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Humanisme : le Contrat social
26 avril 2019

Psychanalyse de l'initiation maçonnique (Éliane Brault)

 

brault

-le profane.

Pour Éliane Brault, la franc-maçonnerie est régie par une méthode initiatique : le symbolisme. Elle définit le symbolisme comme la voie qui permet de relier, à travers le temps et l'espace, les émotions vécues par les humains, leurs angoisses et leurs espérances. C'est un moyen de voyager du sensible à l'intelligible, de l'abstrait au concret.

C'est l'apprentissage jamais achevé de la fraternité et de la tolérance car il exige d'être permanent et renouvelé.

Le symbole maçonnique, par son adogmatisme, permet de se comprendre au-delà des mots.

L'action du symbole s'exerce autant sur les facultés intellectuelles que sensorielles et affectives.

Le secret est l'essentiel de la méthode initiatique. La mission de la franc-maçonnerie et de révéler à chacun de ses initiés un secret. Celui de sa personnalité vraie.

Dans ce but, elle emploie la méthode symbolique ; travail d'intériorisation ; et la confrontation des pensées, travail d'extériorisation qui est la compensation indispensable à l'équilibre mental et moral. Plus l'intellectualité et la sensibilité du néophyte sont aiguisées, plus l'initiation importe de richesse et d'intensité. L'initiation maçonnique est vécue sous forme de psychodrame et non apprise, aussi tous les renseignements livresques n'en révèlent rien. On peut même constater que ce sont les profanes les plus érudits, les mieux renseignés qui sont les plus surpris et les plus marqués par le cérémonial initiatique.

Le néophyte confie « sa vérité » à ceux qui le reçoivent et elle devient un secret partagé par les initiés. Ainsi le secret constitue l'atmosphère qui permet à la conscience humaine de se dévoiler sans risque de se dépouiller des artifices et des préjugés qui la contraignent. D'abandonner les moyens de défense indispensable, dans une société profane où la lutte est quotidienne. Le but de l'initiation est d'apporter en loge ce qu'il y a de plus valable en nous. La méthode maçonnique est une maïeutique, un véritable accouchement de l'âme, une révélation permanente de la vérité profonde de l'être à lui-même par lui-même.

On ne connaît que ce qu'on a découvert par soi-même et on ne progresse vers l'harmonie que lorsqu'on l'a réalisée en soi.

La franc-maçonnerie n'est qu'une tentative d'améliorer la condition humaine en essayant de perfectionner et d'harmoniser les divers éléments, les diverses facultés qui composent l'individu, et d'harmoniser les divers individus qui composent les sociétés humaines.

-Le néophyte.

-Le symbolisme.

La psychophysiologie est l'étude objective des rapports entre le corps et l'esprit.

Le médecin Cabanis a pu être considéré comme le fondateur de la psychophysiologie moderne. Il était franc-maçon et disciple de la Grande Encyclopédie.

Il pensait que le cerveau digère les impressions et fait organiquement la sécrétion de la pensée.

La franc-maçonnerie a tiré du symbolisme la possibilité d'améliorer la personnalité humaine. Le symbolisme et les sciences du comportement humain n'ont été étudiés par des méthodes scientifiques que vers le milieu du XIXe siècle.

L'observation du comportement appartenant à la philosophie et le symbolisme au domaine religieux et à l'alchimie.

Wilhelm Roentgen trouva la possibilité de voir à travers le corps humain par des rayons et Freud découvrit la possibilité de percevoir les manifestations inconscientes derrière les actes conscients.

Roentgen, c'était la proposition de l'organisme et Freud c'était la révolution psychologique dans les conventions bourgeoises, religieuses et dogmatiques.

Avec Freud, l'innocence ne préservait plus des besoins charnels. L'âme, cette « essence divine » dépendait des besoins de la chaire et des fonctions organiques.

C'est à Nancy, en 1889, au cours d'une séance d'hypnotisme pratiquée par Bernheim que Freud réalisa le processus du phénomène entre la pulsion inconsciente et l'attitude consciente.

Puis il remarqua la liaison qui s'opérait entre les pulsions profondes et le comportement et surtout l'amélioration qui se produisait lorsque le sujet pouvait se libérer, en comprenant ce qui se passait en lui-même.

Freud mit en pleine clarté la puissance de la conversation intérieure-extérieure de l'homme à lui-même ; ouvrant des horizons nouveaux sur les phénomènes inconscients et le langage : le symbole.

L'oeuvre de Jung fut une régression sur celle de son maître Freud. Il théorisa « l'inconscient collectif » selon lui dominé par les archétypes raciaux. Il justifia le racisme sous une forme soi-disant scientifique. Il prétendit que l'inconscient aryen disposait un potentiel plus élevé que celui du juif. Pour Jung, le problème juif était une plaie complexe, une plaie purulente. Jung avait affirmé que l'image de Dieu était héréditaire. Freud interpréta la valeur du symbole qui effectue ce lien entre l'imaginaire, l'émotion, l'intelligible, l'affectif, le sensible et le comportement.

Freud vivait à une époque où les humanités greco-latines formaient la base de toute éducation universitaire. Il appréciait la valeur psychologique des mythologies helléniques. Avec les philosophes Grecs, les sciences passaient du plan dogmatiques aux plans de l'observation, de la déduction intelligente et des lois scientifiques.

Freud employa le terme de « complexe » pour désigner les imbrications internes-externes et leur donna les dénominations de la mythologie grecque : complexes d'Oedipe, d’Antigone, de Narcisse.

Il ne faut jamais oublier que la franc-maçonnerie a été conçue et constituée aux XVIIe et XVIIIe siècles par des philosophes européens nourris de grec et de latin. Ainsi la franc-maçonnerie fut établie comme une démocratie antique, composant une aristocratie de pensée et d'attitude.

Selon Éliane Brault, la franc-maçonnerie est une école de perfectionnement dont les adeptes doivent agir avec bonté ; mais elle n'est pas une société de bienfaisance.

Le « miracle » du VIè siècle hellénique c'est d'avoir inventé la laïcité des sciences.

Les chiffres, base de toutes les sciences, ne sont que des symboles. Ils représentent des identités, des valeurs intelligibles hors de toute qualité sensible.

Le temple permet d'établir la liaison entre le sensible, l'affectif, l'imaginaire, l'émotivité et le réel, en faisant appel à toutes les facultés de l'individu. Le symbole est une liaison constante entre les facultés affectives et le filtre de la raison, entre l'abstrait et le concret.

Il serait impossible d'établir des relations interhumaines si les hommes n'usaient entre eux des liens symboliques. La franc-maçonnerie n'a donc fait qu'utiliser un symbolisme idéalisé pour créer des liens interurbains dans un climat idéal de fraternité. Et cela avant que les sciences du comportement n'aient défini et expliqué comment s'opérait la liaison entre l'idéal et la réalité.

-Le symbole.

Le symbolisme est un déclencheur d'émotions, un catalyseur de toutes les facultés de l'individu.

Le symbole est, pour le maçon, un moyen et non un but et a été choisi comme système initiatique.

Le symbole favorise l'expression de ce que l'individu ressent confusément sans pouvoir le discerner et l'extérioriser dans une formulation. Sans libre arbitre, le symbole perd ses qualités de stimulateur et devient convention, allégorie ou dogme.

Sans émotion, le symbole est une chose morte. Sans libre arbitre, sans le jeu entièrement libéré de toutes ses facultés, le symbole perd ses qualités de stimulateur et de catalyseur.

Chaque fois qu'un symbole est fixé dans une forme traditionnelle dogmatique ou théologique, il a perdu sa valeur initiatrice. Il n'est plus révélateur des profondeurs personnelles de l'individu.

Sans sa forme initiatique, le symbole, c'est le phénomène déclic qui atteint l'inépuisable réservoir des désirs inexprimés, des fonds d'agressivité ou d'affectivité qui n'ont pu être extériorisés.

C'est l'exutoire des confusions internes. C'est la possibilité de créer une synthèse des aspirations d'un être dans un moment donné et de le faire passer de l'inconscient au conscient.

Le mot « symbolisme » se rapporte au don de l'agneau, du miel ou du lait des fêtes pastorales bucoliques helléniques et égéennes. Le mot symbole évoque donc le don, l'offre désintéressée.

-Le psychodrame.

La franc-maçonnerie emploie dans sa méthode symbolique un psychodrame initial qui fait appel à toutes les facultés, conscientes ou inconscientes psychiques et organiques. Ce psychodrame est complété par une permanente confrontation des sensibilités et des consciences.

Pour Aristote, la tragédie était considérée comme une initiation à la vertu par les sentiments qu'elles suscitent comme une catharsis.

Le psychodrame est un essai qui s'effectue dans le cadre d'une cellule sociale. Le psychodrame a été inventé par le docteur Moreno, élève de Freud. Il fait ce qu'il appelle l'axiodrame en 1921. Il présente à Vienne comme un premier sociodrame officiel dont la prétention était de purger Vienne de l'anarchie dans laquelle elle se débattait. Puis, il créa le Théâtre impromptu où les acteurs improvisaient sur un thème donné. Moreno instaurait avant le jeu une obscurité initiale dans laquelle on n’entendait que la voix du meneur de jeu dramatique, ce qui établissait le contact.

Dans ce psychodrame, il n'y a pas d'assistants, que des participants. L'acteur ne peut tirer profit du psychodrame que si sa spontanéité est estimée et peut se développer par l'interaction. Enfin, l'illusion du monde réel est juste et aussi importante que la réalité d'un monde d'illusion.

Moreno fit jouer à une actrice professionnelle, Barbara des rôles de prostituées, de perverses car il avait appris qu'elle était infernale à la maison. Dès lors, la conduite de Barbara s'adoucit et Moreno en déduisit que l'extériorisation de certaines pulsions profondes pouvait remplir le rôle de catharsis et purger de certains comportements dans la vie courante. Moreno connut une suite d'échecs théâtraux, médicaux et journalistiques alors il partit aux États-Unis. Là, il connut le succès. Ses observations suscitèrent l'intérêt des psychiatres. En 1942, Moreno créa le Sociometric Institut et en 1947 l'Intergrup psychotherapy and Psychodram.

Moreno pensait que seule la parole spontanée était vivante. Il fallait donc que les participants du psychodrame puissent se voir, se toucher, se caresser ou se serrer la main. Le psychodrame était une cure d'action.

Le directeur du jeu avait pour charge de résoudre la première difficulté à faire démarrer le drame. Il devait transférer l'élan spontané et se retirer. Débarrassé des craintes et des angoisses de la vie réelle, le sujet retrouve sa personnalité originale, sa vie professionnelle, dans le rôle qu'il a choisi. Tout est évoqué, école, mariage, apprentissage, c'est un sociodrame (situations types qui  dénoncent les zones spécifiques de conflits : mère et fils ; mari et femme ; père et fils, etc.).

Lacan a parlé d'histoire mythique pour caractériser l'objet des psychodrames. L'interprétation symbolique peut s'identifier au drame personnel du néophyte par la communication symbolique et elle a un effet cathartique. Son irréalité rassure le sujet qui peut s'expliquer autrement que dans la vie quotidienne. La franc-maçonnerie, en plaçant l'histoire mythique sur le plan des archétypes, permet un thème universel où chacun peut chercher sa propre personnalité. La franc-maçonnerie considère que les hommes sont soumis à des lois communes mais qu'ils les vivent temporairement et individuellement.

Le psychodrame évoque une situation universelle et chacun le ressent selon son tempérament et l'impression du moment.

Moreno précise la condition essentielle : « il faut que l'élan vital soit la base fondamentale. Le psychodrame doit être un acte gratuit, spontané, pour avoir une efficacité bénéfique ». Il en est de même pour la franc-maçonnerie, qui exige de celui ou de celle qu'elle admet la probité morale et intellectuelle absolues.

Pour Moreno, l'angoisse de l'homme vient de tous les rôles inemployés qu'il porte en lui et qu'il ne peut extérioriser.

-L'apprenti.

Introspection-introversion et psychanalysette.

Le mérite de Freud et d'avoir réalisé un moyen de guider l'introspection et la psychanalyse.

Pour amorcer le dialogue entre les facultés conscientes et celles qui demeurent dans les profondeurs de la psyché, Freud a utilisé le langage qui pouvait le mieux se faire comprendre et servir de liaison ; celui des symboles.

Freud a employé les archétypes, images primordiales préconscientes. Mais Jung a dénaturé la théorie freudienne sur les archétypes en y ajoutant des sentiments mystiques non scientifiques.

Le mot « archétype » remontrait à l'école de Thalès de Milet.

Le mot «Arché » n'appartient pas au début au vocabulaire mythique.

L’Archée est le commandeur des Archontes, élus d'abord tous les ans, puis tous les 10 ans.

Il semble que ce soit Anaximandre, le disciple de Thalès qui adopte ce terme en lui conférant pour la première fois un sens philosophique de principe élémentaire.

Les deux archétypes les plus puissants comme symbolisme ; ceux employés par les psychanalystes et dans l'initiation sont la descente et la montée.

Ils sont universels et étendent leur signification à l'évocation des images qu'ils suscitent à tout ce qui est ressenti par l’être humain dans l'individu corps et psyché.

Éliane Brault évoque la « psychanalysette » méthode inventée par Robert Desoille et le docteur Calsant. La technique consiste à placer le sujet dans un état psychique qui est exactement celui du pré-endormissement au cours duquel le sujet n'est pas encore oublié, mais où la dissociation de l'imagination et de l'esprit critique est tel que celui-ci, ne contrôlant plus celle-là, elle peut jouer librement.

On peut alors pénétrer librement dans l'inconscient par la seule suggestion de monter et descendre.

Pour les inventeurs de la méthode du rêve éveillé ou psychanalysette, la psychanalyse appliquée à des sujets ayant dépassé la quarantaine place ceux-ci devant les ruines de leur passé sans leur ouvrir un horizon nouveau. Aussi, les psychanalystes renoncent-ils à entreprendre un traitement quand la vie n'offre plus à leurs malades des perspectives de réussite attrayante. Au contraire, le rêve éveillé est un enseignement de l'art de vivre qui est ouvert à tous les âges.

Il n'est jamais trop tard pour apprendre la sérénité.

Les méthodes de psychanalyse ou de psychanalysette, de rêve éveillé ou de psychodrames thérapeutiques ou initiatiques selon Éliane Brault ne sont ni morales, ni immorales ; elles sont amorales. La moralité est un autre problème.

-La descente-l'ascension.

Le symbolisme de la descente et de l'ascension est tellement puissant qu'il étend sa signification à tout ce qu'il entraîne dans l'imaginaire.

Il n'est pas nécessaire que le sujet en connaisse le processus pour en ressentir les effets. On sait que les réflexes conditionnés sont surtout activés par le renouvellement régulier du même traumatisme, si petit soit-il. Le sujet est tellement sensibilisé au rythme du jour et de la nuit, qu'il n'a pas besoin d'analyser ou d'être préparé, pour être immédiatement imprégné de l'archétype proposé. Le sujet a été séparé de l'actualité préoccupante en étant placé dans une pénombre propice à la méditation. Il est entré dans l'espacement semi mythique, semi réel de la descente. La sensation de coupure d'avec la réalité a favorisé le dépouillement de sa carapace sociale, de ses défenses caractérielles, nécessaires à la vie en société. Ce procédé d'examen et une préparation, une catharsis (épuration).

Le sujet découvre alors qu'il porte en lui une part d'inconscient dont il n'est pas le maître. Il pénètre dans son propre psychisme. Cette idée de descente dans la matière humaine a été assimilée à la descente dans la terre-mère. L'archétype cosmique de l'asservissement au destin, sans cesse renouvelé par la disparition du soleil, impose l'angoisse métaphysique de la période des ténèbres qui vont venir, sans en excepter la certitude consolante de la réapparition de la lumière qu'on peut appeler l'éternel retour, la perpétuelle remontée. Le symbolisme de la remontée a encore plus de prix que celui de la descente. L'ascension est la reprise de contact avec la lumière, la délivrance de la solitude. L'ascension vers la lumière apporte une euphorie de possibilités. Dans tous les langages, une terminologie associe les thèmes de la descente et de la mort hideuse.

On s'abîme dans le vice, on s'abaisse dans l'humiliation, on dégringole jusqu'au crime.

L'attraction ascensionnelle est aussi génératrice de symboles : on atteint un grade le plus élevé, on monte dans la hiérarchie professionnelle, on grimpe dans l'échelle sociale. Il était tout naturel que pour marquer leur supériorité, les empereurs, rois ou dictateurs aient adoptés les emblèmes qui représentent l'élévation comme les aigles impériaux, le soleil de Louis XIV.

Dans le vocabulaire courant, la charge affective l'emporte facilement sur le langage raisonné.

Cette faculté de la psyché de tricher avec le conscient fut la première remarque qui incita Freud à la psychanalyse et à conclure qu'une partie de nos actes sont conditionnés par l'inconscient.

Nous cherchons à rationaliser ceux-ci et à légitimer à nos propres yeux les actes que nous effectuons. Il semble qu'il s'établisse dans la psyché un va-et-vient entre l'archétype et le culturel, passant de l'un à l'autre. Depuis si longtemps que l'être humain a ressenti l'euphorie de la fin de la nuit et de la remontée solaire, il a conçu son origine comme provenant de cette bienfaisante lumière en son apogée, d'où l'idée d'une chute, et le consolationnisme inhérent aux instincts de la psyché, d'une probable remontée, avec cette certitude qu'allégé des contingences du sombre et du lourd, l'individu reprendra ses privilèges de lumière tel le soleil.

-Le symbolisme cosmique.

La pensée archaïque. L'évolution de la psyché.

On a dit souvent que les premiers cultes avaient été cosmiques. Les hommes ont toujours cherché à percer le mystère de l'origine du ciel et de la terre. L'homme s'est cherché lui-même dans le ciel, sur la terre et dans le temps.

On a vraiment tenté de rechercher une identité de croyances primordiales des cultes. Mais on observe des concordances dans les gestes rituels, le rôle des sorciers et la mise en état de réceptivité des initiables. Dans le choix des grottes et la sacralisation des cérémonies ; méthodes empiriques mais similaires où se cumulent le secret, l'affirmation de la personnalité et surtout le désir d'accroître les forces humaines. Avant de comprendre les phénomènes cosmiques et les lois atmosphériques qui les régissent, les hommes et les ont subis puis vus et enfin observés.

Puis, ils ont procédé par déduction et analysé.

Les rites cosmiques datent du mésolithique, c'est-à-dire environ 10 à 12 000 ans. La psyché moderne en est imprégnée.

Grâce à l'éducation parentale et à l'expérience des générations, l'enfant est guidé, éduqué.

Quels efforts n’a-t-il pas fallu aux premiers hommes pour distinguer les forces au milieu desquelles ils devaient subsister ?…

Les cérémonies rituelles de Lascaux et d'Altamira ont été des moyens d'établir un dialogue-monologue entre l'homme et les forces qu'il sentait confusément en lui mais qu'il était incapable de discerner et encore moins d'analyser. C'est lui-même que l'homme retrouve dans le symbole déclencheur et il est évident que plus le symbole est universel, mieux l'observateur ou le méditateur peut s'y intégrer. Plus il a placé de charges affectives dans le signal symbolique, plus il en ressent l'intensité.

Des religions cosmiques se sont établies dans les régions à climat tempéré. Elles ont été d'autant plus suivies que l'existence des cultivateurs dépend des conditions climatiques et météorologiques. Les éléments soleil, eau, feu et air prenaient des places de premier plan dans les préoccupations des habitants ; et elles devaient avoir une bien grande influence sur la mentalité humaine lorsque les industries de remplacement n’existaient pas encore.

Les dieux cosmiques ont les caractères des climats ou ils furent conçus. Il fallait la crainte des famines et du désert proche pour rendre si puissant le culte de l'eau. Isis règne sur les eaux alors que la Grande Mère, la Terre Rhéa, occupe une place de premier rang dans les contrées où la sécheresse n'était pas à craindre. En allant vers le nord, où les climats deviennent plus rudes avec les orages, le tonnerre et les guerres, les deux prépondérants sont Zeus et ses foudres, Thor, Wotan.

Éliane Brault évoque les quatre divisions cosmiques généralement acceptées :

la terre : le solide.

L'eau : le liquide.

L'air : le subtil.

Le feu : le chaud.

Les sensations du chaud, du froid, de l'humide et du solide sont communes à tous comme les sensations de la descente et de la montée. C'est pourquoi, elles sont demeurées les bases d'un symbolisme toujours valable à travers le temps.

On doit à Jacques Lacan l'épithète histoire mythique pour caractériser le scénario du psychodrame. Ce terme convient particulièrement à toutes les initiations qui ont pour but la prise de contact avec le cosmos.

De tous les symboles cosmiques, rites, initiations, les mystères et cultes concernant la Terre ont été davantage célébrés que ceux des autres éléments.

Tous les grands symboles archaïques ont au moins deux significations opposées. L'une bénéfique et l'autre maléfique. Le feu réchauffe et brûle. L'air calme et doux peut souffler en tempête, l'eau désaltère et engloutit, et la terre produit la nourriture et se nourrit de l'homme une fois inhumé.

La presque totalité des mystères antiques et des initiations ont été basés sur cette fécondité de la Terre. La mort pour la renaissance, qui correspond tellement dans l'affectivité et dans le psychisme ou don de soi pour que renaisse un germe nouveau a établi les associations d'idées : base du symbolisme cosmique.

De quelque façon que se fasse l'enfouissement, il est à la base de toute initiation, autant qu'il est à la base de toute introspection et psychanalyse.

Il y a donc dans ce contact avec la terre la puissance physique de la descente et de la remontée qui s'apparente aux méthodes d'induction et de déduction. Ce mécanisme est à la base de l'idée de péché originel.

-Le compagnon.

L'unité individuelle et la solidarité.

Le nouveau-né. Le primitif.

L'enfant n'est pas le résumé ou l'addition des facultés de ses parents et de ses ancêtres.

Il est une synthèse avec ses qualités propres, son individualité. De nombreux psychologues pensent que l'éducation et les conditions du milieu dans lequel l'enfant se développe jouent un rôle plus important que l'hérédité.

Dans l'individu, il y a la personnalité innée, héritage des lignées ancestrales, et la personnalité acquise par l'éducation, l'instruction et les conditions d'existence.

La psyché apparaît comme le coffre-fort des trésors acquis par l'humanité en même temps que la poubelle des erreurs accumulées et que chacun porte inconsciemment en soir quelque chose du malfaiteur et du génie.

Il semblerait que l'enfant bien accueilli lorsqu'il entre dans la vie ait un caractère plus heureux que celui qui est rejeté à la naissance.

Dès la rupture du cordon ombilical, chaque acquisition de la personnalité infantile sera une rupture avec la mère et un contact avec le monde.

Les parents sont une perception directe de l'enfant, ils sont vus comme l'autorité primitive et protectrice et le « sur moi » commence à se former, à devenir une puissance quand il faut être bien accueilli ou rejeté. Les notions du bien et du mal correspondent à la sanction et à la récompense. La première manifestation de personnalité de l'enfant sera le « non » d'opposition à ce qu'il le veut pas. Les oppositionnels seraient donc a priori des individus fixés dans une attitude de petite enfance. Il n'y a pas des comportements du corps et des comportements de l'esprit. C'est tout l'être qui intervient dans chaque phénomène vital ou mental.

L'éducation corporelle, autant que ses facultés affectives et celles de l'intelligence doivent être suivies, car tout entre en jeu pour l'équilibre rationnel de la personnalité.

-L'Homo faber : le symbolisme du travail.

L'homme dans la société est un mythe.

Il y a des hommes groupés dans des sociétés humaines diverses selon les temps et les régions. L'homme isolé n'existe pas.

L'instinct grégaire pousse les individus à se grouper, ne serait-ce que pour la reproduction de l'espèce.

Prétendre aimer l'humanité, et se vouer à une entité métaphysique l'Homme ; c'est tricher avec la vie et se dispenser d'aimer des êtres vivants dans leurs diversités.

Il est facile de s'attacher à une abstraction. Il est difficile de seulement tolérer ses voisins qui n'ont ni vos goûts ni vos opinions.

 

Le travail.

 

Les hommes appellent « travail » les douleurs de l'enfantement, marquant par là, la juste punition des joies de la chair, et de la connaissance ; avec une inexorable loi du talion : la femme devant être punie par où elle avait péché… Ainsi dès l'époque de la rédaction du second chapitre de la genèse le travail portait la marque infamante d'expiation et d'affliction, et si l'Eglise s'est résignée à admettre l'accouchement sans douleur c'est qu'il est avec le ciel des accommodements.

Étymologiquement le mot « travail » vient du bas latin du nom d'un instrument à trois piliers qui servait à ferrer les chevaux, à maintenir les animaux sous le joug et assujettir les condamnés à la torture. Assimilant l'action à l'instrument, on considéra le travail comme un maintien sous le joug en y ajoutant le contexte biblique de condamnation infamante à perpétuité…

En attribuant l'exploitation des hommes les uns par les autres à la volonté divine, les textes canoniques justifièrent théologiquement les injustices pratiquées par les humains, entérinant ainsi la suprématie des forts sur les faibles.

La servilité du travail et la notion d'avilissement qu'elle entraîne, est tellement dans les faits et dans les esprits que jusqu'au XIXe siècle l'exigence d'être libre, éliminait de certaines fonctions, de la noblesse et même de la franc-maçonnerie tout salarié, comme ayant aliéné sa liberté à l'employeur.

Pour effacer le cliché « travail avilissant » il fallait qu'il soit remplacé par un symbolisme qui l’ennoblierait, par un nouveau concept « travail libérateur » car on ne détruit un prototype de pensée qu’en le remplaçant par un autre. C'est le très grand honneur de la franc-maçonnerie d'avoir détruit le tabou d'expiation qui pesait sur le travail ; et de l'avoir remplacé par le symbolisme d'un effort, délivrant des servitudes humaines.

On avait jusqu'ici jamais cherché à exempter la femme de travail. Seulement son travail comme son corps appartenaient au foyer familial et on avait soigneusement veillé à ce qu'elle ne puisse acquérir ni l'instruction, ni l'esprit de jugement qui pouvaient l'affranchir de l'état de subordination dans lequel elle avait été enfermée.

La raison profonde qui a si longtemps prévalu pour empêcher la femme d'exercer une profession rémunérée en dehors du foyer, c'est l'identification du travail et du travailleur. Il était honteux pour une épouse ou une mère de recevoir une rémunération d'un employeur car c'était un peu se vendre elle-même.

Jusqu'au XIXe siècle les serviteurs n'avaient pas droit à une personnalité ; ils portaient le nom de leurs qualités ou de leur origine : Picard, Bourguignon…

Reconnaître que le travail est pénible, qu'il a fallu de longs efforts pour le rendre moins fatigant ; ce n'est pas oublier que l'homme a inventé des outils dans le but de poursuivre son évolution et parvenir à la dignité humaine. Le travail comme la maladie, la souffrance, l'accouchement et la mort font partie des lois actuelles de la condition humaine. L'intelligence persévérante, laborieuse de l'esprit humain doit tout mettre en oeuvre pour les rendre moins pénible, en reculer les limites. Le fatalisme, anathème jeté par la théologie sur les joies de la vie, voulant l'accouchement expiation et le travail malédiction doit être vaincu.

Il viendra un temps ou par le progrès de la science, une plus haute compréhension de l'existence sera venue. Les douleurs de l'accouchement, les efforts du travail seront dominés par la joie intense de créer de la vie ou de produire une oeuvre par l'effort humain.

Il a fallu des millénaires pour que la rémunération du travail ne soit pas l'achat du travailleur. Il a fallu des millénaires pour que l'entité « sexualité-reproduction » soit dissociée et que la sexualité devenue désir et amour puisse être indépendante de la fonction animale de la reproduction et du seul besoin sexuel.

C'est le très grand honneur de la franc-maçonnerie d'avoir détruit le tabou d'infamie qui pesait sur le travail et de l'avoir remplacé par le symbolisme d'un travail délivrant des servitudes humaines. Les francs-maçons portent le tablier symbolique du travail, assimilant d'ailleurs le travail manuel au travail intellectuel.

Les étapes de l'ethnologie peuvent se rapporter à trois âges symboliques principaux : l'âge de la pierre brute pendant lequel l'homme ne fut qu'un apprenti, l'âge de la pierre taillée pendant lequel l'Homo faber apprit avec ses compagnons à se servir des outils, enfin l'âge de la pierre polie où la technique permit à l'homme les associations d'idées et de développement de sa structure affective. L'étape où l'Homo sapiens vit se développer l'usage des outils.

La puissance qui dirige la main de l'ouvrier est la même que celle qui fait réfléchir le cerveau du philosophe mais pour qu'elle pût se développer, il fallait qu'elle prît possession d'elle-même par un long exercice et qu'elle fut servie par des instruments à la fois d'analyse et d'utilité.

Les outils sont une sorte de langage, un symbolisme de la puissance humaine, des actes et des idées des hommes.

Le maître.

 

 

L'Homo sapiens.

La longévité des hommes et des femmes de la Préhistoire étaient très limitées. Dans cette courte existence ou l'imagination était axée sur la conquête de la nourriture, existait ce phénomène commun aux petits-enfants et aux primitifs, la confusion entre l'imaginaire et le réel. Ce n'est qu'au cours des temps que l'homme a transposé les désirs irrationnels qui l'envahissaient sur le plan mystique.

L'adulte ressent toujours un confort mental, en retrouvant le jeu des confusions de son enfance. Il y a plus qu'une satisfaction de vanité à porter un cordon, une décoration, un uniforme de prêtre, de magistrat, d'officier ou de gardien de la paix.

Toutes les marques de prestige, décorations, titres sont des conforts mentaux accordés aux infantilismes qui persistent dans l'adulte. La décoration est un prestige de remplacement pour compenser les forces défaillantes ou déclinantes… Moins on a de titres réels, plus on recherche des marques de compensation. La modestie est un luxe des fortes personnalités.

Il semble que les initiations antiques s'effectuaient dans un secret relatif, les candidats étaient recrutés par cooptation après des épreuves probatoires pour s'assurer de leurs aptitudes et facultés. Que le néophyte après y avoir satisfait recevait communication des traditions.

En ce qui concerne la mythologie cosmique, les hommes ont imaginé les forces célestes en fonction des gouvernements qui les régissaient. Les pouvoirs des dieux égyptiens sont identiques à ceux des pharaons. Les religions sémites sont des théocraties où les dieux ont les pouvoirs des patriarches de chaque tribu.

La franc-maçonnerie en ce qu'elle ne suit aucun dogme est une maïeutique qui, par sa méthode, s'apparente à l'accouchement des âmes. Elle est la mise à jour dans la conscience du néophyte des facultés latentes des profondeurs de sa psyché. Pour le franc-maçon, aimer c'est aller vers la compréhension et parvenir à la solidarité humaine. Le franc-maçon part du sensible pour aller vers l'intelligible.

Tandis que les différentes religions du monde entier transposent les espérances des hommes sur le plan théologique, seule la Grèce dispense une philosophie, une science laïque. La franc-maçonnerie est fille de la laïcité hellénique. Il faudra longtemps pour que, de la Renaissance émerge l'idée philosophique laïque, malgré les bûchers, les prisons et les supplices, et pour que Jean de Meung ose glisser dans son Roman de la Rose : « rien n’à pouvoir contre raison ».

Le constructeur.

Pour la franc-maçonnerie, l'initiation est la prise de conscience de la participation à la vie avec ses devoirs et ses droits.

Par l'apprentissage ; le néophyte prend conscience qu'il est une unité autonome, mais non isolée dans l'unité universelle.

Par le compagnonnage, l'apprenti prend conscience qu'il est un homme dans la solidarité des autres hommes.

Le néophyte prendra conscience de la maîtrise lorsqu'il aura réalisé au plein sens du terme que le cercle de l'initiation sera fermé lorsqu'il aura vécu cette dernière initiation : la mort.

Il est plus facile à celui qui a vécu intensément d'accepter cette formalité « la mort » et ce n'est pas un paradoxe de penser que l'art de vivre et aussi celui de savoir mourir. Celui qui n'a pas peur de la mort est celui qui n'a pas peur de vivre.

L'initiation maçonnique depuis la cérémonie initiale jusqu'à l'évolution de l'initié ne donne pas comme un miracle une vue nouvelle de l'univers, mais elle éclaire peu à peu les facultés, les virtualités de la conscience et c'est la façon la plus efficace de lutter contre le fatalisme, comme la psychanalyse lutte contre les barrages inconscients pour les résoudre lorsqu'ils émergent à la conscience…

Ce que veut l'initiation maçonnique c'est, éveiller des facultés à la puissance d’aimer, à la compréhension mutuelle, car c'est en se comprenant mieux soi-même qu'on découvre les autres, et c'est dans le même temps en comprenant les autres, qu'on se révèle à soi-même.

Il n'a jamais été question dans l'initiation maçonnique de promettre une récompense aux néophytes. Ceux qui viendraient à la franc-maçonnerie pour y obtenir un avantage égoïste, personnel, seraient vraiment déçus. Ce que l'initiation dévoile au néophyte, c'est sa vraie personnalité, qu'elle s'efforce d'orienter dans le sens de son idéal, le bien de l'humanité. Par la révélation de ses qualités d'humains elle lui donne la possibilité des échanges affectifs, spirituels et intellectuels, elle lui apporte donc une des qualités caractéristiques de la vie, la communicabilité.

Acquérir la maîtrise, c'est avoir cette conscience de recevoir en soi toute l'hérédité du passé, les déconvenues et les déceptions, les erreurs, les mauvais sentiments ; mais aussi les bons, les richesses acquises depuis des milliards d'années, pouvoir discerner ce qui est mauvais et l'éviter ; et ce qui est bénéfique à conserver, perfectionner.

L'initiation maçonnique donne aux êtres cette conscience de la participation à la vie universelle. Elle s'adresse donc à tous, au plus riche comme au plus déshérité, pourvu qu'il soit libre et de bonnes moeurs, c'est-à-dire qu'il ne soit pas prisonnier d'un arbitraire, qu'il soit tolérant et de volonté bonne et constructive.

Le maçon qui par définition est avide de la science et de l'art de construire ne meurt pas. Selon l'antique expression : « il a vécu » et son oeuvre se poursuit dans ceux qui vivront.

 

 

 

 

 

 

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Humanisme : le Contrat social
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