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Humanisme : le Contrat social
23 juin 2009

L'Atlantide (Pierre Carnac)

L’Atlantide : autopsie d’un mythe (Pierre Carnac)

Pierre Carnac est docteur en histoire et en lettres. Il est historien des sciences et des techniques et ancien chargé de recherches au CNRS. Il dirige l’association « Atlantide XXI » à vocation rationaliste et scientifique.

L’Atlantide, c’est avant tout une fable de Platon pour dessiner l’image d’une société idéale. 2500 livres ont été écrits sur ce sujets depuis la Renaissance. Pour la quasi-totalité du milieu scientifique, l’Atlantide n’a jamais existé. Carnac pense que les terrasses recouvertes de sédiments qu’on trouve au fond de l’Atlantique pourraient comprendre l’Atlantide. Les Atlantes seraient des « Parfaits » ayant atteint un haut degré de civilisation dont l’excellence fut altérée par une décadence morale qui appela leur fin tragique. C’était un homme blanc ce qui a sans doute alimenté l’idée bien ancrée dans la culture occidentale après la Renaissance d’une supériorité innée de l’homme blanc. Les qualités dont on affublait l’Atlante platonicien ont contribué aux fondements intellectuels du racisme européen moderne.

1è partie : Platon raconte

Dans le Timée et le Critias, Platon décrit l’île Atlantide qui se serait étendue au-delà des colonnes d’Hercule, c’est-à-dire dans l’Atlantique.

Chapitre 1 : retour aux sources

Platon est la source première et pour certains unique de l’histoire de l’Atlantide. Il aurait inventé l’Atlantide et les références égyptiennes. Une mise en scène habile du philosophe. Les deux textes de Platon datent de – 370 et – 347. Plutarque estime que les premières informations des Grecs concernant l’Atlantide auraient été consignées par Solon, l’illustre legislateur Athénien. Solon avait voyagé en Egypte. Il aurait entendu parler de l’Atlantide en Egypte par deux prêtres Psenophis d’Heliopolis et Sonchis de Saïs. L’existence de la version de l’Atlantide que Solon n’a pas eu le temps d’écrire prouve quand même que l’Atlantide n’a pas été inventée par Platon. Platon raconte que les Grecs auraient vaincu les Atlantes et libéré les Egyptiens de l’occupation atlante. Platon aurait inventé une impossible guerre gréco-atlante par simple désir de flatter l’orgueil national de ses concitoyens. En rédigeant le Timée et le Critias, Platon visait aussi à sensibiliser les Grecs pour le modèle initial, brillant sur les plans social et politique, du monde des Atlantes. L’analogie antre le Déluge de l’Ancien Testament et la fin catastrophique de l’Atlantide est évidente. On fait une surenchère sur les prétendus savoirs scientifiques et technologiques des Atlantes. Platon ne les avait pas dotés d’une civilisation technique supérieure à celle des Grecs. Charles Berlitz et Edgar Cayce ont donc tort selon Pierre Carnac. Les commentaires moralisateurs concernant la catastrophe qui frappa l’Atlantide contribuèrent en grande partie au rejet rationaliste du mythe dans son ensemble. Il y a deux Atlantides, l’Atlantide exemple et l’Atlantide avertissement. La première est une société idéale et la seconde contient en germe le reproche écologique adressée au développement sans limites des applications technologiques de la science. Selon Pierre Carnac, le mythe d’Osiris a un rapport avec l’Atlantide car le royaume des morts où repose le dieu est situé par les anciens Egyptiens quelque part à l’ouest. Le « Livre des morts » recueil de textes trouvés dans les pyramides évoque une île dans le monde des vagues du grand océan occidental. Pierre Carnac utilise le « Livre des morts » pour prouver la chute d’une grande météorite dans la zone atlantique de la Terre et qui aurait provoqué l’engloutissement de l’Atlantide. Il pense que les sources de l’Atlantide utilisées par Platon sont extérieures à la Grèce car l’Atlantide disparaît bien avant le début de l’histoire grecque.

Chapitre II : le longue carrière d’un mythe exquis.

L’image de l’Atlantide ne cesse de briller dans la mémoire culturelle du monde moderne. Il existe même une science de l’Atlantide « l’Atlantologie » mais elle est infectée par la présence de publications fantaisistes. Il fallut attendre Le Plongeon ou Donnelly et Churchward pour que le thème de l’Atlantide s’évade du cabinet de travail de l’érudit pour ressortir enrobé dns l’extravagance de certaines pseudo hypothèses. Les extrapolations extravagantes sur l’Atlantide ont paru après 1850 avant la recherche sur le continent perdu était sérieuse. Le mythe de l’Atlantide met en lice quelques grands personnages de la mythologie grecque comme Poséidon et Atlas. Poséidon avait reçu en partage l’île Atlantide dont il fonda la capitale et Atlas, roi atlante et fils de Poséidon. Le Déluge s’apparente à la tradition de l’Atlantide par son aspect de noyade, traduction intentionnelle des effets dévastateurs du mécanisme péché-punition mis en place par la volonté divine. Carnac prouve que le mythe du Déluge est universel et a influencé toutes les civilisations. Les traces géographiques du Déluge, qui fut certainement universel, témignent en faveur de l’existence passée de l’Atlantide. Aristote mit en doute la réalité de l’Atlantide de Platon et fut récupéré par les auteurs sceptiques ultérieurs. Mais le stoïcien Posidonios et le philosophe Crantor défendent l’Atlantide de Platon. A partir du VII siècle et jusqu’à la Renaissance on ne s’intéresse plus à l’Atlantide. C’est la découverte de l’Amérique qui réveille l’intérêt des érudits de l’époque pour le mythe de l’Atlantide.

Chapitre III : De l’Atlantide aux Atlantes

C’est Platon qui le premier fixa l’emplacement géographique de l’Atlantide. En tant que mythe, l’histoire de l’Atlantide de Platon est analogue aux mythes du Parais perdu ou de l’Age d’or. En 1964, Pierre Vidal-Naquet vit dans l’Atlantide de Platon une affabulation créée en vue de cristalliser le double d’unité et d’altérité « chère à Platon ». Par l’écrit ou l’image, le sujet atlante et ses dérivés ont fait carrière. Romans, oeuvres de science-fiction, bandes dessinées, films en témoignent. Au XVIIIè siècle, l’Etats-unien James Harrington prit l’Atlantide pour modèle dans son roman intitulé « Océane » destiné à promouvoir une vision politique « républicaine » (certaines de ses suggestions se retrouvèrent dans quelques uns des articles de la toute jeune constitution des Etats-Unis).

Prix Nobel en 1912, l’écrivain allemand Gerhart Hauptmann sacrifia au grand thème littéraire moderne du déséquilibre spirituel et du mal de vivre dans un roman intitulé Atlantis. Les Atlantides non platoniciennes entrèrent dans la littérature et pour servir les mêmes causes : distraction, pédagogie politique, combat d’idéologie sociale. Le roman qui fut le plus exploité est bien sûr « L’Atlantide » de Pierre Benoit qui fut transposé plusieurs fois au cinéma.

Depuis le début, le débat sur l’Atlantide a acquis l’aspect d’une double querelle. Celle de l’existence d’abord, celle de la bonne localisation par la suite. Il y a aussi le double plan sur lequel a su se placer le débat concernant l’Atlantide. A l’Atlantide historique, matérielle, monde vécu et disparu, envisagé en tant que tel, s’oppose une Atlantide spirituelle largement ancrée dans les réalités de l’âme dont elle nourrit également les regrets et les espoirs.

2è partie : le grand livre des Atlantides

Chapitre IV : Les Atlantides de l’Atlantique

Evoquant la puissance atlante en train de marcher sur l’Europe et l’Asie, Platon précise dans le Timée qu’elle venait d’un autre monde, située dans l’Atlantique. On jurerait que Platon décrit l’Amérique et les Antilles. Platon évoque dans le Timée l’existence d’un continent transatlantique. En traduisant en mesures modernes les données avancées par Platon on obtient pour l’Atlantide une superficie de 400 000 km2. Cela demeure en accord avec le relief sous-marin de la région atlantique des Açores. Cela correspond à une terre atlantique placée dans une région de l’océan comprise entre 24° et 35° longitude ouest et 30° et 41° latitude nord. Platon évoque clairement « les traemblements de terre et les inondations extraordinaires » responsables du très rapide effondrement de l’Atlantide dans la mer. Carnac s’appuie sur l’atlantologue autrichien Otto Muck pour affirmer que l’Atlantide a bien existé près des Açores. Comme Platon, Carnac estime possible que l’Atlantide ait disparu en un jour et une nuit. De plus, les relations sur des terres insulaires altantiques aujourd’hui disparues sont légion dans les textes antiques. En 1803, l’auteur français Bory de Saint Vincent affirma sans son « Essai sur les îles Fortunées et l’antique Atlantide » que les Açores, Madère et les Canaries étaient les restes de l’Atlantide. Plus tard, en 1922, le géographe W. J. Bancock prétendit dans un ouvrage que les fonds actuels de la mer des Sargasses recelaient les ruines englouties de l’Atlantide. DE 1977 à 1981, les Russes explorèrent le banc Ampère sur le socle des îles Madère et trouvèrent les restes d’une muraille mais les autorités portugaises leur interdirent de revenir pour des raisons de sécurité militaire. En 1973, une expédition états-unienne découvrit une vieille cité submergée à 35 mètres de profondeur et à 16 kms au large de Cadix mais les autorités espagnoles interdirent de poursuivre les recherches.

Bimini fut découvert en 1512 par l’Espagnol Juan Ponce de Leon. Edgar Cayce y voyait une résurgence de l’Atlantide. En 1968, des structures artificielles furent trouvées près de Bimini. Le mur était long de 66 mètres et large de 10 mètres. Des calculs précis assurent que les structures de bimini se trouvaient à l’air libre il y a huit à dix mille ans. Le géologue Harrison prétendit que le mur de Bimini était naturel et on s’en tint à ses affirmations. Certains ont pensé pouvoir attribuer les structures submergées de Bimini à l’Atlantide mais pour Carnac ce n’est pas le cas car le plateau des Bahamas est soumis depuis au moins quinze mille ans à un lent mouvement d’affaissement mais totalement exempt d’activité volcanique.

Chapitre V : les Atlantides du Pacifique

Mu serait une autre et plus ancienne Atlantide. Pour le naturaliste anglais Alfred Russel Wallace, émule de Darwin, les Papous, les Mélanésiens et les Polynésiens étaient les rejetons ultimes des rescapés de la disparition catastrophique d’un immense continent englouti dans le Pacifique. Adepte de Swendenborg, Jacob Böhme et Louis-Claude de Saint Martin, Louis Jacolliot écrivain et érudit fut hanté par le mythe du Paradis perdu. Il avait acquis la conviction que des vieilles traditions et d’anciens écrits hindous évoquaient sous le nom de Rutas un véritable continent perdu et engluti sous l’océan indien. Jacolliot changea le Rutas de place pour l’abriter dans le Pacifique. Cette théorie fut récupérée et mise en valeur par James Churchward soi-disant ancien officier britannique de l’armée des Indes qui était censé se trouver au Tibet occidental en 1883. En réalité, il était un petit anglo-états-unien sportif et chasseur. Son premier livre « Mu, le contient perdu » fut publié en 1926. Le monde englouti de Churchward ne fut jamais victime des critiques acerbes qui ont visé sans relâche « l’irrationnelle Atlantide » car le colonnel sut se ménager les arrières ésotériques en s’alliant au monde des théosophes. Churchward passe pour un illuminé sympathique et cultivé. Mu était long de plus de 5 000 kms du Sud au Nord et large d’environ 10 000 kms de l’est à l’Ouest. Il était peuplé par 64 millions d’habitants groupés en dix peuples et tribus. A la tête de ce peuple régnait un prêtre roi. Les « Muens » étaient surtout blancs mais aussi jaunes ou noirs. Selon Churchward Mu était rien moins que la terre de la Genèse. Le premier empire du monde fut fondé il y a 35 000 ans. Il prétendit avoir découvert cela dans des tablettes en bois portant des inscriptions de l’île de Pâques. Même les racines de la franc-maçonnerie se retrouvent dans l’enseignement que de mystérieux initiateurs extérieurs venus parfois du ciel avaient dispensé aux Muens. Churchward raconte que Mu explosa car il était placé sur des circuits naturels de gaz volcanique. La catastrophe se produisit entre – 33 000 et – 10 000 ans. Pour Churchward Mu est une description détaillée de l’origine de toute civilisation.

Chapitre VI : Autres Atlantides marines

Au milieu du XIXè siècle, le naturaliste anglais Slater fut le 1er à supputer que des millions d’années après le morcellement du Gondwana une grande étendue du continent éclaté continuait d’exister dans des régions du nord-ouest de l’océan Indien. C’était la Lémurie. Certains paléo-anthropologues n’hésitèrent pas d’attribuer à la Lémurie un rôle d’importance dans le développement de l’humanité, allant jusq’à soutenir que la transformation des anthropoïdes qui aboutirait à l’homo sapiens eut lieu en Lémurie. La Lémurie éclata il y a 25 millions d’années. Certains auteurs comme J.B. Delisle de Sales placèrent l’Atlantide dans la méditerranée. Certains pensent que la civilisation de Cnossos en Crète disparu à la suite d’une éruption volcanique serait l’Atlantide. Il s’agit du professeur anglais Frost et de l’anthropologue Mahoudeau. L’île de Santorin située à 110 kms de la Crète aurait également été perçue comme l’Atlantide. Pierre Carnac ne croit pas à ces théories.

L’Atlantide fut également située à Malte par C.G. De Vasse et l’archéologue Joseph Bosco. Fabre d’Olivet situa lui aussi l’Atlantide en méditerranée. Il la voyait allant des Baléares jusqu’à la Corse. Le professeur F. Gidon, quant à lui, situa l’Atlantide en mer du Nord.

Chapitre VII : les Atlantides continentales

Depuis la Renaissance et jusqu’à nos jours, on a investi les terres d’Europe, d’Asie, d’Afirque, des Amériques et même d’Austalie de nombreuses Atlantides. Adolf Schulten, archéologue allemand plaça l’Atlantide en Espagne. Tartessos en aurait été la capitale. Carnac ne croit pas à cette hypothèse. Leatlantomanes placèrent le continent perdu également aux Pays-Bas, en Blegique, en Suède et en Angleterre. William Blake participa à la théorie selon laquelle Albion était l’Atlantide. L’aventure historique de l’Atlantide relatée par Platon est une vicissitude du destin de l’Homme occidental, l’Homme atlantique censé avoir créé sur son île une société idéale. En transposant cette Atlantide ailleurs, les atlantomanes n’en conservèrent pas moins le caractère blanc de cette société avancée. Erudition gréco-latine et passion hébraïsante se sont alliées pour motiver la vision de certains auteurs qui situèrent leur Atlantide en Terre sainte, confortant ainsi la foi chrétienne. L’Atlantide a également été située en Afrique. Au Maroc, les montagnes sont appelées Atlas. Ainsi, le géographe français François Berlioux crut identifier, en 1874, l’Atlantide à la région des monts Atals. L’Atlantide fut également située en Algérie par le Français C. Roux et en Tunisie par le géologue allemand Paul Borchardt. Le botaniste Godron situe l’Atlantide au Sahara relayé par Pierre Benoit dans son roman à succès « L’Atlantide » en 1919.

L’élargissement de l’’horizon géographique de la société occidentale après la découverte de l’Amérique suscite un regain d’intérêt pour les Dialogues de Platon qui avait supposé l’existence ancienne d’un véritable continent dans le ponant de l’Atlantique. Ainsi le linguiste français Guillaume Postel identifie l’Amérique à l’Atlantide, il voulut qu’on appelle le nouveau monde « Atlantis ». Alexandre de Humboldt franchit le pas lui aussi de ce rapprochement ainsi que le naturaliste Buffon. L’Etats-unien Mac Culloch et l’Anglais Paw croyaient que les îles des Caraïbes étaient des résidus de l’Atlantide. Laborde la plaça en Australie (ce fut le seul) en 1791.

Chapitre VIII : Quand l’Atlantide était un pont

Carnac suppose que l’Atlantide était une sorte de pont intercontinental unissant l’Europe et l’Amérique. Les recherches du scientifique français Louis Germain ont démontré que le flanc des terres insulaires de l’Atlantique central est étroitement liée à celle de l’Europe et de l’Afrique du Nord du début du miocène. Carnac en déduit que la séparation de l’Atlantide de l’Amérique a dû avoir lieu dans la deuxième moitié de l’ère tertiaire. Selon Platon, les éléphants vivaient en Atlantide. Carnac affirme que les éléphants ont connu une première forme, les pyrotherida en Amérique et que ces animaux ont pu diffuser leur descendance en Afrique par un pont transcontinental.

Chapitre IX : Les Atlantides des toits du monde

Carnac affirme l’existence d’une très ancienne culture nordique à caractère circumpolaire d’où  l’hypothèse d’une Atlantide polaire. Les Grecs ont imaginé deux peuples fabuleux : les Hyperboréens et les gens de Thulé. Pour les Scandinaves Thulé serait le Groenland. Les Atlantologues ont annexé l’Hyperborée à l’Atlantide car Atlas, selon une tradition répandue en Grèce au IIè siècle avant JC était censé habiter chez les Hyperboréens. Bailly le 1er maire de Paris après la Révolution crut pouvoir prouver l’existence d’une civilisation polaire à partir de tables astronomiques trouvés en Inde. Bailly finit par croire que cette civilisation polaire était l’Atlantide. L’érudit hindou Ganghädar Tilak affirme, au début du Xxè siècle, que les origines des traditions indo-européennes étaient arctiques. C’est un cataclysme qui aurait chassé les peuples du Nord. LA Terre vue par Sannykov à la fin du XIXè siècle n’a jamais été retrouvée. Située dans l’Arctique, elle a été assimilée à l’Atlantide. LA Terre de Sannykov aurait sombré sous des éruptions volcaniques.

Apparue dans les voyages de Pythéas le Massaliote au IV è siècle avant JC, la légendaire terre nordique toujours verte de l’Ultima Thulé suscite bien des controverses quant à son emplacement. L’origine du mot « Thulé » vient de « Thual » qui signifie terre nordique en celte. Selon Hérodote, des hommes aux corps transparents vivaient à Thulé. D ‘apères les traditions des Indiens Lénape au XVIIIè siècle, on mentionne l’existence d’une île mysterieuse en direction de l’Islande. Cette île s’appelle « Tula ». En 1974, l’Italien Flavio Barbiero créa son Atlantide dans un livre intitulé « L’Atlantide sous les glaces » il la situa en Antarctique.

Chapitre X : les Atlantides imaginaires.

Monde inaccessible, situé dans un ailleurs inconnu, lui-même tributaire d’une autre grande utopie voisine, celle du fabuleux Age d’or toujours révolu, l’Atlantide prise comme utopie offre du même coup à ses admirateurs et inconditionnels un modèle d’organisation idéale de la cité. Thomas More publia sa célèbre Utopie en 1516. Ce territoire avait la forme d’une demi-lune large d’environ 320 kms habité par un peuple peu nombreux. L’île était gouvernée par une hiérarchie de magistrats siégeant à Amaurote, la capitale. Entre l’utopie de More et l’Atlantide de Platon subsistent des différences essentielles. Platon décrit un monde d’abord comme un idéal, qui glisse par la suite dans la corruption et est frappé par la furie divine. De son côté, More imagine une île existant quelque part pour abriter une société dont il imagine les moeurs et l’organisation. Le monde idéal de Platon « fut » celui de More « est ». On relie d’habitude la Nouvelle Atlantide de Francis Bacon à l’Utopie de More. Le Pays de Bacon s’appelle Ben Salem et ses habitants viennent de l’Atlantide. C’est une monarchie démocratique. La Nouvelle Atlantide connaît des technologies avancées qui fournissent un exemple pour tous ceux qui par la suite ont doté leurs Atlantes de progrès scientifique et technologiques de pointe.

Tommaso Campanella avait placé son Atlantide, la « cité du soleil » dans une grande île de l’océan Indien. Cette société était d’inspiration communiste avant la lettre.

Johan Valentin Andreae, fondateur de la rose-croix, invente lui aussi une Atlantide, la christianopolis, pôle humain de la perfection habité par des sages. Carnac rapproche l’idéal maçonnique de l’Atlantide. Pour lui, le caractère ésotérique et initiatique des pratiques rituelles maçonniques embrasse une symbolique particulière aux racines de laquelle on retrouve des passerelles imagées vers le mythe atlantidien. L’image du monde perdu des Atlantes retrouve des échos dans la tradition de la « parole perdue » de la symbolique maçonnique.

Dans l’image classique de l’Atlantide, deux réalités ne cessent de se faire face. Deux réalités psychiques, celle du regret et celle de l’espoir. Regret pour les délices du monde perdu, qui transpire avec nostalgie des textes platoniciens, et espoir sous-jacent de l’éternel rêve de retour. Carnac évoque l’occultiste Edgar Cayce. Cayce fit carrière dans des consultations qu’il appelait ses « lectures ». Certaines lectures concernaient l’Atlantide. L’Atlantide atlantique de  Cayce disparut à cause de la mauvaise conduite de ses habitants, comme chez Platon. Cayce envisage deux catastrophes : l’une vers – 50700, la deuxième vers – 28000 lorsque plusieurs grandes îles furent englouties. La Lémurie disparut et seules quelques parties de l’Atlantide restèrent au-dessus des flots, vouées à une disparition finale quelques millénaires plus tard. Cayce avait probablement lu Churchward. Il pensait que les Atlantes étaient très avancées technologiquement (éléctricité, rayon de la mort, téléphone, télé, radio...).

Chapitre XI Dangereuses Atlantides

Dans le récit de Platon, on trouve déjà tous les ingrédients utilisés par la suite dans l’édification, outrageusement naïve et réductionniste, des théories racistes modernes. Nul apôtre du fascisme, du nazisme ou du racisme n’oublia de ranger l’Atlantide, vu du côté des Atlantes, dans son bagage intellectuel. Une véritable aventure intellectuelle de science-fiction à l’échelle nationale fut vécue dans l’Allemagne nazie. Elle trouvait son départ dans l’inconcevable tournure d’esprit d’un illuminé, le Dr Hans Hörbiger. Hitler l’avait surnommé le « Copernic allemand ». Il entrevit une grandiose explication unitaire de la naissance du monde. Véritable hymne de gloire consacré à l’image du combat sans fin entre le chaud et le froid, le feu et la glace, la Glazialkosmologie fut lancée à la conquête de l’opinion publique dès 1922. Ses théories trouvèrent en Allemagne et en Autriche quelques milliers d’adhérents. Pour Hörbiger, il y a environ 300 000 ans, la Terre était dominée par une civilisation avancée servie et exprimée par des géants. Ces derniers furent victimes d’une catastrophe à l’échelle planétaire : la chute sur Terre d’une de ses lunes ! La théorie de la glaciation universelle s’explique par la collision entre une gigantesque boule de glace et le soleil provoquant une explosion d’où ressort les planètes du système solaire. Hörbiger recourut à l’Atlantide pour donner une illustration à ses théories. Soutenue par le parti nazi, la théorie d’Hörbiger devint populaire. Des tracts en son honneur furent distribués. Après 1945, les théories d’Horbiger sortirent indemnes du régime nazi. Détachée de ses implications doctrinaires et de ses applications directes au mythe nazi du surhomme la vision cosmogonique horbigerienne séduisit bien des esprits romantiques. Un sondage lui donnait plus d’un million d’adhérents en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis. Hörbiger plaçait la ville pré-colombienne de Tiahuanaco sur un piedestal comme la ville cyclopéenne construite par les géants. Par la suite, H.S. Bellamy et Denis Saurat reprirent ses idées. L’Atlantide pour Hobiger était constituée de cinq terres émergées suite à un déluge provoqué par les marées lunaires. Les cinq terres étaient le Mexique, les Andes, l’Ethiopie, le Tibet et la Nouvelle-Guinée. Carnac affirme que Karl Haushofer, puisa lui aussi dans le mythe de l’Atlantide pour y trouver les racines du surhomme hitlérien. C’était un géopoliticien. Il fut l’inventeur de la notion d’espace vital pour l’Allemagne. La conception raciale de l’homme que se firent les nazis les conduisit à chercher les débuts de la notion de race dans les racines mêmes de l’humanité et pourquoi pas dans le mythe des Atlantes déformé de manière partisane. Pour Haushofer, les Aryens avaient occupé l’Atlantide puis le Tibet (d’où la fascination des nazis pour le Tibet). L’Atlantide est devenue un grand mythe, qui présente deux caractères bien particuliers : un mythe intellectuel et un mythe blanc. Un mythe intellectuel car issu des textes de Platon. Il se propagea d’abord dans les cercles des gens cultivés. La relation de Platon demeura un récit et ne devint jamais conte ou légende populaire malgré les aspects fabuleux dont les uns et les autres la parèrent. L’explication mystique de la destruction de l’Atlantide avancée avec force détails par Platon rattache définitivement le récit du philosophe au sempiternel mécanisme psychologique péché-punition. La rigidité toujours avide de précision des érudits qui se sont emparés de l’Atlantide pour en éclaircir les inconnues, leur esprit toujours conservateur, l’image de Paradis perdu valorisant le passé aux dépens du présent finirent par faire de l’Atlantide un mythe de droite. Ce fut ainsi que l’Atlantide et ses variantes lémuriennes ont reçu bon accueil dans la « Doctrine secrète » de Blavatsky et l’image devenue ésotérique du continent perdu enrichit les annales intellectuelles du mouvement théosophique. L’admiration vouée à l’Atlantide comme « exemple » sociale se teinte progressivement d’idéologie holiste, encline à privilégier la race, les Atlantes purs et parfaits de Cayce et de certains autres.

Chapitre XII : preuves géologiques

Carnac cite une liste de scientifiques qui croient à l’existence de l’Atlantide. C’est donc que l’atlantologie est pour lui une science sérieuse. Pourtant les géologues n’acceptent guère l’existence passée de l’Atlantide. Pour eux, les données géologiques concernant les terres situées, dans la zone de contact initial afro-américaine, n’accusent point de présence d’un continent digne d’être pris en considération. La dorsale atlantique médiane recouverte de plus de 3000 d’eau ne semble pas avoir bougé depuis 280 000 ans. Les plus récents des sédiments ont un âge qui dépasse les 30 000 ans. Situer la grande île perdue quelque part à l’Orient de la dorsale médio-atlantique n’arrange pas non plus l’affaire. Carnac pense tout de même qu’une île de terre aurait pu exister en plaine dorsale médio-atlantique comme c’est le cas de l’Islande. Sous l’effet de la dérive des continents, l’Atlantide se serait désarticulé (environ 9600 ans avant JC) sous la forme d’un archipel. Carnac veut envisager scientifiquement qu’une Atlantide ait existé temporairement, à cause de sa nature fragile, faite de terre de basalte : ce qui rend caduc l’argument selon lequel il n’y aurait « pas de place » entre les continents existants. Carnac pense que l’Atlantide était une île volcanique comme l’Islande et que sa fragilité l’a fait submerger.

Chapitre XIII : la nécessaire catastrophe

L’idée que la fin de l’Atlantide soit venue du ciel fut avancée dès la fin du XVIIIè siècle. C’est en 1788 que Giovanni Rinaldo Carli écrit ses « Lettres américaines ». Il affirme qu’une comète avait heurté la Terre 10 000 ans avant notre ère et fit disparaître l’Atlantide. En 1954, parut le premier ouvrage de l’Autrichien Otto Muck qui apporte des arguments solides aux partisans de l’existence passée de l’Atlantide. Selon lui, l’Atlantide était une île assez grande située dans l’Atlantique dans une zone incorporant les Açores et mesurant 400 000 kms 2. Selon Muck, un « planétoïde » pesant plus de 200 milliards de tonnes, au diamètre d’environ dix kms, pénétra violemment dans l’atmosphère de la Terre où il explosa, se fragmentant en plusieurs morceaux. L’hypothèse de Muck n’émut pas outre mesure l’establishment scientifique, qui ne s’y intéresse point.

Chapitre XIV : Pas d’Atlantide sans déluge

Le thème du Déluge présente une triple parenté avec le mythe de l’Atlantide : sa signification philosophique, liée au mécanisme péché-punition, son caractère catastrophique évident et le transfert de société humaine qui en résulte, déterminant le départ des rescapés ou réfugiés atlantes. Si le Déluge biblique est souvent présenté comme une fable, l’universalité du motif laisse à penser qu’il eut des modèles concrets. L’océanographe André Caport estime que le Déluge fut un phénomène à l’échelle de la planète et qu’il eut lieu en 6500 avant JC provoquant la hausse rapide de 50 mètres du niveau des océans.

Chapitre XV : l’Atlantide au crible des sciences

Pour Carnac, le combat intellectuel que se livrent atlantologues scientifiques et scientifiques qu nient cette existence n’est pas celui de la science et de la non-science, c’est le conflit personnel entre l’amour propre réfugié dans la forteresse aux défenses inutiles de l’acquis considéré comme indépassable et la passion pour la vérité. Ainsi, le géographe ne peut ni confirmer ni infirmer l’existence passée de l’Atlantide sans faire appel à la géologie. La géologie laisse ouverte la possibilité que l’Atlantide ait pu se situer sur le plateau sous-marin açorien.

Epilogue : perspectives pour l’Atlantide

Des erreurs manifestes d’ordre scientifique, historique, géographique, sans compter les innombrables élucubrations des atlantomaniaques, admirateurs incinditionnels d’Atlantes supercivilisés, ont contribué à l’atmosphère de supercherie qui entache toujours la démarche atlantologique.

Carnac pense qu’il y aura de nouvelles découvertes et reste convaincu que l’hypothèse selon laquelle l’Atlantide a existé est tout à fait défendable. Il pense que c’est une météorite qui a provoqué sa destruction. Il conclut en affirmant que l’engouement pour l’énigme de l’Atlantide est une attitude intellectuelle profitable à la culture de tout un chacun et non pas un culte étrange à officier.

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