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Humanisme : le Contrat social
28 août 2019

22/11/63

221163

22/11/63 (Stephen King)

 

Jake Epping n'avait jamais eu « la larme facile ». Son ex-épouse pensait que son « gradient d'émotion était inexistant ». C'est la raison principale pour laquelle elle l’avait quitté. Il n'avait pas versé de larmes à l'enterrement de ses deux parents, tous les deux morts à deux ans d'intervalle. Son ex-épouse ne l'avait jamais vu pleurer. C'est ce qu'elle lui avait reproché avant de le quitter. Il n'avait pas pleuré pour lui dire au revoir. Il avait pleuré seulement une fois seul. En fait, il avait pleuré sans larmes. Il n'avait pas de blocage émotionnel. Il avait pleuré quand sa mère lui avait annoncé la mort de son petit colley. Il avait aussi pleuré quand le médecin de sa mère l'avait appelé pour lui expliquer ce qui s'était passé sur la plage quand sa mère avait eu une crise cardiaque. Il ne croyait pas que la capacité de se répandre en sanglots pratiquement sur commande soit un prérequis pour un mariage réussi.

Il n'avait jamais vu son père verser une larme et la plupart du temps sa mère était comme son père. Alors peut-être que cette histoire de ne pas avoir la larme facile était un truc génétique. Pourtant, il ne croyait pas avoir de blocage émotionnel.

Il se souvenait avoir pleuré une autre fois. C'était en lisant l'histoire du concierge du lycée de Lisbon Falls. Professeur, il avait donné comme sujet à ses élèves adultes « le jour qui a changé ma vie ». À cette époque-là, Christy, sa femme, était sortie depuis peu de sa cure de désintoxication. Quand il prit le devoir du concierge sur le dessus de la pile, il n'avait aucun pressentiment que sa petite vie allait en être changée. L'histoire était tellement horrible que Jake avait pleuré une fois arrivé au passage où le concierge avait rampé sous le lit avec le sang qui lui ruisselait dans les yeux.

Le concierge était peut-être un cran au-dessus de ce qu'on appelait autrefois les « attardés éducables ». Mais il avait une bonne raison de l'être. Une raison qui expliquait aussi sa boiterie. C'était déjà un miracle qu'il soit en vie. Le concierge était un homme vraiment gentil qui avait toujours le sourire aux lèvres et n'élevait jamais la voix avec les gamins. C'était un homme bon qui avec vécu l'enfer et travaillait maintenant avec humilité pour obtenir un diplôme d'études secondaires. Jake traça un grand A rouge en haut de la première page. Il avait tellement ému qu'il avait rajouté un + à côté du A.

Jake aurait préféré faire un blocage émotionnel, en fin de compte. Parce que tout ce qui avait suivi-toutes les choses terribles qui avaient suivi-avaient découlé de ces larmes.

 

Première partie : ligne de partage des eaux.

Chapitre 1.

1

Harry Dunnin avait été reçu avec mention. Il était vraiment seul alors Jake était heureux d'assister à la remise des diplômes dans le gymnase du lycée de Lisbon. Jake alla lui serrer la main. Harry lui sourit.

Harry n'avait jamais compté avoir un A+ de toute sa vie mais Jake lui dit qu'il avait mérité. Jake lui demanda ce qu'il comptait faire en tant que diplômés du second degré. Harry lui répondit qu'il comptait encadrer son diplôme et l'accrocher au mur de sa maison. Puis il se verserait un verre de vin en admirant son diplôme jusqu'à l'heure d'aller se coucher.

Jake lui proposa de manger un hamburger et des frites. Harry en fut enchanté et accepta. Ils allèrent chez Al qui leur offrit le repas en voyant la toge de diplômé repliée d'Harry. Al avait également pris une photo de Jake avec Harry. Il accrocha cette photo à ce qu'il appelait son mur des célébrités. C'étaient des célébrités locales.

2

Deux ans plus tard, le dernier jour de l'année scolaire, Jake lisait les dissertations de fin d'année de ses élèves du cours de poésie américaine. Harry était venu lui serrer la main. Harry prenait sa retraite et il voulait remercier encore une fois Jake. Harry espérait que Jake allait prendre soin de lui. Il lui avoua avoir encadré le A+ pour l'accrocher juste à côté de son diplôme. Jake pensait que la prose d'Harry était de l'art primitif mais supérieure à celle de ses élèves dont l'écriture était anémique. Jake pensait qu'Harry avait écrit en héros au moins une fois dans sa vie.

Jake reçut un appel d'Al. Al voulait le voir, c'était important. Jake avait envie d'embrasser Gloria, la secrétaire avant de partir. S'il avait su ce que l'avenir lui réservait, il serait certainement monté la voir. Mais évidemment, il l'ignorait. La vie prend des virages à 180°.

3

 

Sur sa caravane de fast-food, Al avait laissé une pancarte sur laquelle était écrit « fermé définitivement pour cause de maladie. Merci pour votre fidélité au fil des années et que Dieu vous bénisse ». Jake sentait les premières volutes de l'irréalité qui n'allait pas tarder à l’avaler.. Jake vit dès le premier coup d'oeil qu'Al était mortellement malade. Ses cheveux avaient blanchi en une nuit. Il avait perdu au moins 15 kg en une journée. Personne ne perd 15 ou 20 kg en moins d'une journée. C'est à ce moment-là que le brouillard d'irréalité avait avalé Jake tout entier.

Al ferma sa caravane après avoir fait entrer Jake.

4

Al avait un cancer du poumon. Même s'il avait fumé pendant 50 ans, personne n'attrape un cancer du poumon en une nuit. En réalité, Al avait commencé à tousser sept mois plus tôt. Mais on était en juin et Al prétendait qu'il avait commencé à tousser en mai. Al prétendit avoir été obligé de rentrer de vacances alors que Jake l'avait encore vu  la veille. Al lui demanda de regarder ce qui avait changé en lui. Jake remarqua qu'Al avait des rides qui n'étaient pas présentes la veille. Jake se souvenait avoir été présent au 57e anniversaire d'Al. Pourtant Al prétendait avoir maintenant 62 ans. De plus, Jake remarqua que les mains d'Al étaient constellées de taches brunes. Al prétendit avoir pris pas mal au cours des quatre dernières années mais Jake l'avait vu passer la majeure partie de ces quatre dernières années envoyer des hamburgers sous un éclairage fluorescent. Alors, Al emmena Jake dans sa réserve. Il voulait lui montrer quelque chose.

5

Dans la réserve d'Al, ça sentait le soufre. Al prétendit que cela venait de l'usine Worumbo mais elle était fermée depuis les années 80. Al demanda à Jake de lui donner son téléphone portable, son porte-monnaie et l'argent qu'il avait dans ses poches. Al ne voulut pas des clés car selon lui elles ne comptaient pas. Al ajouta une liasse de billets. Jake remarqua que dans la liasse il y avait un billet de cinq dollars qui avait l'air ancien. Puis, Al donna une pièce de 50 cents à Jake. Jake n'en avait pas vu depuis son enfance. Al annonça à Jake qu'il allait voir des gens : Carton Jaune, un poivrot inoffensif, le Front-Vert à qui il devrait parler. Il devrait donner la pièce de 50 cents à Front-Vert. Al conseilla à Jake de ne pas répondre aux questions de Front-Vert. Alors, Jake n'aurait plus qu'à traverser la voie ferrée il se retrouverait au carrefour de Main et Lisbon street. Après ça, le monde appartiendrait à Jake.

Al demanda à Jake de faire un pas en avant en baissant la tête et il obéit.

Chapitre 2.

1

Jake se retrouve immédiatement en haut d'un escalier. Il en fut très surpris mais le descendit. Derrière lui, Al lui conseilla de fermer les yeux. Jake obéit. Il sentit de la chaleur sur sa peau. Il sentit également le soufre. Il ouvrit les yeux. Il n'était plus dans la réserve d'Al. Il se retrouva dans une cour. Il se retourna mais le resto d'Al avait disparu.

2

Jake vit l'usine Worumbo à la place de la caravane d'Al. Il paniqua mais Al lui dit qu'il pourrait retourner sur ses pas grâce à l'escalier. L'escalier était devenu invisible mais on pouvait encore le toucher. Jake se demanda à quelle époque qu'il était.

3

Jake prit un papier dans sa poche évolue le poser sur la dernière marche de l'escalier mais le papier tomba. Il servirait toutefois à marquer l'emplacement de l'escalier. Jake ramassa un petit fragment de béton pour s'en servir de presse-papiers. Jake avança. Il rencontra un homme vêtu d'un vieux manteau noir. L'homme était d'une maigreur squelettique. C'était un ivrogne de la plus belle espèce. L'ivrogne portait un chapeau de feutre avec un ruban d'où dépassait une carton jaune. L'ivrogne demanda à Jake qui il était et ce qu'il faisait là. Jake l'envoya promener. Jake prit la direction du portail qui ouvrait sur une voie de chemin de fer. Il y avait un parking rempli de voitures cabossées et anciennes. L'ivrogne dit qu'il avait un carton jaune pour le Front-Vert et demanda un dollar à Jake. Jake lui donna la pièce de 50 cents. Jake franchit le portail.

4

La voiture la plus récente sur le parking datait de la fin des années 50. Jake se trouva devant la Kennebec Fruit Company qui semblait être une entreprise florissante et à la boîte jaune et vert décolorée avec une vitrine sale que Jake connaissait. Il fut surpris de découvrir que cette entreprise avait un jour vendu de vrais fruits. Jakevit un bus passer et les passagers fumaient à l'intérieur. Il entra et vit des journaux qui étaient datés du 9 septembre 1958.

5

Jake acheta le Globe et une bière. La bière était savoureuse. Ce monde révolu des années 50 dégageait une odeur pire que ce que Jake aurait imaginé mais il avait une saveur incomparable. Celui qui lui servit la bière était le père de Frank Anicetti, futur gérant de la boutique. Jake lutta contre l'envie de dire au patron que grâce au soda Moxie, son enseigne allait rester ouverte à l'angle de Main Street et de l'ancienne route de Lewiston longtemps après lui. Jake demanda à Anicetti ce qu'était un Front-Vert. Le fils d’Anicetti lui répondit que c'était le magasin d'alcool et spiritueux juste en face.

6

Jake était paniqué à cause de tout ce qu'il voyait. Les femmes portaient des robes à mi-mollet et des chapeaux à voilette, le goût de la bière était très différent de ce qu'il connaissait. Jake vit que le poivrot était dans le Front-Vert probablement pour dépenser la pièce de 50 cents qu'il lui avait donnée.

Jake retourna à l'escalier et Al saisit son bras.

7

Al demanda à Jake ce qu'il avait retiré de son expérience. Jake était ébranlé jusqu'au tréfonds de lui-même. Al avait découvert ce passage totalement par hasard moins d'un mois après s'être installé avec sa caravane. La première fois, il était carrément tombé dans l'escalier, comme Alice dans le terrier. Jake voulut savoir combien de temps son expérience avait duré. Al lui répondit que ça n'avait duré que deux minutes, c'était toujours deux minutes. Et quand on arrivait en bas de l'escalier, il était toujours 11:58 le matin du 9 septembre 1958. Al demanda à Jake où il était allé. Jake lui répondit qu'il avait bu une bière à la Kennebec. Al avait vécu la même chose, à chaque fois. C'était comme retourner voir sans arrêt le même film. Chaque fois, c'était la première fois. Et chaque personne rencontrée, vous rencontrait pour la première fois quel que soit le nombre de fois où vous étiez rencontrés avant.

Le seul qui semblait soupçonner qu'un truc était décalé, c'était Carton Jaune. Mais il était trop démoli par l'alcool pour comprendre ce qu'il ressentait. Al pensait pouvoir fixer Jake complètement cet après-midi mais il ne pouvait pas à cause de la maladie. Alors lui proposa de passer chez lui le soir. Jake compris pourquoi les remparts gardent Albert n'étaient pas chers. Il y avait une rumeur sur la provenance de sa viande. Les gens disaient que c'était de la viande de chat. En réalité, Al se fournissait en 1958 avec les tarifs de cette époque. Al achetait la même viande, à la même heure, au même boucher qui lui disait toujours la même chose. Al trouvait que la plupart des gens qu'il avait rencontrés à cette époque étaient vraiment gentils et il avait eu l'air un peu nostalgique.

8

Jake rentra chez lui. Il pensait faire une sieste mais il ne réussit pas à dormir. Il voulut corriger des copies mais en fut incapable. Alors il regarde à la télé et tomba sur un vieux film mais cela lui donna mal à la tête et il éteignit. Il ne réussit pas à manger non plus. Il repensa à Al servant année après année des hamburgers faits avec la même douzaine de livres de viande hachée. Ça ressemblait vraiment au miracle des pains et des poissons. Il prit sa voiture pour aller en face de la Kennebec et contempla la relique à la peinture écaillée qui avait été autrefois un commerce florissant. Là où se trouvait le magasin d'alcools en 1958, il y avait à présent un joli bâtiment en briques qui abritait une succursale de la Key Bank. Pourtant le passé lui semblait très proche en cet instant. C'était comme si 1958 était encore là, à peine dissimulé sous une mince pellicule d'années intermédiaires. Il devinait qu’Al voulait lui faire faire quelque chose que lui-même ne pouvait plus faire empêché par sa maladie. Albert avait dit qu'il y était resté pendant quatre ans mais que quatre ans, c'était pas suffisant.

Jake se demanda s'il était prêt à passer quatre ans là-bas pour revenir deux minutes plus tard… Quatre ans de sa vie, c'était trop lui demander.

Il rentra chez lui et écouta une radio spécialisée dans les musiques des années 60. Il trouva que ça avait un son neuf. Il n'avait pas envie de vivre plusieurs années dans le passé mais il avait envie d'y retourner. Et il avait envie d'une autre bière racinette.

Chapitre 3

1

Jake alla chez Al. Le sommeil et les médicaments lui avaient fait du bien. Les médecins ne lui avaient laissé aucun espoir. Il apprit à Jake que son restaurant disparaîtrait car il ne faisait que louer l'emplacement et son bail arrivait à échéance.

2

Jake demanda à Albert ce qui arriverait à la brèche vers le passé si sa caravane était enlevée et qu'on construisait un magasin la place. Al pensait que la brèche disparaîtrait. Jake pensait qu'Albert avait probablement raison. Il pensa au gouvernement fédéral découvrant qu'il pouvait envoyer des troupes d'opérations spéciales dans le passé pour y changer ce que bon lui semblerait. Les allumés qui nous procuraient tous ces gadgets amusants tels qu'armes biologiques et bombes téléguidées étaient les derniers que Jake voulait voir exporter leurs programmes variés dans l'histoire vivante, sans défense.

À cet instant, Jake comprit ce qu'Al attendait de lui. Et il refusa. Alors Al lui confia la seule raison qu'il avait de ne pas prendre tout son stock de petites pilules roses en une seule fois.

3

Al employait une métaphore pour convaincre Jake de son projet. Il parla de ligne de partage des eaux. La ligne de partage des eaux, c'est une zone, généralement en montagne ou en forêt, à partir de laquelle les eaux de source se déversent dans différents fleuves qui coulent sur des versants différents. Pour Al, l'histoire aussi était un fleuve. Parfois, les événements qui changent l'histoire s'étendent sur une longue période-comme de longues pluies soutenues sur un bassin hydrographique qui peuvent faire sortir un fleuve de son lit. Dans l'histoire aussi, il y a des crues soudaines. Comme le 11 septembre 2001 ou la victoire de George Bush sur Al Gore en 2000. Jake pensait qu’Al ne pouvait pas comparer une élection nationale avec une crue soudaine. Al répondit que c'était l'élection était un phénomène unique et qu'en retournant à l'automne 2000 pour dépenser 200 000 $ en faveur d'Al Gore, on pouvait changer l'ordre des choses. Avoir une connaissance anticipée de l'issue des événements était un atout pour se dépatouiller de n'importe quelle difficulté. L'argent n'était donc pas un problème.

L'écart des votes avait été de 600 voix en Floride. Avec 200 000 $, on pouvait acheter les gens pour faire pencher la balance. Quand il s'agit du fleuve de l'histoire, les lignes de partage des eaux les plus susceptibles d'entraîner des changements sont les assassinats. Al évoqua l'exemple de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche assassiné par Gavrilo Princip. Il parla également de Claus von Stauffenberg qui échoua dans son projet d'assassinat d'Hitler en 1944. Alors, Al dit que pour l'archiduc ou Adolf Hitler, on ne pouvait rien faire. Ils étaient hors de notre portée. Car la brèche s'ouvrait en 1958. Pour le 11 septembre 2001, si Jake voulait empêcher cette ligne de partage des eaux, il devrait attendre 43 ans. Il aurait alors pas loin de 80 ans. Jake devina qu'Al projetait d'aller à Dallas en 1963. Al le lui confirma. Alors, Al dit à Jake qu'il n'était pas malade, lui, et qu'il pouvait empêcher l'assassinat de Kennedy.

Ainsi, Jake pouvait changer le cours de l'histoire et John Kennedy pourrait vivre.

4

Jake en divorçant était devenu un homme libre. Il n'avait pas d'enfant. Il ne trouvait pas son boulot excitant. Faire le tour du Canada en stop avec un copain après sa dernière année d'université était ce qui avait le plus ressembler à une aventure pour lui. Et là, tout d'un coup, on lui offrait la chance de devenir un acteur majeur non seulement de l'histoire américaine mais de l'histoire du monde. Il voulait être convaincu mais il avait peur aussi.

Al lui dit que s'il échouait il pourrait toujours revenir au 9 septembre 1958 pour tout annuler. Puisque chaque voyage était le premier voyage. Jake voulut savoir ce qui se passerait si les changements étaient si radicaux que son petit resto ne serait même plus là pour l'accueillir. Al répondit qu'alors Jake serait coincé dans le passé. Mais en tant que professeur d'anglais, il disposerait toujours d'une compétence monnayable. De plus, en connaissant l'avenir il pourrait gagner de l'argent avec les paris sportifs. C'est ce qu'avait fait Al tout en restant prudent pour ne pas attirer l'attention des bookmakers. De plus, Al ne pensait pas que le resto disparaîtrait car il avait toujours été là pour lui alors qu'il avait changé beaucoup de choses. Al mentionna l'effet papillon. L'idée que de petits événements pouvaient avoir de grandes ramifications. Si Jake sauvait la vie de John Kennedy, il y avait peu de chances que Robert Kennedy se présente à la présidence en 1968. Le pays n'était pas prêt à remplacer un Kennedy par un autre. De plus, si Jake sauvait la vie de John Kennedy, il y avait peu de chances que Robert Kennedy soit toujours à l'hôtel Ambassador le 5 juin 1968. De même, Martin Luther King serait-il toujours à Memphis en avril 1968 ? Dès lors les émeutes raciales qui avaient suivi sa mort n'auraient pas lieu.

Al savait que Jake savait peu de choses sur la guerre civile qui avait déchiré les États-Unis après l'assassinat de Kennedy à Dallas. Il se doutait que son ami ne saurait pas répondre à la question qui Lee Oswald avait tenté d'assassiner quelques mois seulement avant de prendre Kennedy pour cible. Parce que d'une façon ou d'une autre, tout ça était tombé dans l'oubli.

La guerre du Vietnam avait Lyndon Johnson pour origine. Kennedy aurait peut-être changé d'avis sur le Vietnam. Johnson et Nixon en avaient été incapables. Mais Jake avait peur de ne pas pouvoir revenir s'il partait. Et dans ce cas il ne saurait jamais ce qui avait été changé. Al le rassura en lui disant qu'il était jeune et que du moment qu'il ne se faisait pas écraser par un taxi ou terrasser par une crise cardiaque, Jake devrait vivre assez longtemps pour savoir quelle tournure aurait pris les choses. Jake demanda à Al s'il avait beaucoup lu sur l'assassinat de Kennedy et sur Oswald. Al le lui confirma.

Pourtant, Jake lui demanda comment il pouvait être aussi sûr que c'était bien Oswald qui avait assassiné Kennedy. Mais Al était catégorique. Pour lui tout était l'oeuvre d'Oswald. Al avoua à Jake qu'il avait déjà rencontré Oswald. Il l’avait vu à Fort Worth. Il savait qu'Oswald détestait son frère Bobby.

Al avait vu Oswald de près et il suffisait de regarder son visage pour savoir qu'il se prenait pour un champion. Al s'était retenu de l'étrangler. Mais il n'aurait pas pu faire ça devant sa femme et son enfant. De plus, c'était en pleine rue et Al avec une aversion pour la prison d'État et pour la chaise électrique. Oswald l'avait dévisagé et lui avait demandé ce qu'il regardait. Quand Al lui avait répondu qu'il ne regardait rien du tout, Oswald lui avait demandé de s'occuper de ses fesses. Pour Al, Oswald n'était rien qu'un petit avorton qui brutalisait son épouse et attendait de se faire une place dans l'histoire.

Al n'avait jamais cru aux théories du complot sur l'assassinat de Kennedy. Elles avaient été inventées pour trouver du sens à cet assassinat. Jake lui demanda pourquoi il n'avait pas assassiné Oswald quand il avait su qu'il était malade. Al lui répondit que pour cela il aurait dû être sûr à 100 % de le tuer. Et à ce moment-là, comme Oswald avait dit qu'il était un bouc émissaire, Al voulait être sûr que c'était un mensonge. Al avait pris des notes et les donna à Jake. Il voulait qu'il les bûche comme une bête. Ses notes se trouvaient sur un gros carnet bleu. Dedans, il y avait l'emploi du temps d'Oswald ainsi que toutes les preuves accumulées contre lui. Al voulait que Jake arrête ce petit salaud en avril 1963, plus de six mois avant la venue de Kennedy à Dallas. Parce que c'est en avril que quelqu'un avait tenté d'assassiner le général Edwin Walker. Général qui avait été déposé en 1961 par Kennedy en personne. Ce général distribuait de la littérature ségrégationniste à ses troupes et leur ordonnait de lire ces saloperies. Al pensait qu’Oswald avait essayé de tuer Walker. Al aurait volontiers échangé Walker contre Kennedy. Jake lui demanda si en confirmant la responsabilité d'Oswald dans la tentative d'assassinat contre le général Walker, il aurait éliminé les doutes qui lui restaient. Al le lui confirma.

5

Jake demanda à Al combien de temps il avait pour se décider. Il devait donner sa réponse avant le 1er juillet car après cette date le bail serait terminé. Al donna une clé à Jake. C'était celle de la caravane. Au cas où il aurait passé l'arme à gauche. Il dit à Jake que si un jour il avait désiré changer le monde, c'était sa chance. De sauver Kennedy. Son frère. Martin Luther King. D'empêcher les émeutes raciales. Empêcher le Vietnam, peut-être.

Albert avait encore choses à dire à Jake. Il devait lui parler de Carolyn Poulin et d’Andy Cullum.

6

Albert raconta à Jake qu'après avoir découvert l'entrée du terrier, il s'était contenté dans un premier temps de l'utiliser pour aller acheter des provisions, faire quelques paris chez un bookmaker et se constituer sa cagnotte de billets de 50 d'époque. Il prenait aussi les mardis et mercredis pour s'échapper vers le lac Sebago qui regorgeait de poissons savoureux. Le plus hallucinant dans tout ça, c'était de descendre cet escalier en pleine tempête de nord-est au mois de janvier et d'émerger en plein soleil de septembre. Quand le choc avait commencé à s'atténuer, Al s'était mis à réfléchir. Alors elle s'était demandée si on pouvait changer le passé. Il avait gravé avec son canif «Al T. 2007 » sur un arbre près de la cabane où il logeait. En revenant dans le présent, l'arbre était toujours là et les mots qu'il avait sculptés aussi.

À ce moment-là, il avait commencé à penser à l'effet papillon.

Le 15 novembre 1958, une fillette de 12 ans, Carolyn Poulin était allée à la chasse avec son père. Un chasseur, la confondant avec un cerf, lui tira dessus.

Carolyn avait pu terminer ses études. Elle était devenue expert-comptable. Malgré son handicap, elle était complètement autonome et en bonne forme physique. Alors, Al avait décidé de la sauver. En guise de test. Il était resté deux mois dans sa cabine du lac Sebago en disant au propriétaire qu'il venait de toucher un peu d'argent suite à la mort de son oncle. Le 15 novembre 1958, il s'occupa de  Cullum, le chasseur qui avait tiré sur Carolyn. Il était parti de sa cabane avec beaucoup d'avance mais malgré cela il eut affaire à une suite de malchances. Sa Chevrolet de location avait un pneu à plat et la roue de secours creva elle aussi. De plus, il fut obligé de donner un pourboire de 20 $ au mécano de service pour qu'il accepte de le dépanner. Après cela le pont qu'il devait traverser s'était effondré. Il dut emprunter un détour. Mais à ce moment-là, un arbre barrait la route et il dut s'arrêter pour le déplacer. Un homme s'arrêta et lui donna un coup de main. C'était Andy Cullum. Compte tenu de tous les ennuis qu’Al avait eus pour arriver à Durham, il pouvait à peine le croire. Après avoir déplacé l'arbre, Al fit semblant d'avoir une crise cardiaque et Cullum l'emmena à l'hôpital plutôt que d'aller chasser. Voilà pourquoi Carolyn n'avait jamais été blessée. Al avait donc réussi. Dès qu'il fut revenu de ce voyage, Al alla vérifier à la bibliothèque municipale pour rechercher l'article sur la remise des diplômes de l'année 1965. Avant, il y avait une photo de Carolyn  pour l'illustrer. Après, il y avait toujours un article sur la remise des diplômes mais cette fois la photo qui l'illustrait était celle d'un garçon car Carolyn avait eu son diplôme en 1964, l'année où elle aurait dû l'obtenir si elle n'avait pas été occupée à se remettre d'une blessure à la colonne vertébrale. Après quoi, Carolyn avait obtenu un doctorat. Il était donc possible de changer le passé mais ce n'était pas aussi facile qu'on pouvait le penser.

Al pensait que quelque chose ne voulait pas que le passé soit changé. Il fallait donc prendre en compte la résistance. Il demanda à Jake de regarder dans le carnet bleu. Dedans, il y avait l'article de 1965 avec le passé inchangé de Carolyn. Jake ne comprenait pas pourquoi. Albert lui expliqua que chaque nouveau passage dans la brèche était une remise à zéro. Tout ce qu'Albert avait fait pour sauver Carolyn avait effacé quand il était retourné voir Oswald. Alors Albert était revenu sauver Carolyn. Mais quand Jake était allé dans le passé, tout avait été effacé. Quand Jake était allé s'offrir une bière racinette, il avait aussi remis Carolyn Poulin en fauteuil roulant.

Chapitre 4.

Jake laissa Al se coucher. Al lui conseilla de lire le carnet bleu et de revenir le lendemain pour en parler. En regardant le drapeau du Texas qu'Al arborait devant sa maison, Jake pensait que c'est le Texas qui allait lui chercher des crosses, vu les difficultés qu'Al avait connues en voulant sauver la vie de Carolyn.

2

En rentrant chez lui, Jake pensa à nouveau à Carolyn. Il avait paralysé cette fille. Il l'avait remise dans un fauteuil roulant. Il se demanda si sauver la vie de Kennedy pouvait vraiment améliorer les choses. Il n'y avait aucune garantie.

3

Jake était en vacances mais il se sentait triste. Et pas seulement parce qu'il avait une décision difficile à prendre. Il avait révélé qu'il était dans la salle des profs en train de lire les devoirs de sa classe d'adultes. Sa femme venait juste de sortir de cure de désintoxication. Il espérait quelle serait la maison quand il se rentrerait. Dans son rêve, il avait placé le devoir d’Harry au sommet de la pile et commencée à le lire.

Jake avait pris l'habitude de photocopier les meilleurs devoirs de ses élèves. Alors il chercha le devoir d’Harry. Il commença à le lire.

4

Jake relut le devoir d'Harry. Il racontait une histoire horrible qui était arrivée à sa famille. Son père alcoolique avait tué sa mère, sa soeur et son frère, le soir d'Halloween 1958. Harry avait survécu parce que pendant que son père commettait ses crimes, Harry était aux toilettes.

5

Jake appela Al à 6:00 du matin. Al était déjà réveillé. Jake voulait lui montrer le devoir d'Harry. Al lui demanda s'il avait pris sa décision. Jake répondit qu'il devait encore une fois faire un voyage dans le passé avant de se décider.

6

Al lut devoir d'Harry deux fois. Il en fut estomaqué. Jake lui avoua qu'il avait pleuré quand il l'avait lu la première fois. Quand Harry était sorti des toilettes, il avait menacé son père avec une carabine à air comprimé, une carabine qui ne pouvait pas-de balles. Mais son père continua d'avancer vers lui avec son marteau. Alors Harry se réfugia dans sa chambre. Son père le rattrapa et lui donna un coup de marteau sur la tête. Harry fut grièvement blessé mais survécut. Un voisin arriva et découvrit le carnage. Il eut la présence d'esprit de se saisir de la pelle à cendres à côté de la cuisinière et assomma le père d'Harry. Al remarqua la date de ce drame. Il ne pouvait pas croire que c'était une coïncidence. Pour Jake ils avaient affaire à une autre ligne de partage des eaux.

Harry n'avait pas pu réussir ses études car il avait mis du temps à se remettre du drame. Pour Al c'était vraiment un gâchis.

Jake savait maintenant qu'il pouvait améliorer la vie d'Harry. Mais pour lui ce n'était pas vraiment la question. Carolyn n'avait jamais été un très bon sujet de test car Al lui avait seulement sauvé les jambes. Ce qu'Al avait fait avec Carolyn c'était un peu comme si un chirurgien guérissait un appendice infecté au lieu de le retirer. Super pour l'appendice, mais même sain, il n'aurait jamais aucune fonction vitale. Pour Jake la famille d'Harry semblait faire un meilleur sujet de test parce qu'au lieu d'une seule fillette paralysée, ils avaient ici quatre personnes assassinées et une cinquième mutilée à vie. Quelqu'un qu'ils connaissaient en plus.

Jake voulait se procurer un meilleur exemple de ce qui peut arriver quand on intervient sur une ligne de partage des eaux. Il avait besoin de vérifier ça avant d'aller interférer avec un événement aussi important que l'assassinat de Kennedy.

Al comprenait.

7

Albert de fer-blanc

Jake. Il l’ouvrit avec une clé qu'il portait autour du cou. Dedans, il y avait une grosse enveloppe en papier kraft. Elle contenait un gros tas de billets. Jake remarqua un billet de 20 $ avec le visage de Grover Cleveland. C'était l'argent qu’Al avait gagné avec ses paris. Il y avait aussi une partie de ses économies. Il avait travaillé comme cuisinier entre les années 1958 et 1962 exactement comme au temps présent. Dans la boîte, il y avait 9000 $. Ça équivalait à 60 000 $ d'aujourd'hui. Dans la boîte, il y avait une carte de sécurité sociale au nom de Georges T. Amberson. Al demanda à Jake de signer cette carte. Dans la boîte il y avait aussi un permis de conduire de l'État du Maine toujours au nom d'Amberson. Ce serait donc l'identité de Jake dans le passé. Il serait né le 22 avril 1923. Albert donna à Jake une carte de fidélité de chez Hertz, une carte d'abonné au gaz de ville, une carte du Diners club et une carte American Express. Al suggéra à Jake d'ouvrir un compte mais de ne pas y déposer plus que 1000 $. Il fallait qu'il garde le plus possible d'argent en espèces et à portée de main. Au cas où il devrait revenir en toute hâte. Les cartes de crédit, c'était seulement des preuves d'identité supplémentaire. En effet, lors du voyage de Jake en 1958, les comptes réels liés à ces cartes avaient été effacés. Al offrit à Jake une feuille de papier sur laquelle se trouvait les résultats sportifs 1958-1963 il fallait que Jake fasse très attention à cette feuille pour qu'elle ne tombe pas en de mauvaises mains. Enfin, Albert offrit à Jake une sacoche car en 1963, les sacs à dos n'étaient utilisés que par les boy-scouts.

Jake demanda ce qu'il devrait faire si on lui demandait comment il gagnait sa vie. Albert lui conseilla de répondre qu'il avait hérité de son vieil oncle, le temps pour lui d'écrire un livre. Mais Jake avait peur et il demanda à Al de l'accompagner jusqu'à la caravane pour son deuxième voyage.

8

Al accompagna Jake jusqu'à la caravane. Il lui promit de lui offrir un café à son retour si ça avait marché. Jake descendit l'escalier.

Deuxième partie : le père du concierge.

Jake emprunta le même chemin que lors de son premier voyage. Carton Jaune le renversa presque en hurlant. Jake le repoussa. Il regretta son geste il lui dit qu'il ne voulait pas le pousser mais qu'il avait eu peur. Alors Carton Jaune lui demanda qui il était. Jake répondit qu'il n'était personne d'important mais que son prénom était George. Carton Jaune le traita d'enculé et lui dit qu'il n'était pas censé être ici. Jake s'apprêtait à aller prendre une bière à la Kennebec quand Carton Jaune lui demanda un dollar. Alors Jake lui donna la pièce de 50 cents. Carton Jaune lui demanda ce qu'il venait faire ici. Jake répondit qu'il avait un travail et lui conseilla d'aller voir les alcooliques anonymes. Mais Carton Jaune lui dit de se casser. Jake remarqua que le carton dans le chapeau de l'ivrogne n'était plus jaune mais orange.

2

Jake traversa la voie ferrée et le même autobus interurbain que la première fois passa en grondant. Le James Dean rockabilly était à son poste devant la porte de la Kennebec et lui balança encore un : «Hé-ho, Daddy-O ! ».

La première fois, Jake avait pris un journal et Frank Anicetti lui avait demandé s'il voulait un soldat à la fontaine. Cette fois, Jake n'avait pas pris de journal et Anicetti lui demanda simplement ce qu'il pouvait faire pour lui. Alors Jake réalisa que si chaque voyage remettait tous les compteurs à zéro, dès qu'on modifiait quelque chose, alors tout devenait possible.

L'idée était à la fois libératrice et effrayante.

Jake commanda une bière et à nouveau Anicetti junior arriva. Mais cette fois Jake se présenta sous le nom de George Amberson en provenance du Wisconsin et Anicetti lui demanda s'il voyageait pour affaires ou pour son plaisir.

Jake était surpris car cette scène ne cessait de s'éloigner du script original et d'y revenir.

Cette fois, Jake eut envie d'aller aux toilettes après avoir bu sa bière. Mais il dut aller chez Titus pour cela. Anicetti ne lui parla pas de la nouvelle « les gens de l'été » cette fois-ci. Jake pensa avec un certain malaise à ce fameux effet papillon. Jake demanda s'il y avait un bon motel dans le coin et Anicetti senior le reprit en disant qu'il y avait un relais automobile à 10 km, le Tamarack. Au loin, il vit Carton Jaune en train de discuter avec le vendeur du Front- Vert., Il était revenu au script d'origine. Jake prit ça pour un bon signe.

3

Jake passa devant le Jolly White Elephant, un magasin de meubles d'occasion et salua son propriétaire, probablement le beatnik du coin, en levant deux doigts. Le beatnik lui répondit en hochant la tête.

Jake alla chez le garagiste Titus pour soulager son ventre. Il fut surpris par le prix peu élevé des Cadillacs. Après quoi, il sache à une valise dans l'entrepôt de meubles d'occasion.

4

Jake se promena dans la rue commerçante et alla chez le barbier pour se faire couper les cheveux. Devant la boutique du coiffeur, il y avait une affiche électorale pour le démocrate Edmund Muskie. Jake entra en disant qu'il avait toujours voté pour les démocrates ce qui fit rire le propriétaire du magasin Harold qui se présenta comme républicain.

Harold lui coupa les cheveux pour 40 cents.

5

Jake déposa 1000 $ à la Hometown Trust. Le directeur adjoint lui proposa d'ouvrir un compte d'épargne. Jake refusa poliment. La caissière lui fournit une cinquantaine de chèques avec un porte-chèques. Jake vit que les employés enregistraient les transactions à la plume et l'huile de coude. Il se dit que vivre dans le passé, c'était un peu comme vivre sous l'eau et respirer avec un tuba.

6

Jake fit l'acquisition des vêtements recommandés par Al chez Mason’s Menswear. Jake retourna au Jolly White Elephant pour récupérer sa valise. Le vendeur lui dit qu'il avait une drôle de façon de faire ses courses. Et Jake lui répondit que c'était un drôle de vieux monde. Cela fit sourire le vendeur qui lui proposa de glisser sa paume sur la sienne.

7

Jake entra dans une cabine téléphonique pour appeler un taxi. Au moment de chercher de la monnaie dans sa poche, il se rendit compte qu'il y avait laissé son téléphone portable. Si quelqu'un le voyait, on lui poserait une centaine de questions auxquelles il ne pourrait pas prendre. Alors il rangea son téléphone dans la sacoche.

La pièce qu'il glissa dans la fente de l'appareil retomba car c'était une pièce de 2002. Alors il fouilla sa monnaie et trouva une pièce de 1953. Une pensée lui fit froid dans le dos. Si sa pièce de 2002 était restée coincée dans la gorge du téléphone au lieu de tomber directement dans le retour de pièces, un employé d'AT & T. aurait pu le trouver. Il l'aurait montrée autour de lui et il y aurait peut-être même eu un entrefilet dans le journal à ce sujet.

Jake se promit d'être prudent.

8

en attendant son taxi, Jake regarda les voitures d'occasion de Titus. Il était particulièrement séduit par une Ford décapotable de 1954. Titus lui fit l'article. Alors Jake se présenta sous le nom de George Amberson du Wisconsin. Titus en demandait 350 $. Jake répondit qu'il allait réfléchir. Titus lui conseilla de ne pas traîner car la Ford ne resterait pas longtemps sans bouger. Cette réponse rassura Jake qui se dit que certaines choses ne changeaient pas.

9

Le chauffeur de taxi étaient un gros type coiffé d'une casquette usée assortie d'un badge chauffeur assermenté. Il fumait des Lucky Strike et écoutait la radio.

Jake regarda le paysage défiler. La zone urbaine tentaculaire entre Lisbon Falls et Lewinston n'existait pas encore. Jake vit plus de vaches que d'habitants. Jake arriva au relais automobile qui était bordé d’ormes immenses et majestueux.

10

Jake paya sa chambre en liquide. Il y avait une télé dans sa chambre avec seulement trois chaînes mais seule ABC avait une image claire. Il alluma son portable et bien sûr l'écran afficha « pas de réseau ».

Il se dit que si on le surprenait avec ce téléphone, il pourrait être arrêté par les flics locaux et gardé à vue le temps que quelques-uns des gars de J Edgar Hoover rappliquent de Washington pour le cuisiner.

Jake glissa toutes ses pièces du futur dans une enveloppe. Il sortit pour se promener dans le champ. C'était calme et silencieux. Jake alla jusqu'à l'étang pour y plonger son téléphone portable ainsi que l'enveloppe contenant les pièces du futur.

Chapitre 6

1

Le lendemain, Jake prit un taxi pour retourner chez Titus pour acheter la Ford. Titus prétendit ne pas pouvoir vendre la Ford à moins de 350 $. Alors Jake lui proposa de choisir entre un chèque de 350 $ ou 300 $ en liquide. Titus choisit les billets. Avec 15 $ de plus, il rajouta une vignette autocollante et une plaque valable 14 jours.

Jake partit pour Derry avec sa Ford. Il se sentait bien jusqu'à ce qu'il voit Derry.

2

Quelque chose allait mal dans cette ville et Jake le sut dès le début. Ou vous il trouvait que les habitants de Derry ressemblaient plus aux péquenauds consanguins de Délivrance qu'à des agriculteurs du Maine. C'était la ville où Harry avait grandi et Jake la détesta au premier regard.

L'écriteau du drugstore résumait l'impression que Derry causa à Jake. L'écriteau disait : « le vol à l'étalage n'est ni « extra » ni «bath » ni « chouette » ! Voler à l'étalage est un crime passible de poursuites ! Et je poursuivrai en justice ! Norbert Keene. Propriétaire ».

Malgré cela, Jake entra et salua Norbert Keene qui ne répondit pas à son salut. Un employé avec 1 m ruban autour du cou s'approcha. Jake acheta un chapeau en paille. L'employé lui demanda d'où il venait. Alors Jake répondit qu'il s'appelait Amberson et qu'il travaillait dans l'immobilier, de passage à Derry pour retrouver un ancien copain d'armée. Le copain en question s'appelait Dunning (le père d'Harry). L'employé ne lui donna aucune information et paru distant. Alors Jake lui demanda quel était le meilleur hôtel de la ville. L'employé répondit que c'était le Derry Town House. À Derry, le soir semblait toujours tomber de bonne heure.

Jake entra dans un bar et demanda aux ouvriers ce qu'il y avait comme bière à la pression. Pendant un moment, aucun d’eux ne lui répondit. Puis, un des ouvriers qui ne portaient pas de bretelles lui conseilla une Bud et Mick. Jake prétendit encore venir du Wisconsin de passage à Derry pour chercher un ancien copain de l'armée. L'ouvrier sans bretelles lui dit que Derry était remplie de Dunning. Il lui conseilla de prendre sa Ford pour monter en haut de la côte pour trouver des bons troquets car le bar où il était été réservé aux prolos.

Jake était dégoûté par la froideur des habitants de Derry et il avait envie de renoncer mais il était la dernière cartouche de trappeurs pour Al.

Jake prit une chambre d'hôtel. Son séjour à Derry avait commencé.

3

Jake consulta l'annuaire du téléphone. Il y avait en effet beaucoup de Dunning à Derry. Après avoir mangé, Jake prit une bière au comptoir de l'hôtel. Il discuta avec le barman dans l'espoir d'avoir des informations. Le jeune homme n'avait pas la froideur des habitants de Derry. Le barman lui demanda d'où il venait et Jake sortit le refrain habituel. Le barman comptait se tirer de Derry à la fin du mois dans un endroit un peu plus ouvert. Jake offrit une bière au barman pour lui prouver que les gens du Wisconsin étaient plus chaleureux que ceux de Derry. Mais le barman ne buvait jamais d'alcools en travaillant alors il accepta volontiers un coca. Le barman venait de Fork Kent, une petite ville sympathique. Il était descendu vers le sud pour chercher fortune. Mais il trouvait que ça puait à Derry. Il n'y avait pas grand monde dans cet hôtel. Les gens huppés se sifflaient leur alcool à la maison. Il baissa la voix pour dire à Jake qu'il y avait eu des meurtres, une dizaine. Des enfants. Jake pensa que la présence d'un tueur d'enfants pouvait expliquer en grande partie l'ombre qu'il sentait planer depuis son arrivée à Derry. Un petit garçon nommé George avait été tué près d'une bouche d'égout par un type déguisé en clown. Il y avait un client dans le bar qui paya sa consommation et s'en alla. Le barman pensait que si ça continuait, ce bled allait devenir une ville fantôme.

Le barman évoqua l'assassinat du petit Dorsey Corcoran par son père à coups de masse. Jake voulut savoir si Corcoran n'avait pas tué d'autres gosses. Il y avait un frère aîné dans cette famille de tordus, Eddie. Il avait disparu en juin dernier. Le barman s'appelait Fred Toomey. Il conseilla à Jake d'éviter de parler aux enfants.

4

Jake entra dans sa chambre en supposant qu'il pourrait changer juste assez les choses, au cours de ces sept prochaines semaines, pour que le père d'Harry tue son fils au lieu de le laisser boîteux et un peu demeuré. Il se dit que ça n'arriverait pas et qu'il ferait en sorte que ça n'arrive pas.

5

Le lendemain matin, Jake prit le petit déjeuner au restaurant. Un client avait abandonné sur la table un quotidien local. Jake y chercha des informations sur les enfants Dunning. Il n’en trouva pas.

Il compta 96 Dunning dans l'annuaire. Il se rendit compte qu'il avait été conditionné par une société où l'Internet était omniprésent. Il en était devenu dépendant. Alors il repensa à un de ses professeurs de sociologie qui disait : « quand tout le reste a échoué, laissez tomber et aller à la bibliothèque ». C'est ce que fit Jake.

6

Dans l'après-midi, Jake alla regarder la bouche d'égout où George Denbrough avait perdu son bras et sa vie. Jake était désespéré et commençait à ressentir ce qu'Al avait senti : quelque chose s'acharnait contre lui.

Il alla à la bibliothèque dans l'espoir de consulter le registre de recensement. Le dernier recensement remontait à huit ans et trois des quatre aux enfants Dunning devait y figurer. Mais il ne trouva pas le registre de recensement. Mirs Starrett, la sympathique bibliothécaire, lui avait dit que ces documents avaient leur place à la bibliothèque mais que le conseil municipal avait décidé de les garder à l'hôtel de ville.

Jake se rendit à la mairie. Il demanda à Marcia Gay, la secrétaire, lui annonça que le registre avait disparu à cause des pluies diluviennes. Alors Jake ressentit ce qu'Albert avait dû ressentir en essayant de sauver Carolyn : il était dans une sorte de prison aux parois flexibles. Pour ne pas se faire remarquer, Jake quitta l'hôtel et décida de louer une chambre. Il entendit un air de Glenn Miller «In the mood ».

7

La musique provenait d'une aire de pique-nique. Un couple dansait près d'un tourne-disques. Jake les regarda, à la fois impressionné émerveillé. Il avait l'impression d'avoir brièvement aperçu la véritable mécanique de l'univers.

Il avait rencontré son excellent femme Christy dans un cours de swing à Lewiston et « In the mood » était un des airs sur lesquels ils avaient appris à danser. Ils avaient obtenu le quatrième prix du concours de danse de Nouvelle-Angleterre. Pour lui, ce qu'il était en train de voir n'était pas une coïncidence. Quand le couple d'adolescents remarqua la présence de Jake, il ne s'était pas refermé. Au contraire, leurs visages avaient gardé une expression avenante, pleines de curiosité et d'intérêt. Le garçon s'appelait Richie et la fille Beverly. Jake se présenta sous le nom de George Amberson. Ils remarquèrent que Jake n'était pas de Derry. Ils lui dirent que les gens d'ici étaient inquiets pour les gosses. Mais quand les meurtres s'enchaînaient, il n'y en avait pas un qui avait moufté. Beverly demanda à Jake s'ils le connaissaient. Richie lui demanda s'il cherchait quelque chose. Jake acquiesça et leur demanda comment ils savaient qu'il n'était pas dangereux. Ils ne semblaient pas effrayés par l'étrangeté de Jake. Au contraire, ça les fascinait. Richie lui répondit que ça se voyait qu'il n'était pas dangereux. Alors Jake évoqua la mort de Dorsey et ils grimacèrent. Beverly chuchota à l'oreille de Richie. Alors Jake se jeta à lots. C'étaient eux qu'il attendait. Il le savait.

Il leur demanda s'ils connaissaient des enfants du nom de Dunning. Beverly lui répondit qu'ils les connaissaient puisqu'ils allaient au lycée avec eux. Ils s'entraînaient à danser avec eux.

Ils savaient où ils habitaient mais ils ne voulurent pas le dire à Jake. Alors Jake leur dit qu'il y avait de fortes chances que Tugga ne monte jamais sur scène sauf si quelqu'un veillait sur lui. Et sur ses frères et sa soeur aussi. Alors ils lui dirent ou habitaient les Dunning. Jake se demanda ce que ces enfants allaient colporter de leur curieuse conversation.

Beverly connaissait le père d'Harry et elle prétendait qu'il était gentil et faisait des blagues. Mais Jake lui dit que les clowns aussi faisaient des blagues. Cela fit sursauter les enfants. Beverly lui demanda s'il connaissait la tortue. Et comme il ne savait pas elle lui dit que M. Duning était un homme vraiment gentil. Jake leur dit qu'il serait à Derry pendant quelque temps et qu'il valait mieux qu'il n'attire pas trop l'attention. Il leur demanda de rester discret sur ce qui venait de se passer. Ils savaient garder un secret. Richie lui dit que ça avait été chouette de lui parler. Il lui conseilla de faire attention à Derry. Même si c'était mieux que ça avait été, pour Richie ce ne serait jamais vraiment impec.

Avant de partir, Jake leur montra comment ils pouvaient améliorer leur danse. Le platine 78 tours pouvait être ralenti à 45-tours, ce qui permettait de ralentir la musique et d'avoir plus de temps pour apprendre les pas. En les regardant danser, Jake se sentit heureux pour la première fois depuis son arrivée à Derry.

8

Jake se rendit à Kossuth Street, l'adresse de la famille Duning. Il se rendit dans une station-service pour trouver une carte et s'acheter le Daily News. Kossuth Street ressemblait à une scène extérieure dans une vieille sitcom un peu floue. Jake regarda une femme qui lavait sa voiture tandis que ses filles jouaient à la corde à sauter. Jake évita les filles soigneusement des qu'il vit la femme interrompre sa tâche en le regardant. Plus loin, il y avait un centre aéré à vendre. À côté, se trouvait la maison des Dunning. La petite Ellen remontait l'allée goudronnée de sa maison sur un petit vélo à roulettes. Elle chantait. Sa mère l'appela pour lui proposer de manger un cookie. Harry suivi sa soeur. Maintenant que Jake les avait vus, des gens réels vivant leur vie réelle, il semblait n'y avoir aucun autre choix possible que de changer le cours des choses.

Chapitre 7

1

Jake passa sept semaines à Derry. Il en était venu à haïr et à craindre cette ville. Il en était venu à croire que l'ombre ne quittait jamais complètement cette ville avec ses étranges bas-fonds en guise de centre.

C'était un sentiment d'échec imminent qui lui faisait le détester. Malgré l'oppression qu'il ressentait, il ne voulait pas partir maintenant qu'il avait vu le Harry d'avant la patte folle avec son sourire d'innocent.

Si Jake laissait le drame se produire, il ne voyait pas comment il pourrait se supporter ensuite. Il resta donc même si ce ne fut pas facile. Et chaque fois qu'il pensait qu'il lui faudrait en repasser par là, à Dallas, son esprit menaçait de se figer.

2

Pour son deuxième jour à Derry, Jake descendit au marché central. Cela lui permit de passer inaperçu parmi la foule. Il alla dans un magasin pour s'acheter des chemises et des pantalons ainsi que des bottes de chantier. Il acheta aussi des fruits et des légumes. Il se demanda quel métier pouvait bien faire le père d'Harry. Il vit que le père d'Harry était boucher. Parfois, la vie nous sert des coïncidences qu'aucun écrivain de fiction n'oserait copier.

Frank Duning faisait rire les clientes. La ressemblance avec Harry était frappante au point d'en être troublante. Il avait un charme ravageur. Rien d'étonnant à ce que ces dames soient tout émoustillées.

Rien d'étonnant à ce que Beverly trouve que ce type était le mec le plus ultra. Frank Dunning était un charmeur et il le savait.

Il y avait un magasin légèrement moins cher que celui de Frank Dunning mais la gent féminine de Derry préférait dépenser la paye du mari au marché central, maintenant Jake savait pourquoi. Dunning était beau.

Jake le vice faire son numéro de charme devant les clientes. Malgré cela, Jake trouva qu'il avait un regard froid. Lorsque Dunning s'était entretenu avec son harem fasciné, ses yeux avaient été bleus. Mais quand il avait tourné son regard sur un Jake, ce dernier aurait juré qu'ils étaient devenus gris.

3

Jake sortit du marché à 17:20 et se rendit dans un café restaurant pour déjeuner. Après quoi, il s'assit sur un banc en attendant la fermeture du marché central. Il vit sortir Dunning qui marcha jusqu'à l'arrêt de bus. Dunning monta dans le bus. Jake se rendit à la station suivante pour monter dans le bus. Jake vit que Frank Dunning avait troqué son uniforme de boucher contre un pantalon gris sur mesure, une chemise blanche et une cravate bleue. Il était ultra chic. Jake vit Dunning descendre du bus. Il remarqua sa démarche souple et sa musculature. Il comprit que la femme de Dunning et ses enfants n'avaient aucune chance de se défendre contre lui.

Jake vit que Dunning habitait dans une pension de famille. L'homme gentil n'habite plus à la maison avait dit Richie. Jake se demanda ce que Dunning avait pu raconter aux habitants de la pension pour justifier sa séparation d'avec sa famille. Mais en Amérique, où l'apparence passe toujours pour la substance, les gens croient toujours des types comme Frank Dunning.

4

Le mardi suivant, Jake loua un appartement et emménagea dès le lendemain. Il était à Derry depuis une semaine. Jake trouva le loyer un peu cher car l'appartement était situé juste en dessous de la trajectoire de vol des avions atterrissant à l'aéroport de Derry mais sa logeuse Mrs Joplin était disposée à fermer les yeux sur le manque de référence de George Amberson. Il avait payé trois mois de loyer en liquide par avance. Jake était reconnaissant à Al de lui avoir remis beaucoup d'argent liquide car le liquide rassurait les inconnus.

Il compléta son mobilier et acheta une télé. Il s'était acheté un carnet. Il prit quelques notes pour préparer ce qu'il comptait faire contre le Dunning. Comme ses notes se terminaient par la volonté d'assassiner Dunning, il arracha la feuille du carnet pour la brûler.

5

Jake se disait qu'il serait inutile d'appeler la police pour dénoncer la violence de Dunning. Dunning était une figure appréciée et respectée dans son milieu. Jake pensait aussi qu'il pouvait donner un appel anonyme à Dunning mais cela risquait de précipiter le drame. Au lieu de prévenir les meurtres, peut-être que Jake ne ferait que les précipiter. En le renversant avec sa voiture, Jake risquait de se faire arrêter et incarcérer. De plus, si Dunning n'était que blessé il pourrait tenter de recommencer. Le seul moyen sûr était de le suivre, d'attendre qu'il soit seul puis de le tuer. Mais si Jake se faisait prendre il serait envoyé en prison ou il croupirait le jour où Kennedy serait assassiné à Dallas.

De plus, Jake devait sur à 100 % que Dunning était bien l'assassin. Même si Harry n'était pas le genre de personnes a essayé de faire passer des fantasmes, comme le meurtre d'une famille entière, pour la réalité, Jake devait vérifier l'histoire d'Harry. Harry avait peut-être oublié de mentionner des détails cruciaux, autant d'éléments qui pouvaient conduire Jake à l'erreur. Il pensa qu'il pouvait observer la situation, le soir d'Halloween mais s'il laissait le drame s'accomplir il serait obligé de retourner à Derry une deuxième fois et ce serait pire.

Le lendemain, au réveil, Jake pensait savoir ce qu'il avait à faire. Faire simple.

6

Il alla au magasin chasse et pêche Macken pour s'acheter un revolver en prétendant qu'il était dans l'immobilier et qu'il lui arrivait de transporter de grosses sommes d'argent en liquide.

Jake put acheter cette arme sans montrer ses papiers ni même donner son adresse courante, on était en 1958.

En sortant du magasin, Jake remarqua qu'un ouvrier semblait le surveiller, c'était celui qui n'avait pas de bretelles.

7

Ce soir-là, Jake se remit en faction pour surveiller la sortie de Dunning. Mais cette fois-là, il ne le suivit pas jusqu'à chez lui. Pas-de-bretelles n'était pas dans les parages à le surveiller. C'était peut-être une coïncidence.

Le lendemain soir, Jake retourna au Strand (le cinéma local) qui affichait Thunder Road avec Robert Mitchum. Halloween était encore à six semaines de là et Jake essayait de tuer le temps. Cette fois, Frank Dunning ne prit pas le bus. Il s'éloignait en direction de Canal Street en sifflotant. Jake le suivit. Il vit entrer au Lamplighter, un bistrot moins populo que ceux de Canal Street. Dans toutes les petites villes, il y avait un ou deux bistrots-frontières ou cols bleus et cols blancs pouvaient frayer en égaux.

Dunning traversa la salle en saluant les uns et les autres. Jake entra dans le bistrot.

8

Jake commanda deux bières et une portion de miettes de homard frit. Charles Frati se présenta à lui. Jake accepta sa poignée de main en se présentant sous le nom de George Amberson. Charles lui dit qu'il n'avait personne comme Frank Dunning pour mettre de l'ambiance. C'était le gars qui racontait les blagues. Tout le monde l'adorait. Charles essaya de faire parler Jake qui avait encore sorti son couplet sur l'immobilier. Charles prétendit avoir une assez bonne idée de ce que Jake manigançait. Charles croyait savoir que Jake préparait l'implantation d'un centre commercial. Alors Charles lui donna sa carte car il possédait un terrain à vendre. Charles possédait la moitié des relais automobiles de cette ville ainsi que le ciné-parc et deux salles de cinéma, une banque et tous les monts-de-piété de l'Est et du centre du Maine. Jake voulut savoir pourquoi personne ne lui proposait à boire. Charles répondit que c'était parce qu'il était juif. Jake répondit qu'il ne voyait pas la différence. Cela fit rire Charles.

Charles parla de Frank Dunning. Il dit qu'autrefois Dunning buvait avec les autres jusqu'à la fermeture du bistrot et après ils allaient jouer au poker jusqu'à l'aube. Mais ces jours-ci, Dunning ne s'accordait qu'une bière ou deux.

Charles pensait que les comiques avaient un côté diabolique. Charles avait connu Dunning au lycée. À cette époque, Dunning piquait des colères et recevait des avertissements. C'était déjà un bagarreur. Il aurait dû aller à l'université du Maine mais il avait mis une fille enceinte et avait obligé de se marier. Mais au bout d'un an ou deux, la fille avait pris son bébé sous le bras et elle était partie.

Jake était tombé sur une mine d'or. Charles lui fournit d'autres informations sur Dunning. Après le départ de sa femme, Dunning étudia pour obtenir un diplôme de Boucher. Mais à cause de l'alcool, il commença à avoir des problèmes. M. Vollander, le propriétaire du marché central, lui fit un bon serment. Jake offrit une bière à Charles. Vollander disait que Frank était le meilleur apprenti boucher qui l'ait jamais eu mais menaça de le virer s'il continuait à déclencher la bagarre et à s'attirer les ennuis avec les flics.

Dunning avait divorcé de sa première femme pour abandon du foyer conjugal et il se remaria vite fait.

Vous vous vous vous Doris, sa deuxième femme, l'avait quitté parce que Dunning la frappait.

Dunning quitta ses amis et dits à Charles avant de sortir de ne pas se salir le blair car il était trop long pour ça.

9

Jake passa la majeure partie du week-end à prendre des notes sur ce qu'il avait vu et prévu de faire à Derry. Le lundi, il s'acheta une machine à écrire portative chez Charles.

Le monts-de-piété de Charles arboraient le même sirène de Charles avaient tatoué sur l'épaule. Jake demanda au vendeur de faire savoir à Charles qu'il était passé.

Jake put étoffer ses notes grâce à la machine à écrire.

10

Jake prit ses dispositions pour se faire livrer le journal et le lait. Il lut les notes d'Al sur Oswald. Il finit par en connaître de long passage par coeur. Il se rendit à la bibliothèque pour s'informer sur les meurtres et les disparitions qui avaient empoisonné Derry dans les années 1957 et 1958. Il trouva aucun article sur les sautes du beurre de Dunning. En revanche, il trouva un article sur lui daté de 1955. Dunning avait offert 10 % des bénéfices de son magasin à la Croix-Rouge pour l'aide aux populations sinistrées après le passage sur la côte est des ouragans Connie et Diane qui avaient tué 200 personnes et causé de vastes inondations en Nouvelle-Angleterre.

L'article était illustré d'une photo où l'on voyait Harry remettant un chèque géant au responsable régional de la Croix-Rouge.

Jake continuera de suivre Dunning. Il loua une Chevrolet pour ce faire.

Le premier samedi après-midi, Dunning s'était rendu à un marché aux puces à bord d'une Pontiac. Le dimanche suivant, il était passé dans son ancienne maison pour emmener ses enfants à une double séance Disney. Le samedi suivant, Dunning emmena ses enfants assister au match de football à l'université du Maine. Après quoi, il emmena ses enfants manger dans un restaurant et les raccompagna chez eux au crépuscule.

Dunning semblait vouloir reconquérir sa femme, en vain. Tout ça était intéressant et révélateur de leurs relations mais sans grande utilité pour Jake.

Pour ne pas se faire repérer, Jake avait décidé de se limiter à deux passages de reconnaissance le dimanche. Lors du second passage, il vit Dunning qui se dirigeait à pied vers le centre-ville.

Jake vit que Dunning se rendait au cimetière de Longview. Dunning acheta des fleurs. Jake vit que Dunning déposait les fleurs sur deux tombes contiguës. Jake supposa que c'était les tombes de ses parents. Jake avait ce qu'il voulait.

Chapitre 8

1

Dans les semaines précédant Halloween, Georges Amberson inspecta pratiquement tous les terrains situés en zone commerciale de Derry et des environs. Jake voulait habituer les habitants à la vue de sa voiture. Quand les gens lui demandaient ce qu'il cherchait, il leur répondait d'un clin d'oeil et d'un sourire. Il commença à s'habituer à la géographie verbale de 1958. « La guerre » signifiait la seconde guerre mondiale et « le conflit » signifiait la guerre de Corée. Les gens s'inquiétaient de la Russie mais pas trop. Ils s'inquiétaient de la délinquance juvénile, mais pas trop.

À cette époque, lorsqu'on marchandait avec quelqu'un, ça ne pose absolument qu'un problème de lui dire qu'il « faisait le juif » (s'il essayait de vous entuber). Les confiseries pour enfants comprenaient des roudoudous, des biberons de bonbons et des bébés noirs en gélatine. Dans le sud, le régime ségrégationniste sévissait. Jake visita la défunte aciérie peu de temps après avoir parlé avec Charles. À force de sillonner Derry, Jake prit l'habitude que les gens se montraient aimables mais jamais amicaux à l'exception de Charles. Il pensait que c'était une coïncidence de rencontrer un type sympathique. Assurément, il n'avait pas la moindre idée qu'un certain Bill Turcotte avait mis Charles dans le coup. Bill, alias Pas-de-bretelles.

2

Jake pensait que Derry avait quelque chose d'anormal. Il avait même commencé à mettre en doute la certitude de Beverly selon laquelle les mauvais jours et étaient révolus pour Derry. Un jour, il vit un Jésus grossièrement sculpté descendre le canal au fil de l'eau et disparaître dans le tunnel passant sous Canal Street. Il mesurait 1 m de long. On distinguait ses dents entre ses lèvres écartées en un rictus hargneux. Une couronne d'épines, posé de traviole de façon désinvolte, lui ceignait le front ; des larmes de sang avaient été peintes sous les yeux blancs bizarres de cette chose.

Un après-midi, il vit un homme frapper avec un bâton sur un chien jusqu'à le tuer. Jake était persuadé qu'il y avait quelque chose à l'intérieur de la cheminée d'usine effondrée. Quelque chose qui bougeait et s'affairait.

En voyant cette cheminée, Jacques s'enfuit en toute hâte et ne revint jamais plus dans cette partie de Derry.

3

 

Au cours de la deuxième semaine d'octobre, Jake retourna au centre aéré désaffecté et questionna plusieurs personnes dans la rue pour savoir à quoi ça ressemblait à l'intérieur. L'une de ces personnes était Doris Dunning qui était jolie comme un coeur. Elle se montra polie mais distante. Doris prétendait que le centre avait été fermé pour des raisons budgétaire mais Jake pensait que c'était en rapport avec la série de disparitions d'enfants. Jake la remercia et lui remit une de ses cartes commerciales toutes neuves. Jake envisageait de se cacher dans le centre aéré pour surveiller l'arrivée de Frank Dunning le soir d'Halloween.

4

Jake se rendit dans la rue Wyemore Lane situé immédiatement au sud de Kossuth Street. Jake vit une maison qui permettait de surveiller l'arrière-cour des Dunning.

5

Jake pensait que sa préparation pour Halloween ressemblait aux répétitions d'une pièce de théâtre. Au début, il y avait de l'improvisation, des plaisanteries, du chahut et à la fin quand le grand soir arrivait un des acteurs se précipitait aux toilettes pour vomir ou chier sa trouille. Ça ne ratait jamais.

6

A l'aube du matin d'Halloween, Jake se retrouva sur l'océan. Jake venait de rêver, les mains toujours crispées dans leur effort pour se cramponner au bastingage qu'il avait imaginé.

Il vomit son dîner, son déjeuner et son petit déjeuner de la veille. Cela continua comme ça pendant toute la matinée. Jake pensait que le passé était tenace et qu'il ne voulait pas être changé.

Mais quand Frank Dunning débarquerait ce soir-là, Jake serait présent même si ça devait le tuer.

7

Jake alla au drugstore pour acheter des médicaments contre ces vomissements et des protections contre l'incontinence. Le pharmacien souriait et cela agaça le Jake. Il lui demanda pourquoi il souriait alors qu'il voyait qu'il avait quelqu'un de malade en face de lui. Le pharmacien prétendit ne pas avoir souri mais il sourit encore quand Jake demanda à utiliser les toilettes du drugstore. Le pharmacien refusa. Jake lui dit qu’il l'était le parfait salaud. Le foutu citoyen type de Derry.

Jake se rendit dans un bar pour soulager son ventre. Dans le bar il y avait Pas-de-bretelles. Mais il avait disparu qu'en Jake sortit des toilettes Jake demanda au barman quel était le nom de son client. Mais le barman prétendit qu'il n'y avait personne. Alors Jake donna cinq dollars au barman. Le barman dit que le client s'appelait Bill Turcotte.

Jake donna encore cinq dollars pour savoir si Bill l'espionnait mais le barman repoussa le billet en prétextant que Bill venait en général pour boire copieusement. En sortant du bar, Jake vit le pharmacien derrière sa vitrine de drugstore, son sourire avait disparu.

8

à 17:20, Jake gara sa voiture sur le terrain de stationnement jouxtant l'église baptiste de Witcham Street. L'estomac et les intestins de Jake semblaient s'être calmés et ses mains ne tremblaient plus. Il emporta son revolver, ses médicaments, ses garnitures pour l'incontinence, des barres chocolatées et un programme télé. Il partit pour Wyemore Lane. Il se posta en faction dans le coin droit du jardin. Son estomac se contracta parce que la prise de conscience brutale venait de débarquer dans toute sa majestueuse gloire. La représentation avait commencé.

Bill Turcotte arriva et menaça Jake d'une baïonnette. Il avait probablement tout de suite sut de quelle Dunning Jake parlait la première fois qu'il l'avait vu au bistrot. Bill prit le sac de Jake. Il en retira le revolver. Jake lui demanda depuis quand il le suivait et pour qu'elle raison. Bill répondit qu'il avait deviné ce que Jake comptait faire. Il n'avait jamais cru que Jake était un agent immobilier. Jake lui répondit que Dunning avait dû le rendre un fameux service pour que Bill devienne son ange gardien. Alors Bill lui dit que Dunning avait tué sa petite soeur et que si quelqu'un devait lui coller une balle ce serait lui.

9

Jake en resta bouche bée. Jake se rappela ce que Charles lui avait dit. Dunning avait mis une fille enceinte. Au bout d'un an, la fille avait pris son bébé sous le bras et était partie. La première femme de Dunning était la soeur de Bill. Mais c'est ce que croyaient la plupart des gens en vie. Mais Bill ne croyait pas que sa soeur était partie parce qu'il était très proche d'elle et elle ne lui avait jamais écrit depuis son soi-disant départ de chez son ex-mari. Jake vit que Bill avait lui aussi attrapé le virus local. Bill grimaçait. Il savait que Dunning frappait sa soeur et son neveu. Jake pensait que le dîner était servi dans la maison Dunning. Il demanda à Bill s'il pensait que Dunning avait tué sa soeur et son neveu. Bill acquiesça. Alors Jake lui dit que Dunning avait probablement tué sa femme et son enfant et les avait enterrés dans un bois. Après quoi il avait dû aller à la police pour dire que sa femme et son fils avait disparu. Jake compatissait à la perte de Bill. Mais Bill a parlé d'un crime ancien alors que Jake voulait empêcher de se produire un crime dans moins de 2 heures.

Bill lui raconta qu'un jour il avait vu Charles Frati se faire courser par Dunning avec d'autres types. Ils avaient mis le pauvre Charles dans un ravin. Ils l'avaient frappé. Alors Bill avait prévenu l'équipe de football du lycée pour laquelle il travaillait. L'équipe de football avait joliment rossé quelques-uns de ces types mais pas Frank Dunning, lequel s'était sauvé dans les bois. Mais alors l'équipe de football réalisa qu'elle venait de sauver la vie d'un juif. Un membre de l'équipe balança une blague antisémite et les autres s'esclaffèrent. Charles avait remercié Bill. Charles n'oublia jamais la dette qu'il avait envers lui. Voilà pourquoi Bill avait demandé à Charles ce qu'il savait sur Jake. Mais Bill ne voulait pas que quelqu'un d'autre que lui se frotte à Frank Dunning.

Bill demanda à Jake ce qu'il voulait faire avec Dunning. Alors Jake lui répondit qu'il savait que Dunning allait recommencer. Il expliqua que Dunning comptait tuer toute sa famille. Bill lui demanda comment il pouvait savoir ça. Jake lui répondit qu'il n'avait pas le temps de lui expliquer et qu'il était là pour arrêter Dunning. Il demanda à Bill son revolver. Mais Bill refusa. Il voulait que Dunning aille en prison et pour cela il devait empêcher Jake de l'arrêter.

10

Jake regarda avec horreur les aiguilles de sa montre avancer. Il essaya de raisonner Bill mais en vain. Il était 19:50. Alors, Jake dit à Bill qu'il était un lâche. Il lui dit que si pour lui la meilleure des vengeances était de voir Dunning en prison alors c'est qu'il n'avait pas de couilles. Il ajouta que si sa soeur était la, elle lui cracherait à la gueule. Alors Bill se jeta en avant pour amener le canon du revolver contre la poitrine de Jake mais il trébucha sur sa baïonnette. Jake eut le temps d'écarter le revolver mais le coût parti. La balle s'enfonça dans le sol. Jake put récupérer le revolver et il le retourna contre Bill. Quelqu'un dans la rue cria que si les gosses continuaient de faire éclater des pétards il appellerait les flics. Il s'effondra et demanda à Jake d'appeler une ambulance. Mais Jake n'avait plus le temps de s'occuper de lui et il s'en alla.

11

Jake se précipita dans le jardin des Dunning mais il s'étala de tout son long. Il perdit son revolver. C'était le dernier tour joué par le passé tenace. C'était petit, comparé à une grippe intestinale carabinée et à un Bill Turcotte déterminé. Il entendit une voiture approcher. Il savait que c'était celle de Dunning. À ce moment-là, Jake retrouva son revolver et s'en empara. Le revolver glissa car Jake avait les mains moites. Pendant ce temps, Dunning descendait de sa voiture. Jake referma la main sur la crosse et courut vers la porte de derrière. Il entra dans la maison. Il se trouvait dans la cuisine. Il entendit Doris crier.

12

Jake tomba nez à nez avec Harry qui sortait des cabinets. Doris hurla encore. Alors Jake se précipita dans le salon et il vit Frank Dunning qui tenait un énorme marteau servant à abattre les boeufs de boucherie. Il venait de casser le bras de Doris. Ellen tournait autour de son père en tentant de le repousser. Dunning l'empoigna par les cheveux et la jeta loin de lui. Jake hurla à Dunning de s'arrêter. Dunning pleurait. Il se rua sur Jake. Jake S et la balle atteignit l'épaule de Dunning. Dunning se tordit sur lui-même sous l'impact mais il revint à la charge. Jake tira une deuxième fois mais quelqu'un le bouscula au même moment et il rata son coup. Harry venait de pousser Jake. Il tenait sa carabine jouet. L'enfant ordonna à son père d'arrêter ou il le tuerait.

Dunning a bâti sa masse sur la tête d'Arthur. Jake tira pour la troisième fois. La balle déchira la joue droite de Dunning. Dunning s'élança sur lui et Jake perdit son revolver. Jake hurla aux enfants de s'en aller. Dunning enfonça sa masse dans le mur. Harry frappa son père avec sa carabine jouet. Troy et Ellen voulurent sortirent de la maison mais leur père les en empêcha.

Jake ordonna Harry de s'en aller lui aussi. À ce moment-là, Bill entra et enfonça sa baïonnette dans la poitrine de Dunning.

13

Dunning s'effondra. Tout le monde criait. Jake promit à Doris de faire mieux la prochaine fois mais s'il devait y avoir une prochaine fois, il lui fallait filer d'ici au plus vite, incognito.

Jake serra la main de Bill qui lui dit : « qui c'est le lâche, maintenant, Anmberson ? ».

Jake lui répondit qu'il était devenu un héros et que sa soeur serait fiée de lui.

14

Jake attrapa une serviette dans les toilettes et nettoya son visage. Harry lui demanda qui il était. Jake répondit qu'il n'était personne. Puis il se ravisa et il dit à l'enfant qu'il était son ange gardien.

Jake s'en alla par la porte de derrière.

15

dans la rue, quelqu'un lui demanda ce qui se passait. Jake répondit qu'il avait entendu des enfants-des fusées et des pétards. Arrivé dans une rue tranquille, Jake s'arrêta pour s'asseoir et se reposer.

Il se murmura à lui-même : « je l'ai fait, Al ». Il se demanda ce qu'il venait de transformer et comment serait l'année 2011.

Jake prit l'autoroute et s'arrêta sur l'aire de repos d'Augusta. Il s'acheta à manger et son mal de tête se calma un peu. Il arriva à Lisbon Falls à minuit passé. Puis il abandonna sa voiture et une partie de ses affaires pour rejoindre l'escalier invisible. Un camion passa sans s'arrêter. Le chauffeur se contenta de lever la main pour saluer Jake. Il n'arriva pas à trouver l'escalier invisible tout de suite. Il commença à se dire que sa vie en tant que Jake Epping ne pourrait être qu'une folle hallucination et qu'il avait toujours été George Amberson.

Mais il ne paniqua pas. Il pensait qu'il pourrait vivre ici assez facilement et peut-être même y être heureux. Sa période de sevrage informatique lui avait permis de prendre suffisamment de recul pour mesurer à quel point il était devenu accro à son foutu ordinateur. Le fait que son téléphone portable ne sonne plus lui avait procuré un grand soulagement.

Il savait qu'il pouvait encore arrêter Oswald même s'il devait en ignorer l'issue finale, il pensait pouvoir vivre avec ça. Alors il entendit la voix d'Al. Et tout d'un coup, Jake se souvint de l'importante part de sa vie qu'Al avait investie dans ce projet. Jake était maintenant tout ce qui lui restait d'espoir. Jake demanda à Al de continuer à lui parler et il se repéra à savoir pour retrouver l'escalier. Jake retrouva Al et l'année 2011.

Troisième partie : vivre dans le passé.

Chapitre 9

1

Jake vit qu’Al avait repris la cigarette. Il en fut stupéfait. Il lui demanda pourquoi il avait recommencé à fumer. Al lui répondit que c'est parce qu'il était nerveux et parce que ce n'avait plus d'importance pour lui maintenant. Al vit la blessure de Jake et lui demanda ce qui s'était passé. Jake le lui expliqua.

2

Al soigna la blessure de Jake. Jake se rendit compte que son voyage n'avait duré que deux minutes alors qu'il était resté 42 jours en 1958. Jake vit que la photo de lui avec Harry lors de la remise des diplômes avait disparu

 

3

A la place, il y avait maintenant une photo d'Al serrant la main de Mike Michaud, député de la deuxième circonscription du Maine. Al dit à Jake qu'il avait décroché la photo d'Harry mais qu'il ne se souvenait pas avoir vu cette photo du député qui n'avait jamais mis les pieds dans sa roulotte. Cette photo était la preuve que l'effet papillon existait. Jake demanda si Al se souvenait d'Harry. Al ne l'avait pas oublié et se souvenait de la raison du départ de Jake en 1958. Il lui demanda s'il avait réussi à sauver toute la famille Dunning. Et Jake répondit qu'il n'avait pas pu sauver Tugga. Jake lui raconterait toute l'histoire mais il avait besoin de se reposer. Il voulut quand même savoir comment Al pouvait se souvenir d'Harry. Al répondit que Jake n'avait pas la certitude qu'Harry n'habitait plus ici et qu'il n'était plus concierge du lycée. Pourtant Jake lui expliqua qu'il avait changé le passé avec l'aide d'un certain Bill Turcotte. Harry ne devait plus être forcé d'aller vivre chez son oncle et sa tante puisque sa mère n'était pas morte. Alors si Harry vivait encore à Lisbon après tout ça, Jake serait le mec le plus surpris de la terre.

Alors Al utilisa Internet pour vérifier. Il consulta le site Internet du lycée. Harry ne faisait pas partie du personnel d'entretien du lycée.

4

Albert expliqua à Jake qu'il y avait le souvenir d'Harry entend que son élève et en tant que concierge du lycée parce qu'il était descendu dans le terrier. Quant à lui, il se souvenait d'Harry soit parce qu'il était descendu dans le terrier lui-même, soit parce qu'il se trouvait à proximité du terrier. Un peu comme Carton Jaune. Jake lui expliqua que Carton Jaune était devenu Carton Orange. Al voulut savoir ce qui s'était passé mais Jake voulait se coucher.

5

Quand Jake démarra sa voiture, son premier réflexe avait été de chercher de la main le petit levier de vitesse coure de la Ford et d'enfoncer du pied son embrayage souple. Lorsque sa main s'était refermée sur le vide et que son pied avait rencontré le tapis de sol, il se mit à rire. Al ne comprenait pas pourquoi et Jake lui dit que ce n'était rien.

Jake était à l'affût du moindre changement dans Main Street mais chaque maison était à sa place. Jake demanda à Al s'il se souvenait de la pancarte signalant une panne d'égout près de l'usine en 1958. Al s’en souvenait. Jake lui demanda si après être revenu de son voyage à Dallas la pancarte y était toujours. Et c'était le cas. Alors Jake se demanda qui mettait quatre ans à réparer une canalisation pétée. Dans une cour d'usine ou des camions allaient et venaient jour et nuit ça semblait impossible. Tous deux se demandèrent qui avaient bien pu mettre la pancarte.

Jake savait que le passé était tenace et qu'il ne voulait pas être changé. Mais il pensait également que la résistance au changement était proportionnelle aux répercussions que tel ou tel acte risquait d'avoir sur le futur.

Al ne comprenait pas ce que Jake voulait dire. Alors il lui expliqua que changer l'avenir de la famille Dunning avait été plus dur que de changer l'avenir de Carolyn Poulin. Parce qu'il y avait plus de personnes impliquées mais surtout parce que dans un cas comme dans l'autre, la petite Poulin aurait vécu. Doris Dunning et ses enfants étaient morts. D'ailleurs, malgré tous ses efforts, Jake n'avait pas réussi à sauver Tugga.

Cela signifiait que Jake n'arriverait peut-être pas à arrêter Oswald. Du moins, pas la première fois. Albert lui expliqua que s’il merdait et qu'il devait tout recommencer, il aurait 45 ans au prochain tour de manège. Il pouvait arriver beaucoup de choses en dix ans, surtout si le passé était contre lui. Jake le savait parce qu'Al avait un cancer du poumon. Albert répondit que c'est parce qu'il avait beaucoup fumé. Jake raccompagna Albert chez lui. Une infirmière attendait Albert et sermonna Jake d'avoir trimbalé son ami comme ça en pleine nuit. L'infirmière s'appelait Doris. Comme Doris Dunning.

6

Jake rentra chez lui. Son chat l'attendait. Après s'être déshabillé, il trouva le sommeil rapidement.

7

Jake avait complètement oublié de mettre le réveil et c'est son chat qui le réveilla à 16 heures 15 pour réclamer à manger. Après avoir mangé, Jake alluma son ordinateur. Il consulta la bibliothèque numérique de Lisbon. Jake s'acquitta des 10 $ pour pouvoir consulter le Lisbon Weekly Enterprise. Il chercha le numéro du 7 novembre 1958. Il apprit que la police était à la recherche d'un mystérieux inconnu. En l'occurrence lui-même. Sa Ford décapotable avait été retrouvée avec les taches de sang. Titus avait identifié la Ford comme celle qu'il avait vendue à un certain George Amberson. Le ton de l'article ému Jake. Il s'agissait simplement d'inquiétude autour de la disparition d'un homme probablement blessé. Le banquier que Jake avait connu en 1958 le décrivait comme un type poli et bien éduqué. Le barbier disait globalement à la même chose. Albert avait gravé son nom dans un arbre. Jake avait gravé le sien dans les pages d'un vieux journal. Il trouva cela impressionnant.

Jake consulta les archives du Daily News de Derry. Cela lui coûta 34,50 $.

L'affaire était mentionnée avec une photo de Bill Turcotte. Turcotte était décrit comme le héros ayant sauvé la famille Dunning. Turcotte était mort peu de temps après d'une crise cardiaque. Jake se demanda comment les flics avaient-ils pu passer à côté de détails aussi flagrants que ceux laissés par Jake. Et aucune allusion à un mystérieux inconnu présent sur les lieux du crime. C'était du Derry tout craché. Jake décrocha son téléphone et composa le numéro des renseignements.

8

Il n'y avait pas de Doris ni de Troy ni de Harold Dunning parmi les abonnés au téléphone de Derry. Mais il y avait une Ellen Dunning et Jake appuya sur la touche 1 pour être mis en relation. Ellen répondit. Elle avait une voix de fumeuse. Jake pensait que c'était une femme dont la voix était l'outil de travail. Jake se présenta sous le nom de George Amberson il lui dit qu'il avait connu son frère Harry et qu'il voulait reprendre contact avec lui. Elle lui demanda s'il l'avait connu à l'armée. Mais Jake prétendit qu'il l’avait connu quand il était enfant. Ellen fut désolée de lui apprendre qu'Harry était mort. Il s'était fait tuer pendant la guerre du Vietnam. Jake s'assit. Il avait comme une envie de vomir. Il avait sauvé Harry d'une boiterie et d'un léger déficit mental pour mieux raccourcir sa vie d'une quarantaine d'années. Jake voulut savoir ce que la famille Dunning était devenue. Ellen répondit qu'elle était devenue animatrice d'une radio FM à Bangor. Troy avait la belle vie à Palm Springs. Il s'était fait un max. de fric dans l'informatique. Puis elle arrêta de parler de sa famille pour demander à Jake qui il était vraiment. Les voix n'avaient pas de secret pour elle. Elle avait donc deviné que si Jake avait vraiment été ami avec Harry à l'époque du centre aéré, il aurait aujourd'hui 60 ans et elle sentait que ce n'était pas le cas.

Mais Jake affirma que les gens lui disaient souvent qu'à la voix, il faisait bien plus jeune et il pariait que pour Ellen c'était la même chose. Il avait bien joué. Elle lui dit que ça lui avait pris des années pour mettre ce rayon de soleil dans sa voix. Mais elle savait que personne ne prenait son téléphone pour démanteler des nouvelles d'un vieux copain 50 ans après. Jake avait envie de raccrocher mais le téléphone était comme collé à son oreille. Tout à coup, Ellen devina à qui elle avait à faire. Elle comprit que c'était Georges, le monsieur. Qui lui avait sauvé la vie, qui l'appelait. Elle se mit à pleurer. Elle dit à Jake que c'était elle qui avait emmené son frère à l'aéroport quand il était parti pour le Vietnam. Elle lui avait demandé de faire gaffe à ses fesses et lui avait dit : « t’inquiète, sereine, j'ai mon ange gardien pour prendre soin de moi, tu te rappelles ? ». Alors, Ellen redemanda à Jake si c'était bien l’ Ange gardien d'Harry qu'il appelait et ou il se trouvait le 6 février 1968 quand son frère s'était fait descendre à Khe Sanh. À ce moment-là, Jake raccrocha. Il alla dans ses toilettes pour hurler. Il en venait à souhaiter la mort d'Al.

9

Jake se rendit chez Al. Il est un mauvais pressentiment en arrivant chez lui car la maison était plongée dans l'obscurité. La porte n'avait pas été verrouillée. Jake découvrit Al dans sa chambre, couché dans son lit. Il avait l'air relativement paisible. Il s'était suicidé en prenant tous les médicaments. Il avait laissé un amour à Jake. Il était désolé mais il ne pouvait plus attendre car la douleur était trop forte. Il lui laissait la clé de son restaurant. Il lui demandait de ne pas imaginer qu'il avait droit à un coup d'essai. Il lui demandait de faire bien du premier coup. Il se doutait que Jake lui en voulait à mort de l'avoir embarqué là-dedans. Il le priait de ne pas reculer. Il lui laissait encore 500 $ d'économie dans une boîte en métal. Doris le trouverait probablement le lendemain matin et dans les deux heures qui suivraient, le proprio poserait un cadenas sur la porte du restaurant, donc c'était ce soir ou jamais. Al demandait à Jake de sauver Kennedy pour que tout change. Il l'en priait.

Jake pensait qu’Al s'était suicidé express sentant que Jake hésitait. Pour le moment, c'était à la famille Dunning que Jake pensait. Il voulait encore sauver Tugga ainsi que Harry. Albert avait dit que Kennedy aurait peut-être changé d'avis par rapport au Vietnam. Et même si Kennedy n'avait pas changé d'avis, est-ce qu'Harry se trouverait exactement au même endroit au même moment le 6 février 1968 ? C'était peu probable. Alors, Jake posa un baiser d'adieu sur la joue d'Albert.

10

Jake rentra chez lui et fit l'inventaire de sa sacoche et de son portefeuille. Il emporta également les notes exhaustives d'Al sur les faits et gestes d'Oswald après sa démobilisation des Marines le 11 septembre 1959. Il avait 5000 $ d'économie. Il se demanda si son chat et sa maison seraient encore seulement là quand il reviendrait, s'il arrivait à réussir son coup. Même les gens capables de vivre dans le passé n'ont aucune idée de ce que l'avenir leur réserve.

11

C'était bizarre d'être dans le resto d'Al sans Al parce qu'on aurait dit qu'il était toujours présent. Jake s'engagea dans l'escalier invisible. Il se retrouva à nouveau le 9 septembre 1958. Avant de retrouver sa Ford chez Titus et la famille Dunning, il fallait en passer d'abord par ex-Carton Jaune. Cette fois il aurait droit à un dollar car Jake avait oublié de mettre une pièce de 50  cents dans sa poche. Jake découvrit que Carton Jaune gisait sur le sol en béton, les yeux ouverts, une mare de sang s'élargissant sous sa tête. Sa gorge avait été tranchée. Il s'était suicidé avec un tesson de bouteille. Le carton, qui naguère avait été jaune, puis Orange, était maintenant noir comme la mort.

Chapitre 10

 

1

Jake traversa le parking des employés pour la troisième fois en tapotant encore le coffre de la Plymouth Fury pour se porter chance. Parce que de la chance, il allait en avoir bien besoin durant les semaines, les mois et les années à venir.

Mais cette fois-ci, il ne passa pas par la Kennebec Fruit Company. Il ne voulait pas traîner dans les parages car incessamment sous peu, quelqu'un allait découvrir un cadavre dans la cour de l'usine et un étranger risquait d'être interrogé.

Il prit le bus des ouvriers. Il s'assit à côté de deux marins et regarda la route 196 défiler sans vraiment la voir. Il n'arrêtait pas de penser aux morts. Il avait touché le carton du poivrot. En fait ce n'était pas du carton comme il se l'était toujours imaginé. C'était peut-être du celluloïde. Al pensait que Carton Jaune devait sa folie à l'association malheureuse du pinard et de la proximité du terrier.

Jake continua sa route en marchant jusqu'au Tamarack. Il était content d'être de retour.

2

Il passa le reste de la journée dans sa chambre à éplucher les notes d'Al sur Oswald.

Il se concentra sur les deux dernières pages intitulées « conclusions sur la marche à suivre ». Après quoi, il alla au cinéma et regarda Les feux de l'été.

Le lendemain matin, Jake repris le bus pour Lisbon Falls. Il se rendit au Jolly White Elephant pour s'acheter une valise. Il traversa la rue pour aller s'achetait la même Ford Sunliner. Cette fois, il réussit à l'avoir pour 300 $.

Il entonna encore son couplet sur les affaires dans l'immobilier et sur son origine prétendue, le Wisconsin. La fille de Titus lui demanda s'il n'était pas dans le coin la veille car on avait retrouvé un vieil ivrogne zigouillé. Jake répondit que non.

Jake demanda si c'était quelqu'un d'ici. La fille répondit que non et qu'il n'avait pas de papier sur lui. Jake alla s'acheter des vêtements chez Mason’s wear mais il se fit l'impasse sur la banque sur le coiffeur.

3

Le jeudi après-midi, Jake prit l'autoroute. Il n'eut pas besoin de s'acheter un chapeau de paille à Derry car il en avait déjà acheté un la veille. Il prit une chambre d'hôtel au Town House et retourna prendre un verre chez Fred Toomey. Mais cette fois-ci, il ne fit aucun effort pour engager la conversation.

Le lendemain, il louait son ancien appartement de Harris Avenue. Le surlendemain, il poussait la porte de chez Macken pour s'acheter un revolver. Il aurait voulu revoir Beverly et son copain mais il s'aperçut qu'il les avait loupés.

Jake prit l'habitude de passer prendre une bière au Lamplighter en début de soirée avant que l'endroit ne commence à se remplir. Il n'y aperçut jamais Frank Dunning et ça tombait bien car il n'en avait aucune envie. Avant de partir pour le Texas, il comptait se renflouer un peu. Il sympathisa avec Jeff, le barman. Un jour, Jeff lança la discussion sur le base-ball. Jake paria cinq dollars sur les Yankees. Jake demanda à Jeff ou il pouvait parier gros dans cette ville. Jeff lui répondit qu'il fallait voir Charles Frati. Mais Jeff conseilla à Jake de ne pas chercher des noises à Charles car ce dernier connaissait des gens.

4

Le lendemain, Jake alla à La Sirène, le monts-de-piété de Charles Frattini. Une employée l'accueillit et alla chercher Charles pour lui. Jake se présenta sous le nom de George Amberson, du Wisconsin. Jake paria 500 $ sur les Yankees gagnants. Charles accepta son pari à quatre contre un. Jake essaya de marchander le Paris à huit contre un. Charles accepta de monter jusqu'à six contre un..

5

Les habitants de Derry regardaient les matchs de base-ball devant chez Benton électroménager, un magasin de télés.

Jake s'acheta un médicament contre la grippe intestinale au drugstore, par prévention. Keene, le pharmacien, et eut l'air déçu quand Jake lui dit qu'il n'était pas malade. Puis, il entra dans la station Texaco pour trouver un mécano du nom de Randy Baker à qui il donna à 20 $. Baker lui donna le numéro de la station et son numéro personnel. Jake repartit avec l'esprit léger. Jake alla prendre une bière au Lamplighter. Au bar, Charles lui recommanda de prier s'il voulait récupérer ses 500 $. Charles lui demanda ce qui l'amenait à Derry. Jake répondit que c'était l'immobilier. Alors Charles lui demanda si une galerie marchande allait bientôt s'implanter à Derry.

6

Jake savait où se trouverait Frank Dunning le 5 octobre 1958 et il ne voulait pas risquer de changer d'un iota le cours de sa journée. Ne serait-ce que croiser son regard au Lamplighter pouvait avoir cet effet. Le passé était aussi fragile qu'un château de cartes. Jake était revenu à Derry pour démolir le château de cartes de Frank Dunning mais jusque-là, il devait le protéger.

7

Jake cacha son revolver dans un coussin-souvenirs avec le château d'eau de Derry broder dessus qu'il y avait acheter au drugstore. Tout ce qui lui restait à faire maintenant, c'était de se reposer en espérant que tout irait pour le mieux.

8

Le lendemain, Jake ne se réveilla pas avec une grippe intestinale mais avec une migraine. Il avala cinq aspirines. En descendant l'escalier il faillit tomber car la rampe céda. Heureusement il réussit à s'agripper à l'une des vieilles appliques murales. Il eut envie de mourir, là, sur les escaliers, et d'en avoir fini avec tout ça.

Pour se motiver, il visualisa le visage de Tugga assassiné par Dunning. Quand il voulut prendre sa voiture, il s'aperçut que ses clefs avaient disparu de son pantalon à cause d'un trou dans sa poche. Ce trou n'y était pas à la veille. Il retrouva ses clefs sur le perron. Mais quand il voulut mettre le contact, sa fidèle Ford refusa de démarrer.

Malgré sa migraine, il fut obligé de remonter les escaliers pour téléphoner à la station-service mais il n'y avait personne. Alors il téléphona à Baker. Baker répondit. Jake lui promit un petit extra s'il arrivait à faire redémarrer sa voiture. Le mécano lui demanda comment il avait prévu que sa voiture allait tomber en panne, question logique.

9

Baker replaça le câble de la batterie qui s'était mystérieusement détachée pendant la nuit et vérifia les bougies. La Ford revint à la vie. Le mécano conseilla à Jake d'aller se coucher car il avait une mine de fantôme. Jake vérifia la roue de secours et constata qu'elle était à plat. Alors ils allèrent à la station-service pour en trouver une autre. Le mécano refusa l'argent que lui proposait Jake car il lui en avait déjà donné assez selon lui. Il lui conseilla encore de rentrer chez lui pour se reposer.

10

Jake sortit de la ville en ralentissant à chaque intersection pour bien vérifier des deux côtés si la voie était libre. Sage précaution : un camion chargé de gravats grilla un feu rouge au croisement de la 7 et de l'ancienne route de Derry. Jake aurait pu être ratatiné. Jake se dit que s'il n'était pas capable d'arrêter Frank Dunning, ce ne serait même pas la peine d'espérer arrêter Oswald :

pour s'encourager, il pensa aux 4 enfants de Dunning. S'il ne les sauvait pas une nouvelle fois, comment pourrait-il échapper à la certitude d'avoir été complice de leur meurtre simplement en déclenchement une nouvelle remise à zéro.

Au niveau du ciné-parc de Derry, Jake voulut sortir de sa voiture mais c'était impossible car la portière refusait de s'ouvrir. Le loquet avait été blessé mais pas par Jake. Alors Jake baissa sa vitre et en se penchant au-dehors, il réussit à introduire la clé dans le petit bouton-poussoir chromé de la poignée. Jake se dit que la résistance au changement était proportionnelle aux répercussions que tel ou tel acte risquait d'avoir sur le futur. Maintenant il savait le prix personnel qu'il aurait à payer pour réussir sa mission.

Jake se rendit au cimetière de Longview. C'est à ce moment-là que sa migraine reflua. Il pensa avoir forcé le barrage au point d'être passé de l'autre côté. Il entra dans un mausolée portant le nom de Tracker. Il s'endormit sur le banc de méditation. Il se leva pour aller attendre Dunning. Sa migraine avait disparu.

11

Dunning arriva au cimetière et descendit la pente vers la tombe de ses parents, un panier de fleurs dans chaque main. Maintenant que l'heure était venue, Jake se sentait plutôt bien.

Il avait réussi à surmonter tout ce qui s'était mis en travers de son chemin. Il appela Dunning qui se retourna. Dunning lui demanda qu'est-ce que c'était quand il vit le coussin-souvenir de Jake. Jake répondit en donnant son véritable nom et en disant qu'il était venu lui demander quelque chose. Il lui demanda ce qu'il y avait de plus précieux dans la vie. Dunning répondit que c'était la famille. C'est ce que Jake pensait aussi et il tira deux fois. Dunning s'effondra. Jake lui tira une balle dans la tempe au cas où.

12

Jake traîna le corps de Dunning à l'intérieur du mausolée et laissa le coussin brûlé posé sur son visage. Les quelques visiteurs qui étaient dans le cimetière ne prêtèrent pas attention à Jake.

Il enterra son arme sous 30 cm de terre. Après quoi, il retourna à son appartement en écoutant la fin du match. Il versa des larmes de soulagement. À présent, la famille Dunning était saine et sauve. Cette nuit-là, il dormit comme un bébé.

13

Le lundi, dans le Daily News de Derry, on parlait de la victoire des Yankees. Mais dès le mardi, Frank Dunning faisait là une du journal avec photo à l'appui. On relatait son assassinat. Doris Dunning se déclarait « sous le choc est effondrée ». Amis et collègues du Marché central faisaient également part de leur tristesse.

Tout le monde semblait s'accorder pour dire que Frank Dunning était un type formidable et absolument personne ne voyait qui aurait pu lui en vouloir.

Tony Tracker était scandalisé parce que le corps avait été retrouvé dans son caveau de famille.

Le mercredi 8 octobre, les Yankees l'emportaient face aux Braves et le jeudi suivant, ils gagnaient encore. Le vendredi, Jake retourna donc chez Frati pour empocher ses 3000 $. Charles n'avait pas l'air mécontent. La femme de Charles avait laissé le journal sur la vitrine remplie de bagues. Jake Montra le journal avec la photo de Dunning en couverture et demanda à Charles ce qu'il en pensait. Charles n'en pensait pas grand-chose sauf que Dunning n'était pas un saint.

14

 Jake voulut retourner à Kossuth Street pour voir la petite soeur d'Harry. Il voulait la consoler de la mort de son papa mais surtout lui dire qu'un jour son frère Harry allait vouloir prendre l'uniforme et partir à la guerre et qu'elle devrait faire tout son possible pour l'en dissuader.

Sauf que les enfants oublient. Tout enseignant savait ça. Et ils se croient immortels.

15

Jake attendit jusqu'au mardi suivant avant de partir. Il griffonna un petit mot qu'il glissa dans une enveloppe libellée au nom du destinataire. Il entra dans un pub dessert. Il discuta avec le barman, Pete. Il lui demanda un service. Pour cinq dollars, Jake lui demanda de donner l'enveloppe au type dont le nom était inscrit sur ces six quand le type se pointerait.

L'enveloppe était destinée à Bill Turcotte. Le barman était un peu inquiet. Il avait peur que ce soit un sale coup et il appréciait Bill. Mais Jake le rassura en disant que ça pourrait faire le plus grand bien à Bill.

Dans l'enveloppe, Jake avait laissé une lettre demandant habile d'aller consulter un médecin sans tarder car il avait un problème cardiaque. Il avait ajouté qu'au cas où Bill pensait qu'il n'avait aucun moyen de savoir ça, l'auteur de la lettre savait aussi que Frank Dunning avait assassiné la soeur de Bill et son neveu.

16

Avant de partir définitivement de Derry, Jake fit un doigt d'honneur à Keene.

Chapitre 11

En roulant vers le sud, Jake chercha à se convaincre qu'il n'avait pas à se mêler de l'affaire Carolyn Poulin. C'était le terrain d'expérimentation d'Al. Et ses expériences, tout comme sa vie, étaient finies. Il aurait fallu qu'il soit fou pour risquer sa véritable mission en allant narguer le passé tenace qui ne demandait qu'à ouvrir sa gueule pour ne faire de Jake qu'une bouchée.

Mais l'image de Dunning écroulé sur la tombe de ses parents obsédait Jake. Même si Dunning était un meurtrier, Jake avait l'impression d'avoir accompli un mauvais acte et il voulait le compenser par un acte qu'il estimait bon.

Alors il se rendit aux chalets où Al avait séjourné. Il y passa cinq semaines qui avaient peut-être été les meilleures de sa vie. Il ne vit presque personne à part le couple qui tenait le magasin ou il faisait des emplettes très simples deux fois par semaine et M. Winchell, le propriétaire des chalets. Winchell passait voir Jake tous les dimanches pour prendre de ses nouvelles. Jake prenait un canoë et allait pagayer pour admirer la nature. Il prit le temps de lire une trentaine de livres : des polars ; des mélodrames ; des westerns et un roman de science-fiction intitulé A la poursuite de Lincoln, sur des chercheurs temporels chargés d'aller enregistrer un discours « oublié » d'Abraham Lincoln.

Fin octobre, Jake résolut de se rendre à Durham pour s'imprégner de la configuration des lieux autour de Bowie Hill. Il s'attacha à localiser la maison de Cullum et reconnaître son trajet probable de chez lui jusqu'à Bowie Hill.

Son plan consistait à suivre la piste qu’Al avait tracée. Il se rendrait à Durham le matin et se rangerait près de l'arbre abattu et feindrait une crise cardiaque lorsque Cullum arriverait. Chez Brownie, Jake vit dans une vitrine une affiche qui lui donna une idée. L'affiche était intitulée Comté d'Androscoggin ; résultats du tournoi de Crib. Andy Cullum était arrivé troisième de ce tournoi. Le lendemain, Jake se présenta chez Andrew. Une femme au visage agréable lui ouvrit la porte. Jake comprit que Carolyn Poulin ne serait pas la seule victime de l'accident de chasse du 15 novembre, même si elle serait la seule à finir en fauteuil roulant. Il se présenta sous le nom de George Amberson. Il demanda à parler à son mari. Andrew lui serra la main. Jake lui montra sa planche de crib. Mais la femme de Cullum parut à l'armée car ils étaient méthodistes et son mari ne jouerait jamais pour de l'argent.

Jake les rassura en leur disant qu'il était venu pour apprendre à jouer. Andrew accepta alors Jake avoua qu'il était la pour davantage que ça. Il voulait acheter une journée entière du temps d'Andrew. Il voulait passer la journée du 15 novembre avec lui. La femme d'Andrew parut vraiment effrayée. Jake proposa de 100 $. Andrew demanda à quel il jouait. Jake n'essaya pas de leur faire croire qu'il n’avait pas de motif caché mais il ne voulut pas leur dire la vérité pour ne pas être pris pour un fou. Andrew lui demanda d'où il venait. Jake répondit qu'il venait du nord de l'État. Il prétendit qu'il travaillait dans l'immobilier commercial. Il affirmait qu'il pouvait donner des noms de personnes qui pourraient attester qu'il n'était pas fou.

Andrew demanda à Jake de le laisser un instant pour qu'il discute avec sa femme. Jake proposa d'aller leur acheter une boisson fraîche en attendant. Ils refusèrent poliment.

Il pensait que les Cullum allaient l'envoyer paître mais ils acceptèrent. Il est l'invitèrent même à rester pour dîner mais Jake refusa. Il offrit un billet de 50 $ pour acompte à Andrew.

Il était sur un petit nuage mais le matin du 15 novembre il avait peur que les Cullum aient appelé la police pour essayer de savoir quel genre de cinglés il pouvait être. Rien de cela n'arriva. Andrew l'accueillit gentiment. Il lui apprit les règles du crib et ils jouèrent. Après quoi, ils déjeunèrent et Mrs Cullum décida que Jake n'était pas dangereux. Jake pensait que les Cullum se situaient à une extrémité de la bascule et Oswald et sa femme, à l'autre. Ainsi le passé s'harmonisait.

Jake se voyait au centre de gravité, au point où la bascule s'articulait. À la fin de la journée, Jake avait gagné deux parties. Jake voulut donner 150 $ à Andrew mais il refusa car il s'était trop bien amusé avec lui pour accepter son argent.

Alors Jake lui donna à Mrs Cullum qui les accepta. Jake accepta de rester pour dîner avec eux. Ils regardèrent les actualités et Jake fut ravis d'apprendre qu'il n'y avait eu aucun accident de chasse dans le Maine. Au moment où il s'apprêtait à partir, Jake fut rattrapé par Mme Cullum qui lui demanda de quoi il avait sauvé son mari. Elle avait prié Dieu de lui envoyer une réponse pendant qu'ils étaient dehors à jouer. Alors Jake lui répondit que si Dieu avait voulu qu'elle le sache, il lui aurait dit.

Alors elle jeta ses bras autour de lui et l'étreignit.

Elle était persuadée que Dieu leur avait envoyé un ange gardien qu'elle conserverait précieusement dans son coeur.

C'était la deuxième fois que Jake entendait ces mots et lui aussi il les médita dans son coeur.

Jake s'en alla le 17 novembre. Il remit les clés de son chalet à M. Winchell en lui disant qu'il avait passé des merveilleuses vacances régénérant. Le soir, il descendit au Parker House à Boston. L'ambiance y était beaucoup moins pacifique. Il passa la nuit suivante à Washington et trois jours plus tard sur la côte ouest de la Floride.

Chapitre 12

1

A chacune de ses pauses déjeuner, Jake ne vit pas une seule franchise de fast-food sur sa route. Il vit des gens s'entraider et lui porter assistance quand le radiateur de sa voiture fut percé. L'un d'eux lui demanda même s'il avait besoin d'un endroit où dormir. Jake supposait que cette scène pourrait se produire en 2011 mais il en doutait.

En Caroline du Nord, dans une station-service, il vit qu'il avait trois écriteaux différents, une pour les femmes, une pour les hommes et un dernier pour les « gens de couleur ». Curieux, Jake voulut savoir à quoi ressemblaient les toilettes pour les gens de couleur et il vit qu'il fallait descendre un sentier entouré de sumac vénéneux et qu’il n'y avait pas de cabinets mais un tout petit ruisseau avec une planche posée en travers sur deux blocs de béton effrités.

2

Jake s'installa dans la ville de Sunset Point en Floride. Il loua un cabanon sur une plage. Il laissa tomber sa couverture d'agent immobilier car en 1959, une période de récession touchait les États-Unis. Tout le monde vendait et personne n'achetait. Alors Jake se fit passer pour un aspirant écrivain à qui un oncle suffisamment riche avait laissé de quoi vivre.

Il commença effectivement à travailler sur un roman intitulé La Ville assassine, la ville en question étant Derry. Et il fit le récit de ses aventures temporelles dans un deuxième livre.

Le matin il travailla sur son récit temporel et le soir sur son roman. Il passa de longues heures dans les bibliothèques et il lut encore les notes d'Albert sur Oswald.

Jake eut la conviction qu'Al avait coupé court à la pire des faiblesses pour un chercheur : qualifier son hésitation de recherche.

3 Jake se rendit chez un bookmaker du nom d’Eduardo Gutierrez. Il paria d'abord sur les Lakers parce qu'il savait que cette équipe perdrait et il voulait établir sa réputation de gogo. Puis il paria 400 $ sur les Canadians et il gagna. Son plus gros coup, il joua au printemps 1960 quand il paria sur la victoire de Venetan Way devant Bally Ache, le grand favori dans le derby du Kentucky. Il gagna 10 000 $. Gutierrez qui était cubain était également un expatrié de la mafia de la Nouvelle-Orléans. Jake devait se montrer prudent.

4

Au printemps 1959, Jake avait réservé un exemplaire de Désenchanté, le nouveau roman de Budd Schulberg. À cette époque, Oswald alait quitter les marines et ensuite il s'embarquerait pour la Russie. Il tenterait de renoncer à sa citoyenneté américaine mais il échouerait. Après une tentative de suicide tapageuse (et sans doute factice) dans un hôtel de Moscou, les Soviétiques l'autoriseraient à rester dans leur pays. Il y travaillerait deux ans et demis à Minsk dans usine. Il y rencontrerait une jeune fille nommée Marina Prusakova.

Jake écrivit au United College pour obtenir des informations. On pouvait obtenir une licence d'anglais en ne répondant qu'à une cinquantaine de questions à choix multiples. Il suffisait de payer 300 $. Jake posa sa candidature. Il répondit au questionnaire. Il réussit son examen. Mais il lui fallait encore débourser 50 $ de frais de dossier. Le diplôme arriva et il permit à Jake d'enseigner de nouveau un ou deux jours par semaine pendant l'année scolaire 1959-1960. Il adorait enseigner. Son plus beau jour de remplaçant, il le vécut au lycée de Ouest Sarasota, après avoir raconté à ses élèves de littérature l'argument de base de l'Attrape coeur de Salinger (livre qui, bien sûr, n'était pas autorisé à la bibliothèque de l'école et aurait été confisqué à tout élève qui l'aurait introduit dans ce sanctuaire). Un de ses élèves lui dit que c'était lui le professeur qu'il aimait le plus.

Plus tard, le proviseur le convoqua pour lui demander s'il était un élément subversif. Jake le rassura en lui disant qu'il avait voté pour Eisenhower. Le proviseur lui conseilla de s'en tenir à l'avenir à la liste de lecture généralement admise.

5

Un professeur de psychologie de l'université du Maine avait affirmé un jour que les humains possédaient effectivement un sixième sens. Le professeur appelait cela le « signal d'alarme ». D'après ce professeur, ce sixième sens était plus développé chez les mystiques et les hors-la-loi.

Jake se considérait comme un hors-la-loi puisqu'il avait tué Dunning.

Le professeur leur avait conseillé d'écouter leur signal d'alarme.

C'est ce que fit Jake en juillet 1960. Il fait exprès de perdre des paris pour passer pour un idiot auprès de Gutierrez. Le signal d'alarme de Jake l'avait averti que la comédie n'était pas très bien passée. Jake ne tenait pas à ce que ces manuscrits tombant aux mains de la pègre. Ils avaient placé dans un coffre-fort mais Gutierrez avaient les moyens d'envoyer ses hommes chez Jake. Donc, après une nuit de juillet Jake partit vers le nord.

6

Jake se rendit à la Nouvelle-Orléans. Il voulut voir la maison ou habiteraient Lee Oswald et sa femme Marina au cours du dernier printemps et du dernier était de la vie de John Kennedy. C'était une bicoque délabrée. Un jeune homme noir proposa à Jake de l'herbe. Jake refusa mais il lui demanda où il pourrait trouver un bon hôtel. Le jeune homme lui indiqua l'hôtel Monteleone. Le jeune homme voulut savoir pourquoi Jake regardait la maison délabrée. Jake lui demanda si c'était une bonne affaire et le jeune homme répondit que cette maison avait l'air hanté.

Jake lui dit qu'elle ne l'était pas encore et il s'en alla en laissant le jeune homme perplexe.

7

Jake remporta son coffre-fort dans sa chambre d'hôtel. Il se rendit compte qu'il avait oublié un livre qu'il avait emprunté à la bibliothèque de Nokomis alors il téléphona car il se sentait minable. Il prévint à la bibliothécaire qu'il avait oublié un livre et qu'il allait le renvoyer par la poste. La bibliothécaire lui apprit que la maison où il avait habité avait été incendiée. Quelqu'un avait lancé une bouteille d'essence enflammée par la fenêtre. Désormais, Jake serait doublement sur ses gardes avec le passé car celui-ci flairait les agents de changement et il mordait.

Il partit pour Dallas.

8

Trois jours plus tard, Jake regardait la Texas Book Depositary, endroit d'où serait posté Oswald pour tirer sur Kennedy.

L'immeuble lui rappelait l’aciérie Kitchener de Derry même s'il n'était pas en ruine. Il dégageait la même impression de menace vivante. Jake se sentit appelé par la fenêtre du cinquième étage du dépôt de livres. Jake ne voulait pas attendre qu'Oswald décroche son emploi de manutentionnaire dans ce dépôt. Il voulait suivre le plan qu'Al avait ébauché dans la dernière partie de ses notes, celle intitulée « conclusions sur la marche à suivre ».

Al n'avait pas négligé la possibilité, faible mais significative sur le plan statistique qu'Oswald ne soit pas l’assassin de Kennedy.

Il avait appelé cette possibilité la « fenêtre d'incertitude. Il s'était fixé pour but de fermer cette fenêtre pour de bon le 10 avril 1963, soit plus de six mois avant le voyage de Kennedy à Dallas.

9

Jake avait son propre plan pour les années 60 entre août 1960 et avril 1963.

Il garderait Oswald à l'oeil quand il rentrerait de Russie mais sans interférer. Il ne pouvait pas se le permettre à cause de l'effet papillon. En 1962, Kennedy se rendrait à Houston, à l'université Rice, ou il prononcerait un discours dans lequel il parlerait d'aller sur la lune. Jake imaginait que s'il poussait Oswald à fuir Dallas pour retourner à la Nouvelle-Orléans et que Kennedy mourait quand même, victime de quelque complot fou de la mafia ou de la CIA, alors il n'aurait pas le courage de repasser par le terrier pour tout recommencer de zéro.

Il avait déjà consacré près de deux ans à sauver Carolyn Poulin et la famille Dunning. Il valait mieux être sûr de son coup. Il avait donc décidé que la meilleure façon de surveiller Oswald sans se mettre dans ses jambes serait de s'installer à Dallas pendant qu'Oswald vivrait dans la ville de Fort Worth, puis d'emménager à Fort Worth quand Oswald déménagerait avec sa famille à Dallas. Mais en regardant le dépôt de livres, Jake avait changé d'avis. Il avait commencé à chercher un appartement à louer mais il avait compris au bout de huit semaines de recherche qu'il n'aimait pas cette ville. Il n'avait pas les journaux de Dallas qui ignoraient totalement les quartiers où la fracture raciale commençait tout juste à se réduire un peu. Il n'aimait pas le racisme des classes moyennes. Il ne supportait pas le quartier des affaires fréquentés par des gens habillés de manteau sport à carreaux, cravate étroite retenue par une pince tape-à-l'oeil, pantalon blanc et bottes m'as-tu-vu. Ils arboraient des armes de  poing glissés dans des étuis de cuir.

Jake avait même vu des croix gammées peintes sur des vitrines de commerces dont les noms suggéraient des propriétaires juifs.

Pourtant Jake pensait que c'était ici que sa mission l'appelait et que c'était à Dallas qu'il devait rester. C'est ce qu'il pensait alors.

10

Le 22 septembre 1960, Jake trouva enfin un appartement qui lui paraissait viable. Il était situé au nord de Dallas. Mais le propriétaire, Ray Mack Johnson était raciste. Johnson pensait que Dieu avait maudit les Noirs. Jake pensait qu'il avait dû rater cette partie de la Bible. Johnson voulut savoir de quelle religion était Jake. Pour avoir la paix, il répondit qu'il était méthodiste alors qu'en fait il n'avait aucune confession. Johnson lui proposa de l'accompagner à l'église Baptiste. Johnson lui conseilla de lire le chapitre neuf de la genèse dans lequel il était question de Cham. Jake pensait qu'il pourrait supporter un peu de racisme parce que c'était dans l'air du temps sauf qu'il ne n'y croyait pas vraiment.

11

Comme Johnson lui avait déconseillé Greenville Avenue, Jake eut envie d'y aller pour boire une bière. Musique et odeur de bière filtraient par les portes ouvertes. Jake fut accosté par quatre prostituées. Il avait la sensation que les choses allaient de travers ici aussi. Brusquement, il décida qu'il ne voulait pas de bière et qu'il ne voulait pas non plus louer l'appartement de Johnson.

Jake vit un homme tirer dans le ventre d'une prostituée et se suicider après. Tout ça n'avait duré que quelques secondes, plus qu'il n'en faudrait à Oswald pour assassiner Kennedy.

12

Jake compresseur la blessure de la prostituée avec un mouchoir et demanda à une autre prostituée de prendre le relais car il ne voulait pas rester dans le quartier.

13

Jake n'arriverait pas à dormir la nuit suivante. Il repensait à ce qu'il avait vu à Greenville Avenue et à ce que Gutierrez avait fait de sa maison. Il ne pourrait pas vivre deux ans et demis à Dallas. Au risque de devenir fou. Il voulait trouver une petite ville qui ne dégagerait pas autant de violence et de haine.

Il lui suffirait de faire la navette pour alimenter son livre.

14

Jake décida d'habiter à Jodie. Il trouva un petit restaurant dont le propriétaire s'appelait aussi Al. Al Stevens dit à Jake qu'il trouverait sans problème un appartement à louer et lui demanda quel était son métier. Jake répondit qu'il était écrivain. Il y avait un lycée de 700 élèves avec des jeunes bien élevés. Jake dit à Al qu'il ferait bien quelques remplacements pour prolonger ses économies. Al lui conseilla d'en parler avec Deke Simmons, le proviseur. D'après Al, c'était un chic type comme la plupart des gens dans la région. Jake se présenta sous le nom de George Amberson. Al lui conseilla de revenir à 18:00 car c'était l'heure à laquelle venait le proviseur avec sa bonne amie, Mimi Corcoran, la bibliothécaire. C'était la vraie patronne du lycée. Jake n'aurait qu'à l'impressionner.

15

Jake n'eut besoin que de trois heures pour trouver un logement à Jodie. C'était une chouette maison typique du Sud. Freddy Quinlan, agent immobilier, manifesta envers Jake une curiosité pleine de tact. Il espérait que Jake serait des leurs.

16

le soir, il retourna chez l'autre Al pour se présenter au proviseur et à son amie bibliothécaire. Deke Simmons était grand et chauve. Mimi Corcoran portait des lunettes et avait les yeux bleus. Elle regarda attentivement Jake à la recherche d'indices. Elle marchait à l'aide d'une canne. Simmons lui demanda comment il avait trouvé la ville. Il voulut savoir aussi ce qu'il aimait le football lycéen et enfin s'il était confiant dans sa capacité à mobiliser l'attention des jeunes. La bibliothécaire voulut savoir quelles étaie les références de Jake. Il parla du remplacement qu'il avait effectué dans le comté de Sarasota. Il prétendit avoir enseigné pendant trois ans dans le Wisconsin. Il s'était fabriqué un certificat de travail du lycée Saint-Vincent de Madison. Il espérait que personne ne vérifierait la source.

Elle voulut savoir de quoi traiter son roman. Il décida d'être honnête en évoquant vaguement le sujet : une série de meurtres et leur impact sur la communauté où ils se produisent.

Dallas était le lieu qu'il avait choisi pour son roman. Elle avait deviné qu'il n'avait pas envie d'y vivre. Elle voulut savoir ce qu'il aimait lire. Il parla de L'Attrape coeur Jake pensait que ce roman en disait long sur le côté détestable des années 50 et sur l'amélioration que pourraient apporter les années 60. Si les Holden Caufield d'Amérique ne perdaient pas la rage et le courage. Elle lui demanda s'il pensait que ce livre devait être présent à la bibliothèque de l'école. Jake répondit honnêtement en disant qu'effectivement il y était favorable. Mais réservé à certains élèves, à la discrétion de la bibliothécaire. Alors elle lui demanda si ce livre devait être à la discrétion de la bibliothécaire et pas des parents. Il était d'accord avec ça. Mimi voulait l'engager immédiatement. Jake pouvait s'engager à travailler deux ou trois jours par semaine maximum.

Simmons voulut ajouter que L'Attrape-chose ne figurerait jamais dans sa bibliothèque car le conseil d'administration de l'accepterait pas. Mais Mimi pensait que les temps changeraient.

17

La semaine suivante, Jake commit une erreur. Il avait placé un pari élevé parce qu'il avait peur de manquer d'argent. Il devait renouveler sa garde-robe et il devait encore passer deux ans et demis avant de pouvoir terminer sa mission. Les 14 000 $ qu'il avait ne lui suffiraient pas.

Son salaire de remplaçant serait peut-être de 15,50 $ par jour. Il retourna à Greenville Avenue en espérant n’attirer l'attention de personne.

18

le 28 septembre, une semaine avant le début des séries, Jake entra chez Faith Financial et parias 600 $ sur les Pirates de Pittsburgh contre les Yankees de New York. Il accepta une cote de deux contre un. Le lendemain, une file d'attente de parieurs attendait d'empocher les gains. Jake donna son nom et son permis de conduire et empocha 1200 $. Une fois dans sa voiture, il se détendit. Idiot qu'il était.

19

Le 16 novembre 1960, se rendit à Dallas pour voir le frère aîné de Lee Oswald et sa mère. Elle vitupérait contre son fils. Oswald fouilla sa poche pour en extraire son portefeuille et il tendit un billet à sa mère. Elle lui demanda de l'appeler dès qu'il ferait des nouvelles de Lee.

Mais pour le frère de Lee, ce dernier était un foutu coco il ne rentrerait pas. En voyant cette femme colérique, Jake eut plus de compassion pour Lee Oswald qu'il n'en avait jamais éprouvé pour Frank Dunning.

Chapitre 13

1

Le 18 mai 1961, Jake s'employait à la révision des 150 premières pages de son roman, La Ville assassinée, principalement parce que Mimi ne cessait de lui demander qu'elle voulait le lire. Dans son premier jet, il avait remplacé Derry par la ville fictive de Dawson. Puis il avait changé Dawson en Dallas. Il semblait que son livre avait voulu Dallas pour cadre depuis le début.

Il y eu un coup de sonnette. C'est à ce moment-là que Jake cessa de vivre dans le passé pour commencer à vivre tout court. Il ouvrit la porte et Michael Coslaw entra en pleurant.

2

Jake n'était pas surpris de le voir. Jake s'était déjà occupé du petit club de théâtre du lycée de Lisbon. Mais jamais il n'avait eu un élève de la trempe de Michael Coslaw.

Mimi avait demandé à Jake d'assurer la mise en scène de la pièce des premières et terminales.

Elle avait insisté pour qu'il accepte. Jake avait choisi d'adapter en pièce le roman de John Steinbeck Des Souris et des hommes.

3

Michael était terrorisé à l'idée de jouer en public. Ses amis se moquaient de lui depuis qu'il avait commencé le théâtre. Ils l'appelaient Clark Gable. Mike mesurait deux mètres et il jouait dans l'équipe de football du lycée. Le quaterback Jim LaDue était le héros de l'équipe mais Jake pensait que Mike était le plus susceptible des deux de passer pro. La copine de Mike, Bobbi Jill le soutenait à fond. Elle l'encourageait à arrêter de se laisser marcher sur les pieds.

Mais Mike avait peur de se ridiculiser sur scène. Il n'avait pas confiance en lui parce qu'il n'avait que la moyenne dans ses notes.

Tous les jours de l'équipe de football du lycée s'étaient présentés pour essayer de jouer le rôle de Lennie. C'était une blague pour se moquer gentiment de Jake. Mais Jake avait trouvé la lecture de Mike remarquable et pas du tout burlesque. Mike savait que ses coéquipiers se montraient de lui mais il avait quand même pris le rôle. Ça n'avait pas plu à l'entraîneur Borman. Mais comme cet entraîneur n'y pouvait rien il en était réduit à se moquer de son meilleur attaquant en l'appelant Clark Gable. Borman était venu se plaindre auprès de Jake. Il ne voulait pas que Jake farcisse Mike de trop d'idées. Jake lui avait répondu qu'il était absolument libre de son opinion car l'opinion, c'est comme le trou du cul, tout le monde en a une.

Jake avait voulu rassurer Mike en lui disant que c'était peut-être une blague pour ses coéquipiers mais pas pour lui. Mike avait pour lui d'être conscient de son talent. Jake fit comprendre à Mike que s'il laissait tomber la pièce alors il laissait tomber toute sa troupe de théâtre. Jake promit à Mike qu'il allait épater tout le monde.

4

La  pièce fut une réussite totale. Le public était en larmes grâce à l'intensité du jeu de Mike, intensité qu'il avait transmise à toute la troupe. Même Borman pleurait. Sous les bravos, Mike s'inclina et quand il se redressa son visage était transfiguré par un bonheur réservé à ceux qui sont parvenus à se hisser au sommet.

Il demanda à Jake de monter sur scène et il l'étreignit.

Alors qu'il écoutait les applaudissements, Jake eut une pensée qui lui assombrit le coeur. À Minsk, au même moment, Oswald était avec Marina. Ils étaient mari et femme depuis 19 jours.

5

trois semaines plus tard, Jake partit pour Dallas pour prendre quelques photos et trois appartements où vivrait Oswald et Marina.

À son retour, il eut une discussion avec Mimi. Elle venait de finir son roman, La Ville assassine. Elle avait bien aimé cette histoire de tueur déguisé en clown. Elle était sûre que Jake trouverait un éditeur.

Mais Mimi pensait que Jake n'était pas fait pour ça. Il était fait pour enseigner. Si son livre était publié, aucune administration scolaire ne voudrait plus l'embaucher.

Mimi lui dit que le talent artistique était plus largement répandu que celui de le faire fructifier. Jake possédait ce talent et en bien plus grande quantité que celui d'écrivain. Il y avait un poste à pourvoir au lycée et Mimi voulait que ce soit Jake qui est le prenne. Elle le pria d'accepter le poste. Quitte à publier son livre sous un pseudonyme. Elle était persuadée qu'il était fait pour enseigner.

Jodie était l'anti-Dallas et voici maintenant que l'une de ses plus éminentes citoyennes lui demandait d'en être un résident permanent. Mais la ligne de partage des eaux approchait. À la prochaine rentrée scolaire en septembre, Oswald serait toujours en Russie mais la famille Oswald ne reviendrait pas aux États-Unis avant le milieu de l'année suivante. Oswald arriverait le 14 juin 1962 au Texas. Alors Jake accepta de prendre le poste pour un an à l'essai

Mimi embrassa Jake. Elle lui annonça qu'elle allait se marier avec Simmons.. Elle invita Jake. Ce serait le 21 juillet. Elle lui annonça enfin qu'elle était malade. Après son mariage, elle partirait au Mexique avec Simmons pour tenter une thérapie qui n'existait pas aux États-Unis.

Elle n'avait peut-être pour huit mois ou un an. Elle avait prendre sa retraite et engager une jeune bibliothécaire. La nouvelle lui était clair s'appelait Sadie Clayton. Mimi voulait que Jake soit particulièrement attentionné envers Sadie, le 21 juillet, car elle ne connaissait personne.

Mimi dite à Jake qu'elle voulait connaître son histoire car elle savait qu'il ne venait pas du Wisconsin. Il avait un accent de la Nouvelle-Angleterre à couper au couteau. Elle s'imaginait qu'il était un extraterrestre en repérage sur la terre. Elle lui demanda si George Amberson était son vrai nom. Il répondit que non. Il en avait changé pour des raisons importantes pour lui mais qui ne serait compréhensible pour personne.

En rentrant chez lui, Jake pensait à Mimi et à sa situation actuelle, il avait des quantités de regrets.

6

Le 21 juillet, Jake fit connaissance avec Sadie. Mimi la lui présenta. Sadie mesurait 1 m 80 et elle était superbement roulée. Ce ne fait pas l'amour au premier regard. Sadie tomba en avant car quelqu'un avait négligé de repousser une chaise pliante sous l'une des tables. Alors, Jake lâcha son gobelet de bière et bondit en avant pour la retenir. Son bras gauche s'enroula autour de sa taille et sa main droite se referma sur le sein gauche de la jeune femme. C'était une entrée en matière pour le moins intime. Jake failli se présentait sous son vrai prénom mais il se retint in extremis. Sadie avait rougi jusqu'à la racine des cheveux. Sadie n'était pas maladroite, elle était sujette aux accidents. Elle s'était retrouvée trois fois coincée dans un ascenseur et une fois dans un grand magasin l'escalator avait avalé une de ses chaussures. Jake lui offrit une bière. Jake avait la conviction qu'ils seraient juste amis et jamais plus que cela quelles que soient les espérances de Mimi.

En se couchant, Jake repensa à Sadie. Plus que le contact de son sein, c'était le poids de son corps dans ses bras qui l'avait ému.

7

Le 27 août, Jake travailla à son roman quand l'entraîneur Bormann et Ellen Doherty, proviseur par intérim du lycée sonnèrent à sa porte. Ils étaient venus voir Jake pour lui apprendre la mort de Mimi. Jake proposa d'organiser une soirée d'hommage au lycée à la rentrée. Ellen lui demanda de s'en charger. Jake repensa à tout ce que Mimi lui avait dit pour le convaincre d'enseigner à temps plein. Elle était de ces membres du corps enseignant dont les jeunes se souviennent longtemps après avoir obtenu leur diplôme, de ces éducateurs qui surgissent parfois à un moment crucial dans la vie d'un lycéen en difficulté et changent les choses pour lui d'une façon décisive. Jake était triste mais il ne pleura pas car il n'avait jamais eu la larme facile.

8

Sadie accepta aussitôt de l'est d'organiser la soirée dommage de la rentrée. Ils cherchèrent des intervenants. Mike accepta de lire le proverbe qui parle de la femme vertueuse et Al Stevens se porta volontaire pour raconter comment Mimi avait donné son nom à sa spécialité maison, le Prongburger. Ils rassemblèrent plus de 200 photos. Sadie ne parla pas de l'échec de son mariage à Jake ni des raisons qui l'avaient poussée à déménager de la Géorgie au Texas. Jake ne lui parla pas de son roman. Ils discutèrent de plusieurs sujets : les livres, Kennedy et sa politique étrangère, le mouvement des droits civiques.

Sadie pensait que l'intégration scolaire des Noirs se ferait dans les années 70. Jake lui dit que ça arriverait plutôt sous l'impulsion de Kennedy et de son jeune frère ministre de la Justice. Ils ne devinrent pas amants mais ils furent amis.

Jake lui dit qu'un jour il serait interdit de fumer au lycée. Sadie lui répondit qu'il avait beaucoup d'imagination en parlant des enfants noirs et blancs scolarisés ensemble et d'une société sans tabac.

Elle lui demanda ce qu'il voyait dans sa boule de cristal. Il lui parla du voyage sur la lune qui arriverait avant l'intégration des Noirs.

Mimi avait dit à Sadie que Jake écrivait un roman.

Pour le diaporama qu'ils préparaient, Sadie et Jake avaient prévu de diffuser la chanson de West Side Story.

Jake proposa à Sadie de l'accompagner au match de football du vendredi. Elle accepta à condition qu'il ne se fasse pas des idées. Elle n'était pas prête pour l'instant.

9

Au match, tout le monde les regarda avec admiration. Jake commençait à tomber amoureux de Sadie. Sans ce qui arriverait au cours de la mi-temps, les choses entre eux auraient pu progresser plus vite qu'elles ne l'avaient fait.

Quand les pom-pom girls incitèrent les supporters à crier le prénom du leader de l'équipe avec la première syllabe de son nom : « Jimla », Jake eut une frayeur. En effet, « Jimla », c'était comme cela que Carton Jaune devenu Carton Orange avait apostrophé Jake.

Sadie se rendit compte que ça n'allait pas et elle eut peur alors pour la rassurer il lui dit qu'il était peut-être en hypoglycémie. Avant de partir chercher deux coca, il embrassa Sadie sur le bout du nez. Jake pensait encore que le passé s'harmonisait avec lui-même.

Il entendait encore la foule crier « Jimla, Jimla, Jimla ! » et il eut envie de plaquer ses mains sur ses oreilles.

Quatrième partie : Sadie et le général.

1

 

Vous vous vous vous la soirée dommage à Mimi eut lieu le jour de la rentrée scolaire. Vous vous vous vous le diaporama sifflerait tout le monde. Ce fut la récitation de Mike qui les émut le plus. Et la chanson de West Side Story finit par les achever. Même l'entraîneur Borman se distingua avec des sanglots déchirants.

Jake choisit 12 hommes en colère comme pièce de théâtre pour cette année. Il eut l'idée d'y intégrer des filles. Il voulait réserver le rôle du juré numéro trois à Mike car il considérait que c'était le meilleur de la pièce.

Il commença également ses préparatifs pour un autre drame, celui de Jake et Lee à Dallas.

2

Le 6 octobre, les Lions remportèrent leur cinquième match d'une saison sans défaite.

Il partit pour Dallas le lundi suivant. Il acheta une alliance chez un prêteur sur gages après quoi, il se rendit chez Silent Mike à la recherche d'un petit appareil d'écoute sans fil prétendant vouloir espionner sa femme infidèle.

Silent lui proposa un gadget électronique ressemblant à un godemiché. Al intérieur, il y avait un micro qui pouvait se brancher sur une lampe. Après quoi, Silent lui proposa un magnétophone japonais à peine plus grand qu'un paquet de cigarettes. Le magnétophone pouvait se brancher au micro.

Jake demanda à Silent de l'aider à installer le dispositif. Il demanda à 180 $ pour le tout. Jake lui conseilla de ne parler de cela à personne. Jake voulut savoir pourquoi on le surnommait Silent Mike. Il répondit que c'était à cause du chant de Noël Silent Night.

3

Selon les notes d'Al, Lee et Marina habiteraient dans deux appartements qui méritaient l'attention de Jake. Le 214 West Neely Street à Dallas et celui de Fort Worth. Jake se rendit à Fort Worth, c'était un entrepôt en parpaings. C'était un endroit crasseux et misérable. Jake offrit cinq dollars à une habitante du quartier pour qu'elle lui donne des informations sur les lieux. Elle payait 50 $ de loyer par mois Jake pensait que cette femme était prisonnière de son temps et de cette rue empuantie par la merde. Jake lui donna encore cinq dollars et lui demanda de l'appeler dès qu’elle serait près de partir. Il lui demanda son nom. Elle s'appelait Ivy Templeton.

En rentrant chez lui, Jake découvrit un message de Sadie. Elle avait besoin de son aide.

4

Sadie voulait que Jake l'aide à surveiller un bal d'adolescents. Borman devait être présent mais il avait dû se décommander au dernier moment parce que sa mère s'était fracturée la hanche.

Il accepta.

5

Le bal avait lieu dans le gymnase du lycée. C'était une soirée Sadie Hawkins, une mode lancée quelques années plus tôt. Le maître de cérémonie de la soirée était Donald Bellingham, un lycéen en classe de première. Il avait emporté deux valises de disques.

Sadie se détendit constatant qu'il n'y avait aucune horde d'envahisseurs venus de Hendreson pour chercher la bagarre. Jake inspecta les alentours du gymnase. Il sépara un couple en train de se peloter et jeta une bouteille d'alcool que Mike, Jim et Vince buvaient. Mike avait honte. Jake leur conseilla de ne pas foutre leur avenir en l'air.

Sentant ses responsabilités d'enseignants monter en puissance, Jake comprit que jamais l'année 2011 ne lui avait paru plus éloignée. C'est à ce moment-là qu'il décida qu'il ne rentrerait jamais.

6

Sadie invita Jake à danser le Madison avec elle. Jake était heureux de danser. Cela faisait tellement longtemps.

Sadie dit à Jake qu'il était chouette. Quand Donald diffusa “ In the mood », Sadie invita Jake à danser le lindy-hop. Les jeunes avaient fait cercle autour d'eux et battaient des mains au centre du plancher verni. Ils dansaient sous les lumières. Jake pensait que la danse, c'était la vie.

7

Jake raccompagna Sadie chez elle. Ils s'étreignirent dans la voiture. Mais elle ne voulait pas aller plus loin avec lui. Elle lui avoua qu'elle n'avait jamais fait l'amour. Alors qu'elle avait été mariée. Elle bondit de la voiture en courant vers sa maison.

8

Jake rentra chez lui. Sadie lui téléphona. Elle avait pleuré. Elle lui parla de son mariage. Elle avait été mariée pendant quatre ans avec un homme étrange John Clayton. Elle n'était pas encore divorcée mais séparée. Elle comptait divorcer à Reno à la fin de l'année scolaire. Elle serait obligée d'y passer six semaines. Jake lui répondit qu'il pouvait attendre. Mais il savait que sa mission allait bientôt commencer. En juin 1962, Lee Oswald rentrerait aux États-Unis. Il vivrait d'abord chez Robert et sa famille puis chez sa mère. En août, il serait à Fort Worth et travaillerait à la Leslie Welding Company à rassembler des fenêtres en aluminium. Sadie lui dit qu'elle n'était pas sûre de pouvoir attendre car elle était vierge à 28 ans.

Elle n'en avait jamais parlé à personne. Jake promit que cela resterait entre eux. Elle ne voulait pas en dire davantage au téléphone et elle proposa à Jake de venir chez elle le lendemain.

Jake resta longtemps éveillé. Il pensait au temps, à l'amour, à la mort.

Chapitre 15

1

Sadie avait demandé à Jake d'aller s'acheter des préservatifs en dehors de Jodie. Il alla jusqu'à Kileen. Le pharmacien ressemblait à M. Keene. C'était probablement une coïncidence. Puis il se rendit chez Sadie avec une nuée de papillons dans l'estomac.

Sadie avait les yeux dilatés, sombres et apeurés. Elle avait peur d'être mauvaise. Ils commencèrent à s'embrasser et a se caresser.

2

Ils firent l'amour. Au bout de quelques minutes elle demanda si c'était fini ou s'il avait encore. Il répondit que ça allait durer encore un peu. Sur la fin, elle se mit à haleter. Ils eurent un orgasme. Elle avait les yeux dilatés, avec une expression de stupeur un peu effrayante. Elle lui demanda combien de temps il fallait compter avant de pouvoir recommencer.

3

Sadie demanda à Jake si c'était un problème pour lui de mettre des préservatifs. Il mentit en répondant que ça ne le gênait pas. Pour lui c'était un corset dans lequel on sanglait sa bite. Sadie lui dit que sa mère lui avait donné un diaphragme pour qu'elle n'ait pas d'enfant ce qui pourrait lui permettre de vivre sur le salaire de son mari et d'économiser un peu elle parla de son mari qui était prof de sciences. Elle l'avait choisi parce qu'il était grand et parce qu'elle le trouvait beau. Elle n'avait jamais eu besoin de son diaphragme. Son mari voulait seulement qu'elle le masturbe et qu'elle utilise un balai.

4

Jake dut partir avant 23:00 pour ne pas éveiller les soupçons des voisins. Ils devraient rester discrets jusqu'au divorce de Sadie. Jake pensait que certaines lycéennes allaient rapidement deviner qu'ils étaient ensemble. Alors Sadie proposa qu'ils aillent dîner à Round Hill pour que les gens s'habituent à les voir ensemble.

 

5

Jake pensait utiliser les préservatifs pour que ce type ne conçoive pas d'enfant. Il trouva sa plutôt amusant en réfléchissant que lui-même ne serait pas conçu avant 15 ans. Penser au futur pouvait être troublant de bien des façons.

6

Le soir suivant, Jake se rendit pour la deuxième fois chez Silent Mike. Mike lui apporta deux lampes ainsi que les deux enregistreurs et des fils. Jake demanda à Mike ce qu'il pensait de Kennedy. Mike répondit que le pays avait besoin de quelqu'un de jeune et que s'il venait à Dallas on ne pouvait être sûr de rien. À sa place, il ne sortirait pas des Etats du Nord.

7

Jake trouva une lettre dans son casier. C'était une invitation de Sadie. Elle faisait référence au fondant au chocolat qu'il avait apporté la première fois où ils avaient fait l'amour. Cela le fit sourire.

8

Il y eut quelques potins sur la liaison de Sadie et de Jake. Mais il n'y eut pas de ragots. Ils ne restèrent jamais chez l'un ou chez l'autre au-delà de 22:00. Ils allaient manger chez Al et Jake l’emmena danser à La Grange. Leur cour amoureuse rappelait à Sadie le film Ariane avec Audrey Hepburn et Gary Cooper.

9

Début novembre, Simmons vint voir Jake chez lui. Il était resté au Mexique plus longtemps qu'on ne l'aurait imaginé. Il avait beaucoup maigri. Il était venu à la demande d'Ellen Dockerty pour parler de la relation qu'il entretenait avec Sadie. Ellen connaissait leur situation l'avait envoyé Simmons pour leur proposer de se rendre aux Bungalows Candlewood, un établissement tenu par un couple de profs homosexuels à la retraite. C'étaient des gens très discrets sur les relations de leurs clients. Simmons y était allé avec Mimi. Simmons lui avoua que Mimi n'avait jamais bien su quoi penser de Jake. Elle l'avait trouvé intelligent un brillant mais elle pensait qu'il n'était pas complètement ici. Simmons avait fini par se renseigner sur les références de Jake. Il avait trouvé l'origine de son diplôme. Mais cela ne changeait rien pour Simmons car il pensait que Jake était un sacré bon prof. Mais Simmons conseilla à Jake de dire la vérité sur ses origines à Sadie.

10

Grâce à Simmons, Sadie découvrit ce que c'était que faire l'amour après le coucher du soleil. Elle avait trouvé ça merveilleux. Ils s’avouèrent tous les deux qu’ils s’aimaient.

11

Lors de leur deuxième visite aux Bungallows Candlewood, Sadie par-là à Jake de son ancien mari. Le seul fait troublant avant leur mariage, c'était le besoin compulsif de son mari d'ordre et de propreté. Il se lavait tout le temps les mains. Jake lui expliqua ce que c'était, du trouble obsessionnel compulsif. John n'avait jamais frappé Sadie mais il lui avait infligé de la violence par d'autres moyens. Il l'obligeait à le masturber et à se laver les mains à l'eau très chaude juste après. Après quoi, il mettait un balai au milieu du lit en guise de séparation entre eux deux. Sadie n'avait pas de droit de transgresser le ballet, c'est-à-dire dépassé la limite. Il ne voulait pas faire l'amour avec elle par peur des microbes et parce qu'il ne voulait pas avoir des enfants dans un monde qu'il trouvait immonde. Il était persuadé que le monde allait exploser à cause de la bombe atomique..

Quand Sadie quitta son mari, ses parents lui en voulurent. Son père finit par comprendre mais pas sa mère. Sadie pensait que son mari ne savait pas où elle vivait à présent et qu'il s'en moquait.

12

Jake s'endormir rapidement et fit un cauchemar. Dans ce cauchemar, il était nu avec Sadie. Tous deux se trouvaient dans une maison vide. Sur un mur quelqu'un avait écrit au charbon : « je vais bientôt assassiner le président ». Au-dessus de leur tête, ils entendaient du bruit. Jake pensait que c'était Frank Dunning ou John Clayton. Sadie pensait que c'était Carton Jaune et qu'il avait amené le Jimla.

13

Sadie réveilla Jake. Il avait parlé dans son sommeil. Il avait dit que Dallas, c'était Derry. Il était 23:45, quelqu'un frappa à la porte. C'était Bud Yorrity, l'un des deux propriétaires. Il était venu lui transmettre un message d'Ellen Dockerty, elle lui apprenait que Vince avait fait un tonneau avec sa bétaillère. Mike Coslaw et Bobbi Jill étaient avec lui. Vince était mort et ses passagers blessés.

14

Jake fut obligé d'annuler sa version de 12 hommes en colère. Tout le lycée assiste à la cérémonie funèbre et à l'enterrement de Vince. La mère de Vince dit à Jake qu'il avait changé sa vie car grâce à lui son fils avait enfin eu la moyenne parce qu'il voulait devenir acteur.

Jake se sentait chez lui chez Al Jodie. L'enterrement de Vince, la saison de football, la vie du lycée, les gens qui lui disaient bonjour dans la rue, Al Stevens qui conduisait Sadie et lui a « leur table », tout cela lui donna nne l'impression d'avoir enfin trouvé un endroit où vivre. Jake pensait qu'on était chez soi quand on dansait avec les autres. Et quand la vie était une danse.

15

Un jour, deux semaines avant Noël, Ivy Templeton téléphona à Jake. Son mari avait été blessé sur un chantier et il ne pourrait plus jamais marcher. Elle proposa à Jake de venir la sauter car elle avait besoin d'argent. Alors, Jake lui proposa de payer ses arriérés de loyer et de rajouter 100 $. Tout ce qu'elle aurait à faire c'était de le retrouver sur le parking au bout de sa rue et de lui apporter quelque chose.

16

Ivy donna une clé à Jake. C'était un double de clé de chez elle. Jake lui offrit sa veste en mouton car elle avait froid. Ivy lui dit que sa fille Rosette avait rêvé de lui dans son cauchemar, la fille voyait Jake dans sa voiture avec un monstre assis sur la banquette arrière le monstre s'appelait Jimla.

Jake ne revit jamais Ivy.

17

Jake rentra chez lui. Le téléphone sonna. C'était Sadie. Elle lui proposait d'aller à la bringue de Noël chez l'entraîneur Borman. Elle voulut savoir où il était passé. Il répondit qu'il était allé à Fort Worth mais il ne pouvait pas lui dire pourquoi.

Elle voulut savoir s'il avait une autre femme et il lui répondit que non. Elle se rendit compte qu'elle ne savait presque rien de lui. Jake accepta l'invitation de Borman. Mais ils ne resteraient qu'une heure, après quoi ils iraient dîner ensemble au Saddle.

Jake sentait que Sadie avait besoin d'être rassurée mais il se sentait également incapable de lui dire toute la vérité.

Chapitre 16

1

La fête de Noël chez l'entraîneur Borman fut un bide. Tout le monde pensait encore à la mort de Vince et Bobbi avait fait une tentative de suicide car elle ne supportait plus la cicatrice sur sa joue, vestiges de l'accident.

Le dîner au Saddle ne fait pas génial non plus. Sadie avait voulu rentrer tôt. Elle disait avoir mal à la tête. Jake ne l'avait pas crue.

Le bal de la Saint-Sylvestre à La Grange fut un peu mieux. Jake put danser avec Sadie. Vous Sadie avait montré de la gaieté toute la soirée mais pourtant Jake n'avait pas senti de sourire sur ses lèvres. Puis, à un moment, Sadie disparut. Jake la trouva dans sa voiture. Elle fumait et pleurait. Elle prétendit que c'était à cause de ses règles. Il la ramena chez elle.

Elle lui demanda s'il avait quelque chose à lui dire. Il lui dit qu'il l'aimait et qu'il n'avait rien fait dont elle puisse avoir honte. Elle lui dit qu'elle ne laisserait jamais un autre homme mettre un balai dans son lit. Voilà comment commença l'année 1962 pour l'homme qui se faisait appeler George Amberson.

2

Jake embarqua dans sa voiture une des deux langues trafiquées et roula jusqu'à Fort Worth. Il se rendit dans l'appartement d'Ivy. Il y avait quatre pièces. Il y avait deux chambres. Dans la plus petite, Rosette avait dessiné des petites filles au crayola sur les murs. L'une d'elles portait un diadème de Miss Amérique. Ivy était partie vivre chez sa mère avec sa fille et son infirme de Marie.

Ce serait dans cet appartement que Lee et Marina entameraient la phase américaine de leur vie commune. C'était là qu'Oswald rencontrerait l'homme que Jake était censé avoir l'oeil. Celui qui avait fait douter Al sur l'entière responsabilité d'Oswald. Cet homme s'appelait George Mohrenschildt et Jake tenait beaucoup à entendre ce que lui et Oswald avaient à se dire.

Jake brancha la lampe sur un vieux bureau dans la salle de séjour. Jake savait que des gens pourraient vivre ici un certain temps avant que les Oswald n'emménagent. Au cas où ils auraient emporté la lampe déglinguée, Jake en avait acheté une deuxième. Jake prit soin de verrouiller la porte et rentra chez lui.

Sadie l’invita à chez elle. Mais les choses avaient changé. Il y avait un balai dans le lit. Un balai invisible mais qui projetait une ombre.

 

3

Parfois, un homme et une femme arrivent à un carrefour et s'y attardent, hésitant à choisir une voie plutôt qu'une autre, sachant qu'un mauvais choix les mènera à la fin… Alors que tant de choses méritent d'être sauvées. Sadie aimait le sexe et c'était une des choses qui contribuèrent à sauver leur couple. Ils dansèrent encore au bal du lycée mais ils ne furent jamais aussi bons que la première fois. La grâce de Sadie s'altérait.

La crise était dans l'air et elle aurait éclaté plutôt sans le Jodie Jamboree. Ce fut leur période de répit, leur chance de prolonger un peu l'aventure et de bien réfléchir à tout avant de se laisser embarquer dans une décision qu'aucun d'eux ne voulait prendre.

4

En février, Ellen Dockerty demanda deux choses à Jake : tout d'abord signer un nouveau contrat pour l'année scolaire 62-63 et mettre en scène la nouvelle pièce des premières et terminales. Jake déclina les deux propositions, non sans un pincement au coeur.

Elle pensait que la raison était le roman que Jake était en train d'écrire. Mais Sadie lui avait dit que Jake se fichait de ce roman. C'était une intuition dont Sadie avait négligé de lui faire part et cela le secoure. Ellen insista pour la pièce que Jake pourrait les dire à Vince.

Jake ne céda pas.

Mike envisageait de prendre le théâtre comme spécialité à l'université. Alors il demanda à Jake de prendre en charge la pièce. Jake lui servit également l'excuse de son roman et Mike n'insista pas. Jake lui conseilla de ne pas faire le con et de se concentrer sur le football et sur ses notes.

Une partie de lui voulait monter cette pièce mais il ne voulait pas devenir plus accro à la vie à Jodie qu'il ne l'était déjà.

De même que toute éventualité d'un avenir durable avec Sadie, sa relation avec la ville devait être mise en suspens.

Même s'il réussissait, il serait peut-être contraint de s'enfuir et dans le cas contraire il risquait fort d'être récompensé de sa bonne action pour le monde par la prison à vie. Ou la chaise électrique.

5

Simmons finit par piéger Jake et le poussa à accepter la mise en scène de la pièce. Un samedi après-midi, Simmons prenait le café chez Jake. Il lui conseilla de terminer son livre et en faire un best-seller puis sur la Belgique à New York. Et puis il avait fait un tel tabac avec Des souris et des hommes que tout ce qu'il pourrait faire ensuite serait probablement une déception par comparaison. L'idée que la deuxième mise en scène de Jake pourrait faire un flop l'avait vexé d'une façon irraisonnée. Cela lui avait rappelé comment Sadie et lui, malgré tous leurs efforts, l'avaient jamais vraiment pu égaler leur première performance sur la piste de danse.

Simmons lui raconta que Ratty Sylvester, le professeur de sciences voulait mettre en scène Arsenic et vieille dentelles. Jake n'avait jamais aimé ce petit enfoiré obséquieux. Il avait envie de le laisser se planter. Mais quand Simmons parla du Jodie Jamboree cela fit rire Jake c'était une sorte de fête où tous les cow-boys et ouvriers agricoles du coin se tartinaient la figure de cirage, chantaient et dansaient et racontaient des blagues en imitant le dialecte des Noirs du Sud. Cela donna envie à Jake. Mais sans qu'on ait besoin de caricaturer des Noirs pittoresques. Il avait envie de voir ce que Mike pourrait faire avec un sketch comique. Alors, il demanda à Simmons de négocier avec Ellen sur une condition. Après quoi, Jake partit voir Sadie.

6

Sadie accueillit la nouvelle avec joie. Elle trouvait que c'était sensationnel. Elle demanda à Jake s'il allait écrire le scénario du Jamboree. Jake répondit qu'il sent occuperait et que cela ne lui prendrait pas longtemps. Il proposa à Sadie d'être la productrice. Elle accepta. Ils étaient tous les deux exaltés. Jake proposa à Sadie de partir à Dallas avec lui pour faire quelques investigations.

7

Ils allèrent à Dallas le lundi. Ils posèrent une montagne de questions et les réponses qu'ils reçurent leur parurent plus que satisfaisantes.

8

Les sketches du Jamboree étaient du style farces avec deux ou trois athlètes sportifs pour exécuter les acrobaties. Ellen Dockerty joie des solos d'enfer de banjo.

Mike et Jim avait convaincu le reste de l'équipe de football de danser un french-cancan fougueux, en jupons et culottes bouffantes. Ils avaient des perruques et ils furent le clou du spectacle.

Le spectacle termina par « In the mood » et l'ensemble de la troupe se dispersa pour danser sur toute la scène du gymnase. Après quoi, il y eut une bataille de tartes à la crème. Les jeunes se rangèrent en ligne de chaque côté du gymnase en appelant Jake et Sadie pour qu'ils effectuent leur fameuse danse et ils acceptèrent. Ils avaient été parfaits pour la première fois depuis la soirée Sadie Hawkins.

Après quoi, les jeunes avaient caché quelques tartes à la crème qu'ils envoyèrent sur Sadie et Jake. Sadie demanda à Jake comment il pouvait quitter tout cela.

9

Ellen Dockerty annonça que le Jodie Jamboree ferait l'objet de trois autres représentations. L'annonce déclencha une vague d'applaudissements. Les bénéfices de ce jamboree seraient versés à Bobbi pour qu'elle puisse se faire opérer à Dallas. Tout le monde applaudit et Bobbi pleurera dans ses mains. Ses parents l'enlaçaient.

Jake ne s'était jamais senti aussi vivant ni aussi heureux d'être entier. La déflagration se produisit deux semaines plus tard.

10

C'était un samedi, le jour des courses. Sadie et Jake avaient pris l'habitude de les faire ensemble au Weingarten. Jake était retourné trois fois dans Mercedes Street prétendant chercher un loyer bon marché parce qu'il venait d'être embauché comme veilleur de nuit. Il avait repéré Mr Hazard avec ses deux enfants et sa mère. Jake pensait à tout cela tout en faisant les courses. C'est ce qui précipita sa chute. Il n'avait pas remarqué que la période d'embellie avec Sadie était terminée. Il était en train de préparer mentalement sa mission à Mercedes Street quand Sadie lui parla et très vite après, la vie de Jodie s'écroula.

14

Sadie demanda à Jake qu'elle était la chanson qu'il avait chantée en conduisant. Il prétendit que c'était une chanson qu'il avait entendue à la radio. Mais Jake avait chanté Honky tonk Women, une chanson qui ne serait pas enregistré avant six ou sept ans et par un groupe qui ne connaîtraient pas le succès aux États-Unis avant encore trois ans. Jake ne savait pas comment il avait pu être aussi stupide. Sadie savait que Jake mentait. Pris sur le fait, Jake se mit en colère. Sadie avait repéré tout un tas d'expression que Jake employait et qui ne correspondaient pas à cette époque. Elle voulut savoir aussi pourquoi Jake avait eu tellement peur de ce stupide chant Jimla au point d'en parler dans son sommeil. Elle voulait savoir aussi pourquoi à Derry était comme Dallas. Elle voulait savoir quand Jake avait été marié, avec qui, pendant combien de temps. Elle voulait savoir où Jake se trouvait avant la Floride parce qu'elle avait su que ses références avaient été fabriquées. Sadie avait l'impression que Jake venait d'un autre univers.

Jake retrouva son calme et en regardant des papiers que Sadie avait laissés sur son bureau relatif à divorce, Jake lui demanda si son ex-mari savait où elle était. C'est à ce moment-là qu'elle décida qu'il était inutile de continuer.

Malgré cela, Jake lui dit que son ex-mari était capable de charmer les gens et qu'il avait certainement su la charmer. Elle lui répondit que ce qu'il y avait eu entre eux était très bien et que ne comprenait pas son attitude. Alors Jake s'en alla. C'est à ce moment-là qu'il se rendit compte de la ressemblance entre Doris Dunning et Sadie. En partant, Jake conseilla à Sadie de se méfier de son ex-mari. Il demanda de lui promettre de faire attention et elle promit. Dans sa voiture, il maudit les Rolling Stones.

Chapitre 17

1

Ellen Dockerty convoqua Jake car l'infirmière du district avait signalé qu'il n'avait aucun carnet de vaccination et aucun dossier médical. Ellen avait donc écrit dans les universités dans lesquelles Jake avait prétendu travailler mais à part celle de Floride les autres répondirent qu'elles n'avaient aucune connaissance de Jake.

Elle lui dit que le conseil d'administration du lycée serait choqué d'apprendre qu'ils avaient engagé un imposteur. Personnellement, elle ne l'était pas. Le travail de Jake avait été exemplaire. Comme Jake n'avait plus de contrats avec le lycée, il valait mieux ne rien dire. Toutefois Ellen pensait que Sadie avait le droit de savoir qui il était vraiment. Jake répondit que Sadie est en danger à cause de son ex-mari. Il demanda à Ellen de chercher une photo de John Clayton pour qu'elle sache à quoi il ressemblait au cas ou il débarquerait et commencerait à poser des questions. Ellen lui dit qu'il avait brisé le coeur de Sadie. Il le savait.

2

fin mai 1962, Jake était à Mercedes Street. Avec le propriétaire des lieux, Jay Baker. Jake se présenta comme veilleur de nuit.

Jake ne pouvait pas croire qu'il allait habiter dans une vieille bicoque au milieu de cette rue désolée. Il ressentait déjà la nostalgie de Jodie.

3

le dernier jour de classe, Jake discuta avec Danny Laverty. Danny avait fait la guerre. Envie dans son casier, Jake découvrit une lettre de Sadie. Dans cette lettre, elle le remerciait de lui avoir montré combien les choses pouvaient être bonnes. Elle lui demandait de ne pas passer lui dire au revoir.

Jake se rendit quand même à la bibliothèque. Elle était fermée.

4

Jake était sur le point de s'en aller définitivement quand Mike et Bobbi lui offrirent un cadeau. Bobbi l’embrassa et le remercia. Ils lui dirent qu'ils ne l'oublieraient jamais. Jake trouvait ça bien même si ça ne compensait pas la bibliothèque fermée. Le cadeau était un écrin en bois. C'était pour le livre que Jake était en train d'écrire. Il y avait aussi un stylo plume Waterman avec les initiales de George Amberson.

Jake et les remercia. Bobbi lui avoua qu'elle trouvait cela triste qu'il se soit séparé de Sadie. Jake avait été très touché du cadeau et du fait que Mike et Bobbi l'aient attendu pour lui dire au revoir. Il avait une boule dans la gorge mais les yeux secs.

5

Jake avait du mal à supporter les cris des enfants et les lamentations de leurs mères à Mercedes Strret ainsi que le bruit des voitures et le beuglement des radios. Bien souvent, Jake voyait les flics débarquer. Une fois, Jake vit une femme au visage ensanglanté. Elle lui fit un doigt d'honneur. Jodie l'avait comblé spirituellement. À présent, il avait du temps pour déplorer l'état de sa voiture naguère si classe. Mais il avait surtout du temps pour penser à Sadie. Jake avait envie d'aller tout lui raconter mais comment pourrait-il la convaincre qu'il venait du futur. Comment pourrait-il la convaincre que le président Kennedy allait être assassiné. Il en savait pas mal sur Oswald, mais c'était tout. Il n'avait pas eu le temps de potasser l'histoire des États-Unis pour cette période. Et même s'il réussissait à la convaincre qu'il n'avait pas envie de l'entraîner avec lui dans la gueule du loup. Un matin, Jake vit qu'un gosse en mal d'amusement avait lardé de coups de couteau les pneus de sa voiture.

6

Le 14 juin, Jake écouta la radio. Kennedy préparé un voyage officiel au Mexique pour la fin du mois. Il partit pour l'aéroport. Il attendit l'avion d'Oswald. Jake vit Sadie. Elle quittait le Texas pour entamer ses six semaines de résidence à Reno. Jake ne fut pas surpris. C'était encore ce phénomène de convergence. Il avait envie d'aller lui parler mais la couverture du Time qu'il avait acheté le ramena à sa mission. Il y avait Jacqueline Kennedy en couverture. Alors Jake se rassit et regarda Sadie se diriger vers le comptoir Frontier Airlines puis s'en aller.

7

L'avion d'Oswald venait d'atterrir. Le frère d'Oswald l'attendait. Il était venu avec sa femme et ses enfants. Jake aperçut Oswald et Marina. Marina portait son bébé, June. En regardant Oswald, Jake avait l'impression que c'était le parfait « marine » dans sa chemise blanche repassée, son pantalon kaki et ses chaussures cirées.

Il avait tout juste 22 ans et paraissait plus jeune.

Marina était très belle. Elle avait une expression vaguement mélancolique.

Jake remarqua qu'il lui manquait une dent. Oswald était énervé contre sa femme. Son frère, Robert, essayer de le calmer. À ce moment-là, Oswald dit à Marina qu'elle était arrivée aux États-Unis d'Amérique, terre de la liberté et pays des couillons.

8

Rentré chez lui, Jake n'arriva pas à dormir. Depuis qu'il était seul, il devisait avec Al Templeton. Pour un homme mort, Al avait toujours beaucoup à lui dire. Jake avait peur de brancher le magnétophone au micro au risque de se faire prendre par Oswald. Alors Jake se répondait lui-même par l'intermédiaire d'Al et il se conseillait de se renseigner sur George de Mohrenschildt. Si ce dernier n'était pas impliqué dans l'attentat contre le général Walker, la fenêtre d'incertitude se refermerait. Mohrenschildt était la clé de toute l'affaire. C'était un géologue pétrolier qui menait une vie de playboy grâce à l'argent de sa femme. C'était un exilé russe. C'était l'homme qui allait devenir le seul ami de Lee Oswald. Il avait conseillé à Oswald de tuer le général Walker. Al avait écrit dans son carnet que si Oswald était seul le soir où il avait essayé de tuer Walker, les chances qu'il y ait eu un autre tireur impliqué dans l'assassinat de Kennedy sept mois plus tard chutaient quasiment à zéro.

Au-dessous de cette remarque, en lettres capitales, Al avait ajouté son verdict définitif : suffisant pour liquider ce fils de pute.

9

Jake avait mis des doubles rideaux à ses fenêtres pour pouvoir espionner sans être vu. Cela lui rappelait le film Fenêtre sur cour. Il acheta des jumelles ce qui lui permit d'observer le séjour cuisine d'en face comme s'il s'y trouvait.

Il lui fallait maintenant brancher le magnétophone à la lampe.

10

Le 4 juillet dans Mercedes Street fut animé. Les hommes, en congé, écoutaient la radio en buvant de la bière. Des enfants lançaient des pétards sur les chiens errants. À 22:00, un gamin mit le feu à une vieille voiture. Les pompiers débarquèrent pour éteindre le début d'incendie et tout le monde sortit pour voir ça.

Jake souffrait de solitude et de nostalgie alors il téléphona à Ellen Dockert pour avoir des nouvelles de Sadie. Sadie travaille comme serveuse et avait demandé des nouvelles de Jake. Ellen lui avait dit que Jake était parti et qu'il était très occupé avec son livre. Sadie avait décidé de passer les vacances à Reno Pasquet était bien payé avec les pourboires. Ellen avait demandé à Sadie une photo de John Clayton. Mais Sadie avait répondu qu'elle n'en avait pas. Elle avait refusé d'en demander une à ses parents pour ne pas leur donner de faux espoirs car ils n'avaient jamais tiré un trait sur son mariage.

Sadie avait dit à Ellen que les craintes de Jake étaient disproportionnées.

Ellen pensait que Sadie avait encore des sentiments pour Jake et qu'il n’était peut-être pas trop tard pour réparer ce gâchis.

Ellen proposa à Jake et de revenir à Jodie et il accepta.

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