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Humanisme : le Contrat social
21 décembre 2015

L'espéranto

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L'espéranto (Pierre Janton).

 

Introduction.

Phénomène complexe sous son apparente simplicité, l'espéranto peut être étudié sous l'angle de plusieurs disciplines.

Langue artificielle, l'espéranto peut être abordé en linguistique.

Phénomène idéologique, il intéresse l'histoire des idées en tant que réponse au problème de la communication posé par la multiplicité des langues.

L'espéranto traduit une préoccupation qui commence à s'affirmer au XVIIe siècle. L'espéranto apparaît issu d'idées convergentes sur les moyens et la forme de la communication, mais aussi d'idéaux quant à sa raison d'être. En ce sens l'espérantisme représente non seulement une théorie du langage mais une doctrine sur sa finalité qui est une forme d'humanisme. On appelle espérantophones les utilisateurs de l'espéranto, réservant parfois le nom d'espérantistes à ceux qui acceptent cette finalité.

Alimentant sa diversité dans toutes les ethnies et toutes les classes, l'espérantisme conserve pourtant une personnalité et unité fondamentales, moins à cause de son organisation matérielle que de sa portée psychologique comme véhiculent d'échanges internationaux, il aspire à jouer le rôle de langue auxiliaire actuellement dévolue à certaines langues nationales hégémoniques.

Chapitre premier : l'espéranto et les langues construites.

L'histoire des langues construites commence avec le XVIIe siècle. Ce goût de l'ordre, de l'harmonie et de la perfection, qui caractérise le classicisme, porte les langues nationales à maturité.

Les langues nationales s'épanouissent dans une littérature qui, tout en se voulant fidèle aux modèles greco-latins, les supplante définitivement et revendiquent des privilèges égaux.

Les penseurs de lettres classiques se posent la question de la communication universelle.

Pour eux, les langues sont une manifestation de l'esprit et de son fonctionnement. Postulant l'universalité de la raison, ils espèrent aboutir à une universalité de langage.

Pour eux, la langue n'apparaît qu'accessoirement comme un phénomène indépendant.

Si donc beaucoup s'accordent à souligner l'utilité d'une langue universelle, tous inclinent à penser qu'elle ne viserait pas seulement à communiquer les idées, mais à les classer, les expliquer, à en éprouver la justesse et à les compléter.

Les projets de langue universelle qui fleurissent à partir de 1650 environ partent du postulat cartésien que « l'invention de cette langue dépend de la vraie philosophie. Ils reposent sur une classification préalable des idées et constituent des systèmes cohérents ordonnés autour de concepts fondamentaux. Ainsi le « caractère universel et langue philosophique » de l'Écossais Dalgarno distingue 17 classes d'idées, désignées chacune par une majuscule, d'où on dérive toutes les idées connexes en secondaires, au moyen de combinaisons de lettres grecques et latines.

Le 26 brumaire de l'an III, le citoyen Delormel présenta à la Convention un projet fondé sur les mêmes principes.

En 1852, le projet de l'Espagnol Sotos Ochando, qui connut un certain succès, adopte une structure analogue.

Ces systèmes s'acheminent donc vers la classification pure et simple. En 1956, de la classification décimale de Melvil Dewey employée dans les bibliothèques, le projet de translingua apparaît.

I pasigraphies et pasilalies.

Les pasigraphies sont des conventions purement visuelles utilisant des lettres, des nombres, des signes, des idéogrammes, des hiéroglyphes et même des notes musicales comme le solrésol de Jean Sudre (1866). Il s'agit alors d'écritures philosophiques destinées à être comprises par le regard.

Du XVIIe siècle au XIXe siècle, les linguistes crurent que la pasigraphie devait servir de base à l'élaboration d'une langue parlée universelle.

Le mot pasigraphie fut employé la première fois par J. de Maimieux dans son livre « pasigraphie ou premiers éléments du nouvel art-science d'écrire et d'imprimer en une langue de manière à être lu et entendu dans toute autre langue sans traduction » (1797).

Toutefois, l'évêque anglais John Wilkins avait publié en 1868 «A real character and a philosophical language » avec la même idée de subdivision de signes fondamentaux.

Inspirés par la souveraine raison et l'esprit humanitaire, les auteurs de pasigraphies abondent au siècle des Lumières et de la Révolution française.

Au XIXe siècle le développement de la linguistique allié à celui du commerce, de l'industrie et des doctrines sociales explique la continuité de la tradition.

En 1856, à Paris, la Société internationale des linguistes incline en faveur des langues philosophiques par classification et des écritures fondées sur ce principe.

Les pasigraphies continuent d'apparaître alors que naissent de véritables langues artificielles comme le volapük et l'espéranto.

Tchéshikhine a émis l'idée d'utiliser les idéogrammes chinois comme écriture universelle en 1919.

II les pasilélies sont des conventions audiovisuelles utilisant le plus souvent des lettres et parfois des signes affectés d'un son. Il s'agit de langues universelles destinées à être parlées au temps qu'écrites. On définit les pasilélies selon leurs rapports avec les langues naturelles.

a)       Les langues a priori construites à partir de schémas préalables sans rapports conscients avec les langues naturelles.

b)       Les langues a posteriori, dites naturalistes ou pseudolangues se réfèrent consciemment aux langues naturelles. Elles n'ont pas de schémas a priori philosophiques.

Elles se présentent comme des copies de langues existantes.

Dans la langue a priori de Letellier, une racine choisie arbitrairement pour dénoter la famille reçoit une flexion précisant les rapports divers.

Ces rapports, dans les langues naturelles, s'expriment par des mots différents. Il en va de même dans les langues a posteriori les plus naturalistes comme interlingua.

L'espéranto diffère des langues les plus naturalistes par l'application systématique du principe de formation du féminin : comme dans les langues de Letellier et de Menet (langues a priori) l'idée de mère est dérivée d'une idée antérieure.

I langues a priori : racines artificielles, dérivation schématique, fixité des catégories de mots : langues philosophiques.

II langues a posteriori :

a) langues naturelles, vivantes ou mortes, simplifiées, dites langues minimales.

b) langues mixtes employant des racines artificielles et des racines naturelles.

1° Dérivation schématique (volapük).

2° dérivation mixte (espéranto).

c) langues naturalistes :

1° conservant des vestiges de schématisme.

2° dérivation naturels.

Tendances de l'évolution des langues construites.

L'histoire des langues construites du XVIIe siècle à nos jours et celle de l'apparition de langues a posteriori et de la langue prédominante suivie du recul rapide des langues a priori.

John Wilkins et Comenius partaient d'une critique linguistique du latin pour définir les principes de leurs projets. Ils préférèrent les constructions a priori par intuition linguistique dans leurs analyses du langage.

Pour Comenius, le latin ne profite qu'aux gens instruits. Ses déclinaisons, ses conjugaisons, sa syntaxe et ses irrégularités le rendent inaccessible à la majorité des peuples.

Si Comenius tient à ce que la langue universelle remédie à la confusion des idées, s'il la conçoit, avec Descartes, comme un effort de mise en ordre de l'esprit, il ne perd pas de vue le côté proprement linguistique et il revient sans cesse à ses exigences de facilité, de précision et aussi de beauté.

En 1832, apparaît le premier projet de langue a posteriori créé par l'Allemand Gerber.

Puis viennent le cosmoglossa de Lucien de Rudelle en 1858 et l'universalglot de Pirro en 1868.

Une langue naturaliste ne produit pas nécessairement un effet naturel et ce paradoxe indique bien la difficulté de juger les langues construites selon les critères de la « naturalité». C'est l'exigence du beau qui, en grande partie, a poussé les auteurs des projets conçus depuis le volapük à imiter de plus en plus la nature. Cette tendance s'exprime par la simplification de langues existantes ou par la création de langues de synthèse dont la filiation est immédiatement reconnaissable.

III langues naturelles simplifiées ou langues minimales.

1 - langues mortes simplifiées.

Par réaction contre le volapük, se multiplient les efforts pour simplifier et moderniser le latin.

G. Henderson crée à Londres (1890-1892) la revue Nuntius latinus internationalis ; en 1901, à Paris, Fred Isly publie « Linguum islianum et en 1902 paraît à Vienne le Reform latein de K. Froehlich.

En 1903, G. Peano crée son latino sine flexion qui eut une nombreuse descendance.

Cette faveur dont jouit le latin est un fait capital dans l'histoire des langues construites et montre dans quelle direction les linguistes européens cherchent les critères du beau en matière de langue.

2 - langues vivantes simplifiées.

Des tentatives pour simplifier l'anglais, le français, l'espagnol ou pour créer des langues communes intergermaniques ou interslaves sont liées à la montée des hégémonies, à l'expansion économique et aux mouvements d'indépendance.

Entre 1888 et 1923, aux États-Unis, Elias Molee donne une série de projets de langue panaméricaine fondée sur l'anglais et l'allemand (tutonish 1888, niututonish 1906, all teutonic 1915, toito spike 1923).

Le docteur Baumann crée le wede en 1915 qui est un Allemand simplifié.

L'Espagnol simplifié est le nuove roman de J. Puchner en 1897. La Lingua Franca nuova de S. Bernard en 1888 est de l'italien simplifié.

Peu de projets français retiennent l'intention.

L'anglais simplifié aboutit au panoptic english de Ogden en 1929 et le Basic en 1935 encouragé par le gouvernement anglais.

Tous ces projets échouèrent à l'exception du Basic.

Ces projets mutilaient la langue en la simplifiant au point que ni les étrangers ni les indigènes n'y reconnaissaient plus son génie particulier.

Mais le Basic et ses 850 mots obligent le locuteur à inventer constamment des périphrases qui paralysent l'expression et la compréhension.

Si la langue internationale doit être une langue construite, il faut donc qu'elle puisse se prévaloir à la fois de ses qualités esthétiques aussi authentiques et de ressources expressives aussi variées que les langues naturelles.

IV le volapük.

Le volapük l'oeuvre d'un prêtre badois, Johann Martin Schleyer. Il est apparu en 1880. Schleyer crée d'abord un alphabet universel de 28 caractères.

Le volapük a grammaire régulière mais lourde. La déclinaison connaît le nominatif, le génitif, le datif et l'accusatif.

Le vocabulaire est tiré des langues naturelles mais sous une forme tellement simplifiée qu'on en reconnaît difficilement l'origine.

Le volapük se répandit rapidement dans la bourgeoisie et parmi les intellectuels.

En 1890,25 journaux étaient imprimés dans cette langue, 285 sociétés s'étaient constituées et il existait des manuels en 25 langues.

Une académie vit le jour qui discuta de réformes. L'intransigeance de l'auteur du volapük les fit toutes échouer et provoqua le schisme puis l'émiettement à partir de 1889.

Le volapük est la première interlangue à passer du stade de la théorie à celui de la pratique.

Zamenhof a reconnu en Schleyer le vrai père du mouvement en faveur d'une langue internationale car Schleyer comprit qu'il devait donner une assise sociale à sa langue. Par la presse, les sociétés, l'académie, les conférences, il réussit à toucher une partie de l'opinion publique sensibilisée aux problèmes de la communication internationale.

Mais le volapük devait rester la langue d'une élite cultivée et la propriété d'un seul homme. Schleyer s'opposa à toute modification alors que sa langue devenait l'outil d'une communauté.

Pendant 10 ans, l'évolution du volapük se poursuivit sans Schleyer mais dans le schisme.

Cela provoqua le désordre et la fin du volapük.

V les langues naturalistes.

Après l'abandon des langues purement philosophiques, les interlinguistes, optant pour les langues naturalistes avec des degrés divers de schématisation, s'engagent vers une latinisation qui rejoint l'esthétique des langues minimales dérivées du latin. La plupart des interlangues depuis le début de l'espéranto appartiennent à la famille latine.

En 1887, l'American philosophical society s'intéressa à la langue universelle. Elle estimait que cette langue devait posséder une orthographe phonétique. Cinq voyelles a-e-i-o-u ; des mots écrits en alphabet latin, une grammaire simple, un vocabulaire tiré des langues latines au lexique aisément assimilable.

Julius Lott, créer le Mundo-lingua en 1888 en compilant un lexique de 7000 mots internationaux, la plupart d'origine latine.

On appelle langues naturalistes les langues a posteriori penchant vers la latinisation et l'abandon des principes de fixité et de schématisation telles que l'univocité des lettres, fixité des parties du discours et invariabilité du radical.

VI espéranto et les langues construites.

Les langues universelles ont d'abord et pendant longtemps essayé de réduire le langage à une classification systématique des idées. Des traces importantes de ce schématisme se retrouvent en espéranto. L'histoire des interlangues évolua vite lorsque les linguistes se rendirent compte que le but de la langue est d'être parlée.

Ceci explique le processus de latinisation à l'oeuvre dans l'espéranto.

Si l'espéranto empreinte son lexique aux langues naturelles, il conserve dans la dérivation et la flexion une régularité et un schématisme qui le distinguent de ses successeurs naturalistes.

Chapitre II : les origines de l'espéranto.

I L. L. Zamenhof.

Lazare Louis Zamenhof à 19 ans lorsqu'il élabore son premier projet de langue universelle et 28 lorsqu'il publie sa première brochure de « Langue internationale » sous le pseudonyme de Dr espéranto.

Enfants, ils se familiarisent avec plusieurs langues mais en des circonstances telles qu'il ressent la multiplicité linguistique comme une expérience traumatisante.

Zamenhof naît à Bialystok, le 15 décembre 1859 alors située sur une terre disputée et opprimée (aujourd'hui en Pologne).

À Bialystok, il y avait des Russes, des Polonais, des Allemands et des juifs.

Chacun d'eux parlait une langue à part et entretenait des rapports hostiles avec les autres.

Zamenhof se persuada que cette diversité des langues était la principale source des dissensions au sein de la famille humaine. Zamenhof fut élevé en idéaliste mais la rue lui prouvait que l'humanité n'existait pas.

Enfants, Zamenhof se promit d'éliminer ce mal quand il serait grand.

Chez lui, il utilisait le russe ; les dans la rue, le Polonais. Au lycée, il excellait en allemand et en français, en latin et en grec.

Il  apprit l'hébreu avec son père. C'est parce qu'il était un juif du ghetto qu'il eut l'idée d'unir l'humanité. Il pensait que personne ne pouvait ressentir la nécessité d'une langue humainement neutre et anationale aussi fort qu'un juif obligé de prier Dieu dans une langue morte, recevant son instruction dans la langue d'un peuple le rejetant.

En 1879, Zamenhof quitta le lycée pour étudier la médecine à Moscou et à Varsovie. Il confia à son père son premier essai de langue universelle.

Son père, censeur de la presse juive, savait à quels dangers exposerait la découverte, d'un étudiant juif sans relations, de papiers rédigés en une langue secrète et il détruisit ce premier projet.

À Varsovie, Zamenhof est confronté à l'antisémitisme entretenu dans la masse par le gouvernement tsariste. Il milite dans une organisation sioniste qui se signe pour but le retour à la Terre promise. Pendant ces années de lutte, de travail et de pauvreté, il comprend que la communauté de langue ne suffit pas à détruire les barrières dressées entre les groupes. Il commence à élaborer une religion universelle.

Ce qui caractérisera toujours Zamenhof parmi tous les auteurs d'interlangues, c'est l'expérience directe de la souffrance engendrée par les heurts entre groupes sociaux. La création d'une langue internationale et donc pour lui le premier pas d'une démarche de réconciliation qui on comprend bien d'autres : démarche désintéressée et altruiste, foncièrement idéaliste, au profit non d'une vanité personnelle ni d'un chauvinisme national comme certaines langues minimales, mais en profit de tous ceux qui souffrent effectivement de ne pas comprendre et de rester incompris.

En 1886, Zamenhof se spécialise dans l'ophtalmologie et il exerce en 1887 à Varsovie. En 1887, il se marie et publie la première brochure de « Langue internationale » d'abord en russe, puis en Polonais, en français, en allemand et en anglais.

C'est un opuscule de 40 pages avec une préface de 30 pages.

Dans la préface, il remarque combien de temps et d'argent coûte l'étude d'une langue et quel enrichissement apporterait une langue commune. L'étude d'une langue internationale permettrait d'aborder toutes les autres cultures sur un pied d'égalité. Cette langue permettrait de faciliter les rapports entre les savants et ferait disparaître l'impression d'étrangeté qui sépare les individus de langues différentes.

Zamenhof se fixe trois objectifs : rendre sa langue facile ; la rendre immédiatement utilisables grâce à la logique et à la simplicité de sa structure ; trouver un moyen d'inciter le public à la pratiquer en masse.

Zamenhof inséra dans sa brochure quatre feuillets contenant quatre papillons ou le lecteur promettait d'apprendre la langue proposée par le Dr espéranto. Zamenhof reçut une réponse favorable qu'il publia sous forme d'annuaire.

La « Langue internationale » se répand malgré l'hostilité de la censure. Le premier journal en espéranto parla le 1er septembre 1889 à Nuremberg. Il s'appelle « la Espérantisto ».

En 1888, Zamenhof publie un deuxième livre et un supplément au deuxième livre en 1889.

La langue internationale doit jouer un rôle régénérateur et elle est indissociable d'un humanisme presque mystique. Zamenhof a condensé en son nom même (pseudonyme « espéranto » celui qui espère) assez d'implications idéologiques pour entretenir un enthousiasme idéaliste.

Appauvri par la publication de ces brochures et des malheurs familiaux, Zamenhof se fixe définitivement à Varsovie, au milieu d'un quartier populaire, en 1898.

En 1894, paraît le Dictionnaire universel avec traduction des mots espéranto en cinq langues, puis le recueil d'exercice et en 1903, grâce à un contrat avec Hachette, la Fundamento krestomatio, anthologie des exercices avec des articles, des poèmes et de la prose.

En 1905 est publié Fundamento deux espérantos composés d'un exposé grammatical en 16 règles, du recueil d'exercices et du lexique.

Cet ouvrage fixe le canon de la langue. Le premier congrès universel s'ouvre à Boulogne-sur-Mer en août 1905 avec 668 participants venus de 20 pays. En 1905, Zamenhof reçoit la Légion d'honneur des mains du ministre de l'Instruction publique, Bienvenu-Martin.

D'autres congrès universels ont lieu : en 1906 à Genève, Cambridge en 1907, Dresde en 1908, Barcelone en 1909, Washington en 1910, Anvers en 1911, Cracovie en 1912, Berne en 1913. La première guerre mondiale interrompit ses congrès.

Ils reprirent en 1920 et furent à nouveau arrêtés en 1940.

Ils ont lieu à nouveau depuis 1947.

Zamenhof mourut les 14 avril 1917 usé par le travail.

Dans ses dernières notes, il écrivit : « j'ai senti que, peut-être, la mort n'est pas la disparition… Qu'il existe certaines lois dans la nature… Que quelque chose nous conduit vers un certain but ».

II idéals de Zamenhof.

Son idéal, c'est la réconciliation entre les hommes. Il avait une vision égalitaire de l'humanité. Au premier congrès universel à Boulogne-sur-Mer, Zamenhof déclara que la langue internationale unirait les hommes et réaliserait le rêve des prophètes et des poètes.

L'usage d'une langue artificielle dans les relations internationales à l'avantage de ne pas froisser le nationalisme et de reconnaître l'égalité foncière de toutes les langues naturelles.

Zamenhof avait compris que l'emploi de l'espéranto impliquerait la démocratisation de la culture et de la communication.

Dès 1900, il le déclarait dans un article intitulé « Essence et l'avenir de l'idée de langue internationale ».

Alors que seules les hautes classes de la société peuvent s'approprier les langues naturelles, l'espéranto appartient aux masses par essence.

Seule une langue accessible aux pauvres et aux ignorants peut servir la démocratisation du savoir et de la communication.

Le but d'une langue internationale construite et donc de permettre aux masses de communiquer entre elles sans le truchement des élites.

Pour que l'espéranto soit facile à apprendre, Zamenhof favorise une construction parfaitement logique et régulière et recherche, dans la prononciation et le lexique, l'internationalité maximale tout en évitant la tentation du naturalisme qui ramène à l'irrégularité et à l'arbitraire.

Contrairement à l'auteur du volapük, Zamenhof renonça dès l'origine à ses droits d'inventeur et soumis ses projets de modification à l'ensemble des espérantistes en acceptant leur verdict.

L'espéranto, pour Zamenhof, vise à mobiliser dans l'humanité des tendances idéalistes en vue de la fraternité universelle.

Zamenhof créa l'Hillélisme parallèlement à l'espéranto. C'était un pont moral capable de relier fraternellement tous peuples et toutes religions sans créer de nouveaux dogmes et sans qu'aucun peuple ait besoin de répudier sa religion actuelle.

L'Hillélisme visait à créer une unité religieuse qui embrasserait dans sa paix et réconcilierait toutes les religions existantes. Il publia en russe, en 1901 sous le pseudonyme de Homo Sum la brochure «Hillélisme».

L'Hillélisme été tiré de l'enseignement du rabbin Hillel. Il reposait sur trois principes :

a) reconnaissance de l'existence de Dieu, liberté restant à chacun d'interpréter ce concept à sa guise.

b) amour du prochain un piquant, entre autres, respect de la conscience individuelle.

c) chacun recevant généralement ces croyances de son milieu, et toutes les religions relevant de principes communs, on ne saurait faire grief aux individus de leurs religion particulière ni imputer à celles-ci le mal ou le bien dont ils sont responsables.

L'Hillélisme rencontra peu d'écho et parfois de l'hostilité chez les espérantistes occidentaux. L'Hillélisme prit le nom d'Homaranismo en 1913 avec la publication par Zamenhof d'un livret sous ce titre. Zamenhof préparait un congrès à Paris pour l'été 1914 pour poser le fondement de la « religion à créer ».

La guerre l'en empêcha. Ce projet ne survécut pas à Zamenhof.

III l'espérantisme.

Lorsque Zamenhof arriva à Boulogne-sur-Mer pour le premier congrès universel d'espéranto, les organisateurs locaux craignaient que, dans la France rationaliste et bigote de 1905, encore remuée par l'affaire Dreyfus, le ton de prophète juif excitât l'hostilité.

Ils ramenèrent donc le congrès sur le terrain de la communication pure et simple.

Avec une déclaration sur le sens de l'espérantisme qui dissociait celui-ci de toute idéologie : « l'espérantiste l'effort pour répandre dans le monde entier l'usage d'une langue humaine neutre qui, sans s'immiscer dans les affaires intérieures des peuples sans viser le moins du monde à éliminer les langues nationales existantes, donnerait aux hommes des diverses nations la possibilité de se comprendre ».

La pratique généralisée de l'espéranto aura, plus ou moins long terme, des répercussions importantes sur la vie politique, religieuse et sociale des peuples. Cette fraternisation souhaitée par Zamenhof n'est accessible qu'au bout d'un processus de transformation des institutions et des moeurs.

Les congrès espérantistes sont exemptés de toute discussion politique ou religieuse. La déclaration sur l'espérantisme de 1905 étaient un refus d'engager l'espérantisme sur la voie des idéologies.

Le neutralisme de l'espéranto allait déboucher sur un schisme.

L'espéranto peut-il vivre et se répandre sans une motivation plus profonde que la communication pratique ? La question reste posée de nos jours.

IV l'idée interne.

Au congrès de Boulogne-sur-Mer, Zamenhof souscrivit à la définition de l'espérantisme qui y fut adopté. Il souligna qu'outre son aspect pratique, l'espéranto possédait un aspect idéologique qui était de beaucoup le plus important.

Des voix s'élevèrent pour dire qu'il fallait voir en l'espéranto une langue et rien de plus.

Zamenhof rejeta les exigences de ceux qui refusaient tout idéalisme lié à l'espéranto. Zamenhof affirma dans son discours prononcé à Genève en 1906 que l'idée sacrée, l'idée grandiose, l'idée capitale de l'espéranto était fraternité et justice entre tous les peuples.

L'idée interne est que l'espéranto rapproche les coeurs.

Si la déclaration de Boulogne-sur-Mer sur l'espérantiste et celle de Genève sur sa neutralité servirent à préserver le mouvement espérantiste de l'infiltration des idéologies extérieures, elles ne purent l'empêcher d'affirmer son idéologie propre.

L'idée interne de l'espéranto peut élever l'homme au-dessus de lui-même en mobilisant ses tendances altruistes, en lui fournissant le moyen d'une certaine ascèse et en matérialisant une certaine espérance.

Le discours de Zamenhof au congrès de Cambridge, en 1907, marque que cette espérance est celle d'une humanité libre et fraternelle.

Les congrès espérantistes rassemblent des individus attirés par l'enthousiasme suscité par l'idée interne.

Zamenhof considérait chaque congrès comme la capitale du pays espéranto avec ses propres lois, ses propres moeurs, et ses propres principes.

Zamenhof déclara que la devise de l'idéal espérantiste étaie : nous désirons poser un fondement neutre, sur lequel les divers peuples de l'humanité puissent communiquer dans la paix et la fraternité, sans s'imposer les uns aux autres leurs particularités nationales.

Le drapeau espérantiste fut créé en 1905 par le groupe de Boulogne-sur-Mer. Il est vert et porte une étoile verte dans un carré blanc.

V évolution de l'espérantiste.

L'idéal espérantiste a donné à l'espéranto une dimension affective que les autres projets de langue universelle n'avaient pas.

De la fondation de l'espéranto jusqu'à la première guerre mondiale, l'idéologie de l'espéranto reste influencée par Zamenhof.

Après la mort de Zamenhof, le mouvement entre dans la phase de l'établissement et de l'organisation, au cours de laquelle il repense ses objectifs et définit un ordre de priorité.

La SDN fut créée pour la paix mais ne s'occupait pas du problème linguistique entre les peuples. C'était donc sur l'aspect linguistique qu'il fallait porter la propagande dans l'espoir de démontrer ses avantages pratiques pour la cause de la paix.

Pour des raisons analogues, à la fin de la seconde guerre mondiale, le centre d'intérêt de l'espérantisme continua à se déplacer de l'aspect moral vers l'aspect linguistique.

En 1954, l'Universala Espéranto Asocio établit des relations consultatives avec l'Unesco.

Dans l'espérantisme, il existe une tendance présentant l'espéranto comme dépourvu d'idéologie et susceptible de recevoir une étude scientifique au même titre que les autres langues.

L'espérantologie serait donc l'étude linguistique de l'espéranto.

Cette démarche vise à faire partager l'idéal avec des organismes officiels détenteurs de valeurs intellectuelles et morales pour que ces organismes reconnaissent officiellement l'espéranto.

Les espérantistes de la base sont hostiles à cette démarche parce qu'elle néglige les motivations psychologiques de l'espérantisme.

L'idéal de paix et de fraternité apparaît autre à la conscience individuelle selon qu'il s'exprime par la charte des Nations unies ou par l'espéranto.

Mais de nombreux espérantiste récusent l'attitude de conformisme envers les institutions officielles dont ils contestent le crédit tandis que d'autres voient dans les outrances folkloriques le signe d'une vitalité indispensable au mouvement.

Chapitre III la langue.

I formation et fixation.

1 - le «Fundamento ».

Entre 1878 et 1887 Zamenhof élabora plusieurs projets permettant de voir les grandes lignes du projet final et les concessions au volapük.

Zamenhof ne prétendit pas avoir fixé sa langue en 1887. Il la soumit aux critiques de ses correspondants et des lecteurs de «La espérantiste » pendant les six ans que parut ce journal (1889-1895) avant d'être interdit par la censure tsariste.

Il fonda une ligne des espérantiste et demanda aux membres de choisir entre un espéranto inchangé et un espéranto réformé à la lumière des discussions antérieures. La majorité étant hostile à tout changement.

En 1905, Zamenhof publia le Fundamento deux espérantos qui fixent la langue sous une forme pratiquement identique à celle de 1887. C'est l'ouvrage fondamental des espérantistes.

Nul n'a le droit d'y apporter des changements.

Le but du Fundamento est de protéger la langue contre l'anarchie et l'arbitraire des initiatives individuelles et non d'interdire toute évolution intérieure. Zamenhof acceptait les néologismes mais selon des principes définis. Ces principes resteront intouchables jusqu'au jour où l'espéranto, reconnu officiellement, et la loi lui garantissant la sécurité contre tous caprices personnels, un comité international choisi par les gouvernements aura le droit d'apporter tous changements nécessaires.

2 - les 16 règles.

Les 16 règles du Fundamento constituent un cadre intérieur duquel il y a place pour une description de détail.

Règle 1 : il n'existe qu'un article, l'article défini un variable /A.

Règle 2 : le nom est caractérisé par la finale -O. Le pluriel est en-J. Le COD se marque en ajoutant-N au singulier et au pluriel.

Règle 3 : l'adjectif est caractérisé par la finale-A. Le pluriel est en-J.

Règle 4 : les adjectifs numéraux cardinaux sont invariables. Les dizaines se forment par combinaison des 10 premiers nombres. Les ordinaux s'obtiennent en ajoutant-A aux cardinaux.

Règle 5 : le pronom personnel sont mi,vi,li, ^si, ^gi, si, vi, ili, oni.

Règle 6 : le verbe ne change ni pour les personnes ni pour les nombres,-AS marque le présent de l'indicatif,-IS le passé,-OS le futur,-US le conditionnel,-U l'impératif subjonctif,-I l'infinitif.

Règle 7 : les adverbes dérivés se terminent en-E : bone : bien.

Règle 8 : toutes les prépositions veulent par elles-mêmes à la nomination.

Règle 9 : chaque mot se prononce comme il est écrit.

Régler 10 : l'accent tonique tombe sur l'avant-dernière syllabe.

Règle 11 : les mots composés s'obtiennent par la simple réunion des éléments qui les forment, l'élément principal se mettant à la fin.

Règle 12 : il n'y a qu'une seule négation par phrase négative.

Règle 13 : si le mot marque le lieu où l'on va, il se met à l'accusatif.

Règle 14 : chaque préposition possède un sens précis.

Règle 15 : les mots étrangers passent en espéranto en prenant l'orthographe et la flexion de l'espéranto.

Règle 16 : la finale-A de l'article et la finale-U du nom peuvent s'amuïr.

II les sons.

L'espéranto possède une orthographe proche de la représentation phonologique absolue puisque chaque graphème est mono valant, chaque signe correspond à un seul phonème. Le vocaliste repose sur les cinq voyelles a,e,i,o,u.

Le consonantisme est caractérisé par la série de sourdes s (s), c (ts), ^s (ch), ^c (tch) et de sonores : z (z), ^j (j), ô (dj).

Accentuation.

L'accent est fixe et tombe sur l'avant-dernière syllabe du mot.

III le mot.

Les espérantologues ont distingué pendant longtemps les racines, unités signifiantes constituant le lexique, les affixes unités non lexicales modifiant le sens de la racine, et les désinences ou terminaisons grammaticales.

Zamenhof concevait sa langue comme une combinaison d'unités de base irréductibles parmi lesquelles il n'introduisait aucune hiérarchie.

Les lexemes de l'espéranto sont-à plus de 75 % des langues latines, à 20 % des langues anglo germaniques, le reste comprenant des emprunts au grec, aux langues slaves, à l'hébreu, à l'arabe.

Comparé aux autres langues construites, le lexique fondamental de l'espéranto se compose d'emprunts en proportions assez équilibrées, bien qu'à dominance latine, aux familles indo-européennes.

Les lexemes de l'espéranto se caractérise par le monomorphisme, l'intégrité des emprunts.

Chapitre IV l'expression.

I tendances de l'évolution en espéranto.

Dès l'origine, Zamenhof s'était déclaré prêt à introduire des réformes assez profondes à l'espéranto, mais après la consultation de 1894 et la décisions du congrès de Boulogne sur l'intangibilité du Fundamento il devenait difficile de revenir en arrière. Pourtant en 1907, devant les intrigues qui se préparaient, il simplifia le mécanisme de la langue en abandonnant les consonnes accentuées, le h au profit du k ; l'accusatif ne serait pas obligatoire pour indiquer l'objet direct ; l'adjectif épithète pourrait rester invariable ; quatre affixes et trois prépositions nouvelles étaient proposées.

Le conservatisme des espérantistes provenait en partie du sentiment que leur langue constituait un tout composé d'éléments solidaires, doué de son propre génie et de sa propre personnalité.

Lorsqu'en 1908 les réformistes quittèrent l'espérantisme en créant l'ido par L. Couturat et L. de Beaufort, on peut dire qu'ils exprimaient une intention spécifique incompatible avec le génie de l'espéranto. Les quelque 40 projets dérivés de l'espéranto et de l'ido reflètent la tendance naturaliste et latinisante encline à abandonner le schématisme et à imiter les langues romanes.

À partir de 1908, l'espéranto entra dans une phase d'évolution interne tenant compte de la critique et de la pratique.

Depuis cette date, l'Académie de l'espéranto a pour tâche de conserver les principes fondamentaux de la langue et de contrôler son développement.

II les ressources expressives.

L'application de l'espéranto aux sciences exactes a enrichi le vocabulaire d'une terminologie scientifique.

En 1924, à Paris, 42 membres de l'Académie des sciences, convaincus que l'adoption de la langue auxiliaire espéranto dans les recherches internationales aurait des conséquences d'une immense portée au point de vue du progrès des sciences et de leurs applications, émirent le voeu que cette langue soit introduite dans les programmes des classes de sciences, retenue comme langue officielle dans les congrès internationaux, utilisée dans l'édition et les échanges scientifiques.

L'usage de l'espéranto comme langue littéraire ou artistique soulève des problèmes. Dès le début, les espérantistes se sont préoccupés de l'esthétique du langage.

La grande souplesse de la composition, la variété des combinaisons permettent de parler avec peu de mots.

Mais il s'est constitué un registre de doublets sur lequel il est permis de moduler des nuances.

Si le schématisme trop poussé paraît quelquefois lourd, il obtient souvent une concision et une densité que bien des langues sont obligées de diluer dans des périphrases.

Les possibilités combinatoires de l'espéranto allègent la phrase et peuvent en améliorer le rythme et la sonorité. La structure de l'espéranto favorise le développement des expressions adjectivales composées et l'usage de l'adverbe dérivé dont la densité déjoue les circonvolutions du français. L'espéranto excelle dans la métaphore radicale.

L'espéranto use avec bonheur du rythme, de la rime, de l'allitération et de l'assonance.

L'espéranto offre l'exemple d'un langage universel qui transcende pas vocation le particularisme intraduisible de chaque idiome tout en affirmant les siens, issus de son génie, et capables de constituer une esthétique moins relative et moins étroite que celles des langues naturelles.

Chapitre V la littérature.

L'espéranto ne s'est affirmé comme langue parlée qu'à mesure qu'il se développe comme langue écrite.

Plutôt que d'élaborer une grammaire détaillée, Zamenhof a préféré traduire, sur la base grammaticale du Fundamento, autant de chefs-d'oeuvre qu'il le pouvait. Pour lui, la traduction doit servir à élaborer la langue en la confrontant aux difficultés et aux finesses des langues naturelles.

I les traductions.

On évalue à au moins 10 000 les ouvrages traduits en espéranto. L'espérantiste a donc à sa disposition une sélection tout à fait représentative de la production littéraire de l'humanité. Pour faciliter l'accès au patrimoine littéraire des diverses nations, l'édition espérantiste offre à son public de nombreuses anthologies qui concentrent une foule de renseignements.

L'espéranto peut jouer le rôle de langue pont entre différentes cultures, le texte espéranto de Kon-Tiki a été le point de départ de plusieurs traductions.

II la littérature originale.

Depuis 1945 les floraisons d'écoles suscitant des émules sur les cinq continents attestent que la littérature en espéranto est entrée définitivement dans sa phase créatrice et a cessé d'être un terrain expérimental.

La première période de l'espéranto est constituée de nombreuses traductions de Zamenhof, Grabowski, Kofman. Zamenhof publie la Fundamento krestomatio qui sert de modèle stylistique en espéranto.

Deux tendances se font jour, la tendance slave s'efforce de donner à la langue une large liberté de style et de lui communiquer une grande souplesse. C'est la tendance représentée par le frère de Zamenhof Félix, Grabowski, chimiste polonais, Léo Belmont, journalistes polonais, Deujatnin, professeur de latin et de littérature russe.

L'instituteur russe Shirjaev fut l'initiateur de l'Encyclopédie d'espéranto pour laquelle il compila 2000 articles.

Cette période a vu une floraison de manuels, de dictionnaires et les premiers essais scientifiques sur la langue.

La deuxième période se traduit par une propagande qui insiste moins sur le ressort idéologique du mouvement que sur la possibilité pratique de la langue.

La préoccupation scientifique se généralise chez les théoriciens de l'espéranto. L'espérantologie naîtra avec Grosjean-Maupin et Eugen Wüster.

Sur le plan de la création littéraire l'école de Budapest, groupée autour de la revue Literatura mondo, a rassemblé une dizaine d'artistes qui définissent une province importante de la littérature originale en espéranto.

En France, le chansonnier montmartrois Raymond Schwartz dirige « le Chat vert » puis « les Trois lutins » cabarets espérantistes. Il écrivit un roman en espéranto « Annie et Montmartre ».

Après la seconde guerre mondiale, la continuité est assurée par les écrivains hongrois Ferenc Szlagyi, rédacteur de une à 155 à 1967 d'une revue littéraire Norda prismo ; Sandor Szathmari a écrit un recueil de nouvelles futuristes « le Monde des machines » en 1964.

Quatre poètes écossais occupent une place privilégiée dans la littérature espérantiste : Dinwoodie, Rossetti, J. Islay Francis et William Auld.

Cependant, plongée dans son propre esthétisme, l'Europe n'est plus seule à lancer les initiatives créatrices. Le chinois Xu Shengyue et le Coréen Dan Tirinaro ont marqué ce tournant dans l'histoire des lettres en espéranto qui représente aussi une avancée de l'espérantisme sur la voie de la mondialisation et la fin de la dominance occidentale sur le plan culturel.

Il existe trois types de motivation dans la littérature en espéranto. Pendant la phase militante, axée sur la propagande, l'intention des auteurs paraît de montrer en public que l'espéranto est une langue comme les autres. La deuxième motivation est liée à la phase expérimentale caractérisée par la recherche et le travail sur la langue. Enfin, l'outil élaboré est utilisé au service d'une expression originale et personnelle.

Chapitre VI le mouvement espérantiste.

La Movado (le mouvement) est le nom de la communauté espérantiste. En 1966, une proposition en faveur de l'espéranto déposée par l'Association Universelle d'Espéranto sur le bureau de l'ONU recueillit 920 954 signatures.

En 1988, 1300 scientifiques chinois et une centaine d'étrangers venus de 22 pays ont pris part à la deuxième conférence académique internationale sur les sciences et techniques en espéranto.

I l'organisation.

En 1988, il existait des associations espérantistes dans 169 pays. La plus importante des organisations internationales Universala Espéranto Asocio, dont le siège est à Rotterdam, contre 46 186 adhérents en 1987. Son but est de faciliter les échanges entre les peuples et de créer un lien de solidarité entre ses membres.

La Sennacieca Asocio Tutmonda fondée en 1921 par le Français Eugène Canti est une association à caractère anational qui s'est donné pour tâche de mettre l'espéranto au service des masses laborieuses en vue de leur émancipation.

Il existe des associations internationales spécialisées comme l'Universala artista, Ligo de espérantistoj pour les arts ; Tutmonda espéranta bibliotekista pour les bibliothèques ; Musika espéranto ligo pour la musique ; Filozofia asocio tutmonda pour la philosophie…

II les activités.

Les activités espérantistes sont essentiellement de contact et d'échange.

Les congrès de S.A.T. et de U.E.A. s'accompagnent d'une importante activité culturelle et artistique.

En 1987, la presse espérantiste comptait 200 titres. Sur les ondes, 13 stations dans 12 pays diffusent environ 2000 heures d'émission.

III l'enseignement de l'espéranto.

L'étude de l'espéranto restant facultative, elle se trouve généralement motivée, chez ses adeptes, par une commodité ou un idéal sensiblement au-dessus de la moyenne.

Il existe environ 2200 manuels publiés dans une cinquantaine de langues. La pédagogie de l'espéranto a souvent précédé de quelques décennies celles des autres langues.

Il est prouvé que l'espéranto est la seule langue ou compétence et performance peuvent s'acquérir rapidement. Un français apprend autant d'espéranto en 150 heures que d'anglais en 1500.

IV l'espérantisme et le public.

La finalité de l'espérantisme, répandre l'usage de l'espéranto dans les échanges internationaux, inspire des comportements variables dans un milieu fortement marqué par l'individualisme. Fait paradoxal, ce mouvement en faveur d'une langue universelle n'ambitionne pas réellement de devenir un mouvement de masse.

L'espérantisme a conscience de former une communauté originale, dotée d'une histoire et d'une culture, qui exprime sa solidarité autour d'un drapeau, d'un hymne, de symboles, de rassemblements et de manifestations traditionnelles.

C'est aussi une communauté d'élite, ne serait-ce que par son bilinguisme, mais aussi par sa volonté de compréhension et son habitude du dialogue et de l'échange avec l'étranger.

En 1985, l'Unesco enregistra une résolution invitant les Etats membres à promouvoir l'introduction d'un programme d'études sur les problèmes des langues et sur l'espéranto dans leurs écoles et leurs établissements d'enseignement supérieur.

À l'échelon politique, les grandes puissances actuelles s'obstinent à pratiquer une hégémonie linguistique que le temps déjoue. À l'échelon social, la classe dirigeante prenne plus de langue commune puisse jamais unir la classe dirigée. Mais l'obstacle le plus profond est d'ordre psychologique. Celui qui étudie une langue vivante identifie plus ou moins consciemment au peuple qui le parle. Or cette identification est pratiquement impossible avec les langues construites. Mais l'espéranto est indissolublement lié à incertain idéal de communication. Il symbolise la négation de toutes les divisions et de toutes les incompréhensions ; il matérialise l'aspiration à l'universalité et à la réconciliation. L'espéranto subsistera aussi longtemps que l'humanité rêvera de fraternité et de paix.

Conclusion.

L'espéranto est sorti du milieu intellectuel et social où il est né pour s'implanter dans les couches modestes de la société, et c'est le soutien des classes populaires qui lui a assuré sa survie.

À cause de son nom, l'espéranto s'associe aux espoirs conscients et inconscients de l'humanité.

Mais il ne suffit pas que l'espéranto fonctionne pour qu'il se répand : développement est lié à trop de facteurs psychologiques, sociaux, politiques pour ne pas être perpétuellement freiné et pour pouvoir progresser régulièrement dans tous les pays.

En définissant l'espéranto comme « le latin de la démocratie des temps modernes », les pionniers de l'espérantisme avaient la conviction que, tôt ou tard, les hommes libres auraient besoin d'un langage commun.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Humanisme : le Contrat social
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