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Humanisme : le Contrat social
16 décembre 2007

Le dernier des magiciens

Le dernier des magiciens, Jean Dumur, entretiens avec Jacques Bergier

Ce livre est un portrait révélateur du trop méconnu Jacques Bergier. Il est surtout connu par les ésotéristes, les lecteurs de Tintin (Vol 714 pour Sydney) et ceux qui ont eu la chance de suivre l’émissions « Les Incollables » diffusée dans les années 70 sur TSR. Bergier est mort en 1978 dans une solitude complète et voulue. Né à Odessa en 1912, il arrive en France peu après la Révolution d’Octobre, journaliste, auteur de quarante livres dont le best-seller « Le Matin des magiciens » (deux millions d’exemplaires vendus), chimiste, agent secret, résistant. Déporté par les nazis, il écrivit : « Je n’aime pas qu’on mette des enfants vivants dans un crématoire. Je pense que les gens qui font ça, il faut les empêcher de le faire. Cela me paraît extrêmement simple ». Hélas la RAF pensait le contraire en refusant de bombarder les voies ferrées conduisant aux camps.

I - Le premier des justes

Bergier révèle que ses mémoires « Je ne suis pas une légende » ont été un succès de librairie. Il était officier de la France combattante, chevalier de la Légion d’Honneur, croix de guerre avec palme. Les soviétiques lui ont consacré un film « L’homme qui arrêta la foudre », son « manuel du parfait saboteur » a été traduit en 27 langues. Roger Vailland a fait de lui un des personnages de son roman « Drôle de jeu ». Malgré tout cela, on n’entend plus parler de Jacques Bergier et il n’est dans aucun dictionnaire. Bergier estimait que les gens réellement importants, on n’en entend pas parler. Il pensait que des personnages inconnus comme Richard Merton (qui a combattu Hitler dans l’armée anglaise et a reconstruit l’Allemagne) ou Philippe Berthelot (qui a occupé un poste au Quai d’Orsay de 1919 à 1939), ne détenaient pas les instruments du pouvoir mais le pouvoir lui-même. Curieusement, Bergier se considérait comme un personnage de seconde zone pour des raisons génétiques. Il était pourtant un homme de gauche et on sait encore plus aujourd’hui que le déterminisme génétique est une croyance de la droite (Sarkozy, Hortefeux, Mariani).

Bergier avait un père épicier. Il dut partir en 1925 en France avec sa famille. Il avait eu une enfance de riche avec précepteur à domicile. A 4 ans, il lisait couramment l’hébreu, le russe et le français. Il avait un QI de 160 alors que  la moyenne est de 100. Il parlait onze langues. Il  regrettait d’avoir quitté la Russie pensant qu’il y aurait beaucoup mieux  réussi. Ses parents avaient quitté l’URSS croyant que  la socialisation des magasins ne leur apporterait aucun avenir mais Bergier pensait qu’ils avaient eu tort. Il pensait même que son père aurait pu être ministre, c’était mal connaître l’antisémitisme des gouvernements soviétiques alors que Bergier était juif. Pourtant Bergier, exilé en France, estimait que ce pays était le pays le plus viscéralement antisémite d’Europe, plus que l’Allemagne. Son jugement est biaisé par l’histoire car 75% des Juifs de France ont été sauvés par les Français pendant la Shoah. De plus il croyait que l’URSS n’était pas du tout antisémite alors que les Juifs y étaient considérés comme des espions (affaire des blouses blanches) et poussés à quitter le pays pour s’exiler en Israël.

Bergier fit des études scientifiques en France mais en revenant des camps, il n’était plus qu’une épave en pensait n’avoir jamais retrouvé l’intelligence qu’il avait. Sa famille n’était pas du tout scientifique, elle était plutôt mystique. Bergier était ingénieur-chimiste. Il fut conseiller du gouvernement indien pour l’essence synthétique après la guerre. Il entra en résistance contre Hitler avant la guerre, dès 1935. Pourtant, à ce moment-là, il ne se considérait pas encore juif. Il pensait même que les Juifs européens avaient été lâches (c’est oublier le révolte du ghetto de Varsovie et du camp de Sobibor). Lui-même avait eu peur jusqu’au bout dans la Résistance. Et il y avait de quoi car arrêté par la Gestapo, il subit cinquante séances de torture. Il fut déporté à Neue Breme et à Matauthausen. Pourtant il ne se sentit pas traumatisé. Il avait, dans le camp, un rôle de leader car l’organisation de résistance de Mauthausen avait été monté par les services secrets russes et Bergier avait eu des contacts avec eux. Il dut sauver des gens en désignant les vivants parmi ceux qui devaient mourir ce qui le traumatisa. Il pensait qu’il devrait rendre compte après sa mort. C’est Bergier qui autorisa l’insurrection du camp dans la nuit du 2 au 3 février 1945. 45 déportés sur 1 500 parvinrent à s’enfuir en tuant des SS. A la Libération, Bergier fut ingénieur, écrivain, juge au tribunal militaire, agent secret, journaliste. Ce qu’il préféra ce fut juge militaire. Il ne fut jamais riche ne se sentant pas organisé pour l’argent. Le fait d’être juif représentait pour lui une discipline et une introduction au côté mystérieux de l’univers. Il était pratiquant. Sur sa carte de visite, Bergier annonçait « Jacques Bergier, amateur d’insolite et scribe des miracles », c’est une citation de Maurice Renard tiré du « Péril bleu » puis sur une autre il avait écrit « Premier des Justes, nouvelle série » car pour lui la première série des Justes ne valait rien et a été exterminée. S’il a combiné sa rigueur scientifique et son goût du mystère c’est parce qu’il pensait que la science n’étudie que les miracles. Il voulait expliquer l’insolite par des lois scientifiques. Quand on lui demande s’il a un regret il répond qu’il aurait voulu jeter la bombe atomique sur le Japon car pour lui les camps japonais étaient pires que les camps nazis et par le fait qu’il n’y eut pas un seul résistant japonais.

II Les maîtres de l’ombre

Résistant de la première heure, créateur de réseau, fabricant clandestin d’explosifs, organisateur d’attentats contre les Allemands, Bergier a commencé sa guerre de l’ombre dès 1937 en étudiant les armes nucléaires. Georges Mandel l’avait mis en rapport avec le 5è Bureau de l’armée ce qui lui a permis d’avoir des contacts utiles pendant la guerre. Après il a créé la DGER qui est devenu le Service de documentation et de contre-espionnage. Il avait organisé l’opération « signe de croix ». Trois ans après l’incendie du Reichtag, on jouait à Berlin le film de Cecil B. de Mille et des prospectus avaient été distribués devant le cinéma qui projetait ce film. Dans ces tracts on pouvait lire : « Néron a brûlé Rome et a accusé les chrétiens, il mentait; Hitler a brûlé le Reichtag et accuse les communistes, il ment. Allemagne réveille toi ». Bergier a, en outre, participé à la fondation du groupe de résistants allemand « Orchestre rouge ». Quand Pétain est venu à Toulouse, Bergier et le colonel Fabien ont jeté dans la voiture du maréchal deux volumes reliés du « Capital » et cinq kilos de bulletin d’adhésion au PCF.  Bergier a collaboré au Réseau Marco Polo qui a permis la destruction de la base allemande Peenemünde ce qui a facilité le débarquement du 6 juin 44 d’après Churchill. Peenemünde était la base de fabrication des fusées V2. Bergier était lié aux Anglais avec l’Intelligence Service qui lui fournissait des armes, de l’argent et des postes de radio. A la Libération, Bergier est resté quelques temps pour transmettre de nombreux messages de ceux qui allaient mourir. Sa participation à la Résistance lui a donné un grand prestige à l’Est puisqu’un film de quatre heures lui a été consacré en Union soviétique « L’homme qui arrêta la foudre ». dès 1945, Bergier a créé la DGER, l’ancêtre de la DGSE. Il ne voulait pas travailler avec les Etats-uniens parce qu’il pensait qu’avec eux on ne peut avoir que des embêtements. C’est De Gaulle qui lui avait confié cette mission. Il y est resté jusqu’en 1950. Il prétendait avoir empêché la France de basculer dans le camp communiste car il avait découvert des dépôts d’armes cachés par les Polonais qui aurait pu servir aux communistes pour faire un coup d’Etat. Il pensait même que si la France était devenue communiste elle aurait été atomisée par les Etats-Unis ce qui paraît délirant. Bergier disait du mal des Etats-Unis mais il travaillé pour l’OSS, l’ancêtre de la CIA. Il se prétendait même pour le parrain de James Bond car il travailla avec son auteur, le commandant Ian Fleming. Il lui aurait conseillé d’écrire des romans. A la création de la CIA, Bergier a gardé des contacts avec les Etats-uniens mais il les considérait comme des enfants faisant des gaffes épouvantables. Sur ce point il a eu raison puisque la CIA n’a pas su empêcher les attentats du 11/09/2001.

Bergier estimait que les services secrets devenaient très puissants au point de penser que la CIA était un « gouvernement invisible ». Il affirmait que le président des Etats-Unis est un fantoche. Pour Bergier les Etats-Unis sont gouvernés par le Groupe 54-12, un groupe créé en 1954 constitué d’une trentaine de personnes qui gouverneraient réellement les Etats-Unis. Bergier pensait même que les Etats-Unis et l’URSS travaillaient main dans la main, c’est le sujet de son livre « la grande conspiration russo-américaine ». Si Bergier est devenu résistant c’est parce qu’il pensait extrêmement simple d’arrêter les méfaits nazis. Il avoue pourtant n‘avoir jamais eu de motivation politique. Il avoue également avoir exécuté des gens pendant la guerre mais sans remords car il s’agissait de traîtres. Finalement il était pour la peine de mort estimant que ceux qui détournent des avions ou tuent des gens doivent être supprimés.

III La troisième guerre

Bergier a écrit 46 livres plus un non édité « Economie politique de l’enfer », un livre sur les camps qu’il considérait trop traumatisant pour les gens. Bergier pensait que la 3è guerre mondiale aurait lieu avec des affaires comme celle d’Aldo Moro ou l’affaire Schleyer. Le terrorisme était donc pour lui une guerre mondiale. L’auteur croyait à un complot international comprenant trois variétés de gens travaillant ensemble : les faucons du KGB non contrôlés par le gouvernement soviétique, des gens du tiers-monde contre le néo-colonialisme européen cherchant à détruire l’Europe et enfin un certain nombre d’Européens dégoûtés de l’Europe. Il appelait cette coalition « Interterror ». Les meneurs de jeu étaient pour lui Cuba et l’URSS. LA Tricontinentale, organisme qui a été à la base de l’interterror a été fondé à Cuba lors de la conférence de la Tricontinentale en 1966. L’Etat major de l’interterror serait constitué de gens du tiers-monde, de Soviétiques, de Cubains et d’un certains nombre d’Européens. Le siège de cette organisation aurait été situé à Benghazi en Lybie. 60 000 personnes travailleraient pour ce groupe. L’interterror s’entraînerait à détourner des avions, à poser des explosifs et à préparer des révolutions. La stratégie aurait été de disloquer l’Europe pour que l’URSS l’envahisse. Malgré tout il y aurait des Russes au sein de l’Interterror et des Russes qui s’y opposeraient.

Bergier évoque mai 68. Pour lui ce fut un succès remarquable qui a pu désorganiser la France. La France avait, selon lui, subi plus de dommages pendant cette période que pendant huit jours d’une guerre normale. Il pense que mai 68 était fourni par le Centre maoïste de Bruxelles à hauteur d’un milliard de francs par jour ce qui est complètement délirant et aurait fait rire les historiens car les maoïstes n’étaient pas si riches. Bergier ne veut pas être considéré comme un anti-jeunes. En mai 68, il a lancé un mot d’ordre « Assez d’attendre l’accalmie, assez manger le pain des larmes, chaque con peut être Bendit ». Bergier a prophétisé l’acquisition de la bombe atomique par les terroristes ce qui semble aujourd’hui plausible avec la Lybie et l’Iran. Néanmoins, Bergier tenait beaucoup de propos farfelus comme l’évocation d’une action maritime de l’Afrique du Sud contre Cuba. Revenant sur la Résistance, Bergier nous apprend qu’il a attaqué la voiture de la Gestapo qui transportait Raymond Aubrac au peloton d’exécution. Bergier ne veut pas condamner les terroristes malgré ce qu’il affirme sur l’Interterror, il pense que c’est à l’histoire de le faire. On sent chez Bergier une forte envie de provocation quand il affirme que ce qu’il a vécu pendant la guerre était une belle époque et ce qu’il a subi dans les camps encore plus. A cause de ses prévisions sur l’avenir, Bergier affirme avoir reçu des menaces de mort.

IV Bizarre, bizarre

Bergier avoue n’avoir jamais pu comprendre le phénomène suscité par Le Matin de magiciens. Il affirme que tout ce qu’il contient est vrai puis se rétracte en avouant que c’est très loin d’être la totalité. La partie de ce livre consacré au nazisme proviendrait des dossiers « File and forget » constitués par les gouvernements ayant combattu Hitler. Ce sont des dossiers sur les choses qu’on ne comprend pas. Bergier s’en est aussi servi pour une quinzaine d’autres livres.

Bergier évoque les civilisations disparues. Il s’appuie sur des objets civilisés extrêmement anciens exposés dans les musées comme l’objet de Koso, un oscillateur magnétique trouvé figé dans une pierre datant d’un million d’années. Il revient sur les piles de Bagdad évoquées dans le Matin des magiciens. Evidemment, Bergier ne peut s’empêcher de parler des théories de Von Daniken qui pensait à l’arrivée des extra-terrestes sur notre planète. Ils auraient apporté aux hommes la civilisation. Au chapitre des bizarreries, Bergier pense qu’il aurait existé des empereurs chinois immortels grâce à l’absorption d’or liquide qui aurait conduit à la découverte de l’alchimie. Bergier est également métaphysicien quand il explique les miracles cosmiques par l’intervention des Volontés. Ce serait des êtres supérieurs. Pourtant Bergier ne croit pas aux soucoupes volantes car pour lui ce que nous voyons de l’espace a disparu il y a des milliards d’années, il n’en reste plus que la lumière. Il n’existe pas de simultanéité à des endroits bien distants dans l’espace.

Bergier croit aux portes induites imaginées par Lovecraft. Cette théorie est appelée aujourd’hui les trous de ver. Il s’agirait d’endroits d’où on pourrait passer d’un univers à un autre. Pour Bergier, il y en aurait dans le Triangle des Bermudes et dans la mer du Japon. Il existerait donc des mondes parallèles ce qu’un scientifique a théorisé, un certain SarfatI. Bergier parle des sociétés secrètes. Il dit avoir essayé de postulé dans deux de celles-ci mais d’avoir été refoulé pour moralité insuffisante ! Il dit qu’il existait une société secrète romaine gardant le nom secret de Rome ce qui permettait à la ville d’être invulnérable. Aujourd’hui, on ne connaîtrait toujours pas le vrai nom de Rome ! Bergier revient sur le groupe Thulé et la fameuse légende qui consiste à dire qu’Hitler en était un des initiés et qu’il aurait obtenu des pouvoirs secrets grâce à un pacte avec le diable ! Bergier pense que ses théories relèvent de la science et pas des religions car tout ce qui paraît comme réel n’est physiquement qu’un ensemble d’ondes et de vibrations et donc que cela peut être aussi le cas en sociologie et en psychologie. Interrogé sur l’Au-delà, il estime que la religion n’a rien de mystérieux et que le judaïsme ne croit pas en l’Au-delà. Pour les Juifs il n’y aurait rien après la mort.

V Le pape de l’étrange

Bergier était membre de l’Académie des Sciences de New-York et de celle de Sibérie mais il n’aimait pas être pris au sérieux. Il pensait que la science-fiction est le contraire de la littérature avec laquelle il était radical, elle serait écrite par des ratés pour des ratés. La science-fiction décrit des réussites, elle ne fait pas preuve d’imagination et nécessite une connaissance de ce qui se passe dans les laboratoires. Concernant le paranormal, Bergier croit à la télépathie et l’a expérimentée sans pourtant relever aucune radiation. Il croit aussi à l’alchimie qu’il a pratiquée. Il dit avoir transformé du sel en béryllium, constituant fondamental de l’émeraude grâce à la pierre philosophale fabriquée par l’Académie des sciences tchèque. Bergier, alchimiste, croit donc à l’immortalité. Pour lui Roger Boskovitch et Roger Bacon seraient la même personne alors qu’ils ont vécu à cinq siècles d’écart. Il pense que c’est la science et non la science-fiction qui annonce le futur comme l’anti-gravitation ou l’énergie de l’espace captée par radio pour se passer de pétrole. Bergier est également un amateur de canulars et il en a créé quelques uns pour le magazine « Constellation» comme la « théorie de l’éternuement » en 28 volumes par un certain professeur Hegebur. Il avait même été invité un 1er avril sur France Culture pour faire croire aux auditeurs que Notre Dame de Paris avait été vendue à une municipalité communiste et qu’elle allait être démontée.

Bergier imaginait l’avenir dans une société libre ou on resterait chez soi et où on pourrait travailler à distance grâce aux télécommunications et seulement vingt heures par semaine. Il s’est trompé même si le travail par internet existe, il reste marginal.

Dans la postface, Jean Dumur évoque l’humour de Bergier, sa mémoire fantastique, sa provocation « donner la mitraille contre la canaille de 58 », le côté farfelu de ses idées, son passé  de Résistant (il fut décoré par la France, l’Angleterre, l’URSS et les Etats-Unis).

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