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Humanisme : le Contrat social
5 juillet 2021

Histoires d'immortels.

 

 Histoires d'immortels par Anthologie de la Science Fiction

La science-fiction a emprunté le thème de l'immortalité à la théologie qui elle-même le doit à la mythologie. Dans la Bible, l'homme devient mortel car il a désobéi à Dieu en touchant à l'arbre de la connaissance. Le paradis terrestre ignore l'amour comme la mort. L'homme et la femme découvre le désir après avoir mangé le fruit défendu car ils découvrent qu'ils sont nus. C'est après cela que Dieu annonce à la femme que son désir en fera l'esclave de l'homme et à l'homme il prédit qu'il sera l'esclave du travail et qu'il mourra. L'homme et la femme découvrent à la fois la reproduction et le dépérissement.

Pour que l'homme soit immortel, il aurait dû d'abord goûter à l'arbre de vie avant de goûter à l'arbre de la connaissance.. L'homme serait devenu l’égal de Dieu. L'homme et la femme ont laissé passer leur chance de devenir des dieux. Pourtant ils se retrouvent nantis d'un substitut d'immortalité-la sexualité-avec une contrepartie : l'obligation de mourir. En bon gestionnaire, Dieu limite la longévité des hommes à 120 ans ; en contrepartie, il leur concède une maturation sexuelle beaucoup plus rapide. En effet, Adam a eu son fils Seth à 130 ans mais il a vécu jusqu'à 930 ans.

La mythologie grecque admet qu'on peut communiquer avec les images des morts en les évoquant comme le fait Ulysse.

Inventer l'immortalité de l'âme a pris des siècles. Le culte des morts se démocratisa chez les Athéniens qui célébrèrent tous les citoyens tombés pour la patrie. Cependant les croyances sur l'au-delà restèrent ce qu'elles étaient et Platon montre Socrate raillant ses interlocuteurs en proie à la crainte enfantine que le vent ne souffle effectivement sur l'âme quand elle sort du corps pour l'éparpiller. Toute l'oeuvre de Platon suggère que le corps est une prison et que la mort est pour l'âme l'occasion d'échapper à cette geôle et de rejoindre un séjour immatériel où l’âme sera enfin heureuse. Quant à la résurrection, elle apparaît dans la Bible tout d'abord comme une revanche du peuple d'Israël contre ses persécuteurs. La résurrection du Christ annonce la résurrection universelle annoncée par l'Apocalypse. La résurrection des corps n'était pas très facile à concilier avec l'immortalité de l'âme. L'espérance chrétienne revient à tout miser sur un retour futur à l'Éden perdu. Le désir d'immortalité est peut-être un désir d'arrêter le temps physique, comme l'utopie est un désir d'arrêter l'histoire. L'espace favorise la longévité, surtout la longévité relative. Grâce au paradoxe de Langevin, les astronautes ont le privilège de vieillir moins vite que les autres. Dans les années 60, les progrès de la cryogénisiation donnent à des gens l'idée de se congeler au moment de leur mort pour attendre la découverte de l'immortalité. Mais l'immortalité peut aussi apparaître comme un fléau. La légende du Juif errant a servi de modèle à une longue série d'histoires comme Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir. Barjavel a montré dans Le Grand secret qu'une société d'immortels affronterait des problèmes économiques insolubles.

Arthur Clarke, dans La Cité et les astres, imagine une civilisation où toute les informations reçues par un corps humain sont stockées dans des banques de données ; non seulement les individus sont immortels, mais ils peuvent changer de corps et même de souvenirs. Tout le problème est de savoir si on est encore un homme quand on change de souvenirs.

Ce qui se dessine dans la résurrection, c'est la dissolution de l'autonomie individuelle, de la personnalité. L'espérance apocalyptique est un leurre. Le paradis pour tous à la fin des temps, c'est purement et simplement une anti-utopie.

Neuf cents grand-mères (R. A. Lafferty).

Ceran Swicegood était un jeune agent des Aspects spéciaux. Il demandait souvent comment tout cela avait-il pu commencer. Les autres agents étaient censés être des durs et ils avaient choisi des noms de durs mais pas Ceran qui avait gardé le sien, au grand mépris de son chef, Brisemec. Un nouveau nom faisait pourtant sortir une nouvelle personnalité. C'était le cas de George Sang dont le nouveau nom avait transformé en homme l'enfant qu'il était. Les agents étaient descendus sur le gros astéroïde Proavitus. Les agents impressionnèrent, enjolèrent, intimidèrent les habitants de l'astéroïde. Ils avaient trouvé là un marché substantiel qui comportait des débouchés. Tout le monde avait fait de grosses affaires sauf Ceran. Pourtant, le but des expéditions des agents était de se tailler la part du lion. Brisemec demanda à Ceran s'il avait pu découvrir quelque chose sur les poupées vivantes. Ceran répondit qu'elle semblait faire parti d'un contexte profond. La clé en était peut-être l'affirmation des Proavitoï selon laquelle ils étaient immortels. Ceran avait remarqué qu'il n'y avait pas de cimetière sur l'astéroïde. Brisemec croyait que les Proavitoï n'avaient probablement aucune vénération pour leurs ancêtres. Ceran croyait le contraire. Alors Brisemec lui demanda de faire des recherches sur ce sujet.

Ceran parlait à Nokoma son homologue proavito en tant que traducteur.¨Nokoma appartenait vraisemblablement au sexe féminin. Il lui demanda si les habitants de l'astéroïde étaient immortels. Elle répondit que mourir était une coutume étrangère idiote et seules des créatures inférieures mourraient sur Proavitus. Ceran voulut savoir ce que les habitants devenaient quand ils étaient vieux. Nokoma répondit qu'ils manquaient d'énergie de plus en plus. Alors ils restaient chez eux car ils ne pouvaient plus voyager. Ceran lui demanda où étaient ses parents. Elle répondit qu'ils étaient quelque part dehors et qu'ils n'étaient pas vraiment vieux. Quant à ses grands-parents, les plus vieux restaient chez eux. Ceran lui demanda alors combien elle avait de grands-parents et elle répondit qu'elle avait 900 grands-mères. Elle précisa que certains membres du clan avaient beaucoup plus d'ancêtres dans leurs maisons. Ceran demanda à les rencontrer mais Nokoma refusa de lui présenter les plus vieux car elle trouvait que c'était une chose déconcertante pour les étrangers. Il ne pourrait voir que quelques dizaines des moins vieux. Ceran pensa qu'il touchait peut-être à ce qu'il avait cherché toute sa vie. Il demanda à son homologue si les plus vieux encore vivants connaissaient leur origine et devaient savoir comment tout avait commencé. Nokoma acquiesça. Elle précisa que ceux qui avaient plus de 10 générations d'enfants avait accès au rite. Une fois l'an, les vieilles gens allaient voir les très vieilles gens pour les réveiller et leur demander comment tout avait commencé. Alors, les très vieilles gens leur racontaient le commencement. Après quoi, les très vieilles gens retournent à leur sommeil pour un an. C'était la façon de transmettre le rite aux autres générations.

Les Proavitoï n'étaient pas des humanoïdes. Ils avaient des mains remarquablement fluides et pouvaient manier des outils. George Sang était persuadé qu'ils étaient toujours masqués et que les hommes de l'expédition n'avaient jamais vu leurs vrais visages.

Il pensait même qu'aucune partie du corps des Proavitoï n'était jamais apparue aux humains en dehors de leurs mains remarquables.

Les hommes se moquèrent de Ceran quand il essaya de leur expliquer la grande découverte qu'il était sur le point de faire. Mais deux jours plus tard, Brisemec vint entreprendre Ceran sur le même sujet. Brisemec pensait que les Proavitoï étaient stupides et qu'ils devaient toutes leurs facultés à l'instinct. Mais il comptait bien connaître leurs secrets pour que les agents des aspects spéciaux deviennent le roi de l'univers en matière de spécialités pharmaceutiques. Ceran voulait apprendre comment leur espèce et peut-être toutes les espèces avaient commencé. Mais son chef se moquait bien de cela. Tout ce qu'il voulait c'était connaître le secret de l'immortalité. Ceran se rendit à la maison de Nokoma sans son invitation. Il y alla quand il savait qu'elle n'était pas chez elle. Il voulait connaître le secret des 900 grand-mères et des rumeurs qui couraient sur les poupées vivantes. Il comptait sur la politesse innée des Proavitoï pour faciliter son intrusion. Il rencontra une des 900 grand-mères. Elle était petite et lui souriait. Ils parlèrent sans trop de difficultés mais moins facilement qu'avec Nokoma. La grand-mère appela un grand-père. Les deux aïeux étaient un petit peu plus petits que les Proavitoï encore en activité. La grand-mère appela d'autres Proavitoï encore plus vieux. Ils étaient plus petits qu'elle-même Ceran remarqua que les Proavitoï n'étaient pas masqués et que plus ils étaient vieux, plus leurs visages prenaient de caractère et d'intérêt. Aucun masque n'aurait pu refléter le calme souriant de ce grand âge. Une matière à l'étrange texture formait leurs vrais visages. Ceran demanda à la grand-mère quel était l'âge des plus vieux. Elle répondit qu'ils avaient coutume de dire que tous avaient le même âge puisqu'ils étaient tous éternels. Ceran demanda à la grand-mère s'il y avait encore des Proavitoï plus vieux et elle l'emmena vers la partie la plus ancienne et souterraine de la maison.

Il remarqua des poupées vivantes par rangées entières sur les étagères. Il y en avait des centaines. Beaucoup s'étaient réveillées à leur entrée. Elles souriaient. Ceran leur parla et il eut un pressentiment. Il avait l'impression d'avoir dépassé le seuil dangereux. Il savait maintenant que les poupées vivantes étaient bien réelles et quelles étaient les ancêtres vivants des Proavitoï. Leur réveil était de courte durée mais il semblait en aller de même pour leur sommeil. Ceran voulut suivre le fil car une pleine salle de miracle ne suffisait pas. Il voulut savoir où se trouvaient les plus vieux. La grand-mère lui dit qu'il était peut-être sage de ne pas chercher à être trop sage. Il en avait assez vu et les vieilles gens avaient sommeil. Mais il refusa de remonter. Il continua de décembre. Il traversa des siècles et des millénaires. Il demanda à grand-mère si petite qu'elle tenait dans sa main s'il y en avait encore des plus vieux qu'elle. Les êtres devenaient de plus en plus petits et de plus en plus vieux à mesure que Ceran traversait les salles. Il demanda à petit grand-mère qui tenait sur le bout de son doigt s'il y avait encore des gens plus vieux qu'elle. Elle acquiesça tout en lui disant qu'il approchait de la fin. Il remarqua que plus ils étaient vieux, plus ils dormaient.

Il avait atteint le sol rocheux, sous les racines des collines. Il avait peur que les êtres soient si petits qu'ils seraient incapables de les voir ou de leur parler et qu'il manquerait ainsi le secret du commencement. Quand il atteignit la dernière salle les êtres demandèrent si c'était le rite. Ils étaient plus petits que des abeilles. Il leur demanda ce qu'il y avait au commencement. Les petites choses qui se réveillaient étaient hilares. Déconcerté par ce rire, Ceran leur demanda qui était le plus vieux de tous. Un des petits êtres lui répondit qu'elle était l'ultime grand-mère et la plus vieille. Elle demanda à Ceran s'il était un de ses enfants et il acquiesça. Elle trouva que la fin était aussi drôle que le commencement. Il insista pour connaître leurs secrets. Mais la petite grand-mère lui répondit que ce n'était pas le rite. Pour le rite, il devait essayer pendant trois jours de deviner ce que c'était et pendant ce temps-là, les petits êtres se mettraient à rire. Alors il menaça de les écraser. Mais il en était incapable alors la grand-mère lui expliqua qu'elle ne pouvait prendre le risque d'avoir fait mourir de rire un étranger en lui expliquant le secret. Alors il sortit et regagna son vaisseau en riant encore. Au voyage suivant, il changea de nom pour devenir Ardent la Foudre. Il régna pendant 97 jours sur une île enchanteresse mais ceci est une autre histoire, beaucoup moins plaisante.

 

Quelque chose pour rien (Robert Sheckley).

Joe Collins savait qu'il gisait sur son lit trop fatigué pour retirer de la couverture ses souliers imbibés d'eau. Il y avait une machine sur le plancher, là où aucune machine n'aurait dû se trouver. Il avait cru entendre une voix qui disait : « déposez-le ici. Très bien, ça ira ». La machine avait environ 1 m² de surface et elle bourdonnait faiblement. Une claque sur la machine indiquait : utiliseur classe A, série AA-125 6432. Attention ! Cette machine ne peut être utilisée que par des personnes de classe A !

Il y avait également un bouton rouge.

Il se demanda ce qu'il devait faire de cette machine. Alors il toucha le bouton rouge avec circonspection et opérera une légère poussée. Rien ne se passa. Il essaya de déplacer la machine mais elle était trop lourde. Alors il enfonça du poing le bouton rouge. Deux hommes à la solide carrure se matérialisèrent. Ils étaient vêtus d'habits de travail. Ils regardèrent la machine et semblaient satisfaits que ce soit le petit modèle. Ils demandèrent à Collins ou il souhaitait que la machine soit. Collins voulut savoir qui ils étaient. C'étaient les déménageurs. Ils avaient été employés par la société de déménagement Powha Minile. Il leur demanda de s'en aller. Aussitôt, ils disparurent. Collins n'aimait pas le nom de la machine, un utiliseur. Il décida de lui donner un bien meilleur non. Une machine à exaucer les souhaits.

La majeure partie de son existence s'était passée à désirer et à espérer pour que quelque chose de merveilleux lui arrive. Quand il était dans l'armée il avait désiré qu'une sorcière le fasse monter en grade. Une fois démobilisé, il avait fui le travail pour lequel il se sentait psychologiquement inapte. Mais il ne s'était jamais réellement attendu à ce que quelque chose arrive. Son premier voeu fut de demander 1000 $ en petites coupures. Puis il appuya sur le bouton rouge. Une grosse classe de billets apparut. Il s'allongea sur son lit et commença à faire des plans. Il envisageait d'emmener la machine en dehors de l'État de New York. Il envisageait d'émigrer en Amérique centrale. Tout à coup, il y eut un bruit suspect dans la pièce. Un trou était en train de s'ouvrir dans le mur et quelqu'un essayait de se faufiler par l'ouverture. Alors Collins ordonna à la machine de le protéger et il appuya sur le bouton rouge. Un petit homme vêtu d'un pyjama apparut. Il s'appelait Sanisa Leek et travaillait pour le Service de Protection du mur temporel. Collins lui ordonna de faire sortir le type. Alors Sanisa sortit un morceau de métal brillant de sa poche et le braqua sur l'homme qui tentait de traverser le mur. L'homme disparut.

Un moment plus tard, le mur avait repris son aspect normal. L'homme n'avait pas été tué, il avait été renvoyé d'où il venait. Mais Leek annonça à Collins que le type essaierait sans doute de revenir d'une autre façon. Il demanda à Collins si la machine lui appartenait. Collins acquiesça. Seek lui demanda s'il faisait bien partie de la classe A. Collins le lui confirma. Alors Leek disparut. Collins pensait que le propriétaire légitime de cette machine l'avait perdue. Il se demanda comment le propriétaire tenterait de revenir. Il fit sortir la machine de l'État de New York et acheta une montagne de taille moyenne. Sa confiance en lui avait considérablement augmenté durant ces derniers jours. Collins avait toujours adoré la nature et il avait choisi un endroit rêvé pour construire une maison avec une piscine et un court de tennis. Alors il demanda à la machine une maison. Un homme vêtu d'un strict complet gris et portant un pince-nez apparut. L'homme lui demanda des précisions sur la maison qu'il souhaitait. Collins n'en savait rien alors que l'homme lui conseilla une petite résidence. Collins pensait que tout marchait facilement et ces gens semblaient penser qu'il faisait partie de la classe A. Il n'avait aucune raison de les détromper. Sa résidence fut bâtie avec les meilleurs matériaux. Quand elle fut terminée, Collins demanda à son chef de lui préparer un dîner léger. Il réfléchit à tout ce qui était arrivé. Tout d'abord, il rejeta toutes les explications surnaturelles. Sa maison avait été bâtie par des êtres humains ordinaires. L'utiliseur n'était rien de plus qu'un gadget scientifique. Il pensait que la machine venait du futur. Il pensait que l'avenir devait être merveilleux s'il suffisait d'exaucer des souhaits. Mais il devait faire attention aux propriétaires de la machine et à la classe A qui essaieraient de la lui reprendre.

Il pensait que cette classe devait être une caste héréditaire. Il remarqua que la machine semblait trembler alors il s'approcha et vit un faible nuage de vapeur qui l'enveloppait. Les dimensions de la machine s'étaient considérablement réduites. Le propriétaire devait être encore à la manoeuvre. Collins demanda l'intervention de Leek. La machine ne faisait plus que quelques centimètres carrés et avait pris une teinte rouge sombre. Leek ne pouvait rien faire et conseilla à Collins de faire intervenir les gens du Micro-contrôle. Collins suivit le conseil. Une jeune fille apparut avec un bloc-notes à la main. Elle demanda à Collins avec qui il voulait prendre rendez-vous si Collins implora de l'aide. Elle répondit que M. Vergon était parti dîner. Alors elle conseilla à Collins de s'adresser au Contrôle des points de transfert. C'est ce qu'il fit mais la machine ne mesurait plus maintenant qu'un demi centimètre carré et il ne pouvait plus appuyer sur le bouton devenu presque imperceptible. Il ne voulait pas abandonner la machine sans avoir lutté. Alors il frappa le bouton qui était devenu blanc. Un vieil homme maigre et pauvrement vêtu apparut. L'homme jeta sur le sol un oeuf de Pâques vivement colorié. Une fumée orange s'en échappa. La machine fut enveloppée par un grand nuage de fumée et la machine augmenta de volume. Collins crut entendre une lointaine exclamation de colère. Collins souffrait de la main droite alors il appuya sur le bouton rouge et fit le voeu d'être soigné. La douleur quitta le doigt de Collins. Il alla se coucher et rêva qu'il était pourchassé par une gigantesque lettre A. Il fallut à Collins moins d'une semaine pour se rendre compte que construire sa maison au milieu des bois était précisément la chose à ne pas faire. Il était obligé de payer toute une armée de gardes pour écarter les touristes et les chasseurs. Les services du fisc commençaient à s'intéresser d'un peu trop près à ses affaires. La nature commençait aussi à l'ennuyer. Alors il émigra vers une petite république d'Amérique centrale avec un climat plus chaud et un impôt inexistant. Il se fait construire un palais élégant et fastueux et le fit compléter avec les accessoires usuels et un personnel d'entretien. Tout alla très bien pendant quelque temps. Mais un jour Collins s'approcha de la machine avec l'intention de demander quelque chose mais la machine l'esquiva adroitement et sortit de la pièce. Le propriétaire avait dû s'arranger de quelque manière pour doter la machine de mobilité. Collins demanda à un valet de l'aider à arrêter la machine. Mais la machine réussit à s'enfuir et demeura immobile à 10 m au-dessus du sol. Quand elle retomba, Collins sauta sur le bouton. Il demanda l'intervention du Contrôle de l'animation. Il y eut une petite explosion et la machine s'immobilisa docilement. Collins commença à penser qu'il fallait exprimer quelque souhait important avant qu'il soit trop tard. Alors il demanda 5 millions de dollars, trois puits de pétrole et un studio de cinéma, une santé parfaite, l'immortalité, une voiture de sport et un troupeau de bêtes à pedigree. Il crut entendre un ricanement mais il n'y avait personne en vue. La machine avait disparu. Au bout de quelques secondes, Collins lui-même s'évanouit.

Quand il ouvrit les yeux, il vit qu'il se trouvait debout en face d'un bureau. En face de lui, il y avait le gros homme qui avait essayé quelque temps auparavant de pénétrer dans sa chambre. Collins était navré que tout soit fini. Mais ça avait été magnifique tant que cela avait duré. Mais l'homme lui dit que ce n'était pas sa machine. Collins répliqua que les A voulaient garder leur monopole. L'homme se présenta. Il s'appelait Flign et travaillait pour l'Union protectrice des citoyens dont la mission consistait à protéger les individus tels que Collins des erreurs de jugement qu'ils pouvaient commettre. De plus, il expliqua à Collins que la catégorie A ne constituait pas un groupe social mais une classification se rapportant au crédit. La Corporation d'utilisation constituait un chaînon essentiel qui pouvait transférer des marchandises et des services. Le crédit était naturellement un privilège accordé automatiquement mais un jour ou l'autre, il fallait bien que l'on paye ce que l'on devait. Collins demanda pourquoi on n'avait pas essayé de l'arrêter. Flign lui répondit que la classification du crédit était une suggestion et pas une loi. Flign lui présenta à la facture. Il y en avait pour 18 milliards de crédits. Collins se défendit en disant que la machine était tombée dans sa chambre accidentellement. Flign tenterait de faire comprendre à la corporation ce qui était arrivé. Puis il dit à Collins que c'était le moment et Collins ferma les yeux. Quand il les rouvrit, il était debout au milieu d'une plaine désolée, en face d'une rangée de montagnes déchiquetées. Un homme en haillons se tenait près de lui. Il lui tendit un pic de terrassier. Collins avait été condamné à travailler dans une carrière de marbre avec d'autres personnes. Il n'était pas le seul à avoir commenté un palais. Son travail ne lui ferait gagner que 50 crédits par mois. L'homme en haillons s'appelait Jang et il expliqua à Collins qu'il finirait par s'habituer après les premiers 1000 ans. Collins se rappela qu'il avait obtenu l'immortalité et pourtant celle-ci ne figurait pas sur la facture. Alors il demanda à son partenaire combien de l'immortalité. Jang répondit que l'immortalité était accordée pour rien.

Le prix à payer (Algis Budrys).

 

Trois hommes derrière un bureau interrogeaient un prisonnier. Le plus vieux des trois hommes étaie celui qui parlait le plus souvent. Le prisonnier prétendit ne pas avoir de nom. Il réclama une cigarette. Un des trois interrogateurs lui répondit qu'on lui donnerait une cigarette s'il voulait bien décliner son identité. Alors le prisonnier répondit qu'il s'appelait Rumpelstiltskin (qui était le nom d'un héros du folklore germanique, un nain diforme). Le plus vieux des interrogateurs voulut empêcher le plus maigre d'offrir une cigarette aux prisonniers car il le président. Le plus maigre des trois hommes rétorqua que cela faisait trop longtemps qu'il était président. Réduit à l'impuissance, le président laissa l'homme maigre offrir une cigarette et du feu au prisonnier. Le président reprit la parole et accusa le prisonnier d'être plus âgé que n'importe qui. Il avait été trouvé en 1882 dans le gouvernement de Minsk et avait été conduit auprès du tsar. Il avait été emprisonné jusqu'en 1918 mais avait gardé le silence. En 1941, le prisonnier avait été présenté à une commission d'enquête. En 1956, il avait été envoyé dans un camp de travail. En 1963, une autre commission d'enquête s'était occupée du prisonnier à Berlin. En 1967, le prisonnier avait été conduit à Genève. En 1970, il avait trouvé asile chez les moines bénédictins de Berne. Il était reste chez eux pendant presque toute la durée de la guerre des Sept décades. Cela faisait maintenant huit mois qu'il était prisonnier. L'interrogateur maigre annonça au prisonnier qu'il avait besoin de lui. Mais le prisonnier refusa. Le président fit n geste et le maigre écarta les lourds rideaux qui voilaient les fenêtres. La pièce s'illumina à la lueur des incendies du dehors. Les interrogateurs voulaient savoir comment le prisonnier avait fait pour franchir le brasier de l'Europe. Alors le prisonnier déclara qu'il avait été grand et droit avant de devenir vieux et bossu. Le président s'énerva. Il n'y avait plus qu'une centaine de survivants. Le maigre demanda au prisonnier s'il exigeait de l'argent ou des femmes. Alors le prisonnier allait leur donner une solution par bonté d'âme. Mais le président eut peur que la solution les transforme en vieillards bossus. Le gros forçat le président à regarder l'incendie et au bout d'un moment le président accepta que le prisonnier livre la solution il sauta sur le bureau et se mit à pousser une clameur triomphale. Les trois interrogateurs attendirent que le prisonnier se calme.

Nous ferons route ensemble (Mack Reynolds).

 

Martin Wendle se demanda pourquoi il avait dépensé autant de temps. Il se rendit chez le professeur Dreistein. Le professeur se tenait affalé dans un lourd fauteuil avec à côté de lui un chien noir monstrueux, unique spécimen de sa race. Wendle le dérangea en lui disant que s'il s'était permis de venir la voir c'était qu'il était indispensable qu'il passe une demi-heure en sa compagnie. Le professeur lui expliqua que sa retraite était sa seule possibilité d'évasion et de détente. Cela lui permettait également de se livrer à de longues études et recherches. Wendle rétorqua que son temps était aussi précieux. Il demanda au professeur s'il connaissait bien la vie du philosophe anglais Roger Bacon. Le professeur connaissait sa biographie parfaitement. Bacon avait été jugé pour crime de sorcellerie en 1277 et avait passé 15 ans de sa vie en prison. Alors Wendle se présenta et expliqua au professeur que Bacon était un mutant… Un Homo Superior. Le professeur lui proposa un verre mais Wendle refusa. Le professeur pensait que l'alcool était d'un grand secours pour les scientifiques. Wendle n'était pas de cet avis. Wendle expliqua au professeur que l'histoire ne commençait qu'avec Bacon. Bacon avait consacré une part de sa vie à rechercher la Pierre philosophale et l'élixir de longue vie. Le professeur pensait que Bacon partageait les erreurs des autres alchimistes de son temps. Mais Wendle rétorqua que Bacon ne s'occupait nullement de feux follets. Le professeur ne niait pas la possibilité d'atteindre la transmutation des métaux et la vie éternelle mais cela se passait il y a 700 ans. Wendle affirma que Bacon n'avait jamais réalisé la transmutation des métaux car il avait été emprisonné avant d'avoir mené ses expériences jusqu'à leur fin. En dépit de lui-même, le professeur se sentait intéressé. Wendle lui demanda s'il savait ce qui arriverait à un chimpanzé doté de la longévité de l'homme. Le professeur ne comprenait pas. Alors Wendle lui expliqua que le chimpanzé était plus développé que l'humain entre deux et quatre ans. Le professeur comprenait que si un chimpanzé avait reçu l'élixir de longue vie grâce à Bacon il aurait pu développer ses capacités intellectuelles mais Wendle rétorqua que Bacon avait fait l'expérience avec son chien. Wendle affirma que Diable, le chien de Bacon était devenu immortel. Wendle expliqua que si le chien avait été en mesure de développer son intelligence il aurait rapidement trouvé son maître insuffisant. Et avec le temps le chien de Bacon serait devenu plus intelligent que les humains. Peut-être même que ce chien aurait estimé nécessaire de renverser l'être humain, la plus arrogante créature et la plus destructrice de la Terre. Le professeur demanda à Wendle quoi ce fameux chien de Bacon n'avait pas accompli cette révolution. Wendle répondit que le chien devait d'abord trouver la formule de l'élixir de longue vie de façon à pouvoir inoculer à d'autres animaux. De plus, il fallait attendre que le don suprême de la nature à l'homme : la main soit devenue périmée et qu'une simple patte puisse presser le bouton ou pousser le commutateur nécessaire pour mettre en marche la machine la plus compliquée. Wendle pensait que le chien ne s'était pas contenté d'attendre et avait stimulé les progrès de l'homme pour hâter la venue du jour. Il avait consacré des années de recherche au chien de Bacon et était convaincu que ce chien avait vécu chez Léonard de Vinci, Galilée, Newton, Marconi et même Edison. Wendle croyait que le chien avait des pouvoirs télépathiques. Diable avait été capable de guider les intérêts de ses maîtres à leur insu. Mais le professeur lui répondit que les fondements de ses plus grandes découvertes avaient toujours été des éclairs d'inspiration. À ce moment-là, les deux hommes perçurent la pensée du chien du professeur : « je vais devoir vous tuer. Vous en rendez-vous compte ? ».

Le professeur sombra dans un silence de stupeur. Ainsi, le chien du professeur était celui de Bacon. Le chien lui transmit sa pensée pour lui demander comment il avait appris son existence. Wendle lui répondit que l'Homo sapiens avait besoin de son chien pour l'aider à parvenir aussi loin qu'il était arrivé et la route serait plus facile pour l'Homo superior s'il marchait côte à côte avec le Canis superior. Ainsi, Wendle était Bacon.

L'homme tortu (L. Sprague de Camp).

Le professeur Matilda Saddler rencontre l'homme pour la première fois le 14 juin 1956, à Coney Island. Le congrès de printemps de la Branche atlantique de l'Association américaine d'anthropologie venait de se terminer. Matilda voulut visiter Coney Island avec deux de ses collègues, Blue et Jeffcott mais ils refusèrent l'invitation. Quand elle s'éloigna, ses collègues se moquèrent d'elle car elle avait été mariée trois fois. Ils la jugeaient pour sa vie désordonnée. Matilda était une grande femme qui avait dépassé la trentaine. Elle regarda les gens qui ne rechignent pas à la consommation. Elle se rendit dans un stand de tir mais elle trouva cela trop facile pour être vraiment amusant. Puis elle se rendit dans un stand où étaient exposés des monstres. La pièce de résistance était Ungo-Bungo, le féroce homme-singe. Une impulsion malicieuse poussa Matilda à aller voir. Un rideau masquait la cage d'Ungo-Bungo.

Puis le rideau s'écarta. Matilda trouva que c'était quelque chose d'inédit dans le genre homme-singe. Ungo-Bungo mesurait 1 m 50 mais était massif et il avait une fourrure depuis le sommet du crâne jusqu'aux chevilles. Elle n'avait jamais vu de visage comme celui-là. C'était une face profondément ridée. Le nez épaté n'était pourtant pas celui d'un singe. Il avait une lèvre supérieure longue et pendante. Il n'avait pratiquement pas de menton. Il avait la peau jaunâtre. Matilda sortit avec la foule mais il y a une autre entrée car elle voulait revoir le phénomène. Elle put remarquer que l'homme-singe avait de longues cicatrices décolorées et il lui manquait la dernière jointure de l'annulaire gauche. Elle y retourna une troisième fois. Elle demanda au forain si elle pouvait rencontrer l'homme-singe. Le forain lui répondit que l'homme-singe s'appeler en réalité Al Gaffney. Le forain demanda l'autorisation à son patron qui accepta. Le patron s'appelait Morrie et il se lamenta que les gens ne savaient pas apprécier ce qu'on faisait pour eux. Il vantait les mérites de son spectacle. L'homme singe apparut en demandant qui voulait le voir. Il était en vêtements de ville et il était accompagné par son imprésario. Matilda demanda la permission de rencontrer Gaffney pour lui parler seule à seul.

Alors Gaffney demanda à son imprésario de s'en aller. Il parlait un américain ordinaire avec une trace d'accent irlandais.

Un chien renifla Gaffney et devint fou. Il se mit à aboyer furieusement en bavant. Gaffney expliqua à Matilda que les chiens ne l'aimaient pas. Ils s'installèrent dans un café Matilda remarqua qu'il se parfumait avec un parfum bon marché. Elle lui posa plusieurs questions auxquelles il répondit. Ses parents étaient Irlandais mais il était né au sud de Boston. Ses parents avaient la même difformité physique que lui. Elle lui demanda s'il l'autorisait à le photographier et il accepta. Elle lui dit qu'elle était scientifique et qu'elle n'essaierait pas de lui soutirer quoi que ce soit pour son profit. Mais elle voulait qu'il soit franc avec elle. Elle pensait qu'il y avait quelque chose d'extraordinaire dans son origine. Alors il lui demanda s'il y avait un chirurgien de premier ordre dans ses relations. Elle répondit qu'elle connaissait Dunbar. Gaffney savait que ce chirurgien avait écrit un livre intitulé Dieu, l'homme et l'univers. Gaffney était satisfait de son type physique inhabituel mais il avait quelques anciennes blessures qu'il voulait faire arranger. Il demanda à Matilda de faire les arrangements nécessaires. Il accepta de lui donner ses véritables origines. Il l'avertit cependant que si elle répétait ce qu'il lui apprendrait elle mettrait sa réputation professionnelle entre ses mains. Il était né dans le Haut-Rhin quelque 50 000 ans avant Jésus-Christ. Il ne pouvait pas le prouver mais il se moquait que Matilda le croit ou non. Il avait été frappé par la foudre. Il avait accusé le coup pendant quelques semaines mais n'avait rien sauf des brûlures sous la plante des pieds. Il pensait que la foudre avait agi sur sa moelle longue et avait accéléré son rythme. Après cela, il n'avait jamais vieilli. Il avait toujours environ 35 ans. Il était un homme de Neandertal. Matilda emmena Gaffney dans sa chambre d'hôtel. Elle le présenta à Harold de McGannon qui était historien et ses autres collègues Blue et Jeffcott. Il leur expliqua que son véritable nom était Faucon d'argent. Il cherchait toujours à ne pas attirer l'attention et c'était pour cela qu'il changeait d'endroit tous les 10 ou 15 ans. Pour éviter que les gens se demandent pourquoi il ne vieillissait pas. Blue pensait que c'était un mythomane. McGannon lui demanda comment se faisait-il qu'il avait un extrait d'un acte de naissance. Gaffney répondit qu'il avait connu quelqu'un qui s'appelait Clarence Gaffney qui avait été tué dans un accident alors il avait pris son nom. Matilda connaissait l'hypothèse selon laquelle l'homme de Neandertal s'était mêlé au peuple de la côte ouest de l'Irlande. Gaffney répondit qu'il n'y avait eu aucun mélange à l'âge de pierre. Il expliqua qu’au cours des 50 derniers siècles il avait connu des femmes Homo sapiens mais ces unions avaient été stériles. Au XVIe siècle, il était allé vivre en Irlande. Et cette fois-là il avait fait des enfants avec une femme. Le vieux peuple noir d'Irlande était sa descendance.

Il expliqua que l'homme de Neandertal avait été en partie exterminé par des tribus de Cro-Magnon. Mais dans l'ensemble l'homme de Neandertal et l'homme de Cro-Magnon n'étaient pas belliqueux. Cela était venu plus tard avec l'agriculture et l'élevage.

À la fin, les hommes de Neandertal s'étaient contentés de survivre en mendiant aux abords des campements des Cro-Magnon. Faucon d'argent était devenu un dieu pour son peuple et son représentant auprès des Homo sapiens. Il avait été intégré par les Cro-Magnon après la disparition de son propre clan. Il était devenu forgeron. Il s'était cassé la jambe au néolithique en tombant d'un arbre. MacGannon lui parla de Vulcain, le dieu grec qui était forgeron et qui boitait. Il voulait suggérer que les Grecs avaient peut-être été inspirés par Gaffney en le voyant. Blue ne voulait pas croire que Gaffney était un homme de Neandertal car les hommes de Neandertal avaient des lobes frontaux du cerveau faiblement développés et une attache aux muscles de la langue. Gaffney parla de ses dents. Il avait eu trois dentitions qui avaient fini par s’user et il avait été obligé d'inventer la soupe. Avec l'arrivée du métal, il avait réussi à se faire un dentier. McGannon demanda à Gaffney s'il pourrait le revoir. Gaffney répondit qu'il avait ses matinées libres. L'historien raccompagna Gaffney à la station de métro. Blue n'avait pas cru un seul mot de ce qu'il avait entendu. En revanche, Jeffcott avait des soupçons à cause du parfum de Gaffney. Il pensait qu'il voulait cacher sa véritable odeur.

Gaffney avait pu rencontrer le chirurgien qui avait accepté de le soigner. Après quoi, il avait retrouvé MacGannon. Il lui avait expliqué qu'il avait été boxeur. Il avait vécu en Gaule et s'était retrouvé en guerre contre les Romains contre son gré. Il avait été blessé à l'épaule.

Le chirurgien et son assistant pensaient que le squelette de Gaffney n'était pas celui d'un être humain. Dunbar avait envie d'écrire un article pour décrire l'anatomie détaillée d'un homme de Neandertal.

McGannon demanda à Gaffney s'il avait déjà visité la salle de l'Evolution de l'Homme au musée. Gaffney acquiesça. Il avait remarqué quelques petites erreurs. En été, les hommes de Neandertal ne portaient pas de peaux de bêtes. Gaffney regrettait que la barbe ne soit plus à la mode car il avait l'air beaucoup plus humain avec une barbe. Au XVIe siècle il avait moins de problèmes car la barbe et la moustache étaient à la mode. McGannon lui demanda pourquoi il n'avait pas tenu un journal. Gaffney répondit qu'il n'aurait pas pu traîner six malles de papiers à tous ses déménagements. De plus, il avait presque toujours été un pauvre forgeron ou un fermier et il n'avait pas approché les puissants. Il avait renoncé à toute idée d'ambition. Le seul roi qu'il avait vu c'était Charlemagne lorsqu'il avait fait un discours à Paris. Le matin suivant, McGannon et Gaffney rencontrèrent Svedberg au musée est un homme de loi, James Robinette. Lorsque les arrangements légaux furent terminés, Gaffney raccompagna son ancien passerions à Coney Island pour y prendre ses affaires. Robinette avait cru que Gaffney étaient idiots mais en le regardant éplucher les clauses du contrat il s'était rendu compte de son erreur. Alors MacGannon lui raconta ce qu'il savait. Il était convaincu de l'authenticité des propos de Gaffney car ce dernier avait des connaissances en bas-latin. Il espérait seulement qu'il ne se passerait pas quelque chose susceptible de faire peur à Gaffney. Sinon il s'enfuirait.

Gaffney se rendit chez le chirurgien. Il demanda à voir les instruments qui serviraient à son opération. Il demanda à quoi chaque instrument servirait. Alors il comprit que le chirurgien avait l'intention d'explorer son cerveau. Il voulut téléphoner à son avocat mais l'assistant du chirurgien tenta de l'en empêcher. Des hommes en blouse blanche empêchèrent Gaffney de s'en aller. Mais il réussit à repousser ses assaillants. Il se rendit ensuite chez Robinette.

Il lui demanda son aide. Il raconta ce qui était arrivé. Puis Dunbar et quatre de ses assistants envahirent le bureau. Robinette retire un gros pistolet du tiroir de son bureau et menaça le chirurgien et ses assistants. Comme le chirurgien prétendait que Gaffney était un fou dangereux, Robinette demanda où était son mandat d'internement. Puis il demanda à Gaffney s'il voulait entamer une affaire au civil contre le chirurgien et ses assistants. Gaffney voulait simplement être certain que le chirurgien et ses assistants le laisseraient en paix.

Mais Robinette menaça Dunbar de poursuites judiciaires s'il ne s'en allait pas. Alors le chirurgien répondit qu'il était en train de détruire la possibilité d'une grande découverte scientifique. Robinette rétorqua que son devoir était de protéger son client. Dunbar s'en alla en regrettant que sa plus grande chance de gloire lui file entre les doigts. Gaffney eut le temps de lui réclamer le chapeau qu'il avait oublié chez lui. À ce moment-là, Mathilda téléphona. Elle voulait voir Gaffney. Mais Gaffney n'en avait pas envie. Il savait ce que cela voulait dire quand une femme le regardait avec un intérêt plus qu'amical. Il ne voulait pas avoir d'ennuis. Trois mois plus tard, Robinette reçu une lettre qui contenait 20 $. Gaffney voulait payer les honoraires de l'avocat. Il lui annonçait qu'il avait trouvé un travail lui permettant d'aller de temps en temps au cinéma et d'avoir quelques amis avec qui il allait boire une bière. Il demandait à l'avocat d'expliquer à MacGannon la raison de son brusque départ. Il voulait que l'avocat lui renvoie son chapeau par la poste restante dans le cas où Dunbar l'avait rapporté.

La substitution (Gene Wolfe).

Le narrateur avait servi dans l'armée de Corée lorsque son père était mort. L'armée lui avait accordé une permission pour raisons de famille mais son père était mort avant qu'il ait eu le temps de rentrer chez lui. Il était désormais sans famille et sa vie en fut transformée. Après la guerre de Corée, il resta en Chine. Plus tard, il fut emprisonné. Quand il fut libéré, il décida de retourner dans son patelin. Puis il s'éloigna du Kansas en auto-stop. Un de ses anciens copains d'enfance le prit en stop. Il s'appelait Ernie Cotha. Ils furent heureux de parler du bon vieux temps. Ernie lui demanda s'il se souvenait de la grande bataille contre Maria. Maria avait voulu empêcher le narrateur d'attacher un caillou à une grenouille pour la jeter dans l'eau. Mais le narrateur rappela à Ernie que ce n'était pas Maria qui s'était battue contre lui mais Peter, le frère de Maria. Ernie était persuadé d'avoir raison.

Alors le narrateur essaya de se remémorer ce moment de leur enfance. Il se rappela que Maria avait essayé de l'empêcher de torturer la grenouille. Il avait frappé Maria à l'oeil avec une pierre. Mais la grande bagarre avait eu lieu après avec Peter qui avait voulu venger sa soeur. Le narrateur avait fini par libérer la grenouille mais il l'avait transpercée avec son couteau. Ernie emmena le narrateur dans le motel des Palmieri. Maman Palmieri reconnut le narrateur. On donna au narrateur la chambre de Maria qui était à Chicago pour assister à un congrès d'infirmières. Paul Palmieri arriva. Le narrateur ne l'aurait pas reconnu s'il l’avait rencontré dans la rue. Puis ce fut Peter qui arriva. Il ne semblait pas se souvenir du narrateur. Au moment de s'endormir, le narrateur pensait à Peter qui n'avait cessé d'occuper son esprit.

Le lendemain Paul proposa au narrateur de lui faire visiter la ville en voiture. Puis le narrateur demanda à revoir l'endroit où il y avait eu la bagarre avec Maria et Peter. L'île semblait plus grande au narrateur. Paul et le narrateur montèrent dans une barque pour se rendre dans l'île. Sur l'île il y avait trois autres garçons dont Peter. Le narrateur paria avec Paul qu’il n'était pas capable de jeter un caillou jusqu'à la berge et Paul releva le défi. Paul réussit alors le narrateur proposa de payer le plein d'essence à la première station-service. Après quoi, ils se rendirent un match de base-ball au chef-lieu du comté.

Après le match, ils rentrèrent au motel. Le narrateur discuta avec papa Palmieri. Il évoqua de vieux souvenirs. Le père Palmieri lui demanda s'il voulait savoir. Le narrateur acquiesça alors le père Palmieri il raconta qu'il était venu avec sa femme de Chicago quand Maria était encore bébé. Et un soir, en rentrant du boulot, il avait trouvé sa femme et son bébé avec un garçon inconnu. Elle prétendait que c'était son fils. Il croyait que sa femme avait perdu la tête mais ses enfants avaient accepté la chose comme si c'était parfaitement naturel. Le père Palmieri avait demandé conseille aux bonnes soeurs de l'école. Mais elles lui avaient répondu que Peter était un garçon charmant. Le père Palmieri avait remarqué que Peter ne grandissait pas. Après avoir été le grand frère de Maria, il était devenu son frère jumeau puis son petit frère. Personne n'avait jamais rien remarqué d'anormal sauf le père Palmieri et le narrateur. Le père ajouta que par trois fois il s'était fait donner de l'eau bénite par le prêtre et il prend avait versé sur Peter dans son sommeil. Rien ne s'était produit.

Le lendemain, le narrateur alla parler avec les bonnes soeurs. La mère supérieure refusa de le laisser consulter ce qui concernait Peter dans les archives de l'école.

Alors il demanda la permission de regarder la photo de classe qui datait de l'époque où le narrateur était au cours moyen. La mère supérieure accepta et il put regarder un gros album qui contenait toutes les photos de groupe depuis la fondation de l'école. Il regarda la photo qui concernait le cours moyen pour l'année 1944. Il était persuadé que Peter était derrière lui. Il reconnaît parfaitement les visages. Pourtant il ne se trouva pas sur la photo. Il y avait bien le nom de Peter derrière la photo mais pas celui du narrateur. En sortant du couvent, il avait l'impression d'avoir perdu une partie de lui-même. Il se rendit à l'imprimerie du journal. Il demanda des informations sur Peter Palmer qui était resté à l'Est quand on avait fait l'échange des prisonniers à Panmunjom et qui était passé en Chine communiste pour y travailler dans une usine de textile. Il avait été incarcéré à son retour puis il avait changé de nom après avoir quitté Cassonsville. Il demanda à consulter les journaux d'août et septembre 1959. Le vieil imprimeur répondit qu'il n'avait jamais eu d'habitants de Cassonsville soit allé chez les communistes. Mais il accepta de laisser le narrateur consulter les archives du journal pour 50 cents de l'heure. Le narrateur trouva absolument rien. Après quoi, il retourna sur l'île. Il passa la nuit dans la grotte. Le lendemain matin, il détacha le canot pour le laisser filer à la dérive. Il décida de rester sur l'île. On lui apportait de quoi manger et il méditait beaucoup. Des quantités de gens venaient lui parler. Peter avait conservé le nom de Palmieri mais c'était un nom que ses camarades n'employaient guère.

La dernière fois (Arthur Sellings).

 

1

 

Il avait signalé son retour 12 années-lumière auparavant, au moment où il avait atteint sa vitesse de pointe. De la nuit permanente, il arriva dans la nuit transitoire de sa planète. Grant fut accueilli par Bassick, le chef de programmation des vols. De son voyage, il avait rapporté des minéraux. La planète qu'il avait visitée était agréable mais il y avait peu de vie. Les journalistes voulaient l'interviewer mais l'astronaute avait voyagé pendant 14 ans pour revenir sur Terre. Bassick leur ordonna de laisser le voyageur se reposer. La conférence de presse aura lieu le lendemain. Grant demanda à Bassick ce qui était arrivé à Goodman. Il répondit qu'il était mort 11 ans auparavant. Grant demanda des nouvelles de ses collègues. Il y en avait un qu’il n'avait jamais rencontré et l'autre qu'il n'avait pas vu depuis leur entraînement 200 ans auparavant (en temps terrestre). Bassick répondit que Kroll allait bien et Hazlitt avait été muté dans le personnel au sol après son dernier voyage. Bassick demanda à Grant quels étaient ses projets car c'était son dernier voyage. Il envisageait de s'acheter une compagnie aérospatiale. En réalité, il était inquiet car un temps de service tronqué causait une énorme différence dans les finances d'un homme. À chacun de ses retours, le monde semblait plus fou en apparence mais plus sain en profondeur et c'était bien le plus important.

Mais ce n'était pas l'argent qui avait attiré Grant. Il fallait des raisons plus complexes pour conduire un homme à choisir une carrière d'astronaute. Il avait renoncé aux années centrales de son existence pour mener une vie sans continuité, isolé de tous par le temps plus que par l'espace. Il avait obtenu son doctorat de sciences à 25 ans, ce qui lui avait permis de terminer son entraînement spécialisé et d'être sélectionné. Quelques Terriens en tenue de soirée étaient éparpillés dans la salle de réception. Ils regardaient Grant avec un peu d'envie, un peu de bienvenue à bord, mec, un peu de ressentiment et beaucoup de soulagement du travail fini. Il était attendu à la section médicale. Il en sortit deux heures plus tard avec un certificat de bonne santé. Bassick lui avait réservé une chambre à l'hôtel Vénus. Grant avait l'habitude de loger à l'hôtel L'Univers mais il apprit que celui avait été détruit il y a 20 ans.

2

 

Avant la conférence de presse, Grant s'était tenu informé de l'actualité. La régénération du Sahara était maintenant achevée. Le monorail trans-australien avait été inauguré. Une troisième génération était née à Cousteaupolis, sous la Méditerranée. Un homme était descendu dans la tâche rouge de Jupiter et en était ressorti vivant. L'intérêt pour les greffes d'organes semblait inébranlable depuis son dernier retour, bien que ces greffes ne procurent qu'un bref accroissement de la durée de vie. Les robots humanoïdes avaient été commercialisés dans les grands magasins. Il répondit aux questions des journalistes à propos de la mode et des dernières technologies. Il se sentait visiteur dans un pays étranger. Il avait déjà effectué sept voyages, son prochain serait le dernier. Son contrat s'achèverait au bout de 20 ans. On lui demanda si la colonisation de l'espace par l'homme n'aurait jamais de limites. Il répondit que c'était bien le cas comme le souhaitait la compagnie. Mais il avait parfois des doutes à ce sujet. Parmi les journalistes il y avait toujours ce même ressentiment contre cet étrange élite qui pouvait passer outre les siècles, celle des astronautes. Il expliqua qu'il n'avait pas encore de projet pour sa retraite..

Vandeleer XIX se présenta à Grant. Il gérait les biens de Grant. Il avait dû corrompre des politiques pour que Grant ne perde pas trop d'argent avec les impôts. Il avait réussi à faire gagner 17,5 % d'avoir à son client. Vandeleer lui montra un papier concernait l'héritage du petit-fils de Grant qui était mort quatre ans plus tôt. Son petit-fils n'avait pas eu d'enfants et Grant hériterait de quelques centaines de dollars.

Grant savait que pour la plupart des femmes, ils n'étaient qu'une expérience de plus. L'expérience conclue, la plupart des fins disparaissaient sans demander des comptes. Hélène était différente. Elle était désespérément amoureuse de lui. Ils s'étaient mariés dans un village. Mais une semaine plus tard, il avait reçu un message de la compagnie qui lui assignait sa prochaine mission. Son voyage avait duré 40 ans. Il avait retrouvé une Hélène âgée de 67 ans. Son fils avait eu trois dépressions nerveuses. Il avait 40 ans et semblait plus vieux que son père. Grant ne s'était pas préparé à retrouver une Hélène absurdement déterminée à prétendre que le temps n'avait pas passé. Elle avait utilisé tous les artifices de la chirurgie esthétique du XXIIe siècle. La longue erreur était passée maintenant. Mais ce souvenir amenait à Grant des relents douloureux.

Il alla prendre un verre avec Vandeleer. Il songea que dans 30 ou 40 ans de temps terrestre (deux ou trois ans de ses propres années) il serait de retour sur terre pour de bon. Il demanda un atlas au barman. Il l'ouvrit au hasard et planta un doigt aveugle sur la page. C'était Biarritz. Vandeleer promit de lui arranger un voyage à Biarritz. Grant lui demanda de louer une chambre dans un petit hôtel.

3

Grant passa deux semaines à Biarritz à L'Auberge Basque. L'auberge avait conservé sa et les saveurs françaises. Il avait passé ses journées et à arpenter le sable doré de la plage et à regarder les vagues. Il rencontra une jeune femme :Etta Warring, anthropologue. Ils firent du surf ensemble et se promenèrent en avion le long de la côte. L'expérience, cette fois-ci, menaçait d'être encore plus amère car il la savait douces à s'en briser le coeur et cette fois le don de soi était réciproque. Mais il fut obligé de lui parler de son travail. Elle en fut bouleversée mais ne dit rien. Elle avait écrit à ses parents en évoquant son nouvel amoureux. Ses parents avaient reconnu Grant à sa description et à son nom. Ainsi elle savait qui il était. Elle connaissait donc le problème du temps relatif. Elle espérait pouvoir voyager avec lui grâce à son bagage scientifique. Mais il répondit qu'elle serait une surcharge car l'anthropologie était la dernière discipline dont la compagnie avait besoin. Alors elle lui demanda s'il pouvait décrocher. Il pouvait abandonner son contrat mais il se retrouverait avec quelques milliers de dollars de dette. Elle répliqua qu'elle avait de l'argent. Mais il voulait terminer sa mission. Alors elle accepta la situation. Il lui dit qu'il se sentirait bien seul dans l'espace en pensant à elle. Grant reçu un télégramme lui apprenant que son prochain voyage durerait 34 ans de temps terrestres. Quand il reviendrait, il n'aurait 45 ans et Etta en aurait 67. Exactement l'âge auquel il avait retrouvé Hélène.

Le matin suivant, il se leva avant 8:00 et alla frapper à la porte d'Etta vérité absente. Elle avait laissé une enveloppe pour lui sur la table qu'ils avaient partagée le premier soir de leur rencontre. Elle lui annonçait qu'elle était partie pour Londres et qu'elle agissait au mieux de leurs intérêts. Elle ne pouvait rien lui dire de plus jusqu'à son retour. Même peut-être alors, elle ne lui dirait rien si cela n'avait pas marché comme elle le souhaitait. Elle lui demandait d'attendre son retour.

Les tristes jours de solitude passaient avec une exaspérante lenteur. Elle réapparut 12 jours plus tard. Elle l'attendait à leur table quand il arriva au dîner. Elle se jeta dans ses bras. Il la conduisit jusqu'à la terrasse. Il lui annonça qu'il était prêt à accepter sa décision et à rompre son contrat. Elle lui répondit que c'était trop tard. Elle était partie à Londres pour se faire opérer. Dorénavant, il pourrait la retrouver à son retour sans que le temps de l’ai touchée. Il pensait que c'était impossible car il ne reviendrait pas avant 34 ans. Mais elle lui répondit que c'était parce que ce serait une Etta plus jeune de quelques mois seulement qu'il trouverait à son retour. Elle allait avoir un enfant. Elle aurait une fille à sa parfaite ressemblance. Ainsi l’un d’eux retrouverait l'autre. Il se sentit égoïste. Mais elle trouvait que c'était la société qui était égoïste de lui demander ce qu'elle lui demandait sans même reconnaître la portée de son sacrifice. Alors, il lui demanda comment il pouvait être sûr que sa fille l'aimerait. Elle répondit que sa fille découvrir l'amour avec lui comme elle-même l'avait découvert.

Etta ferait vivre ses souvenirs pour les transmettre à sa fille. Les savants n’en étaient pas encore certains mais la mémoire était peut être transmissible dans ce genre de reproduction directe.

 

La suite au prochain rocher (R. A. Lafferty).

 

Sur les hauteurs de la Big Lime Country se trouvait une aspérité, une cheminée de pierre à demi écroulée. Elle avait été sculptée au cours de la dernière glaciation. Un groupe de cinq personnes arriva à l'endroit précis où la cheminée de pierre s'était affaissée contre un épaulement plus récent. C'étaient des géologues et des archéologues. Les cinq personnes étaient Terrence Burdock, sa femme Ethyl, Robert Derby et Howard Steinleser. Ils étaient beaux et équilibrés. Et puis il y avait Magdalen Mobley qui n'était ni belle, ni équilibrée. Mais elle était spéciale. Magdalen prétendait pouvoir leur dire ce qu'il y avait dans la cheminée et dans le tertre. Elle ordonna à Robert de tuer un cerf qui se trouvait à une quarantaine de mètres dans un ravin. Ethyl conseilla à Robert d'obéir pour avoir la paix. Alors il s'exécuta mais ne rapporta pas le cerf car celui-ci était beaucoup trop lourd. Mais Magdalen lui dit qu'il n'avait pas toute sa tête car elle savait que le cerf ne pesait que 190 livres.

Alors elle partit elle-même chercher le cerf. Elle le rapporta nonchalamment sur ses épaules. Après quoi ils ficelèrent le chevreuil pour le préparer d'une façon presque professionnelle. Magdalen demanda à Ethyl de le faire cuire.

Plus tard, Ethyl apporta à Magdalen la cervelle du cerf, croyant lui jouer un mauvais tour. Mais Magdalen la mangea avidement car elle lui était due puisque c'était elle qui avait découvert le cerf. Le groupe se demandait comment Magdalen pouvait savoir où il y avait des choses invisibles. Très souvent, Magdalen disait des choses qui n'avaient aucun sens. Depuis quelque temps, ils avaient tous vaguement conscience du fait qu'ils étaient six, et non plus cinq autour du feu. Howard s'était laissé dire qu'il n'y avait jamais eu un site moins engageant que celui de Spiro. Il aurait voulu avoir avec lui un des membres de l'équipe qui avait fouillé à Spiro. Magdalen prétendit qu'il y en avait un avec eux. Pourtant l'expédition de Spiro avait eu lieu il y avait très longtemps. Tout à coup, un homme apparut grâce à l'éclat du feu. Il prétendit n'être qu'un vieil homme riche qui n'arrêtait pas de suivre et d'espérer. Il sollicitait éternellement Magdalen. Il prétendit qu'il était le cerf que le groupe venait de manger. Terrence lui demanda son nom. Il répondit qu'il s'appelait Pleindepèze. Il était indien. Le lendemain il s'associa au groupe pour les fouilles. Lui aussi avait des facultés pour voir ce qui était invisible. Il avait deviné la présence d'une petite poterie de la période de proto-plano. Il la mit au jour. Steinleser avait du mal à y croire, pour lui, cette découverte était trop parfaite. Malgré tout, il prit quelques notes et des photos.

Antéros Pleindepèze fit crouler la cheminée de pierre sans la faire tomber. Il réussit à mettre au jour un bloc de silex. Il y avait des glyphes Nahuat-Tanoens sur le bloc. Le groupe s'était divisé pour étudier l'ouverture dans la butte et la carotte-tuyaux d'orgue de la cheminée en faisant constamment des trouvailles. Les objets découverts étaient maintenant aussi qu'on pouvait s'y attendre et pourtant leur profusion même avait toujours un petit quelque chose de louche. Antéros s'absenta pendant une heure. Il réapparut dans une étincelante voiture familiale. Il était allé en ville pour acheter de la nourriture. Le groupe mangea et se reposa. Ils reprirent le travail après le déjeuner. Magdalen travaillait aussi vite qu'Antéros et avec une force légale. Magdalen était la tension du groupe.

Elle ordonna à Antéros d'aller capturer une tortue qui se trouvait sous la corniche. Il obéit. Puis elle ordonna à Ethyl de faire cuire la tortue. Les membres du groupe étaient tous des archéologues reconnus. Magdalen n'avait aucun droit de donner des ordres à qui que ce fût, en dehors de son droit de naissance. Antéros montra à Ethyl comment cuire la tortue.

Howard avait constaté une anomalie. La cheminée se comportait parfois comme si elle était plus récente que le monticule. La cheminée ne pouvait pas être assez récente pour renfermer des roches gravées et pourtant c'était le cas.

Il avait réussi à déchiffrer les glyphes. C'était une déclaration non-royale, non-tribale, de non-guerre et de non-chasse. Les textes signifiaient : « tu es la liberté des cochons sauvages dans les herbes amères, et la noblesse des blaireaux. Tu es l'éclat des serpents et l'envol des vautours. Tu es la passion des buissons d'épineux embrasés par la foudre. Tu es la sérénité des crapauds ». Il pensait que c'était peut-être un poème d'amour.

Howard ne comprenait pas le glyphe final. Magdalen lui expliqua que c'était le glyphe signifiant « à suivre ».

Le troisième jour, le groupe découvrit des perles de verre. Terrence pensait qu'il y avait un mystificateur parmi eux. Mais Robert lui expliqua qu'il y avait déjà eu auparavant des cachettes renfermant ce genre de perles. Robert Derby évoqua la légende des cracheurs de perdre qui existait parmi les Indiens d'Amérique. On avait jamais compris comment ces millions de perles avaient été percées sans qu'on ait pu trouver jamais un seul poinçon. Terrence pensait que c'était de la foutaise car pour lui un cracheur de perles de l'an 700 n'aurait pas pu cracher des perles de l'avenir en verre. Mais Antéros affirmait que c'était possible si le cracheur crachait face au nord. Terrence se mit en colère en découvrant que Magdalen était en train d'essayer de dissimuler une chose qu'elle avait découverte dans le noyau cannelé de la cheminée. C'était une pierre schisteuse. Terrence ordonna à Howard de déchiffrer l'écriture qui se trouvait sur cette pierre. On apporta à Howard une autre pierre qui venait de plus haut. Tout redevenait extrêmement louche. Aucune série de découvertes ne pouvait être aussi parfaite, aucune pétrification n'aurait pu être aussi bien ordonnée. Magdalen transmit son pouvoir de vision à Robert et il put voir qu'il y avait un blaireau dans la haute prairie. Robert alla le chercher. Il leur rapporta. Ethyl le fit cuire avec l'aide d'Antéros. Terrence remarqua que le que le rocher sombre qui avait disparu au sommet de la cheminée, avait réapparu. Howard avait réussi à traduire le texte qui était sur la dernière pierre découverte. C'était du code gestuel anardo-caddo, le langage par signes des Indiens des plaines transcrits en pictogrammes conventionnels. Cela ne devait avoir plus de 300 ans. Howard pensait que cette cheminée était une histoire fumeuse. La partie supérieure aurait dû être plus ancienne que la partie inférieure de la butte. Le groupe parla un moment de l'impossibilité de toute l'affaire. Ils burent tous du whisky pour se préparer à entendre la traduction du troisième chapitre par Howard. Le dernier texte est écrit dans la langue des Kiowas. Cette écriture n'avait atteint sa perfection que sous l'influence d'artistes blancs. Howard pensait que le texte ne devait avoir plus de 150 ans. Une fois encore, le texte se terminait par « à suivre ». Dans la légende nahuar-tanoane, le monde se terminait au matin du quatrième jour. Antéros disparut le matin du quatrième jour. Magdalen avait disparu elle aussi. La cheminée de pierre semblait avoir grandement diminué de volume. La cheminée commençait apparemment à se désagréger. Ethyl demanda qui était Magdalen et qui était Antéros quand Robert parla de leur disparition.

Terrence hurla du haut du monticule. Il avait fait une découverte. Il avait vu un corps d'homme grandeur nature attaché sur une belle tête de basalte. Howard découvrit la Pierre suivante de la série. L'écriture était alphabétique mais déformée. C'était écrit en anglais moderne. Mais ce n'était pas une pierre qu'il avait découverte. C'était le fruit de l'oranger des Osages. Il y eut une explosion et un rugissement. Le rocher sombre qui surmontait la cheminée fut brutalement déséquilibré et projeté avec une force terrible sur le sol où il vola en éclats. Toute la cheminée s'écroula autour d'eux. Une autre chose qui se trouvait sur ce chapiteau de pierre avait été brisée. C'était Magdalen. Elle était morte. Ils découvrirent Antéros dans le basalte. Son visage était tourmenté. Il sanglotait sans bruit et ses épaules étaient voûtées par l'émotion. Robert était triste car Magdalen était morte. Il considérait qu'elle était la plus importante du groupe. Howard traduisit des morceaux de roche sombre avant qu'ils ne disparaissent. Il étudiait une strate qui ne s'était pas encore déposée, déchiffrant un avenir embrumé.

Le dernier fantôme (Stephen Goldin).

 

L'éternité est une atrocité quand on est seul à la supporter. Il était le dernier de son espèce. Il avait dû avoir autrefois un nom mais c'était avant l'éternité, alors qu'il existait sous une forme corporelle. Il existait dans un présent sans fin. Il dérivait à travers cette absence de tout. Puis il rencontra une femme qui était comme lui. Cela éveilla un vague sentiment de connu dans sa mémoire. Elle lui demanda qui il était. Elle voulait savoir ce qui lui était arrivé. Il connaissait les réponses à ces questions mais l'infini avait grignoté ces bribes de savoir dans ce qui lui restait d'esprit. Alors il lui répondit qu'elle était morte. Elle ne voulait pas le croire car elle pensait que la mort avait été vaincue depuis plus de 5000 ans. Des esprits étaient transplantés dans les réserves des ordinateurs. Elle lui demanda s'il était un fantôme. Il acquiesça. Elle répondit qu'une panne quelconque du matériel avait dû déloger momentanément le schéma de sa personnalité des mémoires en réserve. Elle espérait retourner dans les ordinateurs. Elle lui demanda de l'aide. Mais il était troublé en raison de cette présence après une telle période de solitude dans l'absence de temps. Il trouvait plutôt sympathique d'avoir de nouveau quelqu'un avec qui partager l'univers. Tous les deux existaient depuis plus de 5000 ans. Mais il était sans doute le plus âgé des deux. La véritable différence était qu'il régnait seul depuis des siècles dans cette solitude qui lui avait taraudé l'esprit. Elle était restée dans les ordinateurs pendant des siècles avec d'autres personnes et d'autres esprits ce qui lui avait apporté une stabilité presque absolue. Elle finit par se calmer peu à peu et à revenir à l'attitude rationnelle dont elle avait fait preuve durant des milliers d'années. Elle lui demanda qui il était et il répondit qu'il était un mort. Elle voulut savoir son nom et il répondit qu'il n'en avait pas. Son instinct maternel se réveilla et elle lui dit qu'elle était désolée. Elle voulait savoir si leur position matérielle pouvait être définie. Il répondit que ce n'était pas possible. Elle comprit qu'il avait du mal à parler alors elle lui raconta les débuts de sa vie. Quand elle avait un corps, elle avait eu des enfants. Elle lui expliqua la réussite du transfert des esprits qui avait enfin permis à l'être humain de vaincre la mort. Elle lui raconta le premier millier d'années qu'elle avait passées dans la mémoire d'un ordinateur. Elle avait animé des carcasses de robots pour se livrer à des sports où elle défiait la mort. Mais ces jeux étaient devenus ennuyeux avec le temps alors elle était partie à la recherche de la connaissance et de la sagesse. Elle lui raconta qu'on avait construit des vaisseaux pour emmener jusqu'aux étoiles les humains intégrés dans les ordinateurs. La grande partie de ce récit était incompréhensible pour l'homme. Mais il baignait dans l'expérience extatique de se trouver en communication avec un autre pseudo-être. Après avoir terminé son récit, elle lui demanda s'il avait quelque chose à dire. Il n'arrivait pas à trouver ses mots alors elle lui demanda si tous ceux qui étaient morts étaient devenus des fantômes comme lui. Il acquiesça. Il répondit que les autres étaient partis mais il ne savait pas où. Cela faisait longtemps. Elle ne s'était plus sentie si proche de la crise de larmes depuis plus de 5 mille ans. Elle voulut savoir pourquoi il n'était pas parti avec eux. Il répondit qu'on l'avait laissé derrière. Quand elle voulut savoir pourquoi, il répondit que c'était pour montrer le chemin à ceux qui suivaient. Il devait servir de guide à ceux qui devaient partir. Mais il ne pouvait pas lui montrer où les gens partaient. Avec une grande lenteur et de la patience, elle lui arracha les morceaux qu'il fallait pour reconstituer le puzzle. Il y avait fort longtemps, les fantômes avaient découvert un nouveau stade d'existence plus élevé. Alors ils étaient tous passés à ce nouvel état d'évolution, tous sauf un. Un dernier fantôme pour indiquer la voie montante à tous les nouveaux fantômes qui se présenteraient. Seulement la réussite du transfert des esprits avait tout changé. Soudainement, il ne s'était plus présenté de fantômes nouveaux. Et le dernier fantôme était resté tout seul. Son devoir le retenait à l'état de fantôme et la solitude le condamnait à la stagnation. Elle ressentit de la pitié pour lui. Alors elle lui murmura de tendres mots chargés de sollicitude. Il se sentit enveloppé d'une chaleur qu'il ne connaissait plus depuis des siècles.

Il se blottit contre elle. Mais un choc là traversa. Elle sentait que le matériel serait bientôt réparé et elle devrait retourner à la vie. Il lui demanda de ne pas retourner à la vie. Au moment où elle était en train de disparaître, il lui dit qu'il avait envie de quelque chose mais ne réussit pas à le dire ce que c'était. Elle disparut à jamais de son non-univers. Il retourna à la dérive et l'esprit vide. Comme toujours, l'objet de son envie lui avait échappé.

Les vitanuls (John Brunner).

La surveillante de la maternité montra au visiteur américain de l'Organisation mondiale de la santé un homme qu'elle présenta comme leur saint patron. C'était un vieillard décharné comme Gandhi. Il s'appelait le docteur Ananda Kotiwala et c'était son dernier jour avant sa retraite. On était en Inde, et les enfants pouvaient assister à la venue de leurs nouveaux frères et soeurs. Le docteur Chance se rappela qu'il était un étranger dans ce pays et qu'il sortait d'une des rares facultés qui imposaient encore aux jeunes diplômés le serment intégral d'Hippocrate. Alors il fait abstraction des idées préconçues qui lui étaient personnelles pour réfléchir aux curieux propos de la surveillante. Néanmoins il trouvait que l'accouchement des jeunes femmes était déplorable car il se passait en public et dans la souffrance. La majorité des peuples de la Terre continuait l'antique tradition qui faisait de la naissance un événement social. Chance était censé menée une enquête sur les méthodes mises en pratique en Inde. Les plus récentes recommandations des experts semblaient convenablement suivies dans une grande ville où la majeure partie du personnel médical avait bénéficié d'une formation à l'étranger. Celui qui avait été surnommé saint patron procéda à un accouchement. Chance remarqua que tout était conforme à la meilleure obstétrique moderne.

Mais il se demandait pourquoi le médecin indien donnait d'aussi longues et patientes explications à son assistante. Il demanda à la surveillante pourquoi elle appelait le vieux médecin son saint patron. Elle répondit qu'il était capable de communiquer avec ses patientes. Chance remarqua que le vieux médecin avait réussi à tranquilliser toutes les femmes qui avaient accouché.

La surveillante expliqua à Chance que certains parents consultaient des astrologues pour s'assurer que leur enfant viendrait au monde quand le docteur Kotiwala ferait équipe dans la salle d'accouchement. Chance réprima un frisson et dut reconnaître qu'il serait heureux de rentrer chez lui. Le jeune médecin remarqua la façon dont les mères ouvraient les yeux et suivaient du regard les déplacements du docteur Kotiwala, comme si elles voulaient l'inviter à passer une minute ou deux encore à leur chevet. Chance avait demandé à la surveillante quelle était la durée moyenne du séjour d'une parturiente à la maternité. La surveillante répondit 24 heures pour les cas faciles et 36 heures lorsqu'il y avait des complications.

La surveillante avait expliqué au jeune docteur qu'il était arrivé à une époque très active, neuf mois après une grande fête religieuse que les Indiens considéraient comme de bon augure pour l'accroissement de leurs familles. Ainsi, il y avait 180 000 nouveau-nés chaque jour. Mais l'Inde, la Chine et l'Afrique avaient reconnu la nécessité d'instaurer un contrôle des naissances et la situation s'était améliorée.

Chance exprima tout haut sa pensée sans le vouloir en estimant que le docteur Kotiwala devrait servir de modèle pour le métier. La surveillante savait que personne ne serait capable de prendre la relève du docteur Kotiwala. Mais ces derniers voulaient prendre sa retraite délibérément. Il n'était pas tenu par la limite d'âge. La surveillante lui expliqua que dans sa jeunesse le docteur Kotiwala avait été très influencé par l'enseignement des Djaïns qui répugnaient à toute suppression de la vie, quelle qu'elle soit. Il lui était insupportable de penser que la prétention de vouloir continuer à travailler, sans avoir la même sûreté de main, pourrait coûter la vie d'un innocent bébé. Chance lui révèle un secret. Des personnes devaient être sélectionnées pour recevoir la pilule de longue vie. Seulement, ce traitement était coûteux. Aussi, Chance aurait choisi quelqu'un comme le docteur Kotiwala pour profiter de cette cure, avant tous les vieillards stupides, riches et puissants.

La surveillante lui répondit que le docteur Kotiwala refuserait un tel traitement. Le docteur était un sunnyasi, un homme parvenu au dernier stade de sa vie active. Le docteur Kotiwala avait exercé durant 60 ans. Il était incroyablement fatigué. Il regarda le dernier bébé qu'il venait d'accoucher. Il sentit quelque chose d'anormal. Il en parla au docteur qui devait prendre sa suite. Mais le docteur Banerji ne remarqua rien de particulier. La surveillante faisait entièrement confiance au docteur Kotiwala. Alors le docteur Chance proposa d'examiner lui aussi le bébé en sa compagnie. Kotiwala accepta. Au bout de trois quarts d'heure, Chance remarqua que le vieux docteur n'arrêtait pas de soulever les paupières du garçon et de scruter ses yeux. Le vieux docteur lui demanda de regarder les yeux du bébé lui aussi. Chance ne remarqua rien de spécial. Il chercha à se moquer de Kotiwala en faisant allusion aux croyances hindouistes. Mais Kotiwala répondit poliment qu'il ne croyait pas que ce soit possible. Il ne croyait pas la transmigration des âmes possible.

Quelque temps plus tard, le sunnyasi Baghat adressait des paroles d'apaisement à une fille craintive d'environ 17 ans. Son bébé se cramponnait à son sein. Il aussi n'avait rien remarqué dans les yeux du bébé. En abandonnant le nom de Kotiwala, il avait laissé derrière lui des idées préconçues du docteur en médecine. Au bout de ses 85 ans, il avait senti qu'une réalité plus vaste le dominait. Il entendit un grand bruit qui n'a cessé de s'amplifier. C'était un hélicoptère qui arrivait. Les villageois avaient été rassurés que le sunnyasi attende tranquillement l'arrivée de cette curieuse et bruyante machine. Chance descendit de l'hélicoptère. Il avait passé du temps à rechercher le docteur Kotiwala. Il était venu lui annoncer qu'il avait été la première personne à avoir reconnu un Vitanul. Alors Baghat lui montra le bébé que tenait la jeune femme. Il pensait que c'était également un Vitanul. Il annonça à Chance qu'il en avait vu beaucoup d'autres depuis le dernier bébé qu'il avait mis au monde. Chance il raconta que la surveillante de l'hôpital avait réussi à convaincre le docteur Banerji que le bébé avait bien quelque chose de spécial et l'enfant avait été envoyé à Delhi. Kotiwala avait deviné ce que les médecins avaient pu découvrir : suppression des rythmes alpha et théta. Mais il fut incapable d'expliquer au docteur Chance comment il avait deviné que le bébé était anormal. Le dernier bébé mis au monde par le docteur Kotiwala n'avait pas de cerveau. Chance avait eu beaucoup de travail pour réussir à convaincre l'Organisation de ce que Kotiwala avait découvert. Il lui avait fallu encore des semaines pour que l'Organisation mondiale de la santé autorisa partir en Inde pour retrouver le docteur Kotiwala. Kotiwala n'avait pas été au courant des nouvelles du monde extérieur depuis deux ans. Alors Chance lui raconta les événements. Quelques semaines après le départ du docteur Kotiwala, il y eut des rapports sur une subite et terrifiante augmentation d'imbécillité congénitale. Kotiwala lui demanda si cet accroissement du taux d'imbécillité l'avait frappé dès son départ de l'hôpital. Chance répondit que non. Le traitement anti-sénescence venait d'être rendu public. Les foules n'avaient pas tardé à faire la queue pour réclamer la cure-miracle.

Puis, l'imbécillité congénitale avait atteint 10 % des naissances, puis 20 %, puis 30 %. Cela provoqua la crise la plus fantastique de l'histoire. Au cours des deux dernières semaines, le taux avait culminé à 90 %. Kotiwala lui demanda s'il croyait que le bébé qu'ils avaient examiné ensemble était le tout premier cas de Vitanul. Chance répondit que les médecins avaient constaté que les premiers enfants anormaux avaient été signalés le jour de la naissance du bébé examiné par Kotiwala et par lui-même. Pour le premier cas enregistré, la naissance s'était produite environ une heure  après la rencontre de Chance et Kotiwala. L'organisation mondiale de la santé n'avait pas trouvé l'origine de ce phénomène. C'est pourquoi Chance était partie à la recherche de Kotiwala. Kotiwala lui demanda si la drogue contre la sénescence était une réussite. Chance répondit que c'était le cas. Alors Kotiwala lui répondit avoir pris connaissance un jour d'une statistique établissant que le chiffre de la population mondiale vivant au XXIe siècle égalait celui de tous les individus ayant vécu depuis l'évolution de l'espèce humaine. Alors, Kotiwala émis l'hypothèse que le jour de leur rencontre, le nombre exact de tous les êtres humains ayant existé venait d'être dépassé. Et le hasard avait voulu que dans le même temps soit mis à disposition du monde entier une drogue annulant la vieillesse. Ainsi, selon Kotiwala, ce n'était pas une intelligence qui faisait défaut aux nouveaux-nés mais une âme.

Kotiwala venait de comprendre ce qu'il lui restait à faire. Il devait mourir. Il prit son bâton et se dirigea vers les hautes montagnes bleues et les neiges éternelles sous les auspices desquelles il lui serait permis de libérer son âme.

Descente au pays des morts (William Tenn).

 

1

Le narrateur se trouvait devant la porte d'entrée du Dépôtoire. Plus de 11 ans auparavant, il avait vu une flotte terrestre littéralement pulvérisée sous ses yeux lors de la seconde bataille de Saturne. À présent, il n'avait devant lui qu'un vaste bâtiment banal. C'était une manufacture entourée d'une clôture dont l'entrée était fermée par une grille cadenassée. Le Dépotoir était un vaste terrain d'essais. Le dépotoir avait été créé à la suite des nombreuses batailles. Le narrateur n'arrivait pas à se résoudre à franchir la grille et à passer devant la sentinelle. Un énorme coffre cubique était disposé contre la clôture. Il était surmonté d'un écriteau sur lequel il était écrit qu'il ne fallait pas gaspiller les détritus et que tout ce qui était usagé pouvait être réparé. Ce genre de coffre cubique se trouvait devant les hôpitaux, les camps de détente dispersés depuis la Terre jusqu'aux astéroïdes. À l'intérieur de ces coffres, il était écrit que les déchets constituaient le plus grand réservoir de matières premières. Le narrateur savait que tout ce qui était endommagé pouvait être récupéré sauf une chose-la plus importante. Le narrateur rencontra un jeune homme qui était plantée devant la guérite. Il portait une casquette d'uniforme sur laquelle on apercevait un Y flambant neuf, avec un point au centre. C'était l'insigne de commandant de chasseur d'interception. Il paraissait tout jeune et très ému. Le narrateur se souvenait de lui car il l'avait remarqué à la conférence. Le jeune homme avait levé la main pour demander : « excusez-moi, mais ils… ils ne sentent pas vraiment mauvais ? ». La question avait déclenché une tempête de rires. Un officier aux cheveux blancs lui avait répondu que tel n'était pas le cas.

Le narrateur demanda au jeune homme depuis combien de temps il était devant la guérite. Cela ne faisait qu'une heure. Il n'arrivait pas à s'imprégner de l'atmosphère. Le narrateur lui répondit qu'il était des choses auxquelles il était impossible de se faire. Le narrateur expliqua au jeune homme qu'il n'en était pas à son premier commandement mais qu’il n'avait jamais eu sous ses ordres un équipage de Récupérés. C'était une expérience nouvelle pour lui comme pour le jeune homme. Alors il proposa au jeune commandant de franchir la grille et ils se dirigèrent vers la sentinelle. La sentinelle leur indiqua le chemin. Ils se rendirent au centre de récupération de protoplasme humain. Le narrateur remarqua quelques jolies filles en uniforme et enceintes dans le hall principal. Il se rendit au 15e étage. Le narrateur regarda les uniformes et remarqua qu'il était indiqué sur les écussons G4 pour signifier approvisionnement. Il se demanda pourquoi on employait pas les lettres G1 représentant la division du personnel. Le narrateur aurait voulu que les forces armées terrestres s'efforcent de sauver les apparences en choisissant un autre mot qu'approvisionnement. Au troisième étage se trouvait la réception et classification des cadavres. Au cinquième étage, c'était le conditionnement préliminaire des organes. Au septième étage, c'était la reconstitution du cerveau et ajustement neural. Au neuvième étage se trouvaient les réflexes élémentaires et le contrôle musculaire. Au dernier étage, il y avait les derniers examens et expédition. En sortant de l'ascenseur, le narrateur dit à son jeune camarade qu'ils allaient assister pratiquement à une réunion de famille. C'était la dernière chose à dire et le jeune homme le regarda comme s'il venait de recevoir un coup de poing en pleine figure. Alors le narrateur lui présenta ses excuses.

2

Le narrateur remarqua que la préposée à la réception était elle aussi enceinte. Le narrateur demanda à son camarade d'où il venait. Il répondit qu'il était né en Suède mais après sa promotion il ne voulait naturellement plus voir ses parents. Il avait donc demandé son transfert à la troisième section. Le narrateur savait que beaucoup de jeunes chasseurs pensaient ainsi. Personnellement, il n'avait pas eu l'occasion de savoir quels auraient été ses sentiments s'il avait pu voir ses parents à la maison. Il avait perdu ses parents avant la publication des décrets sur la repopulation. Il se pouvait que deux de ses frères soient encore vivants mais il n'avait fait aucun effort pour les revoir depuis qu'il était devenu commandant. La jeune femme de la réception demanda au narrateur s'il n'avait jamais eu sous ses ordres un équipage de ce genre. Il répondit que c'était la première fois qu'il devait commander des zombies. Elle fit une moue de désapprobation car elle n'aimait pas ce mot. Elle était persuadée que les Récupérés étaient des humains comme tout le monde. Le narrateur s'aperçut qu'elle n'avait pas de mauvaises intentions. Elle ne savait pas. Alors il lui demanda comment il fallait appeler les recrues. Elle répondit qu'il fallait les appeler les subrogés soldats. Elle précisa qu'on lui fournirait des individus basés sur les modèles 705 et 706 qui étaient pratiquement parfaits. Il n'y avait plus de problème de cyanose qui résultait d'une mauvaise oxygénation du sang. Mais il restait une grande déficience à laquelle on n'avait jamais pu remédier. Le jeune commandant demanda pourquoi on utilisait nécessairement des cadavres et pourquoi on ne laissait pas les morts en paix. Il savait que les ennemis de la Terre, les Eotiens, pouvaient toujours les vaincre sur le terrain de la reproduction mais il y avait longtemps que les Terriens faisaient la synthèse du protoplasme. De cette façon, ils auraient pu produire des androïdes présentables qui n'auraient pas empesté les narines de l'odeur de la mort. La jeune femme se fâcha pour de bon. Elle affirmait que leurs produits n'avaient aucun odeur. La technique consistait simplement à prélever sur les cadavres le protoplasme humain. Quand le narrateur lui demanda pourquoi on n'utilisait pas simplement des éléments de base pour fabriquer des androïdes. Elle répondit que c'était une simple question d'économie industrielle. Le meilleur matériau et le moins cher pour la fabrication des subrogés soldats, c'était encore les cadavres de soldats morts à l'ennemi. La jeune femme demanda au jeune commandant de se rendre à la chambre 1591. Son équipage ne rejoindrait. Elle demanda au narrateur de se rendre à la chambre 1524. Le narrateur dit à la jeune femme qu'il regrettait les décrets sur la repopulation. Il lui dit aussi qu'elle aurait été un excellent officier d'orientation à l'arrière. Il en avait appris davantage sur le Dépotoir en une seule conversation quand 20 conférences d'instruction.

3

Le narrateur se trouvait dans une pièce qui servait de salle de classe lorsqu'on procédait pas au ramassage des pièces anatomiques et humaines. Il y avait une carte qui traitait des Eotiens. Très peu d'informations avait pu être rassemblées sur ces insectes en un quart de siècle, depuis le moment où ils avaient fait une sanglante irruption au-delà de Pluton. Le seul espoir des Terriens était de découvrir le système solaire dont ils étaient issus pour détruire leurs bases. Pour maintenir le statu quo , les Terriens devaient augmenter la moyenne des naissances pour compenser les pertes humaines lors des batailles. Les réglementations étaient de plus en plus rigoureuses sur la repopulation. Les premiers soldats subrogés avaient de bonnes raisons d'être appelés des zombies. Ils étaient bleus et leur respiration était bruyante. Leurs corps étaient tendus et ils se déplaçaient au ralenti. Ils n'étaient bons qu'aux corvées les plus rudimentaires. Leur carrière fut arrêtée à cause des combats. Ils restaient imperturbables quoiqu'il arrive. C'est pour cette raison que les zombies furent retirés du service. La perspective de mourir une seconde fois les avait laissés absolument de glace.

Les soldats subrogés confiés au narrateur entrèrent dans la pièce. Leurs visages étaient impénétrables. Ils resplendissaient de santé et leur aspect était parfaitement normal. Le narrateur était gêné par le fait que les quatre soldats qui le regardaient dans les yeux avaient été très célèbres. Le plus grand s'appelait Roger Grey et possédait toutes les décorations imaginables. Il serait le copilote du narrateur. Le petit homme vif à l'épaisse tignasse s'appelait Wang Hsi. Ce serait son mécanicien. Le petit personnage au teint foncé s'appelait Yussuf Lahmed. Il était l'homme le plus décoré de toutes les forces aériennes terriennes. Il serait le canonnier.

Enfin le gros, c'était Stanley Weinstein, le seul prisonnier qui se fut jamais tiré des griffes des Eotiens. Il serait l'astro-navigateur. Le narrateur savait que ces quatre hommes n'étaient que des copies fidèles exécutées d'après les spécifications précises enregistrées dans les fiches médicales des forces aériennes terriennes.

4

Le narrateur ne voulait pas oublier qu'il devait exister des centaines de soldats subrogés qui avaient été célèbres. « Seuls les braves sont dignes de l'avenir ». Telle était la devise du Dépotoir et on reproduisait en série les hommes qui s'étaient spécialement signalés par leur héroïsme. L'intention était également de construire de nouveaux héros même si la personnalité originelle ne reparaîtrait jamais. Néanmoins, le narrateur avait été conquis par ses soldats. Un poids immense venait de se lever de sa poitrine. Zombies ou pas, son équipage lui plaisait.

Mais il s'aperçut que les soldats n'avaient prononcé une parole depuis leur arrivée. Ils s'étaient contentés de l'observer et leur expression n'était pas précisément chaleureuse. De toute évidence, quelque chose en lui choquait les soldats. Alors il leur demanda ce qui les tracassait. Grey refusa de lui donner les raisons de leurs tracas. Le narrateur ne voulait pas monter à bord de son chasseur avec un équipage qui nourrissait à son endroit un mystérieux grief. Il leur annonça qu'il ne voulait pas tenir compte des grades. Il voulait que la concorde règne dans son appareil. Il leur expliqua que si l'entente ne régnait pas entre eux, le chasseur n'obtiendrait pas le maximum d'efficacité. Alors Weinstein lui demanda quel était le mot qu'il employait quand il parlait des soldats subrogés. Il voulait savoir si c'était le mot de zombie que le narrateur employait. Grey affirma que la narrateur utilisait l'expression de viande en boîte à leur égard. Lamehd était d'accord avec Grey. Wang Hsi était persuadé que le narrateur utilisait le mot de zombie. Le narrateur lisait de la haine dans leurs yeux. Aucun des soldats n'avait plus de six mois d'existence. Le narrateur se demandait comment ils avaient pu apprendre ces mots de zombie, viande de conserve, carne. Ils n'étaient jamais sortis de l'enceinte du Dépotoir. Le narrateur savait qu'ils n'auraient pas pu trouver cette notion dans leur conditionnement. Alors il comprit que les instructeurs des forces aériennes terriennes avec leurs esprits étroits et haineux avaient donné aux soldats subrogés le premier goût de la véritable vie de caserne, un aperçu du monde extérieur.

Alors il leur demanda comment ils l'appelleraient. Ils parurent perplexes. Lamehd répondit dans un sourire sans joie qu'ils appelaient ceux qui étaient nés « des réels guillemets. Les autres voulaient que le narrateur entende tous les autres mots employés. Quelques-uns des sobriquets étaient amusants, d'autres perfides. Le narrateur leur demanda s'ils se sentaient mieux. C'était le cas. Il leur expliqua que dorénavant si quelqu'un de leur grade prononçait un mot qui ressemblait à zombie, ils auraient toute liberté de le mettre en pièces. Si l'individu était du grade du narrateur, c'est lui-même qui se chargerait de la correction car il était un commandant très susceptible.

Et chaque fois qu'ils auraient l'impression qu'il ne les traitait pas en êtres humains, en citoyens du système solaire, il leur donnait la permission de venir le trouver et de l'insulter. Les quatre hommes sourirent. Mais Wang Hsi affirma que les soldats subrogés ne valaient pas les hommes engendrés par la femme et ils le savaient bien. Jamais ils ne pourraient les égaler.

 

5

 

Wang Hsi affirma que les subrogés soldats n'étaient pas des soldats parce que les soldats étaient des hommes. Le narrateur leur demanda ce qu'il leur faisait croire qu'ils n'étaient pas des hommes. Wang Hsi répondit qu'ils n'étaient pas des hommes car ils ne pouvaient pas se reproduire. Il aurait voulu que les scientifiques leur laisse une chance car leurs enfants n'auraient peut-être pas donné de trop mauvais résultats. Grey estimait que c'était justement le point sensible. Leurs enfants auraient peut-être surpassé ceux des réels. Alors le narrateur leur demanda s'ils pensaient qu'ils avaient été délibérément frustrés du pouvoir de se reproduire. Grey savait qu'on n'avait pas besoin d’eux. Il y avait beaucoup de dépôt de semences spermatiques dans les banques. Wang Hsi était persuadé que les scientifiques avaient délibérément privé les soldats subrogés du pouvoir de se reproduire. Le narrateur répondit que la biologie n'avait pas encore résolu le problème du plasma germinal. Il avait lui-même été stérilisé à cause d'un champ de radiation. Il savait donc que la science peut encore résolu ce problème. Roger Grey se leva pour lui tendre la main. Lahmed déclara que le narrateur était un chic type. Ils étaient prêts à le suivre partout où il voudrait les conduire et ils l'appelèrent papa.

Play-back (J. T. M’Intosh).

 

Bert Siddon était accoudé derrière le bar. C'était son garçon, Bill, qui servait les commandes.

C'était lundi soir, et au Cygne doré, la soirée du lundi tournait en général au débat. Une personne non identifiée avait passé la tête dans l'entrée et déclaré d'un ton écoeuré : « Au nom du ciel, encore les Têtes ! », puis avait disparu aussitôt.

Il était courant de redécouvrir entre 7:00 et 8:00 et demie tous les paradoxes du monde et d'arriver à tout remettre en ordre pour 9:30 à la satisfaction de tous sauf de Harry Smith qui n'était jamais content et du professeur pour qui rien n'était simple.

La conversation tourna autour des femmes. Bert annonça que s'il avait le choix entre toutes les femmes du monde, c'était encore Martha qu'il choisirait. Smith offrit une tournée générale. Ce ne fut pas la faute de Bert si la question des voyages dans le temps fut soulevée.

Il s'en fichait. Il ne pouvait pas parler de son don à ses amis. Mais cela ne le dérangeait pas d'écouter ce qu'ils avaient à dire sur les voyages temporels.

Smith pensait que c'était tout simplement impossible. Moir répondit que rien n'est jamais impossible. Harper rétorqua que le gouvernement nationaliserait les voyages temporels et perdrait encore du fric si c'était possible. Le professeur déclara que la possibilité ou l'impossibilité des choses n'était évidente que dans bien peu de cas. Mais dans l'ensemble, il estimait que les voyages temporels faisaient partie de ces choses.

Alors la conversation tourna autour des paradoxes temporels. Est-ce qu'un homme disparaîtrait en voulant se rencontrer dans le passé. Smith déclara que si c'était possible quelqu'un de l'avenir aurait déjà trouvé comment s'y prendre.

Harper affirme que s'il déclarait être un voyageur temporel, on le mettrait chez les dingues. Mais il l'affirma tout de même. Bert souriait parce qu'il était le seul homme à savoir quelque chose de la question. Il connaissait tous les résultats sportifs à venir. Il affirma qu'il n'y avait pas besoin de machines pour les voyages temporels car l'homme était capable de voyager dans le temps par lui-même.

Bert savait qu'un seul homme pouvait voyager dans le temps mais bien entendu il ne leur dit pas. Il affirma seulement que s'ils pouvaient se rappeler suffisamment bien ce qui était arrivé, peut-être qu'ils seraient capables de le faire arriver de nouveau. Il fut contrarié d'entendre un choeur de moqueries.

Néanmoins, les Têtes reprirent tout de suite un intérêt à la théorie. Smith affirma qu'on ne pourrait remonter le cours que de sa propre vie. C'était ce que pensait également Bert. Seulement ce ne serait possible qu'à condition d'avoir la meilleure mémoire que qui que ce soit. Le professeur appréciait l'idée qu'on puisse avoir une deuxième chance pour toutes les occasions. Les autres découvraient également des possibilités comme gagner de l'argent ou dominer le monde. Bert ramena la conversation sur le plan raisonnable. Il déclara qu'il ne désirerait autre chose que ce qu'il avait. Il aurait fallu qu'il vive pas mal de vies supplémentaires pour retrouver une fille comme Martha. Il leur expliqua qu'il pourrait toujours faire mieux que les autres à force de recommencer. Il fit une démonstration avec les fléchettes. Il réussit à faire trois triples 20. Mais le professeur rétorqua que les gens seraient sans doute surpris de le voir si fatigué à la fin d'une partie. Bert lui expliqua qu'il pourrait repartir à chaque fois qu'il aurait raté un coup. Il lui suffirait de faire les rectifications nécessaires. Alors Smith commença à apprécier la discussion. Il imaginait recommencer sa vie à l'âge de 20 ans. Moir comprit qu'avec cette méthode il pourrait trouver la femme idéale.

Bert n'oubliait jamais qu'il serait incapable d'empêcher que Martha meurt dans cinq ans. Mais il pourrait ramener tout à l'époque où elle avait 18 ans. Alors pour se rassurer, il partit voir sa femme. Pendant ce temps les autres continuèrent la conversation sur le voyage dans le temps. Le professeur fit remarquer que le temps stagnerait si quelqu'un avait le don de voyager dans le temps. Le voyageur remontrait sans cesse dans le temps. Je crois qu'il serait en danger de mort. Le temps se limiterait donc pour toujours ou quelques années de vie de cet homme. Il n'y aurait donc plus d'avenir pour les autres. Quand Bert revint après s'être assuré du bien-être de Martha, les Têtes avaient entamé une discussion sur les soucoupes volantes.

 

Invariant (John Pierce).

 

Le narrateur avait rencontré Homer Green chez lui. Sa maison était entourée d'autres bâtiments du XXe siècle. Le narrateur avait éprouvé un sentiment d'irréalité en regardant le mobilier désuet de Green. Il éprouva de la pitié en voyant Green dans son fauteuil. Le narrateur se présenta. Il s'appelait Carew et faisait partie de l'Institut. Green se leva pour lui tendre la main. Ce geste était inhabituel pour Carew. Green venait de subir un traitement et était fatigué. Carew avait écrit une thèse intitulée Un aspect de la politique et du discours au XXe siècle. Il voulait rencontrer Green pour parler politique avec lui. Carew n'avait jamais cru auparavant que les politiciens du XXe siècle avaient pensé ce qu'ils avaient dit. Carew éprouvait de la compassion pour Green et il s'était senti ému en sa présence. Il lui avait demandé ce qui l'avait conduit à découvrir les propriétés des salamandres. La régénération des membres des salamandres lui avait donné l'idée d'une régénération parfaite des organes humains. Green avait l'air jeune depuis le XXe siècle. Après avoir achevé son récit, Green se hasarda à émettre une prédiction. Il pensa que sa découverte fonctionnerait. Carew avait rencontré Green le 4 août 2170. Mais Green était persuadé que c'était le 11 septembre 1943. Alors Carew lui montra son transmetteur électronique pour lui prouver la date réelle. Green éprouva de la peur. Il pensait que sa mémoire avait disparu à cause du traitement. Mais Carew le rassura. L'expérience avait réussi et les tissus de Green avaient acquis la faculté de se reformer exactement selon la même configuration d'une année sur l'autre. Mais leur forme était devenue invariante. Green était resté le même depuis plus de 200 ans. Son cerveau était aussi invariant. Il ne pouvait donc s'adapter à un nouvel environnement. Les habitudes de Green resteraient définitivement accordées à une certaine maison : la sienne, tel quel était le jour où il s'était administré son traitement. Sa maison avait donc été préservée depuis deux siècles. Green était devenu l'homme le plus précieux au monde. Il accordait trois entretiens par jour avec quelques privilégiés. Carew étudiait l'histoire. Il était donc venu voir le XXe siècle par les yeux d'un homme intelligent de cette époque. Il était venu apprendre ce que signifiait la politique pour un homme du XXe siècle. Certains hommes avaient cherché à pousser à bout Green, sans que celui-ci se fâche grâce à son cerveau qui ne pouvait pas changer. Green avait rendu au monde le plus grand service possible sans le savoir. Carew savait que tout souvenir de son entretien avec Green aurait disparu de la mémoire de l'immortel. En le quittant, Carew se demanda s'il n'avait pas gaspillé la dernière heure de la matinée.

Service funèbre (Gerard F. Conway).

Un lundi matin maussade, juste avant l'aube, il reçut l'avis qui le conviait à aller chercher son père. Il y avait trois ans qu'il attendait cet instant. Il avait l'impression qu'on le sortait d'un rêve particulièrement comateux. Jake se laissa imprégner de 24 ans de souvenirs. Il regarda l'hologramme de sa famille. Six ans plus tôt, ils formaient une famille que le temps ne pouvait atteindre-c'était ce que disait l'hologramme.

Son père était mort trois ans plus tôt. Il allait revenir et Jake allait peut-être pouvoir dire les choses qu'il n'avait jamais dites auparavant. Il passa la matinée du mardi à remettre de l'ordre dans sa maison. Puis il appela sa soeur Anne. Elle n'avait jamais vraiment compris le processus du Rappel.

Elle se demanda si son père se souviendrait encore d'eux. Jake lui expliqua que ses souvenirs avaient été enregistrés. Leur père serait exactement comme il était le jour de sa mort.

Elle lui reprocha son absence, le jour de la mort de leur père. Jake avait été absent à cause de son livre. Il passa une heure devant l'enregistreur, essayant de trouver quelque chose à dire. Il se demanda pour la millième fois si le livre serait jamais terminé. L'indemnité de chômage lui suffisait pour vivre et l'argent de son père lui avait procuré assez de superflu. Il ne savait pas quoi acheter. La circulaire édictée par l'entreprise de Rappel indiquait que les nouveaux rappelés ne pouvaient absorber aucune nourriture organique. Il acheta une bouteille de vin, espérant que cela ferait l'affaire. Le mardi soir, il écouta de la musique, sans une pensée ni même un souvenir.

Le mercredi, la salle d'attente était bondée. Une femme âgée se dirigea vers Jake car elle avait remarqué que lui aussi était en avance. Elle lui dit qu'elle n'aurait jamais pensé qu'il y aurait autant de monde. Elle voulut savoir qui il attendait. Il répondit qu'il attendait son père. Elle attendait son mari. Elle trouvait que le Rappel était indécent. Les morts appartenaient au passé et tout avait disparu. Jake lui répondit que le Rappel ramenait les morts à la vie. Mais elle savait que ce ne serait pas pareil. Ses amis lui avaient dit que son mari serait seulement comme il avait été le dernier jour. Son mari était radin et il ne se rappellerait même pas qu'il était mort. Jake demanda à la vieille femme si elle savait comment on avait créé le Rappel.

Elle répondit qu'elle était désolée et qu'elle s'était trompée. Elle avait pensé qu'il avait l'air seul. Alors, elle s'en alla. Jake attendit l'appel de son numéro.

Il était paralysé par ses souvenirs. Il se souvenait avoir été incapable de jamais faire le premier pas auprès d'une fille dont il était amoureux. Quelque chose l'avait retenu. Il donna sa carte bleue à une employée. Elle lui annonça que M. Grant l'attendait. Il suivit le couloir indiqué jusqu'à la salle où se trouvait son père. Il dit bonjour à son père. Il ne trouva rien d'autre à dire. Son père se tourna vers l'homme qui se trouvait à son côté et demanda s'il devait aller avec son fils. Jake fut surpris du ton soumis que son père avait employé. L'inconnu dit à Jake qu'il devrait être patient car son père était encore désorienté. Il donna un objet cylindrique à Jake. C'était un boîtier de commande. Il faudrait tourner un bouton avant de se coucher le soir. Jake regarda son père, essayant de discerner les engrenages et les mécanismes qui devaient se dissimuler sous ses vêtements. Durant le trajet du retour, Jake évita de regarder le souvenir assis à côté de lui. Il voulut parler à sa soeur avant qu'elle ne voie son père. Son père était assis sur le canapé. Il commençait à comprendre ce qui s'était passé. Jake amena sa soeur devant son père. Il se souvenait de sa fille. Elle parut décontenancée alors Jake l'emmena avec lui dans la cuisine. Elle pleura. Anne demanda à son frère pourquoi il avait fait revenir leur père. Il répondit que c'était parce qu'il l'aimait. Et aussi parce qu'il avait envie de lui parler. Mais Anne lui rappela qu'ils avaient été presque des étrangers, vers la fin. Elle ne savait pas quoi dire. Elle était désolée. Elle pensait que ce n'était pas vraiment leur père. C'était juste un amas de souvenirs ; on ne pouvait pas faire l'amour à un souvenir. Jake fut choqué par l'analogie.

Anne s'en alla en disant qu'elle n'avait pas besoin de demander à cette chose ce que cette chose était incapable de lui donner. Le vieillard était resté devant sa fenêtre et n'avait pas entendu Anne partir. Jake pensait que c'était mieux ainsi. Il donna un verre de vin à son père. Il éprouva le sentiment étrange d'être entraîné malgré lui. Il savait que cette scène était fanée. Il n'arrivait pas à faire le premier pas. Son père lui demanda où il en était avec son livre. Jake répondit qu'il y travaillait. Mais il n'avait pas encore trouvé d'éditeur. Son père lui dit que c'était son travail et sa vie. Il constata que rien n'avait changé dans l'appartement. Il avait tout de même remarqué que la pollution avait progressé depuis trois ans. Il demanda à son fils des nouvelles de Susan. Jake répondit qu'il ne l'avait pas beaucoup revue. Son père lui reprocha de ne pas mener les choses à leur terme. Il lui ordonna d'appeler Susan immédiatement et de la faire venir. Mais Jake refusa. Il ne l'avait pas vue depuis trois ans. M. Grant demanda à son fils s'il n'avait pas oublié sa mère. Jake répondit qu'elle était morte un an plus tôt. Il perçut une sorte de faible bruissement dans la poitrine de son père. C'était un son qui n'était pas tout à fait celui de la chair. Il demanda à son fils de prendre soin de sa mère. Il dit encore que rien n'avait changé. Jake lui demanda pourquoi les choses n'allaient pas entre eux. Son père ne l'avait jamais écouté. Avant de mourir, son père lui avait aussi demandé de prendre soin de sa mère. Alors Jake lui dit que le souvenir qu'il avait gardé de son père lui faisait mal. Il aurait voulu transformer son souvenir en un bon souvenir. Mais c'était impossible. Il n'avait rien fait de sa vie tant qu'il avait été sous la domination de son père.

Son père n'arrivait pas à croire que Jake avait dorénavant 27 ans et plus 25 ans. Jake sortit le cylindre de sa poche. Il tourna le minuscule bouton. Le lendemain, Jake rapporta son père. Il avait coupé les circuits mémoriels. Ce n'était plus qu'un robot. L'employée lui expliqua qu'elle avait l'impression que Rappel allait bientôt fermer ses portes. Alors Jake lui demanda qui il devait contacter pour des obsèques.

Le chemin de croix des siècles (Henry Kuttner).

On l'appelait le Christ. Mais ce n'était pas l'homme qui avait gravi le long chemin du Golgotha 5000 ans plus tôt. On l'appelait le Prince de la Paix et l'Immortel. Son nom était Tyrell. Il avait gravi une montagne pour se rendre au monastère. Sa tunique blanche était tachée du noir rituel. Une jeune fille lui fit doucement signe d'avancer. Il était conscient du trouble que lui causait une perte prochaine que son esprit ne pouvait plus comprendre. Les prêtres s'inclinèrent devant lui. Il leva la main les bénir tous. Il prononça des paroles qui ne correspondaient pas au bon moment ni au bon rituel. Mais cela n'avait pas d'importance, comme il était le messie. Le chef des prêtres, Mons, fit un signe à la jeune fille. Elle mit délicatement les mains sur les épaules de la tunique de Tyrell. Mons mandat à Tyrell s'il voulait rejeter ses vêtements souillés et avec eux les péchés du temps. Tyrell se rappela de quelques-uns des mots du rituel. La jeune fille déshabilla le messie. On aurait dit un garçon de 20 ans. Il avait 2000 ans. La jeune fille lui demanda d'entrer dans l'eau et de traverser à la nage. Elle avait déjà attendu trois fois sa résurrection au cours des 300 dernières années. Comme lui, elle était immortelle. Il lui demanda de l'attendre. Le corps du messie était intact mais son esprit se raidissait et perdait le contact avec le présent. Il avait abandonné sa tunique qui était souillée de tous les souvenirs d'une centaine d'années. Mons conduisit le messie hors de l'eau pour l'emmener dans le monastère. L'esprit de Tyrell serait lavé, débarrassé des strates de souvenirs amoncelés pendant le siècle écoulé. Le messie avait vécu et les forces du mal s'étaient entre-détruites. Le monde avait trouvé la paix. Il avait oublié l'Antéchrist. La jeune fille en était heureuse. Ce devait être terrible de se souvenir. Le jour du messie était arrivé et Nerina, la seule autre à être née immortelle contempla avec amour la porte que le Messie avait franchie. Il se passerait 70 ans avant qu'elle franchisse à son tour l'eau à la nage.

Le messie se réveilla. Nerina avait peur qu'il ne l’ait oubliée. Mais Mons la rassura. On lui rendait toujours les souvenirs qui concernaient son amante. Le messie se releva et se revêtit de sa nouvelle tunique d'une blancheur immaculée. Dans le corps éternel, l'esprit était de nouveau jeune et sûr. Tyrell rappela à Mons qu'il était un homme et non un Dieu. Il dit à son amante que si un jour il ne devait plus se réveiller c'était à elle qu'il serait le plus dur de renoncer. Il leur restait une semaine de retraite dans le monastère avant de retourner chez eux.

Il voulait que Nerina perde l'attitude révérente qu'elle avait à son égard. Elle trouva qu'il avait changé. Il était encore plus doux. Il répondit qu'on lui lavait le cerveau et on lui donnait un nouveau jeu de souvenirs. Chaque fois les choses étaient plus paisibles qu'un siècle plus tôt. Cela évitait qu'il devienne un anachronisme. Il se rappelait toutefois des grandes guerres. Il avait tenté de parler de la paix aux hommes mais ils avaient essayé de le tuer. L'après-midi suivant, Tyrell était courbé près du corps d'un prêtre qui venait de mourir. Il demanda à Nerina d'aller chercher Mons. Mons demanda au messie combien de siècle s'étaient écoulés depuis le dernier acte de violence. Le Messie répondit que cela faisait 800 ans. Le dragon avait resurgi du passé. Mons demanda au messie de ramener la paix. Personne ne savait qui avait tué le prêtre car l'aptitude à la haine et à la destruction avait été extirpée de la race humaine. Le messie pria. Au cours de la nuit, près de son amante, il cria contre Satan. Elle le serra contre elle jusqu'à ce qu'il se rendorme.

Nerina et Mons révélèrent au messie qu'un nouveau meurtre avait été découvert. Un prêtre avait été tailladé au couteau. Mais ils découvrirent le couteau chez le messie. Mons essaya de convaincre Nerina que Tyrell était le meurtrier. Mons lui expliqua que l'immortalité était un accident génétique. La fontaine de jouvence n'était qu'un symbole. Tous les 100 ans, on plaçait le messie dans une machine. L'esprit n'était pas immortel. Au bout d'un certain temps, il ne pouvait plus supporter le poids du savoir, de la science, des habitudes. La machine soulageait l'esprit. Mais les nouveaux souvenirs créés par la machine transformaient la personnalité de l'immortel. Chaque siècle, la nouvelle personnalité de Tyrell était autre. Le nouvel esprit de Tyrell était plus en accord avec le siècle à venir qu'avec l'ancien. Mons pensait que la mentalité de base de Tyrell ne disparaissait pas. Mais elle était devenue inconsciente. Il avait 20 personnalités enfouies dans son esprit. Une telle démultiplication de sa personnalité ne pouvait plus conserver son équilibre. Nerina répondit que son amant n'avait jamais été un tueur. Mons lui dit que parfois, dans la sépulture de l'esprit, quelque chose pouvait changer. Il fallait commencer tout de suite une régénération. Nerina alla parler à son amant. Il ne comprenait pas ce qu'il avait fait. Il ne croyait pas avoir commis un crime. Elle lui dit qu'il était le Christ blanc. Mais il n'avait pas voulu ce nom. Il lui révéla que les hommes qui avaient prêché la paix étaient tous morts. Il était le seul à avoir survécu. Il avait survécu mais pas en prêchant. Il était devenu le plus sanglant des bouchers. À présent que le monde était en paix, on le vénérait comme le messie. Il rit, satisfait de lui. Il étreignit Nerina. Soudain, elle se retrouva assise sur un lit tandis que son amant était agenouillé devant elle. Il se rappela qu'autrefois, on l'appelait l'Antéchrist. Il implora Nerina de l'aider. Alors elle s'empara du poignard et l'abaissa de toutes ses forces pour lui donner l'aide dont il avait besoin.

Elle savait que Tyrell serait heureux de voir cette netteté, cette pureté qui continueraient à jamais. Elle compenserait sa solitude en se consacrant aux siècles de l'homme à venir. Sa main tressaillit sous les éclaboussures du sang répandu. Aussitôt, elle ferma son esprit à ces  souvenirs.

Le dernier train pour Kankakee (Robin Scott).

Sydney Becket commença à courir un réel risque de damnation éternelle alors qu'il était encore très jeune. À 14 ans, il avait dévalisé trois confiseries et violé une petite fille de 12 ans. Il avait tué son père. Pendant la guerre, il avait amassé un butin à l'armée. Ensuite il avait volé des voitures. Puis il y avait eu le piratage des postes de télévision. Il avait trafiqué de la drogue avant de se retrouver en prison. Ensuite il avait triché au jeu à Los Angeles. Il avait épousé Mary Louise Allenby qui s'était entichée de ces histoires de conservation cryogéniques. Sydney avait vendu des soins à perpétuité pour 20 000 $ l'unité. Mais il fut assassiné par le souteneur d'une prostituée avec qui il couchait. Avant de mourir, il avait eu le temps de demander un enterrement plutôt que la cryogénisation. Mary Louise n'avait pas respecté ses dernières paroles. En 1976, cinq ans avant la mort de Mary Louise, elle fut l'une des premières acheteuses d'une nouvelle source d'énergie à la vie remarquablement longue. Elle mourut en 1980 et ses héritiers ne furent pas aussi soucieux de sa préservation corporelle qu'elle l'avait été avec celle de son mari. Dans sa crypte, Sydney réussit à survivre à l'holocauste de la guerre sino-soviétique. Il s'éveilla seul au bout de quatre siècles et Mary Louise n'était plus là pour le sauver.

La machine avait reconstitué ses tissus presque cellule par cellule. Mais il était devenu sourd à 50 % d'une oreille et sa main gauche était agitée d'un tremblement incontrôlable. De plus, il zézéyait. La voix Sydney attira une très grande femme aux cheveux blancs. Elle ne portait qu'une ceinture à laquelle se balançaient un certain nombre d'instruments étincelants.

Elle fit quelque chose avec instruments qu'elle tenait dans la main. Sydney s'éveilla de nouveau dans une chambre à peine éclairée. Un plateau de nourriture apparut et il mangea. Un écran surgit devant lui et deux personnages lui parlèrent avec des accents étranges. Ils lui parlèrent de son retour à la vie, de l'importance qu'il revêtait pour eux en tant qu'unique survivant de son époque. Ils lui racontèrent les événements survenus au cours des siècles. Au bout d'un moment, la grande femme aux cheveux blancs apparut et lui donna une ceinture étroite, une carte de la ville et une clé d'une forme curieuse donnant accès aux appartements qui lui avaient été assignés.

La première année que Sydney passa sous le dôme de San Fernando s'écoula rapidement. Tous ses désirs étaient exaucés. Il ne manquait pas de compagnie humaine. Au cours de la seconde année, il était incapable d'établir une relation stable avec quiconque. Mary Louise lui manquait. Personne ne se souciait de le sauver. Il n'y avait pas de travail pour lui et il n'avait aucun besoin ni aucune occasion de voler quelqu'un ou de le duper. Même le plaisir infiniment exquis devint infiniment fastidieux.

Au cours de la troisième année, il tenta d'agresser ses hôtes. Mais on ne pouvait pas attaquer à mains nues des types de plus de 2 m de haut et ils étaient à l'épreuve de toutes les armes mises à la disposition de Sydney. Pendant sa quatrième année sous le dôme, Sydney sauta de son voltigeur et retomba 700 m plus bas, dans le sable vitrifié de ce qui avait été autrefois le désert Mojave. Il fallut un mois pour le rafistoler. Après quoi, il fit le grand plongeon dans l'unité de désintégration des eaux usées du dôme. Il fut réduit à ses molécules constitutives largement dispersées dans les eaux du Pacifique nord. Il reprit conscience encore une fois dans un endroit, près d'une chose qu'il décida d'identifier comme la station de la 63e rue de la gare de l'Illinois central. Il fut pris dans une bousculade d'autres agrégats amorphes. Il entra dans un train. Les agrégats amorphes possédaient tous une clé correspondant à une porte de compartiment. Sydney avait lui aussi une clé mais la sienne n'entrait dans aucune serrure. Après un petit moment, tous les compartiments furent pleins. Le train se dirigea vers Kankakee. Une nouvelle foule arriva et un autre train encore. Il essaya encore sa clé. Et puis un autre train et encore un autre. Il finit par renoncer. Il y avait des chiffres sur sa clé : 22/5/1970. Il se rappela être allé à Tijuana le 20 mai et il avait rencontré Marie et Juan. C'était lors de la seconde nuit avec Marie et Juan que ce vieux type de Pennsylvanie et sa femme les avaient rejoints. Son assemblage temporaire d'impression, de sensations, de désirs, de haines incapables de réinsertion dans une chair nouvelle commença à se disperser et commença à rejoindre les molécules éparpillées de son ancienne chair. Il était en vérité condamné à la damnation éternelle. Tout ce qui avait été Sydney finit par imprégner le tissu même du monde. La dispersion de Sydney continua jusqu'aux étoiles et jusqu'aux limites de l'univers. Il prit conscience du fait que quelque chose ou quelqu'un se retirait. Il réalisa qu'il était en train de prendre la place de quelqu'un. La damnation de Sydney fut complète lorsque son expansion achevée, sa taille et son pouvoir devenus infinis, sa domination totale sur un cosmos où il n'y avait maintenant plus rien qui vaille la peine d'être volé, il réalisa qu'il était devenu Dieu. Sa réincarnation dans un corps était en son pouvoir mais ne changerait pas grand-chose. Après tout, cela avait été tenté par son plus immédiat prédécesseur et sans succès notable.

Partenaire mental (Christopher Anvil).

Jim Calder avait été engagé par Walters pour une mission. Il devait partir à la recherche d'une drogue et l'essayer sur lui. Walters voulait savoir pourquoi les personnes qui avaient utilisé cette drogue ne présentaient aucun symptôme de manque. Les drogués qui avaient été capturés et emprisonnés ne présentaient aucun signe d'amélioration. Jim demanda à voir un des intoxiqués. Walters accepta. Jim rencontra Janice dans un hôpital. Elle refusait de parler avec le médecin en lui disant qu'il n'existait même pas et qu'il n'était rien. En la regardant, Jim eut un frisson.

Jim demanda à Walters si tous les drogués étaient comme Janice. Ce n'était pas le cas. Les gens qui se rendaient dans les officines pour recevoir de la drogue entraient par la grande porte et ressortaient le lendemain matin, la première fois. Ensuite, le plus souvent, ils louaient un des garages individuels de Jayne Street.

Puis ils cessaient de s'intéresser à leurs affaires et les gens de l'entourage remarquaient qu'ils avaient l'air absent. Les drogués dépensaient toutes leurs économies et finissaient par perdre les pédales en l'espace de deux à trois semaines. Walters expliqua à Jim que les drogués ne disposaient pas de réserve et devaient trouver leur drogue sur place. Quand une officine était trouvée, les drogués s'évanouissaient comme neige au soleil. Jim accepta la mission.

Jim hésita au cours de la nuit à remplir sa mission. Finalement il sortit pour se rendre à Jayne Street et passa devant la rangée de garages. Il s'arrêta. Il avait la vague impression d'une fausse note. Il y avait une vaste demeure de style démodé. Elle se dressait au fond d'un parc. Les fenêtres étaient étroites. Incapable de déterminer ce qui lui avait paru détonner, Jim rentra chez lui. À l'exception des fenêtres éclairées, les maisons n'étaient que des blocs de ténèbres. Faisant volte-face, il repartit jusqu'à sa voiture pour retourner à Jayne Street. Cette fois, la maison était plongée dans l'ombre. La demeure était une silhouette noire plaquée contre le ciel. Jim reprit lentement le chemin du retour.

Il se rendit le lendemain matin à la première heure au bureau de Walters. Il y avait une maquette de la mystérieuse maison. Jim ne remarqua rien de plus qu'il n'avait déjà vu. Il téléphona à Walters qui était encore chez lui pour lui demander si la maquette était d'une fidélité absolue. Walters répondit que des contrôles étaient effectués régulièrement. Jim n'était pas satisfait car il se disait qu'il devait forcement y avoir des projecteurs camouflés en haut des arbres pour simuler le clair de lune. Alors il retourna en voiture à la propriété. Il jeta un coup d'oeil sur les arbres mais n'aperçut pas le moindre projecteur. La porte s'ouvrit une femme vêtue d'une tenue bleue pale de soubrette apparut. Elle s'adressa à Jim pour lui dire que c'était une belle journée. Elle lui proposa d'entrer. Jim demanda à voir Cinthia. La femme lui montra le chemin. Soudain, il ressentit une pression à la base de son crâne. Il éprouva une vive douleur à son bras droit comme si on lui avait fait une piqûre. Il sombra alors dans la nuit.

Quand il reprit conscience, il était étendu sur un lit. Il était dans une chambre. Une femme entra et le contempla avec un soupçon de sourire. Elle lui expliqua qu'ils étaient obligés d'amener les gens à partager leur manière de voir. Elle prétendit qu'ils avaient à offrir quelque chose d'infiniment plus précieux que n'importe quelle façon de vivre. Mais Jim devrait l'expérimenter par lui-même pour le comprendre. Quand Jim demanda des précisions, la femme répondit qu'ils n'offraient rien de plus que les désirs raisonnables qu'on pouvait caresser.

Il demanda s'il y avait un risque d'accoutumance. Elle répondit que s'adonner aux joies supérieures constituait toujours une intoxication.

Il demanda si ses activités professionnelles n'en souffriraient pas. Elle répondit que cela dépendrait de lui. Il demanda ce qui arriverait s'il se rendait directement au commissariat de police. Elle savait qu'il n'en ferait rien car sinon il ne pourrait jamais revenir.

Il voulut savoir si on lui donnerait une dose en entendant qu'il revienne. Elle lui expliqua que ses souvenirs lui suffiraient. Alors il essaya de s'asseoir mais la chambre s'obscurcit et se mit à tournoyer. La femme l'aida à s'allonger. Puis elle lui annonça le tarif pour continuer la drogue. Jim devrait payer 1000 $ pour une série de trois visites. Le tarif de chaque tranche de trois visites serait doublé. Personne n'était autorisé à revenir plus d'une fois tous les 15 jours. C'était une mesure qui avait été instituée pour assurer la sécurité du groupe. Après un rapide calcul mental, Jim arriva à la conclusion qu'au bout de six mois, la visite coûterait 16 000 $ et 250 000 au terme d'une année. Il demanda pourquoi le tarif augmentait. La femme répondit que c'était parce que l'organisme s'accoutumait. Il était donc juste de doubler à la fois les honoraires et les doses. Jim demanda ce qui arriverait s'il refusait de payer. Elle répondit qu'il était engagé dans une voie à sens unique. Comme il n'était pas convaincu, elle sortit un petit vaporisateur d'une commode et en pressa la poire de caoutchouc sur Jim. Un brouillard constitué d'infimes gouttelettes se posa sur le visage de Jim. Pendant quelques minutes, il demeura parfaitement immobile. Il sentait que les gouttes se posaient sur sa peau et c'était comme si elles explosaient. Le besoin de respirer devenait intolérable. Jim souffrit de migraine. Son coeur battait de plus en plus vite. Il avait mal au crâne. Il y eut comme un déclic et ses poumons aspirèrent l'air frais. Puis un sentiment de paix et de lassitude l'envahit. Après quoi, la femme lui demanda s'il était d'accord pour payer. Il accepta. Pour le premier paiement, un chèque était accepté mais pour les autres, un paiement en liquide serait exigé. Jim signa un chèque. La femme partit et revint avec un verre rempli d'un liquide incolore dans lequel elle versa une poudre blanche. Elle ordonna à Jim de boire la totalité du contenu. Elle le prévint que cela serait terriblement éprouvant. Jim obéit. La femme lui expliqua que sa notion du temps serait déformée comme dans le rêve.

Elle quitta la pièce et referma doucement la porte. Il se leva avec l'impression de faire deux choses en même temps. Alors il se recoucha et se releva à nouveau. Cette fois, il n'éprouva qu'un léger vertige. Il alla jusqu'à la fenêtre pour regarder dehors. Il se rendit compte qu'il était vêtu d'une sorte de chemise de nuit d'hôpital. Impossible de se promener dans la rue et il ne savait pas pendant combien de temps la drogue agirait.

La femme revint. Elle se déplaçait dans une sorte de brume avec des gestes nonchalants. Jim pensa qu'il n'avait jamais vu une femme se mouvoir de la sorte. Il passa la nuit à se demander ce qui était réel et ce qui était dû à la drogue. Tout était excitant et lui donnait de la satisfaction. Le lendemain matin, il sortit. Il éprouva soudain une violente pression à la base du crâne et il y eut un éclair blanc. Il se sentit mollir. Des mains robustes se saisirent de lui. On lui fit descendre l'escalier et on l'adossa contre le mur.

Quand il recouvra ses forces, il ouvrit les yeux. C'était la femme qui l'avait fait entrer qui était devant lui. Elle disait qu'elle ne comprenait pas pourquoi ils devaient faire cela. Il s'en alla en étant rudement content de se retrouver dehors. Il constata que deux lamelles de jalousie du troisième étage de la maison étaient brisées. Cela devait avoir une signification mais il était incapable de se rappeler laquelle. Il éprouvait 90 % de soulagement et 10 % d'étonnement.

Après un examen, les médecins lui annoncèrent qu'il était en parfait état physique et Jim se soumis à l'interrogatoire de Walters. Il décrivit son expérience dans tous les détails. Walters lui dit qu'il avait eu de la chance de ne pas avoir été affecté. Avant de partir, un médecin dit à Jim qu'il espérait qu'il n'aurait jamais besoin qu'on lui fasse une transfusion d'urgence.

Jim avait une formule hématologique très rare. On lui donna 99 000 $. Après avoir longuement réfléchi, Jim décida d'utiliser cet argent pour ouvrir une agence et s'installer comme détective privé. Walters lui promit de l'embaucher si son affaire marchait mal. Heureusement, l'agence de Jim prospéra. Il rencontra une fille qui lui convenait. Il devint père de trois enfants. Son fils aîné se lança dans la médecine et sa fille se maria avec un jeune avocat. Mais son plus jeune fils collectionna une série d'histoires déplaisantes. Alors Jim l'engagea dans son agence et le jeune homme repartit du bon pied. Les années passèrent beaucoup trop vite pour Jim. Mais, au terme de son existence, il eut la satisfaction de savoir qu'il laissait son oeuvre en de bonnes mains. La joie l'habitait lorsqu'il rendit son dernier souffle. Mais il se réveilla, allongé sur un lit, dans une chambre illuminée par le soleil matinal. Il était redevenu un jeune homme. Il se rappela que la femme lui avait dit qu'on ne lui offrirait rien de plus que les désirs raisonnables qu'on pouvait caresser. Il sortit et sentit une pression soudaine à la base du crâne. Il y eut un éclair blanc et son corps mollit. Il revint à lui dans la petite entrée ou la femme aux cheveux gris lui tamponnait le front avec un linge humide. Il demanda où se trouvait sa voiture et la femme répondit qu'elle était derrière la demeure.

En s'éloignant, Jim remarqua les deux volets endommagés au troisième étage de la tour. Cela lui donna une impression de déjà vu. Il ne voyait toujours pas pour quelle raison quelqu'un pouvait revenir en ces lieux mystérieux. Il raconta tout à Walters. Celui-ci lui répondit que c'était histoire diabolique et qu'il pouvait être fié de ce qu'il avait accompli. Grâce à lui, la même épreuve serait épargnée à des tas de gens. Les médecins seraient capables de neutraliser la drogue. Le groupe fut démantelé et Jim assista au procès. Jim ne pouvait parvenir à se convaincre que c'était vrai. Il était incapable de faire la part du vrai et du faux. Alors il démissionna et Walters lui donna une prime généreuse et il se consacra à la peinture. Lorsqu'il fait à son 82e anniversaire, on l'appelait « le Grand Bonhomme de la Peinture ». Puis il mourut. Il se réveilla, allongé sur un lit, dans une chambre inondée de soleil. Il ne se demande pas si c'était réel ou non. Il était en colère. Il partit selon le rite précédemment établi. Il s'était blessé à la main en frappant de rage contre le mur. Les médecins ne purent lui remettre entièrement la main en état par la suite. Il fut incapable de peindre. Cette fois, Walters ne fut pas content du tout et le paya le plus chichement possible. La bande réussit à s'échapper. Jim fut réduit à végéter en faisant de petits travaux pour un salaire de misère.

Sa seule consolation était que l'existence qu'il menait était si lamentable qu'elle devait bien être vraie. Un soir, il se coucha malade comme un chien et se réveilla le lendemain matin dans une chambre que baignait le soleil matinal.

La même chose lui arriva encore à deux reprises. La dernière fois, il resta allongé sur le lit. Tous les détails de ces cinq vies faisaient la ronde dans sa tête. La porte s'ouvrit sans bruit. La femme brune le considéra avec l'ombre d'un sourire. Elle lui dit qu'elle l'avait prévenu que rien ne pourrait être emmené hormis des souvenirs. Elle lui expliqua que son sens de la durée avait été déformé comme dans un rêve. Il aurait voulu pouvoir tout oublier. Il ne comprenait pas comment on pouvait souhaiter tout recommencer. Alors elle se mit à rire en expliquant que personne n'avait envie de recommencer. Les gens revenaient pour oublier qu'ils étaient passés par là. Alors il demanda comment il pouvait faire pour oublier. Elle répondit qu'il fallait utiliser une autre drogue. C'était pour cela qu'il avait déjà payé 1000 $. Ils avaient établi des tarifs impossibles pour que les drogués soient incapables de payer. Alors il demanda ce qui se passait quand quelqu'un allait tout raconter à la police. Elle répondit qu'ils déménageaient. Elle lui apporte à la drogue et de l'oubli et Jim l'absorba. Quand il se réveilla, il s’habilla et se précipita chez Walters. Il lui raconta ce dont il pouvait se souvenir. Walters organisa immédiatement une descente. Mais personne ne fut capturé. Deux semaines et quatre jours plus tard, les souvenirs de Jim revinrent et son existence devint un cauchemar. Il était harcelé par ses souvenirs. Il utilisa des narcotiques pour essayer d'oublier mais sombra dans le désespoir. Il termina ses jours sous les balles des policiers. Il était devenu l'ennemi public numéro un. Quand il se réveilla, il était allongé sur un lit dans une chambre inondée par le soleil matinal. Il remercia Dieu. Le silence régnait dans la maison. Il réfléchit à ce qu'il convenait de faire. Lors de son expérience précédente, il avait demandé à Walters de venir le chercher s'il ne réapparaissait pas le lendemain matin. Ce dialogue avait donc eu lieu la veille au soir ! Il ouvrit la porte et il se souvint une seconde trop tard de ce qui lui était arrivé six fois de suite.

Quand il ouvrit les yeux, la femme grassouillette lui tamponnait le front avec un linge humide. Il regagna sa voiture et se rendit chez Walters. Walters lui demanda s'il était en bonne forme. Jim acquiesça. Les médecins l'examinèrent. Tout allait bien. Il était affamé. Alors Walters lui commanda un petit déjeuner. Après quoi, Jim lui raconta les événements de la veille au soir jusqu'à son départ en voiture. Jim n'avait pas oublié les détails de ses six vies. Il se rappelait notamment un de ses employés qui s'appelait Hart et qui était un acteur-né capable de jouer n'importe quel rôle. Walters lui demanda si ce personnage imaginaire était réel pour lui. Jim acquiesça. Dans une de ses six vies, Jim avait également une famille. À présent, Walters commençait à comprendre pourquoi la fille, à l'hôpital, avait dit au docteur qu'il n'était pas réel. Jim lui expliqua à quel point il était atroce d'avoir tous ses souvenirs qui tournaient dans sa tête. Alors Walters prit son carnet de notes et demanda à Jim de lui expliquer les détails de chacune de ses vies. Après quoi, les deux hommes déjeunèrent puis Walters passa le reste de l'après-midi à poser des colles à Jim sur sa « première vie ».

Jim n'avait pas hésité une seule fois. Walters lui expliqua que si on lui demandait la liste de toutes les personnes qui avaient travaillé sous ses ordres, il en aurait été incapable. Walters n'avait jamais vu mémoire aussi totale. Il demanda à Jim de passer chez lui pour lui montrer qu'il savait vraiment peindre. Jim reproduisit une toile qu'il avait exécutée en fouillant dans sa mémoire, le portrait d'une jeune fille, la dame en bleu.. Walters lui demanda de peindre un gros cendrier sur pied. Alors Jim demanda du papier réglé. Il s'efforça de se rappeler ses premières leçons de peinture. Le résultat était beaucoup moins convaincant que la première toile. Alors Walters lui demanda d'exécuter une nouvelle toile. Jim voulut reproduire la dame en bleu. Il se rendit compte que les toiles étaient identiques.

Walters avait fait expertiser les toiles. On lui avait proposé 5000 $ sans même connaître le nom de l'artiste. Jean demanda à jeter un coup d'oeil sur la maquette de la maison mystérieuse. Il demanda à Walters de faire reproduire le dernier étage de la tour par des dessinateurs et que l'esquisse soit comparée avec des photos. Walters et Jim remarquèrent que plusieurs lames de jalousies brisées étaient présentes sur les photos mais pas sur les dessins. Les dessinateurs furent interrogés et affirmèrent énergiquement que les volets étaient en parfait état. Alors Jim et Walters allèrent inspecter la maison mystérieuse. Ils constatèrent que les jalousies étaient bien intactes. Mais une nouvelle photographie montra que les lamelles étaient cassées.

Ils retournèrent dans le bureau de Walters. L'hypothèse de Jim était que celui qui voyait les volets en bon état était dans un état d'esprit anormal. Il pensait qu'il existait peut-être des moyens nouveaux de passer d'un état mental à un autre et qu'une technique avait été inventée sans qu'on puisse la détecter. C'était peut-être des mots qui servaient de clés. Walters pensait qu'il devait y avoir un appareil caché dans la tour. Cela pouvait expliquer cette histoire de persiennes. Alors Jim proposa de grimper à l'arbre qui était en face de la maison pour pouvoir chercher l'appareil dans la tour. Après avoir grimpé dans l'arbre et progressé le long d'une branche, il était presque au-dessus de la tour. Il réussit à entrer dans la tour. Le silence régnait dans la maison. Il vit quelque chose bouger dans le noir. Quelqu'un l'interpella en lui disant qu'il était préférable qu'il ne le voie pas. La pièce se mit à tourner de plus en plus vite. Jim entendait la voix qui venait de tous les côtés à la fois et il se sentit soulevé.

Jim venait de rencontrer un voyageur de l'espace. Il prétendit être un des trois Rêveurs qui avaient été capturés par un pilote. Les deux autres étaient morts au moment de l'accident. Un Terrien l'avait retrouvé et ils avaient conclu un accord. C'était lui qui était à l'origine des expériences dont Jim avait été victime. Il expliqua à Jim que la structure cérébrale des Terriens différait de celle du pilote.

Il pouvait effacer facilement les souvenirs de ses victimes mais cette neutralisation n'était que provisoire. L'inconnu conseilla à Jim d'aller chercher de l'aide. Un coup de fusil claqua au-dehors suivi de plusieurs détonations. L'inconnu conseilla à Jim de s'en aller. Jim obéit. Il se posa sur la terre molle de la pelouse. Il s'aperçut qu'il était au centre d'un éblouissant cercle de lumière. Un groupe d'hommes étaie rassemblé au pied de la tour. Il s'en approcha et reconnut Walters. Il aperçut pas la même occasion un corps allongé sur le sol. Walters disait à quelqu'un qu’il n'aurait pas du laisser-faire l'homme dont le corps était disloqué et gisait à ses pieds. Jim regarda le cadavre. C'était le sien.

Jean se leva. La maquette de la propriété était à côté de lui. Il traversa la pièce et ouvrir la porte donnant sur le bureau de Walters. Walters lui expliqua que sa tentative d'effraction avait failli échouer. Walters avait envoyé quelques hommes pour voir ce qui se passait. Il avait découvert le corps de Jim, le cou brisé. Soudain, il y avait eu un bruit derrière l'équipe de Walters et le corps de Jim avait disparu. Après quoi, Walters et son équipe avaient trouvé un certain nombre d'hommes et de femmes complètement désorientés. Mais il n'avait pas encore mis la main sur le matériel parce que l'escalier menant à la tour avait été condamné. Jim raconta à Walters sa propre version des événements. Il expliqua à Walters que la silhouette qu'il avait vue au bout de la corde ne pouvait être qu'une illusion destinée à tromper le tireur installé en face de la maison mystérieuse. Il avait entendu quelqu'un courir dans l'escalier. L'escalier ne pouvait donc pas être condamné.

Walters raconta à Jim qu'il avait essayé d'examiner les fenêtres de la maison à la jumelle. À partir de 125 m, on pouvait distinguer les fameuses lamelles brisées. Il existait donc une limite au système d'hypnotisme. Jim parla de l'inconnu qu'il avait trouvé dans la tour. Pour lui ce devait être un marchand qui vendait sa camelote pour gagner sa vie. Il avait environ de le retrouver pour conclure un marché avec lui. Walters avait envie d'accompagner Jim mais Jim refusa. Quelqu'un devait rester en dehors de la limite des 125 m.

Jim retourna dans la tour. Il y avait des hommes à l'air fatigué. Une solide barricade bouchait le passage. Jim savait que c'était une illusion il demanda à l'inconnu de le laisser passer. Alors tout à coup la voie fut libre. L'inconnu accepta de négocier. Il avait besoin de trois choses : manger, de quoi boire et la possibilité d'utiliser ses facultés. Il souhaitait que la pression atmosphérique soit augmentée car la basse pression l'épuisait. Jim s'engagea à lui fournir ce que l'inconnu lui demandait. En revanche Jim n'était pas sûr de pouvoir le laisser utiliser ses facultés. L'inconnu lui expliqua qu'il y avait maintenant dans ce monde une peinture qui n'existait pas auparavant. C'était lui qui avait permis à Jim de peindre un magnifique tableau. L'inconnu était capable d'aider les gens à parvenir à un degré de concentration inconnu sur Terre. Jim lui demanda s'il était en mesure de lui faire oublier ses vies imaginaires. L'inconnu acquiesça. Seulement l'oblitération ne serait que provisoire. Le lendemain matin, Jim retourna à la tour avec un militaire porteur d'une caméra de télévision en circuit fermé. Jim informa l'inconnu que la maison était surveillée par les militaires. L'inconnu serait tué s'il tentait de les manipuler. Jim fut emmené en plein désert dans un blockhaus de béton avec un caisson de compression à l'intérieur. Walters lui dit qu'il avait fait du bon travail. Grâce à lui des centaines d'anciens drogués seraient guéris. Une fois rentré chez lui, Jim sombra dans un profond sommeil. Mais il rêva qu'il se réveillait allongé sur un lit dans une chambre inondée par le soleil matinal. Il se demanda où était le cauchemar et où était la réalité. Mais il avait la certitude qu'il finirait par gagner la partie. Il n'était pas de cauchemar qui durait éternellement.

Lettre à un Phénix (Fredric Brown).

Le narrateur avait oublié la presque totalité de ce qui lui était arrivé. Mais cela aurait une horrible s'il s'était rappelé les détails de 180 000 années d'existence. Il avait vécu 4000 vies depuis la première grande guerre atomique. Il se rappelait avoir participé à la première expédition pour Mars et à la quatrième pour Vénus. Il avait commandé en second un vaisseau spatial au cours de la guerre menée contre la deuxième expédition des envahisseurs intergalactiques. Les envahisseurs avaient été repoussés. Le narrateur n'était pas immortel. Il ne se rappelait pas de son nom. Il avait été obligé de changer de nom 1000 fois et plus. Il n'était pas un mutant. Quand il avait 23 ans, pendant la première vraie guerre atomique, 23 ans après la réalisation de la première bombe atomique, il avait souffert d'une maladie assez rare. Il était obèse et avait peu de résistance physique. Il fut déclaré inapte à la guerre. Son état s'était aggravé. Mais deux ans plus tard, l'armée avait besoin de soldats et il avait réussi à s'engager. Il avait perdu sa famille dans un bombardement. Il avait reçu son baptême du feu le lendemain du jour de son engagement.

Une semaine après, il avait été blessé. Il fut transféré dans un hôpital militaire. La guerre était terminée et le monde recommença à vivre. Un quart de la population mondiale avait été tué. Il y eut des temps sombres durant plusieurs siècles. On avait recommencé à se servir de bougies pour s'éclairer et de bois pour se chauffer. Les confusions et les révolutions avaient fait oublier pour un certain temps l'électricité. Le narrateur avait souffert pendant une longue période car il n'y avait plus d'anesthésie. Il avait subi des brûlures causées par l'irradiation. Il avait perdu le sommeil. Les médecins ne le croyaient pas. Il avait guéri de sa maladie de la glande pituitaire mais n'avait toujours pas retrouvé le sommeil. Son insomnie dura pendant 30 ans. Puis, il dormit durant 16 ans. Et à la fin de cette période de 46 années, il était toujours physiquement à l'âge apparent de 23 ans.

Les radiations qu'il avait subies avaient radicalement changé les fonctions de sa glande pituitaire. Ce qui lui était arrivé n'avait qu'une chance sur plusieurs milliards de se produire. Il vieillissait à la fréquence d'un jour tous les 45 ans. À présent, il avait l'âge physique de 34 ans. Il avait vécu 180 000 ans. Comme 45 années correspondaient pour lui un jour, il ne dormait pas pendant 30 ans puis il dormait durant 15 ans. Pendant ses périodes de sommeil, il devait se cacher dans une caverne pour ne pas être attaqué. Il avait survécu ainsi à 7 guerres atomiques qui avaient réduit population de la Terre à quelques tribus sauvages dans les rares zones encore habitables. Il avait voyagé dans cinq galaxies. Il avait eu plusieurs milliers de femmes, mais toujours une seule à la fois et il avait élevé plusieurs milliers d'enfants. Il avait toujours épousé des filles beaucoup plus jeunes que lui de manière que la disparité ne devienne pas trop sensible. Ainsi, quand venait le temps d'abandonner sa femme, elle avait 46 ans tandis  qu'il n'en avait toujours que 30. Il s'arrangeait pour épargner à ses femmes tous soucis matériels et pour qu'elle devienne des veuves riches. Il s'arrangeait toujours pour ne pas se faire remarquer. Il s'était donc abstenu d'être un dirigeant. Il pensait que l’espèce humaine était le seul organisme immortel de l'univers. Seule une espèce qui se détruisait périodiquement et qui détruisait ses produits, qui retournait à ses origines, pouvait vivre plus de 60 000 années de vie intelligente.

L'espèce humaine était selon le narrateur la seule dans l'univers avoir réussi à atteindre un haut niveau d'intelligence sans atteindre en même temps un niveau équivalent de jugement et de bon sens.

Il pensait donc que l'espèce humaine était comme le Phénix. Il avait constaté que les 30 000 années qui s'écoulaient entre la chute d'une civilisation et la naissance de la suivante effaçait toutes traces. Les souvenirs devenaient des légendes, les légendes devenaient superstitions et les superstitions elles-mêmes disparaissaient. Le narrateur était persuadé que l'espèce humaine, sur Terre ou dans d'autres galaxies, survivrait à jamais.

Après la troisième guerre mondiale, l'homme penserait (comme il l'avait toujours pensé après une guerre atomique mineure) qu'il avait triomphé de sa propre folie. Il était convaincu que l'espèce humaine ne serait jamais saine d'esprit et seule la folie était divine. Seuls les fous se détruisent eux-mêmes et avec eux tout ce qu'ils ont créé. Seul le Phénix est immortel.

 

Les circuits de la grande évasion (Kit Reed).

 

Dan Radford et ses amis, qui ne pouvaient réunir assez d'argent pour le voyage, restaient assis sous les arbres à Saint-Pétersburg, en Floride pendant tout le temps où les autres étaient absents. Cela leur faisait une peine infernale de voir ces quelques élus se rendre jour après jour au Kiosque des circuits de la Grande évasion. Dan disait à sa femme Theda qu'il ne serait jamais revenu s'il avait eu la chance de pouvoir partir. Les amis de Dan venaient des pensions de famille et des hôtels bon marché. Quelquefois, Iggy le Noceur venait avec une fille. Dan et ses amis trouvaient important d'être sur place avant que les premiers touristes arrivent. Ainsi on pouvait les compter quand ils entraient dans le kiosque mais aussi quand ils revenaient dans l'après-midi. Ils attendaient le concert de 14:00 qui pouvait être annulé s'il pleuvait. À 17:00, quand les circuits rentraient, la bande de Dan était généralement très excitée après avoir discuté tout l'après-midi de ce que les riches touristes étaient probablement en train de faire. Le bruit avait couru que les touristes devenaient jeunes lors du voyage. C'est pourquoi Dan et ses amis ne comprenaient pas quoi ils revenaient. Car quand les touristes revenaient, ils n'avaient pas l'air différent. Quand Dan et ses amis essayaient de tirer les vers du nez d'un touriste, ils n'obtenaient pas de réponse. Theda jalousait les riches touristes. Dan et elle avaient travaillé dur toute leur vie. Ils habitaient dans une petite maison qui ne leur appartenait pas et avaient eu des enfants qui ne venaient jamais les voir. Ils ne pouvaient même pas se payer une voiture. Tous les deux se sentaient si incroyablement vieux. Elle détestait être couchée près de son mari à écouter le râle de sa respiration. Elle détestait le voir marcher un peu plus lentement chaque jour. Elle se demandait combien il leur restait de temps à vivre à l'un et à l'autre. Elle se disait que s'il fallait partir, c'était le moment. Un jour, Dan annonça à sa femme qu'ils allaient partir au kiosque. Iggy serait à l'intérieur mais une fois que sa nouvelle et riche amie aurait payé son entrée, Hickey Washburn créerait une diversion en simulant une crise cardiaque devant le kiosque. Alors Iggy ouvrirait la porte de l'intérieur. Dan et ses amis avaient mis en commun tout leur argent pour qu’Iggy puisse inviter une fille à dîner. Puis, le grand jour arriva. La veille, aucun d’eux ne dormit. Ils avaient fait des projets. La Grande Margot avait fait des exercices d'assouplissement sur les ressorts de son sommier. Elle envisageait par commencer à se débarrasser de la fille d'Iggy. Elle aimait Iggy et le voulait pour elle seule. Hickey imaginait ce que ce serait d'avoir 21 ans, convaincu qu'il aurait cet âge dans ce nouvel endroit. Iggy pensait à toutes les filles qu'il pourrait séduire. Theda mit la robe qu'elle portait quand elle avait rencontré Dan pour la première fois. Ils arrivèrent trop tôt. La Grande Margot était venue avec un sac en main macramé entre les jambes. Elle refusa de dire à Theda ce qu'il y avait dedans. Iggy apparut avec sa riche amie. Il donna à ses amis des pilules et leur demanda de les sucer. C'était un remontant. Hickey fit son numéro de crise cardiaque. Le kiosque fut attaqué exactement comme prévu. Dan et ses amis sortirent à coups de pieds les clients furieux et le guide du circuit lui-même puis ils refermèrent la porte à clé. Ils bouclèrent leurs ceintures dans des fauteuils de peluche. Dan et ses amis étaient redevenus soudain des enfants. Iggy était épouvanté.

Il y avait un tableau vissé au portique avec un tas de règles écrites dessus mais Dan et ses amis était à présent trop jeunes pour savoir lire. Theda se sentait bien. Elle se mit à courir autour du portique. Dan et Iggy la suivirent. Margot les filles tous tomber. Quelqu'un se mit à taquiner la Grande Margot et ils l'appelèrent la Grosse. Hickey lui vola son sac pour regarder ce qu'il y avait dedans. C'était un fusil. Ils en furent effrayés et enterrèrent le fusil du côté des balançoires. Ils se mirent à jouer pendant longtemps. Finalement, l'amie d'Iggy sortit des rangs pour déclarer qu'elle avait faim. Mais il n'y avait rien à manger. Alors ils tentèrent de s'amuser encore un peu. Iggy finit par trouver que ce n'était plus drôle. Ils étaient tous fatigués et ils avaient faim. Theda voulait rentrer à la maison. Finalement, la cloche sonna. Sur le terrain de jeux, les enfants se levèrent et abandonnèrent ce qu'ils étaient en train de faire. Ils coururent tous vers le portique et grimpèrent dessus. Seul Dan était reste de l'autre côté du terrain. Il aurait six ans pour toujours. Alors Theda le rejoignit. Les autres enfants avaient disparu, tout le monde était parti. Elle proposa à Dan d’aller voir ce qu'il y avait derrière la barrière.

 

 

 

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