèques pouvaient
représenter en terme de clientèle pour les maisons d’édition. Le
rapport sur la lecture publique en France en 1969 soulignait le retard
considérable des bibliothèques par rapport aux pays européens
développés. En 1981, le gouvernement décidait d’achever la couverture
du territoire en bibliothèques centrales de prêt. Le rapport Miquel sur
les bibliothèques universitaires en France publié en 1989 déclenche un
début de prise de conscience sur leur manque de moyens mais ce rapport
mis dix ans à être pris en compte. Dans les BM, les livres acquis sont
passés de moins de 4 millions en 1984 à plus de 8 millions en 2 000.
Les bibliothèques représentent quelque 25 à 30 % du chiffre d’affaires
pour certains libraires (ceux spécialisés en littérature de jeunesse).
Le « marché » des bibliothèques est donc devenu un véritable marché où
la concurrence est rude. L’enquête faite en 1996 pour l’observatoire de
l’économie du livre a montré que les bibliothèques se fournissaient à
plus de 50 % auprès de la librairie générale et à moins de 30% chez les
grossistes. En 2001 a été publié le Nouveau code des marchés publics au
JO. Il garantit la neutralité (politique, religieuse et idéologique) de
la commande publique). Selon la loi, seul le maire, ou le président de
l’assemblée délibérante, président le l’université, président du
conseil général sont responsables de la commande publique. Ce sera donc
toujours la collectivité qui passera un marché et jamais la
bibliothèque.

La production du droit d’auteur en bibliothèque


Le droit de prêt a fait l’objet d’une directive européenne invitant les
Etats à sa mise en place effective, à travers un mécanisme de droit
exclusif tempéré par des possibilités de dérogations emportant droit à
rémunération, au moins pour les auteurs.

En France, c’est la loi
du 18/6/2003 « relative à la rémunération au titre du prêt en
bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs » qui a
concrétisé cette mise en place. La licence légale confère aux
bibliothèques le droit de prêter les livres sans avoir à solliciter
d’autorisation aux éditeurs. La reproduction des livres, dès lors
qu’elle n’est pas une copie à usage privé relève du droit exclusif
d’autorisation prévu par le code de propriété intellectuelle. La loi du
18/6/2003 prévoit l’instauration d’une licence légale ouvrant droit à
rémunération au profit de l’auteur et de l’éditeur. La rémunération est
perçue par une société de perception et de répartition en deux parts :
une part à la charge de l’Etat (culture et enseignement supérieur).
Elle consiste en une contribution forfaitaire assise sur le nombre
d’usagers inscrits dans les BM et les BU et les bibliothèques privées.
Une part est assise sur le prix de vente au public hors taxe achetés
par les bibliothèques et fixée à 6% du prix public de vente (une
bibliothèque ne pratiquant que la consultation ne paie pas).

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La
contribution est versée par le fournisseur des bibliothèques. Le
produit du droit de prêt est divisé en deux parts : - la première
versée aux auteurs et éditeurs à raison du nombre de titres achetés par
les bibliothèques. - La 2è est affectée à la prise en charge d’une
partie des cotisations de retraite complémentaire des auteurs affiliés
à l’AGESSA. La reprographie d’ouvrages à titre collectif est géré, en
application de la loi du 3/1/1995, par le centre français du droit de
copie. 30% d’un journal et 10% d’un livre peuvent être photocopiés.

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Commentaires
L
Je vous remercie vivement des vos informations scientifiques en rapport avec mon domaine de recherche en bibliothèconomie. A la prochaine Merci.
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