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Humanisme : le Contrat social
14 avril 2019

Le jeu d'Hermès, psychanalyse et franc-maçonnerie (Daniel Bersniak).

 

hermes

 

Les francs-maçons parlent d'initiation et les psychanalystes parlent d'analyse. Les uns et les autres partagent la même opinion sur le bien-être : être bien, c'est pouvoir agir au lieu de réagir, devenir libre. Ils partagent la même opinion sur le mal-être : il est l'effet d'un passage obligé sur le lit de Procuste (personnage imaginé par les Grecs qui attaquent les voyageurs et les contraints à se coucher sur un lit).

Les psychanalystes et les francs-maçons estiment qu'une bonne connaissance de soi permet de se libérer de la répétition et de devenir l'artiste de son propre destin sans nuire à autrui. Ils estiment que la connaissance de soi s'acquiert au cours d'un voyage intérieur. Ils aspirent à la lumière et, pour voir clair, mettent en oeuvre la parole.

I reproduire et produire, naître et renaître.

-Du commencement à l'apprentissage, analyse et initiation.

Les penseurs le disent depuis Platon : c'est la souffrance d'un manque qui met en marche le désir. Le plaisir est l'effet de l'accomplissement du désir.

C'est dans l'enfance que l'on apprend à écouter et à obéir. On apprend qu'il y a un « mais » et qu'il y a un « si ». L'enfant découvre avec ses parents qu'il peut prévoir, proposer et négocier. À l'école, l'enfant découvre le monde et l'histoire. L'école est parfois dure. Il y a des professeurs agréables à entendre et on a envie de bien travailler pour leur faire plaisir.

Mais, il y en a d'autres qui sont insupportables et c'est toujours ceux-là qui notent mal, disent du mal, méprisent ouvertement, sans se gêner.

Et il y a les copains avec lesquels on joue et discute. Il y a les ennemis avec qui on se bat.

L'enfant grandit et ses parents ne lui racontent d'histoires de fées. À la place, ils lui racontent leur vie et celle de leurs parents. Leurs aventures sont moins spectaculaires que celles des héros qu'on voit dans les livres mais elles méritent le respect et l'admiration parce qu'elles ne sont jamais ternies par de mauvaises actions.

À l'école et à la maison, l'enfant apprend qu'il doit se battre pour être le premier en classe, relever des défis, gagner des matchs. S'il devient un perdant, il sera méprisé, relégué en bas de l'échelle sociale, condamné à être pauvre. Mais on lui dit quand même que les pauvres sont des hommes comme nous, qu'il faut respecter et même aimer.

Ils sont des inférieurs, mais à part ça, ils sont comme tout le monde. Il faut que l'enfant jongle avec ces vérités qui s'entrechoquent.

Il ne faut pas commettre d'impair et adapter le discours à l'interlocuteur.

L'enfant découvre la religion. Il sait qu'il est mortel. Il sait qu'il doit décorer la vérité ou la taire. Encore bien plus s'il veut être un gagneur, un dominant.

S'adapter au milieu et agir sur le milieu sont les actes qui mettent en route l'histoire. Échanger et transmettre des informations sont les actes qui fondent le savoir.

L'instinct, le sentiment, l'observation et l'expérience développent l'imagination et le raisonnement.

Et puis la raison, la parole qui rend compte de la réalité (le logos des Grecs) se développe, cherche ses repères et ses limites en contestant l'imaginaire, ses dieux et ses démons.

Le mariage entre l'imaginaire et la raison engendre des créations des philosophes, les arts et les sciences.

L'évolution est le passage du simple au complexe. Qui s'initie change et apprend à regarder la réalité autrement, à être mieux dans la réalité, à penser autrement sa fonction dans son milieu et dans la cité. L'analyse est une initiation. La franc-maçonnerie est une initiation. Mais aucune n'a la panacée.

Aucune n'aboutit à un résultat à coup sûr. Toutes peuvent aussi faire du mal. Mais si nous disposions de la panacée alors l'histoire s'arrêterait, l'imprévisible serait aboli. Ce serait le présent perpétuel, la société sans classes, le paradis sur terre, le temple achevé. Les utopies sont indispensables pour rêver. Il faut les respecter et reconnaître qu'elles sont impossibles.

Le juste milieu, c'est l'harmonie.

« Harmonie » est la fille du dieu de la guerre Arès et de la déesse de l'amour Aphrodite. Les mythes sont des mensonges qui disent la vérité.

Chacun imagine le monde comme un grand théâtre sur la scène duquel un rôle gratifiant lui serait réservé. Ce rôle, toujours écrit par d'autres, chacun le choisit dans les grands magasins du prêt-à-penser afin d'être admis dans le cercle qu'il aime et en mériter de la considération. Il nous faut vivre l'aventure d'une nouvelle naissance, mourir et renaître, admettre que nous sommes parlés par d'autres et consentir à tout réexaminer afin de parler nous-mêmes, de produire du sens ou bien d'en reproduire.

-Franc-maçonnerie et psychanalyse. Les métaux et les résistances.

« Connais-toi toi-même et tu connaîtras le monde et les dieux ». Cette sentence aurait été gravée sur le fronton du temple de Delphes. Socrate aurait prononcé ces paroles. Elles sont souvent rappelées chez les francs-maçons. Elles disent que la connaissance objective passe nécessairement par la connaissance subjective.

Ce que je dis de la réalité dit aussi ce que j'éprouve dans la réalité. Alors, si je veux aller plus loin, il me faut examiner pourquoi et comment je crois agir alors que je ne fais que réagir.

Le franc-maçon désire devenir un homme libre à même d'agir au lieu de réagir. L'analysant consulte parce qu'il admet qu'il reproduit les mêmes situations pénibles.

En analyse, il découvre que la répétition n'est pas inéluctable. La demande du franc-maçon est identique. Franc-maçonnerie et psychanalyse partagent le même lait : aider l'homme à devenir libre. Ces deux démarches s'adressent à des personnes qui demandent à travailler. Les candidats sont libres. Ils commencent un travail qu'ils peuvent abandonner quand ils veulent.

Le but est commun : construire sa liberté. Le but est proposé et jamais imposé. Francs-maçons et psychanalystes reconnaissent la puissance créatrice de la parole. Ce qui crée le désir de s'arrêter et de ne pas reprendre le travail sur soi est nommé par les psychanalystes « les résistances » et par les francs-maçons « les métaux ». Pour Freud, l'analyse consistait à traquer les idées reçues.

Au cours de l'initiation, le candidat franc-maçon est invité à laisser ses métaux à la porte du temple. Les métaux sont les clés, l'argent mais aussi les tics mentaux, les réflexes conditionnés, les idées reçues. Les résistances et les métaux manifestent la peur de s'écarter du chemin tracé par d'autres et de prendre le risque d'oser produire du sens au lieu d'en reproduire.

Les métaux-résistances sont réactivés par des institutions hiérarchisées (Eglise, parti, obédience, école). Qui n'a pas travaillé sur lui-même a besoin de nourrir l'estime de soi du mépris d'un autre nommé, repérer et reconnaissable, de se blottir parmi les siens, là où il fait chaud et où tout est clair, de se distinguer de la multitude en se conformant aux règles d'un groupe, en ajustant son comportement à celui d'une meute qui serait destinée à régner sur les autres.

-Psychanalyse et franc-maçonnerie-des voies qui se rejoignent.

L'analysant et le franc-maçon travaillent autrement. Tous deux reconnaissent le pouvoir créateur de la parole, mais le premier est seul face à un écoutant et le second participe à la vie d'un groupe. L'analysant achète un moment dans un espace où il n'est pas jugé. Le cabinet du psychanalyste est le seul lieu dans la cité où l'on peut parler sans avoir à se justifier, à convaincre, à plaire.

On apprend à se servir de la parole pour survivre. Il faut partager les idées et la représentation du monde des personnes dont on a besoin et dont on cherche la considération. Il faut se faire remarquer par le pouvoir d'imiter un modèle. Il faut apprendre des rôles qui suivent des modes et ces modes sont mises à jour. Comme on ne parvient jamais parfaitement à être attentif à ce qui se dit, on culpabilise alors on répète les mêmes scènes. Pour se libérer de la répétition, on commence une analyse.

Le franc-maçon ne cherche pas forcément à comprendre ses problèmes pour les résoudre. Il cherche l'approbation et la reconnaissance. Le franc-maçon veut élargir le cercle de ses relations et participer à la vie de la cité, construire une société plus juste et plus éclairée dans un milieu où l'on associe la réflexion à l'action.

Il trouve une écoute plus attentive et plus bienveillante que celle de sa famille et de ses collègues. Mais il n'est pas « tenu ». Il sait qu'il peut démissionner.

L'analysant aussi n'est pas tenu. Il peut interrompre l'analyse ou changer d'analyste.

L'analysant attend un mieux-être grâce à un éclaircissement de son comportement. L'analyse commence par une plainte. Ce qui n'est pas le cas de la vie maçonnique.

Le franc-maçon attend le plaisir de partager. Il prend connaissance d'un enseignement relevant d'une tradition. Le savoir traditionnel invite à voyager, à chercher, à expérimenter.

La psychanalyse a recours aux mythes. Le franc-maçon est invité à voyager en lui-même grâce à des outils. Les analysants et les francs-maçons savent qu'ils doivent produire l'effort de pensée et de chercher des réponses qui ne sont pas données par des maîtres à penser.

Ainsi, après avoir examiné les modèles, les mythes et les contes, ils dissolvent les préjugés qui les habitent et sont moins manipulables.

L'analyse et la franc-maçonnerie libèrent de la tentation de se griser de l'illusion d'appartenir à un groupe d'élus et de marcher au pas. C'est la raison pour laquelle les idéologies totalitaires condamnent la psychanalyse et la franc-maçonnerie. Là où le pouvoir fonde sa légitimité sur des propositions érigées en dogmes, les psychanalystes et les francs-maçons sont persécutés.

Les psychanalystes et les francs-maçons ont une tournure d'esprit qui les prémunit contre la tentation de s'installer dans une doctrine. Les doctrines conviennent à des hommes qui, pour tenir debout, ont besoin de croire en la panacée.

L'expérience de la psychanalyse et aussi celle de la franc-maçonnerie éclairent le pourquoi et le comment du fonctionnement des doctrinaires.

Ce qu'on reproche aux psychanalystes et aux francs-maçons est aussi ce qu'on peut reprocher à tous les groupes qui se forment autour d'un projet de mieux-être. Pour les psychanalystes et les francs-maçons, la lumière ne vient pas de la hiérarchie, mais d'eux-mêmes, à mesure qu'ils travaillent.

II expérimenter l'échange de la parole.

-Une réunion prometteuse : les états généraux de la psychanalyse.

Du 8 au 11 juillet 2000, environ 10 000 personnes (psychanalystes venant de 34 pays, psychiatres, psychologues, philosophes, travailleurs sociaux et artistes) se réunir à la Sorbonne pour faire le point.

Dans l'histoire de France, toujours convoqués par le roi, les états généraux proposaient mais ne décidaient rien.

Le souverain attendait d’eux un soutien et la certitude que l'opinion lui était favorable. Mais en 1789, les députés transformèrent les états généraux en assemblée constituante et créèrent la République. C'est de ces états généraux que se réclament les psychanalystes. Ils estiment qu'il convient d'imaginer et d'expérimenter des moyens de transmettre le savoir et de qualifier des praticiens sans reproduire le principe d'autorité. Les états généraux ont été organisés par les psychanalystes de 34 pays indépendamment de l'Association psychanalytique internationale qui a été hostile à cette réunion.

Si les états généraux de 1789 changèrent radicalement les institutions, ils ne transformèrent pas les hommes. Le citoyen responsable est encore à former.

Au cours des états généraux de la psychanalyse, Jacques Derrida fit un exposé sur la cruauté. Il souhaitait qu'il y ait un cahier de doléances pour les psychanalystes.

Au cours de ces états généraux, était arrivé ce qui paraissait impossible, la mise en cause du principe de pouvoir souverain qui se maintient dans la psychanalyse comme dans la démocratie et empêche l'analyse de la souffrance tenant à cet héritage.

-L'esprit du dissecteur.

La connaissance du corps humain est le fruit du travail des dissecteurs au cours du Moyen Âge. Sans eux, les progrès de la médecine n'auraient pas eu lieu. Les dissecteurs voulaient vérifier ce qui leur était enseigné et observer pour mieux comprendre. Au Moyen Âge, la faculté de médecine de Paris était hostile à toute innovation et soumise aux règles de la scolastique, ou dogmatisme d'un enseignement purement livresque qui se prétendait « traditionnel ».

Toutes modifications paraissaient aux clercs attentatoires à un ordre des choses figé dans un présent éternel. Les chirurgiens étaient méprisés par les docteurs de la faculté. La chirurgie fut reconnue grâce à Guy de Chauliac qui dressa un tableau exact de la peste noire de 1348 qui tua la moitié de la population européenne.

Son traité, connu sous le nom de «Guidon », restera entre les mains des étudiants jusqu'au XVIIIe siècle. En 1396, les chirurgiens purent quitter la corporation des barbiers, créer un enseignement en latin et prendre rang parmi les médecins. Guy de Chauliac, issu d'une famille paysanne, était entré dans l'Eglise pour accéder au savoir et à un statut social élevé.

Les dissecteurs n'eurent pas peur de déplaire et émirent une opinion utile. Freud avait l'esprit des dissecteurs. Étudiant à la Salpêtrière, il eut le courage de dire que les troubles du comportement (l'hystérie, la folie) pourraient ne pas être l'effet d'une lésion organique. Cette opinion était jugée irrecevable par les voix autorisées. Plus tard, Freud explora la sexualité infantile. Il fut lui-même choqué… Mais quand même !

Le « mais quand même ! » est l'appel de la vie. C'est par lui que l'analysé et l'initié avancent sur leur chemin. Ignac Semmelweis était étudiant en droit au XIXe siècle. Il apprit que les femmes qui venaient d'accoucher mouraient souvent de fièvre puerpérale. Il suggéra que les gynécologues se lavent les mains avant d'opérer. Il eut quelques ennuis et cela décida de sa vocation.

Il devint médecin et établit les règles de l'hygiène médico-chirurgicale.

Qui veut progresser transgresse.

-L'esprit de la géométrie et de la franc-maçonnerie.

La plus ancienne définition de la franc-maçonnerie figure dans les manuscrit Regius et Cooke, datés respectivement de 1390 et de 1425. La maçonnerie est associée à la géométrie, dans le contexte de l'énumération des sept sciences libérales selon la représentation scolastique : 1-la grammaire ; 2-la rhétorique ; 3-la logiques ; 4-l'arithmétique ; 5-la géométrie ; 6-la musique ; 7-l'astronomie.

Il est écrit : « la géométrie enseigne à l'homme à mesurer la terre et toutes les autres choses ». « Laquelle science est appelée maçonnerie » dit le texte original anglais. Il est écrit aussi que toutes les sciences sont contenues dans la géométrie parce qu'elle enseigne à mesurer la pondération et le poids de toutes choses et que ni la grammaire, ni la logique, ni aucune des sciences ne peut subsister sans la géométrie.

La géométrie est bien plus que l'art de tracer des figures. Elle est une manière d'être.

La géométrie est un savoir rétif au principe d'autorité. L'esprit de géométrie dissout le principe d'autorité et reconnaît chaque personne comme qualifiée pour produire du sens au lieu d'en reproduire. À mesure qu'il se sert de ses outils, l'individu devient une personne dont l'identité ne se réduit pas à appartenance familiale, ethnique ou religieuse. Il s'agit bien là d'un style de vie, d'une éthique, d'une méthode. Les géomètres savent résister à la pression des conformismes.

La sociabilité qu'ils établissent est fondée sur la recherche de l'union dans la diversité.

-La colombe et la vérité du père.

Jonas est la colombe qui intervient dans le récit biblique de l'arche de Noé. Il porte le rameau d'olivier, symbole de paix.

En Grèce, la colombe déterminait les présages favorables. Elle représentait Eros, la vie.

Dans la Bible, Jonas est associé à l'olivier pour annoncer la fin du déluge.

III le voyage initiatique et l'excursion organisée.

-Être autrement ou bien être un autre.

Les rites initiatiques sont à relier à un ordre social à conserver. La société qui se définit comme « traditionnelle » réduit l'identité à l'appartenance. Ce groupe occupe un espace limité.

L'identité du groupe est construite par une représentation des origines et du passé. Le groupe se voit comme un corps. Les membres du groupe se voient comme les membres d'un corps vivant. Chacun se situe dans un organe qui participe au fonctionnement du corps en remplissant une fonction particulière. Le corps social se structure en distinguant des catégories associées à des fonctions. Les rites ont une fonction essentielle : installer le membre du groupe dans une catégorie et une fonction. Les rites évoluent avec les croyances. L'enfant mâle est reconnu comme un adulte grâce à une cérémonie de passage qui, dans les sociétés traditionnelles, est une épreuve physique qui met en évidence les qualités d'un homme : le courage, la résistance à la douleur notamment.

Les mythes mettent en scène des personnages qui vivent en chacun de nous. Ils incarnent des désirs qui nous habitent et, pour cette raison, ils rendent compte du devenir. Ils veulent aussi expliquer le présent. Les traditions se nourrissent aussi de ce qui les dérange. L'invention d'outils nouveaux, une parole nouvelle s'intègrent dans une tradition par une autre histoire des origines qui s'ajoutent aux anciennes sans les anéantir. Nous savons bien, aujourd'hui, que nous n'habitons pas le centre du monde, que nous sommes une espèce animale, que nous ne nous maîtrisons pas nous-mêmes. Ce sont les trois blessures narcissiques relevées par Freud :

les francs-maçons aiment bien les mythes et les légendes. Ils composent des rites pour revivre de vieilles histoires et jouer des rôles de personnages historiques et légendaires. Ils font cela pour « réunir ce qui est épars », afin de mieux comprendre et de vivre mieux.

L'initiation est à relier à un ordre social à conserver. Le corps social demande à être relié au monde visible et invisible. Il demande l'explication de ses origines. L'initiation et ses rites de passage manifestent la demande d'un mieux-être.

Les mythes, les légendes, les comptes racontent origines de la souffrance exposent des moyens d'obtenir du bien-être, les conditions à remplir pour vivre le bonheur.

Initiation signifie apprentissage, d'où les rites de passage. Cet apprentissage est celui du bonheur. L'initiation est l'apprentissage de la vie.

-Le thème de la quête du Graal.

Tous les récits racontent une quête. Des personnages cherchent à combler un manque.

Dans les légendes, le héros cherche un objet qui représente tout ce que l'on peut souhaiter : le Graal, la Toison d'or, le secret, la révélation, la communion avec Dieu. Et modalités du voyage peuvent être la guerre, la poursuite, le combat avec une bête, ou encore la méditation. La quête de l'objet est celle de la connaissance et du pouvoir qu'elle procure. La quête est celle de la puissance. Le héros va réparer l'injustice subie par d'autres, sauver des enfants sacrifiés au Minotaure, réveiller la princesse endormie, rendre leurs biens à des spoliés, rétablir un ordre juste.

Chrétien de Troyes a popularisé la quête du Graal en 1180 avec « Perceval ou conte du Graal ». Le Graal apparaît mystérieusement à la Table ronde ; tous jurent qu'ils n'auront pas de repos que ne soit découvert le Graal. Les personnages sont des saints ou des pécheurs.

Dans le récit se développe une interprétation qui a pour objet d'éliminer les pécheurs et de reconnaître les héros vainqueurs. Le Graal a été conservé par Joseph d'Arismathie, le disciple secret du Christ et a été transporté en Bretagne. Le prophète Merlin en connaît l'histoire : il fait construire la Table ronde à l'image de celle sur laquelle a été célébré le Graal. Le héros principal est Lancelot. Lancelot devient amoureux de Guenièvre. Cet amour interdit le souille et il cède la place à son fils Galaad qui est pur et sans tache.

Dans les textes du XIIIe siècle sur le Graal, il s'agit de sauver, de retrouver pour l'installer, le message chrétien dont le Graal et sa lance sont les symboles et les témoins. Les récits sur le Graal intègrent des vieilles légendes dans une représentation chrétienne du monde. Il s'agit de donner à des récits traditionnels qui procurent à tous des repères, un sens chrétien. Le christianisme reprend à son compte les cultures des peuples et les habille à sa manière.

-Le voyage et le Tour, l'initiation artisanale, la franchise et le projet de réunir ce qui est épars.

Au Moyen Âge, les bâtisseurs voyageaient beaucoup. Chez les compagnons et chez les francs-maçons le voyage est associé à l'apprentissage du métier. Les sociétés compagnonniques pratiquent encore le Tour de France, au cours duquel l'ouvrier se déplace et travaille sur des chantiers divers.

Dans la franc-maçonnerie, le deuxième grade (après apprenti) est celui de compagnon. Le compagnon est invité à visiter d'autres loges, à quitter la loge « mère » (celle où il a été initié) le temps du voyage. La tradition compagnonnique désignait la « mère » la dame qui reçoit les voyageurs, leur assure le gîte et le couvert, veille à leur bien-être.

Des légendes compagnonniques font remonter le compagnonnage à la création du monde.

Le Regius et le Cooke font remonter la franc-maçonnerie à l'origine des temps telle qu'elle est présentée dans la Bible.

D'autres légendes compagnonniques et maçonniques associent les origines des métiers à la construction du temple de Salomon. Ces légendes disent que la tradition du métier est antérieure au christianisme.

Les francs-maçons datent en ajoutant 4000 ans à l'ère chrétienne. Aujourd'hui, les francs-maçons situent l'origine de leur institution à une période qui s'étend de la seconde moitié du XVIIe siècle à 1717.

En 1717,4 loges ont fondé à Londres à la Grande Loge d'Angleterre. Cette première obédience entérine le passage de la franc-maçonnerie opérative à la franc-maçonnerie spéculative. Les premiers francs-maçons spéculatifs étaient membres de la Royal Society et avaient intégré des legs opératifs. La charte de la Royal Society comme les constitutions d'Anderson (manifeste fondateur de la franc-maçonnerie) établissent que nul n'est qualifié ou disqualifié à cause de son appartenance religieuse ou nationale.

L'altérité cesse d'être diabolisée.

La rencontre n'est pas à craindre mais à souhaiter. Les maçons spéculatifs honorent l'artisan qui fabrique en travaillant une matière première. L'oeuvre est le fruit de la transformation d'une matière. La matière première sur laquelle travaillent les francs-maçons spéculatifs est la parole.

Une idée est le fruit du travail au cours desquelles s'échange de la parole. L'artisan, devenu spéculatif, conserve et cultive sa manière pour travailler sa matière.

Les compagnons et les francs-maçons ne vont pas n'importent où. Ils vont là où ils sont attendus. L'autre à rencontrer est un membre de la corporation, un semblable.

Ils seront surpris par les différences de paysage, de méthodes, de caractères, mais le voyage parmi ces différences leur apprendra ce qui réunit, le projet, l'oeuvre à faire, de ce qui distingue, les caractères, les apparences, les parlers. Le voyage améliorera leur savoir-faire et leur savoir-être. Mais les rencontres entre semblables confortent des préjugés, des tics mentaux, atrophient les facultés d'écoute et du regard au point d'être hostile et méprisant à l'égard de ce qui n'est pas familier.

Traquer les idées reçues ou laisser ses métaux à la porte du temple consiste à s'arracher à son milieu familier et s'enrichir de la rencontre avec ce qui est étrange. Le voyage initiatique est celui qui conduit à la rencontre de soi.

-Le voyage au centre de la terre. L'introspection. L'examen du surmoi.

Le voyage au centre de la terre symbolise l'introspection. L'histoire de chacun est à relier à l'histoire du vivant. Le « moi » est enraciné dans le « ça », le lieu des pulsions originelles.

Le « ça » est la terre qui nourrit la parole, nos idées, nos dieux.

Le cabinet de réflexion du candidat franc-maçon comporte l'inscription vitriol qui signifie « visite l'intérieur de la terre, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée ».

La visite est nécessaire mais insuffisante.

Il faut aussi rectifier le regard, c'est-à-dire admettre que les premières impressions ne rendent pas compte de la réalité.

Le surmoi désigne la structure située dans l'inconscient. Cette structure est édifiée par les premières expériences dans le milieu familial. Le surmoi fonctionne comme un genre de conscience. Il critique les actions et les pensées du Moi, causant des sentiments de culpabilité et d'angoisse quand le Moi tente de satisfaire ses pulsions primitives.

Le cabinet de réflexion est nommé « épreuve de la terre ». Regarder soi-même, c'est regarder comment soi-même s'installe dans une représentation du monde pour y être aussi à l'aise que possible. Nous constatons que l'image de la terre est associée à celle de la mère.

Elle est féconde, elle nourrit, elle procure l'abri. Le mot vitriol du cabinet de réflexion relie l'introspection au savoir alchimique. La finalité de ce savoir est de rendre compte de la métamorphose.

Le franc-maçon est invité à l'introspection et, en même temps, il est invité à explorer le symbolisme. Ces deux démarches sont à relier si l'on veut voir plus claire et se libérer des mensonges conventionnels et des idées reçues. Le symbolisme est le discours de l'imaginaire.

Le symbolisme permet de débusquer la part de subjectivité qui se manifeste dans tout discours qui prétend n'être qu'objectif. L'étude du symbolisme éclaire la raison des mythes, des dieux et des héros et par conséquent des modèles surmoïques qu'on a laissé s'installer en soi pour obtenir l'amour et la reconnaissance des siens.

-Le voyage au centre de la terre raconté par Jules Verne.

Jules Verne raconte l'histoire d'Otto Livenbrock, professeur de minéralogie à Hambourg qui arrache son neveu Axel à une vie douillette et sans histoire et l'intéresse au projet de visiter le centre de la terre.

Des indications sont procurées par le message qu'un alchimiste des temps passés à laisser sur un parchemin. Une fois le message décodé ; il est encore sibyllin. La voie qui mène au centre de la terre est un volcan éteint en Islande. Axel, Otto et leur guide Hans descendent dans les profondeurs. Là vivent encore des bêtes qui, à la surface de la terre, n'existent plus. Les trois explorateurs construisent un petit bateau pour traverser un lac. Deux monstres préhistoriques surgissent de l'eau et se battent.

Les monstres les ignorent mais font des vagues dangereuses. La rage de survie développe les facultés de résistance et les trois voyageurs dépassent leurs limites familières.

- La comédie de Dante Alighieri et certains « vers nouveaux ».

Le « deux style nouveau ».

Vers l'an 1300, Dante, citoyen de la République de Florence, rédige le récit d'un voyage en enfer, au purgatoire et au paradis.

Ce texte, il le nomme Commedia. Le purgatoire était alors une idée neuve. L'Eglise l’avait inventé vers 1230-1260. Ainsi, l'Eglise arrachait une partie des pécheurs à la désespérance.

De plus, le pape avait le pouvoir de réduire la peine du purgatoire alors qu'il ne pouvait rien pour les pécheurs condamnés à l'enfer. Le purgatoire était une source de profit pour l'Eglise. Elle vendait des indulgences. Les croyants payaient pour effacer des péchés commis ou à commettre.

Dans la Commedia, Dante prend Virgile pour guide et parcourt l'enfer, le purgatoire et le paradis avec lui. Le voyageur s'éprouve au cours des rencontres, et apprend à relier et à mesurer.

Il construit un regard neuf. Dans le 30e chant du paradis, Dante écrit : « comme le géomètre qui s'applique pour mesurer le cercle et ne retrouve pas ; en pensant, le principe d'où il vient ; tel j'étais, moi, à cette nouvelle vue ; je voulais voir comment s'adapte l'image au cercle, et comment elle y repose. Mais point n'auraient suffi mes propres ailes, si mon esprit n'avait été frappé d'un éclair où s'accomplit mon envie, ici faibli toute fantaisie ; mais déjà mon désir devenait un vouloir, comme une roue également est mue ; l'amour qui meut le soleil et les autres étoiles ».

L'amour comme principe de mouvement est un discours nouveau à l'époque de Dante.

Cette curiosité ouverte à tout ce qui se fait permettra au XVe siècle la création de l'Académie platonicienne de Florence, un monastère laïque où les chercheurs et les artistes échangent leurs éclairages.

-Le nouveau style à revivifier.

Le nouveau style est le fruit du voyage.

Il est à revivifier à chaque génération.

L'Académie platonicienne de Florence, la Société Royale de Londres, la franc-maçonnerie s'inscrivent dans ce style. Malheureusement, elles deviennent des institutions hiérarchisées. Beaucoup de francs-maçons rêvent d'une abbaye de Thélème où le « fay ce que vouldras» libère de la justification et autorise l'échange de la parole vraie. Ils parviennent à vivre et à échanger lorsqu'ils sont eux-mêmes libérés au cours d'un voyage au centre de la terre.

La psychanalyse apporte un éclairage sur la réalité tout à fait approprié à une invitation au voyage. Depuis la découverte de l'inconscient, nous savons que nous ne sommes pas les maîtres de nous-mêmes. La « théorie » explique le pourquoi et le comment.

Mais pour être recevable, cette théorie doit être mortelle. Ceux qui attendent toutes les solutions à leurs problèmes d'une théorie ne peuvent échanger de la parole qu'avec des croyants.

La conversation est profitable quand les participants ne cherchent pas à convaincre, ni à se justifier, ni à briller, mais partagent la demande de voir plus clair et le plaisir d'être là. L'autodérision est profitable.

Elle permet de repérer les résistances du surmoi qui veut garder son trône. Dans une loge maçonnique, des personnes de milieux différents partagent une demande d'aller plus loin. Ils s'intéressent à toutes les modalités du savoir, aux problèmes de société. Ils explorent les mythes et les symboles.

Ils savent que les idées surgissent dans la conscience pour procurer de la légitimité à un désir. Dans le temple, ils apprennent qu'en réalité nous disons qu'une idée est bonne parce qu'on la choisit. Dans le temple, on s'interroge sur la névrose collective, sur les mensonges conventionnels, sur les comportements qui maintiennent la barbarie en état.

IV idées reçues, métaux, cruauté, mensonges conventionnels.

-Plus jamais ça. Et cela dure.

Plus jamais ça ! C'est ce que nous proclamions au lendemain de la seconde guerre mondiale. Et cela continu. La haine et le mépris d'un autre repéré et nommé partout au pouvoir des malades qui jouissent d'être adorés et craints.

Il s'agit bien d'une épidémie de peste émotionnelle bien plus mortelle encore que les épidémies de peste au Moyen Âge.

En ce temps-là, le pape excommuniait la peste pour la combattre, les croyants communiaient, se repentait et tuaient des juifs (ils les accusaient d'empoisonner les puits) des sorciers et des hérétiques. Les croyants expliquaient l'épidémie comme un châtiment divin.

Le châtiment divin est aujourd'hui encore une explication à la mode chez les religieux intégristes, notamment pour le sida. Mais des personnes cultivées se réclamant de l'humanisme se comportent aussi comme les croyants d'autrefois.

Ils excommunient le fascisme, le sectarisme plutôt que d'examiner les causes du mal.

Examiner les causes du mal est l'affaire des dissecteurs mais ceux-là sont des marginaux et dérangent. Au lieu de maudire les malades, ils veulent les comprendre sans excuser ni approuver.

Ceux qui arrivent à adorer un criminel, à hurler à la mort contre le bouc émissaire souffrent eux-mêmes d'être des exclus. L'examen des causes de la frustration conduit à critiquer la société, la compétition, l'économie de marché. Mais l'éducation, le conformisme, les idées reçues sur les valeurs, les modèles surmoïques hérités sont aussi à examiner attentivement. Mais les responsables politiques de nos démocraties civilisées préfèrent ne pas examiner la pathogénéité du milieu dans lequel ils sont des notables. La raison d'État et les jeux du commerce les contraignent à la discrétion et au mensonge.

Condamner les dictatures qui violent les droits de l'homme est suffisant pour le public.

Cela rassure les bien-pensants démocratiques.

Mais nos dirigeants commercent avec des tyrans dont ils condamnent le régime, ils vendent des armes à des bourreaux parce qu'ils sont généralement plus solvable que leurs victimes. Les relations humaines s'organisent selon une loi non reconnue mais universelle : la légitimité d'une demande est pesée à l'aune de la capacité de nuire de qui la profère. Ainsi, quand les plus faibles, les plus pauvres, obtiennent une amélioration des conditions de vie, c'est parce qu'ils se sont organisés et sont devenus ainsi assez forts pour exercer une pression.

La résistance à la recherche de la vérité est en chacun de nous. Nous diabolisons le maître et nous diabolisons l'esclave sans voir que le maître est le modèle envié de l'esclave. Avant de devenir un homme libre, l'esclave a des comptes à régler.

Il est aliéné par le désir de jouer, à son tour, le rôle du maître.

Les pires maîtres sont très souvent des anciens dominés qui ont été humiliés.

-La peste émotionnelle-Modju.

Modju est un terme créé par Wilhelm Reich, psychanalyste et penseur politique pour désigner la maladie psychique qui atteint souvent des frustrés. Il voit cette maladie comme un personnage qui nous habite, un modèle surmoïque.

Modju vient de Mocenigo (l'inquisiteur qui persécuta Giordano Bruno et le fit brûler vif), Djugachvili le vrai nom de Staline.

Modju est un concentré de ces deux personnages. Modju est contrarié par sa puissance qu'il trouve insuffisante.

Il s'éprouve même comme impuissant. Pour ne pas mourir, il doit tuer. Il veut être un héros admiré, craint et envié. C'est le rêve des « petits chefs », ceux qui ont un pouvoir et jouissent d'en abuser et de faire souffrir leurs subordonnés.

Mais le grand chef est un petit chef qui règne sur un grand nombre.

Quand Modju justifie le meurtre par la défense d'une cause, il est reconnu comme le champion de la cause et peut ainsi se débarrasser de ses amis, des témoins de son ascension qui pourraient avoir des droits sur lui.

Modju voit alors des traîtres partout et les élimine. Modju veut être le guide suprême et que tout le monde lui ressemble sinon son comportement serait repéré comme anormal. Il est fou mais pas idiot. Il sait que la normalité est une notion statistique. Il veut régner sur une masse de petits Modju et s'arrange pour que la famille et l'école fabriquent des petits Modju. La rage de détruire, la volonté de nuire, le plaisir de jouer le rôle de l'exécuteur des hautes oeuvres permettent à des frustrés de tenir debout. Ces frustrés Modju sont ceux qui ont du mal à jouir selon la psychanalyse.

-La cratophilie-prédateurs et novateurs.

Darwinisme récupéré par les battants.

L'amour du pouvoir est regardé comme un sentiment honorable. La compétition est valorisée. L'idéologie du « battant » s'invente une caution scientifique avec une théorie de la sélection naturelle dont Darwin aurait été l'initiateur.

On parle de « winners » et « losers » aux États-Unis, ce qui est une variation des termes « élus » et « réprouver » ou « Grecs » et « Barbares ».

Cette représentation pose le succès comme le critère de la qualité. L'avoir qualifierait l'être. Elle cautionne de nombreux mensonges conventionnels, notamment celui qui fait de Modju un grand homme. Les mensonges conventionnels s'appuient sur des confusions abusives.

La première confusion est entre le verbe « écouter » et le verbe « obéir » qui vienne d'autres confusions comme « grandeur » et « importance » ou « virilité » et « brutalité ». Le cratophile est atteint de la mythologie du battant et croit au darwinisme social.

Darwin a montré l'origine commune des espèces et la tendance des variétés à s'écarter indéfiniment du type originel. L'évolution est le passage du simple au complexe. « L'origine des espèces » paru en 1859 abolit le dogme créationniste. L'ascendance animal de l'homme s'inscrit dans une évolution guidée par la recherche d'une meilleure adaptation au milieu.

Darwin exprima le regret de n'avoir pas accordé une place suffisante à l'action du milieu.

Les connaissances de son temps ne lui permirent pas de comprendre l'origine des variations qu'il étudiait. La découverte par Mendel des lois de l'hérédité en 1865 ne fut admise qu'en 1900.

Darwin croyait en une hérédité des caractères acquis et n'admit jamais la réalité au mutations qui se produisaient de temps en temps. L'hérédité des caractères acquis est aujourd'hui réfutée. Mais la théorie darwinienne de la sélection naturelle occupe une place centrale dans la théorie de l'évolution.

Mais ni Darwin ni les scientifiques actuels ne cautionnent le darwinisme social.

Dès 1859, des partis politiques s'acharnèrent à récupérer la théorie de la sélection naturelle pour justifier leurs idées. C'est un réductionnisme simpliste qui sert les prédateurs et leur procure une bonne conscience et leur permet de convaincre leurs victimes qu'ils ont tort de se plaindre.

-Le cratophile et le suffrage universel.

La carrière d'un candidat en démocratie commence par la cooptation. La « culture » d'un parti politique est analogue à celle d'une entreprise. Le candidat doit ressembler au modèle qui hante l'imaginaire de sa famille idéologique, le sauveur, le gestionnaire compétent ou le père sévère.

Une fois coopté par un lobby, le candidat doit séduire l'électorat. Il doit aussi manipuler les groupes réunis dans des assemblées.

Le cratophile triomphant devient un clerc. Il partage avec son clergé le pouvoir exclusif de trancher en matière de vrai et de biens. Le cratophile entretient des mensonges qui font de la démocratie un milieu pathogène.

Sous la république de Weimar, les dirigeants du « Front d'airain » (les partis de gauche allemand) ont participé à la montée du nazisme parce qu'ils étaient incapables de répondre aux arguments irrationnels des nazis.

Le théoricien Tchakhotine invente le symbole des trois flèches adoptées par le Front d'airain. Au lieu de diffuser des affiches et des tracts avec des textes qui réfutent les arguments des nazis, il propose de répandre l'image d'un svastika brisé par une flèche. Ses procédés firent perdre 10 % aux nazis à Heidelberg. Mais Otto Hirsing revint pour travailler contre les nouvelles idées de Tchakhotine et fit suspendre le développement de la nouvelle propagande. Il refusait de rester sur le terrain de l'imaginaire et de s'adresser aux pulsions pour stopper la contagion du délire collectif.

-La demande affective et le conformisme.

La demande affective est à l'origine du conformisme.

La représentation du monde d'un groupe est souvent irrationnelle, dénie la réalité pour assurer la conservation des rites sociaux. Ainsi les paysans polonais refusèrent l'introduction de la faux dans les années 40 car cela risquait de bouleverser leurs habitudes religieuses et familiales grâce au temps gagné par rapport à l'utilisation de la faucille. L'argument ultime des paysans était que l'opinion générale était hostile à la faux. Ce que nous concerne tous. Partout, l'opinion partagée est regardée comme vraie. Comme si n'être pas seul à penser ceci ou cela était une garantie, une sorte de label de qualité pour une opinion.

Le souci de ne pas heurter l'opinion admise dans son milieu est légitime. Il y va de la survie. Mais de la peur de heurter au plaisir d'adhérer, il y a une marge pour la négociation. La puissance des idées à la mode est assurée par la demande affective de chaque membre du groupe.

Cette dépendance affective participe à la conservation des mensonges conventionnels. Elle diminue l'acuité du regard. Elle gère le comportement.

-L'honneur et son ombre, la respectabilité.

Il existe une confusion entre l'honneur et la respectabilité. Une société qui serait libérée des mensonges conventionnels serait aussi libérée de l'ostentation et de la justification. Alors, dans cette société plus éclairée, chacun aurait naturellement le sens de l'honneur. Le sens de l'honneur n'est pas compatible avec le souci d'avoir l'air convenable, autrement dit avec la respectabilité. L'homme d'honneur « fait ce qu'il doit, advienne que pourra ».

Il intervient pour rétablir le droit même si son intervention nuit à sa carrière.

Ou bien nous choisissons l'honneur, où nous lui préférons la respectabilité, c'est-à-dire la soumission au mensonge. Si nous ne choisissons pas la voie de l'honneur, nous entretenons la barbarie. Nul n'est contraint d'obéir à un ordre injuste. Qui a le sens de l'honneur ne rejette pas a priori l'obéissance et lui reconnaît son utilité, mais dans des limites à mesurer. L'obéissance n'excuse pas la barbarie. Qui exécute un ordre barbare partage l'entière responsabilité de sa hiérarchie. « Fais ce que dois, advienne que pourra » est un enseignement du 30e degré du rite écossais ancien et accepté. Pourtant, rares sont les francs-maçons de ce degré qui se comportent comme des justes.

La mode est l'illustration la plus effrayante de la demande affective qui génère le conformisme et le conduit à la limite, au mimétisme.

V le roman du bien-être et du mal-être.

-Tomber malade, tomber dans le péché. Le thérapeute sauveur.

Le mal-être est associé au mal agir.

L'histoire d'un malade commence par son entrée dans le péché. L'imaginaire le plus répandu oppose le haut et le bas et associe cette opposition à celle du bien et du mal. Le thérapeute commence par être le chamane. Guérir, c'est d'abord se réconcilier avec les esprits, avec les dieux. Le bien portant est celui qui vit en harmonie avec la nature. La société est imaginée à l'image du corps. Elle est le « corps » social. Le chef est le thérapeute du corps : il le protège contre « les agressions », il le soigne de ses « maux », il surveille sa tension (les tensions sociales). Lorsqu'il se porte mal, tout va mal.

C'est pourquoi, lorsqu'il s'affaiblit, on le tue rituellement pour que la nature se régénère.

Ainsi, l'exécution de Charles Ier d'Angleterre et celle de Louis XVI manifestent la permanence des rites de régénération. Chacun valorise la souffrance en la regardant comme régénératrice.

Le bizutage illustre clairement le sens : il faut souffrir pour mériter d'être reconnu parmi les élus. La souffrance qualifie.

-Être mal, avoir mal.

L'homme est un apprenti, la douleur est son maître. Le mythe du péché originel conforte l'idée selon laquelle nous aurions commis une faute. La souffrance régénérerait.

La guérison serait une rédemption. La douleur peut être appelée par des personnes dépressives parce qu'elles s'estiment mal-aimées, méprisées, rejetées. La souffrance des dépressifs est une demande d'attention. Elle peut aussi être un reproche à l'entourage.

La souffrance physique peut être l'effet d'un mal-être émotionnel. Le malade s'interdit de dire ce qui pourrait être mal reçu.

Ce qui ne peut être exprimé par la bouche, le corps l'exprime. Désinhiber la parole est aussi important que rétablir le fonctionnement du corps. Parler permet de passer du corps que l'on a (le corps comme objet à réparer) au corps que l'on est (le sujet s'exprime à travers le corps).

-Occulter, refouler. Le principe de plaisir et le principe de réalité.

Freud et les psychanalystes développent le concept de refoulement en observant ce qui se passe lorsque les désirs sont en conflit avec des règles imposées de conduite. La recherche de la satisfaction obéit au principe de plaisir et les restrictions imposées par la société obéissent au principe de réalité. La demande affective invite à contrôler et à censurer le plaisir pour mériter la récompense, être reconnu et apprécié. La demande affective s'interdit parfois de critiquer les règles imposées. Est admis, reconnu et valorisé le membre du clan qui se soumet aux traditions. Est exclu celui qui critique et refuse la soumission.

Cette tradition justifie une relation dominant-dominé. Quelques-uns commandent un grand nombre. Qui aime son clan craint de lui déplaire. Alors il oublie les désirs susceptibles de déplaire. En réalité, il ne les fait pas disparaître, il les jette à la poubelle et referma le couvercle. On n'en parle plus.

L'instance de l'esprit qui fait le tri entre ce qui est à garder et ce qui est à jeter est nommé le conscient. Quant à la poubelle, elle est logée dans l'inconscient. Le surmoi est aussi logé dans l'inconscient. Il critique, angoisse et culpabilise le moi lorsque celui-ci s'abandonne au principe de plaisir jusqu'à transgresser la règle.

Selon Freud, le processus de refoulement serait automatique. Il est l'est presque toujours dans les milieux autoritaires où la moindre velléité individualiste peut être sévèrement sanctionnée. Dans ces milieux, l'enfant apprend très tôt que la soumission inconditionnelle lui permet de survivre. Par la suite, il oublie qu'il a appris et il refoule aussi se naturellement le fait qu'il respire. Dans les milieux plus libéraux où la quête du sens et la liberté de conscience sont reconnus, le comportement est moins automatique et peut être un acte volontaire.

Il peut même demander un effort. La différence entre société totalitaire et société libérale n'est pas d'ordre qualitatif mais d'ordre quantitatif. La société libérale est moins soumise au principe d'autorité, la relation dominant-dominé y est plus supportable, le conformisme idéologique est moins pesant. Il y a plus de liberté. La société totalitaire opprime et réprime les désirs légitimes, ceux que manifeste une demande de liberté dont la satisfaction ne nuit pas à autrui. Mais les règles qu'impose une société libérale peuvent ne pas être supportées par des personnes habitées par des pulsions sadiques. Les sociétés totalitaires recrutent leur meilleurs serviteurs parmi les pervers asociaux grâce à une idéologie qui valorise la haine et désigne des victimes.

Il existe une autre issue que le refoulement. C'est la sublimation, l'art de transformer une énergie destructrice en énergie créatrice.

Le conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité est à l'origine de la violence dans toutes ses modalités.

-Comment les francs-maçons explorent la violence.

Les francs-maçons s'efforcent de comprendre la violence en approchant des mythes et aussi en jouant des rôles ritualisés.

L'esprit du dissecteur et l'esprit de géométrie sont de mieux en mieux utilisés dans les loges.

Les loges deviennent des structures où la parole s'échange sans être inhibée par le souci de convenir et déménager les idées reçues.

La franc-maçonnerie se développe parce qu'elle répond précisément, grâce à ces rites, à une demande de parole et de quête du sens plus libres.

Le franc-maçon approche le thème de la violence à partir du langage. Ensuite, au grade de maître, il poursuit le questionnement à propos du meurtre de l'architecte Hiram, assassiné par trois compagnons parce qu'il leur a refusé la promotion à la maîtrise qu'ils estiment mériter. Les mythes racontent ce qui se passe dans la cité. Ces thèmes renvoient à des problèmes de société actuels et atemporels. Ils sont à l'origine de tous les conflits.

-La clé de voûte.

-Le rituel de la clé de voûte propose de vivre le conflit qui oppose le désir de créer à la nécessité de reproduire pour se justifier et se conformer.

Un impétrant frappe à la porte pour être admis dans la confrérie des bâtisseurs excellents. Il est demandé une preuve de sa qualification. L'impétrant montre son oeuvre que les gardiens de la porte examinent, jugent et critiquent. L'impétrant va être rejeté quand le maître architecte arrive. Alors les gardiens n'ont plus le temps de rejeter l'impétrant et ils le cachent.

Le maître architecte annonce que la construction touche à sa fin et demande si la clé de voûte a été taillée. Les bâtisseurs excellents sont embarrassés, aucune de leurs oeuvres pourtant irréprochables ne peut conclure le projet. Le maître se dirige vers le rebut et découvre la clé de voûte parmi les pierres rejetées. Il l'examine et la juge parfaite. Différentes des autres, c'est par elle qu'elles tiendront.

Les bâtisseurs en sont arrivés à ériger en normes absolues les pierres relatives aux phases transitoires et le maître se fâche.

Comment peut-on construire si l'on est incapable de concevoir autre chose que ce qui existe déjà ? Le maître ordonne que lui soit présenté l'auteur de cette pierre tant attendue. Les gardiens présentent alors l'impétrant au maître. Le maître lui remet le maillet, signe de l'autorité et le juge seul digne du titre de maître parmi les bâtisseurs.

Cette belle histoire enseigne qu'une oeuvre inattendue peut être justifiée dans un contexte inconnu de ceux qui le jugent.

-Oedipe et le complexe. Refouler pour ne pas savoir ou pour savoir autrement.

A l'origine, il y a des souvenirs d'une expérience réelle mais qui peut avoir été revu et corrigé par l'imaginaire. Le complexe est la conclusion de cette expérience.

Il se fabrique depuis la nécessité de vivre avec des souvenirs.

Freud estimait que les premières relations intimes de l'enfant le liant à sa mère, ou bien à la personne qui tient ce rôle au cours des premiers soins et de l'éducation, feront que la mère serait toujours le premier amour. Cet amour est à relier au développement de la sexualité chez l'espèce humaine. Les objets d'amour sont les gens ou les choses vers lesquels nous dirigeons une pulsion vers la satisfaction du désir. Cette pulsion, Freud la nomme « libido ». La libido est l'énergie mise en oeuvre pour obtenir la satisfaction du désir. La sexualité se développe grâce à la libido. Celle-ci de ne demande pas exclusivement l'accomplissement d'un coït mais aussi la satisfaction d'une demande affective. Elle est pathogène lorsqu'elle se réduit à la mécanique sexuelle, et aussi lorsque sous la pression d'un complexe, elle s'efforce de nier sa modalité sexuelle.

La demande de l'enfant de disposer de sa mère sans partage est réprimée.

Il devient alors jaloux de son père mais ne le sait pas. Il perçoit le père comme un rival, intuitivement, parce qu'il constate que la mère lui accorde une part de l'affection et de l'attention dont il demande à jouir seul.

À cette situation, Freud attribue le nom de complexe d'Oedipe. Le complexe d'Oedipe est conçu comme la peur véritable, mais refoulée, qu'éprouve l'enfant d'être châtré par son père en punition du désir de possession exclusive de la mère. De cinq ans à la puberté, les sensations sexuelles de l'enfant s'atténuent. C'est la période de latence selon Freud :

Freud émit l'hypothèse selon laquelle l'enfant aurait une conscience innée de la castration. Le plaisir procuré par le pénis, la honte et le refoulement qui s'ensuivent, lui font craindre de ressembler à une fille, même si la vie d'une femme nue survient plus tard. Quant à la petite fille, elle constate de bonne heure que son clitoris ressemble au pénis des garçons, mais qu'il est inférieur. Ce constat peut entraîner un sentiment d'infériorité.

Si l'on veut décrypter le langage de la violence, il convient de le relier aux peurs enfantines, à la peur d'être castré, au complexe d'Oedipe. Mais il convient aussi de résister à la tentation de tout expliquer par ce complexe et par les pulsions sexuelles réprimées et par les frustrations correspondantes.

Le refoulement pourrait être un procédé qui permettrait de satisfaire le désir de savoir autrement plutôt que celui de ne pas savoir.

Les francs-maçons cultivent l'écoute et l'attention bienveillante. Ils désirent aller toujours plus loin. Ainsi, ils se prémunissent contre la tentation de s'arrêter à une seule réponse, dans tous les domaines du savoir. En tout état de la cause à défendre, la psychanalyse apporte des éclairages utiles pour nourrir le questionnement, mais pas toute la lumière. Les francs-maçons savent, mieux encore que de nombreux psychanalystes, que la réponse est le moyen grâce auquel une question se reproduit et se diversifie. Une réponse stérile est celle qui ne génère aucune question.

-L'attrait des sectes.

La secte est le lieu où l'on reçoit toutes les réponses à toutes les questions. En outre, il suffit d'y adhérer pour être reconnu, approuvé, compris, réconforté. En échange, la secte ne demande que la soumission. La secte peut avoir une allure religieuse ou politique. Dans les deux cas, elle délivre un message millénariste. À l'issue d'une terrible et longue bataille, les bons triompheront des méchants et la paix régnera pour toujours.

Il y a secte partout où s'établit une connivence entre des personnes qui adhèrent aux mêmes réponses ultimes. Là, on peut s'y reposer et s'installer dans les certitudes.

La religion l'histoire d'une promesse. Qui croit en cette histoire espère.

Toutes les idéologies construites autour d'une promesse de lendemains qui chantent sont des religions. Elles répondent à la demande affective et à la demande de voir clairement les bonnes raisons d'espérer.

-L'engagement.

Chacun a le pouvoir de dire non à un destin imposé par des hommes et des dieux. Comprendre est le moyen et le but. La psychanalyse n'endort pas la souffrance, mais elle l'éveille à sa vérité. Cette vérité est celle du désir.

La psychanalyse est un voyage. On ne s'engage pas sur cette piste du sens pour se justifier, ni pour expier, ni pour être admis dans un cercle d'excellents. Au cours de ce voyage, on n'abolit pas le tribunal que l'on porte en soi mais on comprend ses juges. On sait pourquoi ils sont là et ce qu'ils font. Les juges, à leur tour, s'adaptent et deviennent bienveillants. Psychanalystes et francs-maçons sont à même d'expliquer pourquoi et comment les rêves de lendemains qui chantent deviennent les cauchemars des surlendemains qui déchantent. Parce qu'ils regardent comment les sombres et les lumières se nourrissent les unes des autres.

VI la structure binaire, la répétition, et la reconnaissance des interactions.

-Le monde achevé et le monde à faire.

Si on pense que le monde est achevé, nous avons à reconnaître la réalité afin de mieux nous y adapter mais nous la jugeons accomplie donc parfaite. Si elle nous fait souffrir, c'est que nous ne la comprenons pas ou qu'elle a été pervertie. Nous nous assignons la mission, alors, de repérer la faute et de combattre les coupables. Si nous adhérons à la représentation d'un monde à faire, nous nous assignons la mission de transformer la réalité, de manière à ce qu'elle devienne conforme à nos désirs.

-L'opposition et la demande de choisir.

Le pouvoir de choisir nous installe dans le rôle gratifiant du responsable, celui qui connaît les réponses et maîtrise son destin. La construction logique manifeste le désir d'abolir l'imprévisible, de réduire le possible au prévisible. Ainsi nous soignons l'angoisse existentielle, c'est-à-dire la peur de s'égarer.

Freud distingue l'opposition de la contradiction.

La contradiction, une fois repérée, commande l'exclusion de l'un des contradicteurs.

L'opposition est ce qui permet la coexistence des contraires.

-L'inversion des images et la reproduction du modèle clérical.

Le clergé et une caste établie dans la cité par des personnes qui s'arrogent le monopole du sens, c'est-à-dire le pouvoir exclusif de décrypter et de commenter la réalité, de décider ce qui est vrai, ce qui est bien, ce qui est beau. Avant le siècle des lumières, cette caste était parvenue à se faire considérer par la cité comme seule caste qualifiée pour commenter le monde. Mais une Eglise peut être remplacée par une autre Eglise.

La Trinité raison-science-progrès succède à la Trinité chrétienne. Le marxisme qui se prétendait scientifique et rationaliste, repris à son compte le mythe religieux du salut et devint la religion officielle d'un ordre établi sur le pouvoir d'un parti.

Aujourd'hui, la carrière des diplômés des grandes écoles dépend de leur soumission et de leur dévouement au dominant. La croyance selon laquelle plus on s'élève dans la hiérarchie, plus on s'approche de la lumière surveillée à toutes les croyances.

-Pour une approche neuve des oppositions et des contradictions.

Examiner la structure binaire oui-non permet de concevoir des outils performants.

La structure ternaire, thèse-antithèse-synthèse développe le binaire et permet d'élargir le champ du possible. Qui veut aller plus loin et réunir ce qui est épars critique les cloisons construites entre les modalités du savoir, par une pensée analytique.

La réalité est à regarder comme un réseau complexe. Chaque phénomène agit sur la nature et la manifestation des autres phénomènes.

VII Hermès et l'herméneutique. Le voyage.

Interpréter, traduire, expliquer, exposer, transcrire, transmettre, annoncer, avertir, noter, remarquer sont les actions de la parole. Elles renvoient à Hermès, le médiateur. Les Grecs disaient « Hermès intervient » quand le silence se faisait lourd entre des convives. Ensuite, l'amphitryon disait : « entraînons Hermès ». C'est l'invitation à boire une dernière coupe. Hermès est appelé pour faire durer l'euphorie, pour partager le plaisir de boire. Hermès et le Dieu du logos, de la parole et de l'éloquence, messager des dieux. Il conduit du sommeil à l'éveil et de l'éveil au sommeil. Mourir se dit « rejoindre le troupeau d'Hermès ».

-Au commencement est la pierre.

Les Ermaï (erma : la pierre en grec) sont les représentations d’Hermès avec la tête du Dieu, une colonne figurait le corps et les organes de la génération. Les Hermès sont posés sur des places et dans les rues. Ils sont des bornes, des repères.

Platon, dans le Cratyle, relie Hermès au discours. Il fait dériver son nom de Ermeneus (interprète) et de Eiremes (celui qui imagine la parole).

Pour Platon, Hermès représente et raconte la parole. Les Grecs croyaient que les hommes descendaient des pierres semées par Deucalion.

La pierre est ce qui relie au commencement et ce qui garantit les passages. La pierre est Hermès.

-Les hommes et les dieux négocient.

Hermès est le voyageur. Il est la parole. Hermès impose souvent les échanges. Il fabrique une lyre qu'il offre à Apollon en échange du troupeau qu'il lui a volé. Il guide et égare, dit la vérité et ment.

Hermès souffle à Pandora les mots ambigus qui feront de la femme un personnage redoutable pour les hommes qu'elle séduit.

Il met en circulation les biens, les mots et les rôles mais ne garantit pas la sécurité.

Le coup d'Hermès, c'est le coup du sort, le piège ou l'aubaine. Il intègre l'imprévisible dans l'ordre naturel des choses. Hermès veut partager les biens des dieux avec les hommes.

Il a volé la moitié du troupeau d'Apollon pour l'offrir aux hommes avec le taureau et les chiens. Il veut que le troupeau offert aux hommes puisse se reproduire. La scission initiale du troupeau suppose sa reconstitution au moyen d'un contrat.

Le sumbolon est une pratique de la Grèce antique. On regroupe deux morceaux de tessons pour attester l'existence d'un contrat entre deux commerçants.

-La lyre d'Hermès et Métis, l'intelligence rusée.

Zeus arbitre le différend qui oppose Apollon à Hermès. Hermès offre une lyre à sa victime. L'accord est conclu. Apollon connaît la joie de produire de la musique. Zeus reconnaît Hermès comme immortel. La transgression d'Hermès produit un bonheur partagé. Hermès est doué de métis, l'astuce, l'ingéniosité chez les Grecs.

Cette qualité est d'abord celle de Rheia, l'épouse de Kronos. À chaque fois qu'elle a un enfant, Kronos le dévore, parce qu'il est prudent.

Averti par la pythie que son destin est d'être renversé par son fils, il estime que dévorer ses enfants est une bonne manière de garder le pouvoir. Mais Rheia cache Zeus en Crète et camoufle dans les langes une pierre.

Elle l'offre à Kronos qui ne se doute de rien. Cette ruse permet à Zeus de vivre à l'insu de son père et de régner à sa place sur les immortels.

Métis habite l'esprit d'Hermès. Elle est la déesse de l'astuce. Le masculin est associé à la mémoire, à la tradition répétitive. La femme est associée à l'imagination créatrice, à la génération du possible.

L'originalité d'Hermès et d'avoir conçu un objet qui n'imite pas une chose vivante ou inerte qui existe (contrairement à Héphaïstos qui fabrique des servantes en or douées de vie). Par la lyre, Hermès procure du bonheur à Apollon et l'aliène. La parole est aussi de la matière à travailler pour l'artisan. Devant le tribunal de Zeus, Hermès déploie tous les trésors d'un maniement ambigu des mots. Il trompe et séduit.

Zeus n'est pas dupe et Hermès le sait. Alors une connivence s'établit. Zeus rit.

-Le rire de l'initié.

Les initiés savent que la vérité est admise lorsqu'elle sert le mensonge. Le mensonge passe mieux lorsqu'il se réfère à un détail vérifiable. Il y a une place dans l'Olympe pour le langage rusé et le mensonge. Ainsi Hermès devient immortel. Le club réservé aux immortels cesse de mentir parce qu'il reconnaît qu'il ment. Hermès sait que Zeus apprécie son savoir-faire.

-L'éthique contre l'ordre moral.

Mépriser les rêves et les Dieu, ne pas relier le mythos au logos, l'imaginaire à la raison, c'est renoncer à agir et continuer à réagir.

Si l'abbaye de Thélème est l'image de la société meilleure et plus éclairée que nous voulons établir, reconnaissons que sa devise « Fay ce que vouldras » ne demande pas seulement à être approuvée pour être pratiquée et être profitable à tous.

La liberté est la maîtrise de soi que chacun développe en explorant le « ça », l'instance de l'inconscient.

L'herméneute est le chercheur de lumière.

Son éthique est la finalité du travail. La morale et ses cadres confondent une relation dominant-dominé. L'ordre moral veut justifier un ordre social fondé sur la soumission d'un grand nombre de possédés à un petit nombre de possédants.

Le possédé était d'abord l'esclave.

Aujourd'hui, dans les nations qui garantissent des droits, le possédé et celui qui ne possède pas assez de biens matériels pour se dispenser de louer sa force de travail et ses compétences. Il peut exprimer une opinion mais ne dispose d'aucun moyen d'assurer sa subsistance sans dépendre de quelqu'un. Le possédé souffre mais rêve beaucoup et cela l'aide à tenir.

Il s'évade avec de l'alcool, des plantes hallucinogènes, des danses, des chants, des contes et des fêtes dont certaines inversent les rôles une journée. La loi qui régit les relations humaines en tout temps et dans toutes les nations est celle-ci : une demande est satisfaite quand celui qui la profère montre une capacité de nuire.

Les possédés ont pu améliorer leur situation grâce aux syndicats et au moyen de la grève. Les codes de l'ordre moral imposent la différence des droits et prétendent être dictés par une volonté divine. Les ouvriers et les paysans qui prétendent avoir des droits sur leurs usines et sur leurs terres sont accusés de vol. Mais quand ils se soumettent et se résignent pour ne pas mourir de faim, ils ne sont pas les victimes d'un chantage. Ils ne font que leur devoir. Cela est juste du point de vue de l'ordre moral.

Les possédés rêvent pour tenir alors les loteries les aident à survivre.

Ils achètent de l'espoir et sont contents d'être possédés et les rêves rapportent gros à ceux qui les vendent.

L'ordre moral parle d'honneur et ne connaît que la responsabilité. Il conforte le pouvoir des possédants sur les possédés.

Aujourd'hui, de plus en plus de pauvres nourrissent de moins en moins de riches qui deviennent de plus en plus riches.

L'idée selon laquelle le nanti est plus proche de Dieu que le démuni et mérite plus de respect a été lancée par des calvinistes au XVIIIe siècle dans le but désinhiber les pionniers de l'ère industrielle.

« Tu vaux ce que tu possèdes » es une formule acceptée comme une évidence.

Les possédés doivent contraindre les nantis à partager. Mais ils ont aussi à compenser les malheureux qui s'agrippent à leur avoir.

Comme Hermès offrait une lyre à Apollon après lui avoir volé la moitié de son troupeau.

Il s'agit de soigner les frustrés en leur procurant un plaisir qu'ils ne connaissent pas encore.

Il convient de distinguer l'éthique, une réflexion sur les codes de la morale, de la morale elle-même.

Cette distinction permet de consulter toutes les modalités du savoir.

Ce sont les biens immatériels qui sont les plus précieux et ceux qui en ont s'enrichissent en partageant.

VIII Hermès et l'hermétisme.

Le mot « hermétisme » est un néologisme de la seconde moitié du XIXe siècle.

Le mot occultisme (du latin occultus caché) a été inventé par l'abbé constant dit Elphas Lévi. L'ésotérisme est ancien est toujours employé en relation avec l'exoterisme, l'un étant la face inversée de l'autre.

Eliphas Lévi a créé le mot occultisme à partir du traité de H. C. Agrippa «De occulta philosophia ». Ce traité est une compilation d'enseignements différents : Pythagorisme, gnosticisme, kabbale, hermétisme, alchimie, astrologie et magie. Ces enseignements sont rassemblés dans un ensemble étiqueté « sciences secrètes ou sciences traditionnelles ».

Beaucoup de francs-maçons aiment ces sciences dites secrètes et en attendent des révélations. Au XVIIIe siècle, le courant illuministe s'oppose au courant éclairé et annonce le romantisme.

Le désir qui conduit certains vers les sciences traditionnelles est celui d'être un élu, de vouer un culte à une vérité déjà dite, de jouer le rôle d'un conducteur d'âmes et d'adhérer à une représentation du monde structurée par une idéologie.

L'amateur de science traditionnelle est mal à l'aise dans la société d'aujourd'hui.

Il voit un « hier » comme un paradis perdu.

-Les sciences traditionnelles et les francs-maçons.

La lumière est le thème central de la franc-maçonnerie et celui de ses frères ennemis les illuministes. Dans l'ensemble, la foi maçonnique exprime une pleine confiance dans la nature humaine, dans la raison, dans la perfectibilité de l'humanité. En 1776, Mirabeau rédige un mémoire dans laquelle il assigne à la franc-maçonnerie la mission d'introduire le bon sens, la raison dans l'éducation de tous les hommes et la charge de réformer les abus : milices, servages, corvées, lettres de cachet, intolérance et enfin la tâche de réformer le gouvernement et la législation.

La résistance à cet esprit nouveau vient des traditionalistes et des mystiques.

Dans une loge, des rationalistes qui ne veulent plus d'Eglise pratiquent des rites dont les mots évoquent des légendes bibliques.

La cohésion du groupe est assurée par le rituel. Le langage symbolique est une source de méditation et de rêve.

Le rosicrucianisme, l'Observance Templière, la théosophie se répandent dans toute l'Europe, au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Au XVIIIe siècle, loin d'être antireligieuse la franc-maçonnerie est crypto-religieuse. Dans le loge, les éclairés, les mystiques et les hermétistes s'abreuvent aux mêmes sources : les constitutions d'Anderson. Les constitutions d'Anderson donnent l'impression que le franc-maçon est le dépositaire de connaissances cachées transmises par une tradition secrète.

Pour les éclairés, les constitutions d'Anderson n'offrent que des métaphores propres à stimuler la réflexion. Pour les mystiques, le symbole révèle et cache. Il s'agit de le décrypter. C'est la « parole perdue », la connaissance d'un âge d'or situé dans un passé lointain. Le temps présent est perçu comme décadent. L'homme d'aujourd'hui est jugé « dégénéré » et l'initiation consiste à le « restituer ». C'est la « réintégration » de Louis-Claude de Saint-Martin.

L'idée est que le passé est mieux que le présent et que la manière la plus sage d'envisager l'avenir et de revivre le commencement des temps.

Pour les éclairés, le passé annonce le présent et l'avenir qui conduira à l'âge d'or.

Illuminés et éclairés s'opposent à la conservation du présent, tel qu'il est.

Les uns le voient dans l'avenir et les autres dans le passé. Mais illuminés et éclairés affirment l'existence d'un âge d'or. Pour les mystiques, le monde meilleur préexiste à l'homme. Il suffit de le retrouver. Les éclairés et les illuminés se laissent facilement fascinés par le mythe de la parole perdue. C'est la recherche de la langue unique, parlée par les premiers hommes, où les mots correspondaient vraiment aux choses. Cette langue mythique est nommée hébraïque ou adamique.

Conséquence du mythe de la forme primitive unique, la différenciation et la diversification sont perçues négativement, tandis que l'unité est un mot perçu positivement.

Pour les illuminés, il ne saurait y avoir qu'une seule voie, une seule expression possible pour chaque chose. Chez les éclairés, le passage du simple au diversifié est nommé « évolution ». Chez les illuminés, la diversification est regardée comme un processus de décomposition. René Guénon est la référence la plus à la mode chez les ésotéristes francs-maçons. Selon lui, l'initiation peut opérer une délivrance spirituelle qui serait d'une autre nature que le salut religieux. Il inscrit l'histoire dans une succession des « âges » qui, après le pire, apporterait le meilleur, l'âge d'or.

-Hermès Trismégiste.

L'hermétisme désigne des textes qui, depuis le premier siècle avant Jésus-Christ furent attribués à Hermès Trismégiste. Trismégiste signifie trois fois le plus grand.

Hermès Trismégiste est associé au dieu égyptien Thot. Thot est le dieu de la parole et de la transmission du savoir. Il invente l'écriture, les sciences et les arts.

-Le corpus hermeticum et l'Académie platonicienne de Florence.

Giorgios Gémistos Pléthon était conseillé de Jean VIII, empereur de Byzance au XVe siècle. Platonicien enthousiaste, il trouva à Florence un milieu intellectuel formé à l'aristotélisme revu et corrigé par les théologiens scolastiques. Il ouvrit une école à Florence et divisa ses élèves en deux groupes : les exotériques et les ésotériques. Les exotériques étaient attachés à leur foi chrétienne et critiquaient les dogmes. Les ésotériques regardaient la vérité comme un projet. Ils étaient initiés à la doctrine des émanations : un Eon primordial, par son propre dynamisme, se diversifie et génère ce qui existe.

Pléthon professe que le monde s'enlise dans la décadence morale et spirituelle et que le christianisme a éclairé dans son projet d'améliorer l'homme et d'installer l'amour universel. Selon lui, l'hermétisme néoplatonicien est le levier de la renaissance spirituelle.

20 ans après le passage de Pléthon à Florence, Côme crée une académie platonicienne et dirigée par Marsile Ficin. Ficin décore cette académie de manière à en faire un temple de la philosophie. Le lieu est un monastère laïc ouvert aux savants et aux artistes, sans distinction de religion. Pic de la Mirandole fréquenta l'académie. Tous les académiciens s'appelaient « frères ». C'est l'abbaye de Thélème dont parlera Rabelais, I siècle plus tard.

Tel est le décor dans lequel se joue l'entrée des textes de référence de l'hermétisme. Ces textes sont des manuscrits grecs rédigés au cours des trois premiers siècles de l'ère chrétienne.

Beaucoup sont incomplets et en mauvais état.

Des moines grecs les ont apportés à Florence pour les vendre. Côme en est le principal acquéreur. C'est lui qui appelle ces textes «Hermetica ».

Ficin les traduits en latin avec ses frères en Platon. Le corpus hermeticum ne présente pas une doctrine cohérente. Il réunit une manière de penser à une manière de se comporter.

-La théologie platonicienne et l'hermétisme.

La théologie platonicienne est exposée par Marsile Ficin : l’homme a conscience de ses limites ce qui le distingue de l'animal. Il éprouve de l'anxiété (inquiétude de l'amant).

Les hommes conscients ont l'impression de vivre dans un monde inconstant, fait d'ombres et d'illusions (mythe de la caverne dans la République de Platon).

Alors, l'homme conscient est en face d'une alternative : ou bien il se résigne et construit une représentation du monde pour cautionner la résignation, ou bien il cherche la lumière, le sens de la vie. La recherche de la vérité est associée à la recherche d'une parole qui aurait été perdue.

Pour Pléthon, la parole perdue est le paganisme condamné par le christianisme triomphant.

-Le développement de l'hermétisme et la demande de réponses ultimes.

Les références à Hermès sont nombreuses dans la pensée médiévale. Elles accompagnent les traités d'alchimie et d'astrologie.

Au XVe siècle, avec la théologie platonicienne et l'oeuvre produite par l'Académie platonicienne de Florence, l'hermétisme s'installe dans la culture européenne. Il se réclame d'un passé occulté à revivifier.

Des écrits qui se présentent comme les réponses dernières investissent l'hermétisme.

«L’Ascepius » écrit avant le quatrième siècle, originellement le « discours parfait » prétend présenter une vue d'ensemble de la connaissance hermétique en traitant des « trois vivants », Dieu, le monde, l'homme. Cette oeuvre est une compilation de plusieurs auteurs qui se présentent eux-mêmes comme des compilateurs.

Dans la société islamique, Hermès devient un prophète. Il est assimilé à Idris et à Enoch et vivait en Égypte avant le déluge. Il est le bâtisseur des pyramides. L'hermétisme islamique est le fruit des échanges entre Grecs et Egyptiens islamisés. Le monothéisme islamique n'aurait pas toléré Hermès s'il s'était présenté comme un Dieu. Sous l'aspect d'un prophète nommé Hermès, il peut se montrer sans difficulté et inspirer les auteurs.

À la Renaissance, l'hermétisme exerce une influence importante chez les occultistes, les philosophes et les théologiens. L'alchimie et l'astrologie n'étaient pas reconnues mais pas tout à fait interdites.

La littérature hermétique de la Renaissance au XVIIIe siècle exprimait une demande de liberté au temps où la parole n'était pas libre. L'hermétisme est une herméneutique qui cherche le sens dans les symboles et les allégories de représentations du monde totalisantes et qui ne remettent pas en cause leurs prémices. Le désir qui s'accomplit au moyen de l'hermétisme est celui d'en finir avec le chaos et avec l'inquiétude.

IX l'image, la parole, le jeu.

-Le rêve, de l'approche de Freud à celle de Jung-l'image symbolique.

À la fin du XIXe siècle, les médecins disaient du rêve qu'il est un indice que le rêveur a mal dormi.

Freud constate rapidement que le rêve n'est pas toujours individuel. Il rencontre des images symboliques proches de celles des mythologies et il les désigne par le terme « résidus archaïques ».

Jung voit dans ces « résidus archaïques » des « images primordiales ». Selon Jung, c'est précisément parce que beaucoup de choses se situent au-delà des limites de l'entendement que « nous utilisons des symboles pour représenter les concepts que nous ne pouvons ni définir ni comprendre pleinement ».

Les « images primordiales », selon Jung surgiraient d'un inconscient collectif dans lequel s'enracinerait l'inconscient individuel. L'étude des mythes permet d'approcher des formes psychiques qui semblent innées. Ces formes, Jung les nomme « archétypes ». L'archétype elle a tendance à nous représenter un motif selon une représentation qui peut varier considérablement dans les détails sans perdre son schéma fondamental. Le motif des frères ennemis a diverses représentations (Abel et Caïn ou Romulus et Remus) mais le motif est identique dans son principe.

-Le rêve à lire comme un message.

Un rêve non interprété est une lettre non lue. Le rêve est un message de l'inconscient. Il raconte une histoire qui nous informe sur nous-mêmes. Le récit d'un rêve rend rarement compte de ce qui a été réellement rêvé. Au souvenir, il ajoute, retranche, corrige. La mémoire arrange le passé.

L'association libre et une méthode qui nous permet de nous expliquer avec nous-mêmes.

Jung refuse la méthode de la libre association pour l'interprétation des rêves. Il repère les archétypes dus à l'inconscient collectif. Les archétypes éclairent la signification d'un passage et nourrit la réflexion. Les rôles que l'on joue en rêve sont multiples et changent selon les circonstances. Quand le même rêve se reproduit longtemps, il parle d'un problème qui dure, bien plus que de l'identité du rêveur.

-Le sommeil, l'éveil et les images associées.

Selon Freud, le sommeil réactive la situation intra-utérine. Nous reconnaissons le sommeil comme une régression, le retour à un commencement. Le sommeil est nommé « la petite mort » et la mort « le repos éternel ». Les rites initiatiques préparent à une nouvelle naissance. Ils placent le candidat dans un lieu étroit et obscur pour lui faire revivre le commencement. C'est le cabinet de réflexion dans la franc-maçonnerie.

-La réalité et espérer-les idéologies et la Belle au bois dormant.

Les représentations du monde combinent des idées, des croyances et des mythes. Les idéologies politiques développent un discours sur les maux et le remède. Ceux qui souffrent de l'égoïsme et de la morgue des dominants choisissent des idéologies dites « de gauche ».

Ceux qui souffrent de l'insolence et des exigences des dominés rejoignent plutôt des idéologies dites « de droite ». Ceux qui préfèrent la justice, même au détriment de l'ordre, seraient à gauche et ceux qui estiment que l'ordre établi doit être protégé, même si la justice doit être ignorée, seraient à droite. Les idéologies politiques et religieuses se présentent comme des théories pour tous. La propagande est l'art d'attribuer toutes les modalités de la souffrance à une seule cause et de prescrire un régime. Les idéologies désignent leurs ennemis et prescrivent le combat. Et toutes nomment aussi le talisman grâce auquel la victoire est garantie. C’est « la foi qui sauve » ou « le patriotisme », « la conscience de classe ».

-Pour mieux se connaître, jouer des rôles.

En psychanalyse, l'analysant observe ses modèles surmoïques et découvre la raison de leurs présences et de leurs pouvoirs.

À mesure qu'il se connaît, il étend le champ de sa conscience au détriment de son inconscient.

Le comportement n'est que partiellement contrôlé par la conscience. Il obéit aussi à ce que Pierre Janet nommait le subconscient. Le subconscient de Janet est remplacé par l'inconscient de Freud : l'inconscient n'est pas une autre personnalité, il obéit à des lois différentes de celles qui gouvernent la conscience. Le « moi » se protège par divers moyens comme la projection où l'introjection. La projection consiste à attribuer à autrui les sentiments et les désirs insupportables.

L'introjection est le processus inverse de la projection. Le sujet fait entrer dans son moi des exigences du monde extérieur.

Jouer un rôle, à condition de ne pas s'identifier au personnage, permet de découvrir comment nous nous servons de ces moyens de défense, sous le regard des autres. Nous jouons un rôle dans toutes les situations que nous vivons, parmi des personnes qui, elles aussi, jouent un rôle.

Les francs-maçons remplissent des fonctions et jouent des rôles pour vivifier la loge.

Dans les cérémonies, ils jouent des rôles dans des scènes qui racontent une histoire.

-La famille d'Hermès.

Hymne homérique compare la naissance d'Hermès à celle de l'aube. Dans la caverne, le lieu de sa naissance, Hermès se glisse en passant par le trou de la serrure.

La série des Hermès commence au troisième siècle avant Jésus-Christ avec Thot, ce savant qui grave ce qu'il sait sur des stèles et les cache.

Le fils de Thot se nomme Agathodaïmon, la divinité bonne ou mauvaise. Il est le père d'Hermès Trismégiste dont le fils est Tat. Toutes ces images d'Hermès éclairent le sens de tous les rôles parce qu'elles représentent le communicateur.

-Le projet de l'homme libre.

-Traquer les idées reçues.

L'analysant traque les idées reçues pour tenter d'en finir avec la souffrance que lui procurent les mensonges conventionnels. Il sait que ces croyances sont les réponses à une demande affective bien plus qu'à une interrogation sur la vérité.

-Retour sur Chibboleth.

Nature, spécificité, personne, style, culture, image, des mots déjà très commentés et dont le sens est encore flou. Mais dire que le sens de ces mots est flou est une affirmation inacceptable pour des personnes confortablement installées sur un rocher de certitude. La demande d'opposition NOUS-EUX manifeste l'angoisse d'être seul. Elle est profitable parce qu'elle procure des repères mais elle est préjudiciable lorsque ces repères ne sont pas étudiés. Elle est préjudiciable quand elle comporte l'illusion de compter parmi les meilleures.

-Hermès et le Commandeur.

Le Commandeur est le modèle surmoïque de nombreux braves et honnêtes gens.

La justification investit sa conscience. Il est démuni d'autodérision. Les rites de passage et leurs épreuves sont, à ses yeux, des mises en conformité, des avancées sur un terrain déjà connu.

Le Commandeur est le psychorigide. Il est le traducteur qui se réfère à un seul dictionnaire. Le Commandeur aime pétrifier le sens dans une seule définition. Il se perçoit comme celui qui comprend et qui est qualifié pour juger.

Le Commandeur est remarqué chez les psychanalystes et chez les francs-maçons parce qu'il est plus difficilement supporté qu'ailleurs. Dans les groupes que l'on rejoint pour échanger de la parole, pour exprimer une sociabilité fondée sur l'union dans la diversité, on supporte moins la présence des gourous.

L'unité dans la conformité est le modèle totalitaire qui maintient en l'état la relation dominant-dominé et la curiosité.

Le projet d'une société meilleure et plus éclairée ne peut être tracé que dans un lieu où la parole, reconnue comme créatrice, se manifeste librement, pour le plaisir de brosser des éclairages.

Là, une société de pairs expérimente ses règles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Humanisme : le Contrat social
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