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Humanisme : le Contrat social
16 juillet 2021

Le Faiseur d'or Nicolas Flamel (Léon Larguier).

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Le bonhomme de Cluny.

L'auteur s'était ainsi un soir sur un banc du petit jardin autour de l'hôtel de Cluny. Un vieil homme vint s'asseoir à côté de lui. Du bout de son parapluie, il traça des caractères sur le sol : J. H. V. Il murmura à l'auteur que ces trois lettres pouvaient signifier Jésus rédempteur des hommes mais elles pouvaient aussi avoir un autre sens. Le vieil homme comprit qu'il pouvait causer avec l'auteur et avait senti qu'il aimait vivre avec les morts. Mais Larguier lui répondit que la mort n'avait aucun sens pour un vivant qui goûtait le soir de printemps dans le jardin de Cluny. Alors le vieil homme lui raconta avoir passé une existence en compagnie de Nicolas Flamel. Le vieil homme lui expliqua que les lettres J. H. V. étaient au bas de l'épitaphe de Nicolas Flamel. Mais Piter se trouvait à l'hôtel de Cluny. Il avait longtemps demeuré dans la chapelle de saint Clément à Saint-Jacques-la-Boucherie. Mais l'église avait été démolie en 1797. L'épitaphe avait été retrouvée par un chercheur de curiosités qui l'avait cédée au musée de Cluny. Depuis des années, le vieil homme cherchait la signification des trois lettres. Le vieil homme était passionné d'alchimie. Il pensait que l'alchimie était la mère de toutes les sciences. Il pensait également que l’or était le plus beau de tous les symboles. Le vieil homme proposa à l'auteur de lui montrer des choses intéressantes. Il n'avait plus invité personne depuis 15 ans. L'auteur accepta l'invitation.

Le vieil homme pensait que les personnages de la mythologie grecque vivaient encore dans la société actuelle. Farguier était d'accord avec lui. Il pensait par exemple, que tous les employés de bureau faisant chaque jour la même tâche monotone descendaient de Sisyphe. Le vieil homme habitait près de Notre-Dame de Paris. De sa fenêtre, on pouvait voir la cathédrale. Il possédait de très nombreux livres. Il y avait aussi trois ou quatre statues. Il montra à l'auteur une sorte de four en pierre réfractaire, cerclé de métal. Il avait essayé de pratiquer l'alchimie. Mais il avait renoncé. De plus, il ne se souvenait qu'en 1933, le tribunal de la Seine avait condamné un savant polonais qui prétendait faire de l'or. Il s'appelait Dunikowski. Il avait inventé plus tard les rayons Z le vieil homme se demandait que devait penser un grand théologien au sujet des progrès de la science et de la technique. Larguier répondit qu'un théologien devait être contre l'électricité, l'automobile et toutes les machines car la science avait aboli l'arrêté de Dieu obligeant l'homme à gagner son pain à la sueur de son front.

Le vieil homme laissa seul Larguier quelques instants pour fermer sa boutique. Avant de partir, il lui conseilla de feuilleter un livre en attendant. C'était un essai historique et critique sur la philosophie hermétique intitulée L'alchimie et les alchimistes de Louis Figuier. D'après ce livre, c'était aux savants de Constantinople qu'il convenait de rapporter les premières recherches relatives à la transmutation des métaux. Mais les savants grecs entretenaient également des relations continuelles avec l'Ecole d'Alexandrie et l'alchimie fut cultivée presque simultanément en Grèce et en Égypte. Les Arabes continuèrent avec ardeur l'étude de l'oeuvre hermétique de l'Ecole d'Alexandrie. Ils introduisirent l'alchimie dans tous les pays qu'ils avaient conquis. À partir de l'Espagne, l'alchimie fut peu à peu répandue en Occident au XVe siècle. Le vieil homme revint avec un pain et deux bouteilles de vin rouge. Il offrit à l'auteur un récit qu'il avait écrit. Ce récit se passait au XIVe siècle et le principal personnage était Nicolas Flamel. 15 jours plus tard, Larguier retourna chez le vieil homme mais le concierge lui apprit qu'il était mort. On ne savait même pas son vrai nom et on l'appelait M. François. C'est donc ce récit que Larguier affirme présenter.

1

 

Le  livre de l'ange.

Dame Pernelle était la femme de Nicolas Flamel. Elle ne paraissait pas ses 45 ans. Nicolas Flamel était un peu plus jeune qu'elle. Elle était la veuve de Jehan Hanigues. À cette époque-là, les rues de Paris étaient peu sûres la nuit tombée et il y avait un couvre-feu. Les deux servantes de Nicolas Flamel rentrèrent juste avant le couvre-feu. Il y avait Marguerite La Quesnel et sa fille. On disait que le diable se promenait dans Paris, rue Galande, déguisé en moine.

Le monde était plein de choses étranges et mystérieuses. On avait vu des signes dans le ciel, une femme avait accouché d'une bête qui était morte quand un prêtre l'avait aspergée d'eau bénite. Près de la petite ville de Pontoise, les chandelles d'une chapelle s'étaient allumées toutes ensemble, la nuit et d'un seul coup, sans qu'il y ait personne dans l'église. Nicolas Flamel songeait à présent à ce qui lui était arrivé d'extraordinaire une nuit dont il se souviendrait toujours. Il était alors très jeune. Après avoir prié Dieu il avait vu en rêve un ange. Il avait entendu une voix céleste qui disait : regarde bien ce livre ; il te semble obscur à toi, comme à tout le monde, mais un jour tu y verras ce qu'il faut y voir et tu sauras ce que nul ne sait…

Le dormeur aperçut nettement le bouquin revêtu d'une couverture de cuivre puis la vision s'effaça. À cette époque, Nicolas Flamel gagnait sa vie à copier des livres et à enluminer des manuscrits. Il s'était installé près de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie. Il avait acheté une charge de libraires-écrivain dans sa maison située au coin de la rue des Marivaus et de la rue des Ecrivains.

Son enseigne était A la Fleur de lys et sa boutique était bien pourvue. Le plus savant de ses ouvriers s'appelait Jehan Maugin. Nicolas se plaisait à converser avec lui. Maugin lui livra son secret pour être heureux. Il fallait être pieux devant chaque matin, devant chaque minute. Il fallait se contenter de ce que l'on avait.

Nicolas Flamel était un érudit. Il tenait chez lui une petite école où il enseignait la grammaire française et les mathématiques aux fils de quelques personnages de marque. Il admettait également quelques enfants du voisinage dont les parents n'avaient pas les moyens de le payer. Un jour, Nicolas Flamel entendit un tumulte de rixe et un galop de cheval. Quand le silence revint, il ouvrit un coffre de fer pour y prendre un livre à couverture de cuivre qu'il posa devant lui sur sa table avec des précautions infinies. C'était exactement celui qu'un ange lui avait autrefois montré en songe !

2

l'alchimie.

 

Nicolas Flamel avait travaillé à recopier quelques pages des mémoires du sire de Joinville. Il était question des croisades. Un jour, un homme s'était arrêté devant son échoppe et le regardait avec beaucoup de curiosité. L'inconnu avait la peau tannée et les vêtements couverts de poussière. Cela prouvait qu'il avait dû faire une longue étape. Nicolas Flamel avait salué l'inconnu avec affabilité. Il l'invita à se reposer chez lui. Une fois chez Nicolas Flamel, l'inconnu tira ma lui-même la fenêtre et avec précaution il défit un paquet. C'était exactement le livre que l'ange avait montré à Nicolas Flamel, la nuit du songe ! Sur la couverture de cuivre doré, il y avait des figures et des caractères mystérieux. L'ouvrage était composé de 21 feuillets d'un papyrus étrange. Il y avait aussi des images et la première page portait cette inscription en capitales d'or : Abraham le juif, Prince, prêtre lévite, astrologue et philosophe, à la gent des juifs, par l'ire de Dieu, dispersée au Gaules, salut, D. I.

Nicolas Flamel demanda à l'inconnu de lui vendre l'ouvrage. L'inconnu ne lui en demanda que deux florins. Nicolas Flamel étudia le grimoire sans rien comprendre sinon que les pires catastrophes fondraient sur celui qui y jetterait les yeux, s'il n'était sacrificateur ou scribe. Le mot des grandes exécrations et des malédictions effroyables :Maranatha, revenait souvent dans l'avertissement du livre et Nicolas Flamel n'osait passer outre et tourner les feuillets. Il alla consulter sa femme. Il lut la première page d'avertissement à dame Pernelle. Celle-ci fit le signe de la croix. Elle dit à son mari qu'il ne risquait d'encourir aucune malédiction en l'étudiant car il n'était pas sacrificateur. Nicolas Flamel pensait que l'alchimie, bien que décriée, ne venait pas du diable mais de Dieu. Il était persuadé que l'inconnu lui avait été envoyé par Dieu pour recevoir le livre qu'il avait vu en songe. Nicolas Flamel étudia nuit et jour l'ouvrage mais c'était un livre hermétique et obscur. Idées religieuses et physiques, tout se mêlait dans les textes énigmatiques. Albert le Grand avait conseillé aux alchimistes d'être discret et silencieux et de ne révéler à personne le résultat de leurs opérations. Mais Nicolas Flamel ne désespérait pas de comprendre un jour ces énigmes. La pierre sublime qu'il devait trouver, grâce au livre de l'étranger, était à l'horizon de sa vie comme une étoile.

3

Un matin de Paris.

 

Nicolas Flamel avait rêvé pendant des heures en étudiant du quatrième feuillet qui était sans écriture et que remplissait une image bien enluminée. Cela représentait une grande plante au plus haut d'une montagne. La tige en était de couleur d'azur et des fleurs rouges et blanches s'ouvraient le long des rameaux dont les feuilles brillaient de l'or le plus pur. Des dragons et des griffons montaient la garde autour de la plante. En bon chrétien qu'il était, il ne pensait pas déplaire à Dieu en s'adonnant à l'alchimie. Pourtant, le pape Jean XXII avait lancé une bulle contre les alchimistes. À cette époque, les marchands de Paris étaient pires que les Anglais. Ils pressuraient les chrétiens. De la croisée de son échoppe, Nicolas Flamel écoutait les bruits de la rue et regardait le spectacle qu'elle offrait. Il remarquait en souriant que sur tous les étalages il y avait un bouquet de jolies fleurs. Un visiteur le tira de sa rêverie.

4

Maître Anseaulme, licencié en médecine.

 

Un jour, Maître Anseaulme vient saluer Nicolas Flamel il lui dit que les marchands étaient des voleurs et faisaient un vacarme d'enfer. Il voulait savoir si Nicolas avait gardé le livre mystérieux et Nicolas Flamel menti. Il ne voulait pas montrer le livre d'Abraham. Maître Anseaulme était licencié en médecine. Flamel lui avait parlé d'un livre qu'il avait eu en sa possession et qui enseignait la Pierre philosophale. Depuis le vieil homme était revenu chaque jour. Il s'était vanté de savoir interpréter les textes les plus hermétiques. Nicolas Flamel lui avait expliqué qu'il ne ne savait pas à qui appartenait le livre mystérieux qu'un étranger lui avait laissé en gage. L'inconnu était revenu et Nicolas Flamel n'avait même pas eu le temps de recopier le livre. Maître Anseaulme avait fini par croire à cette histoire mais revenait proposer une nouvelle interprétation des formules obscures et des figures du livre.

Flamel écoutait avec beaucoup de patience en faisant semblant d'être ignorant. Il était bien décidé à ne pas suivre ses conseils. Maître Anseaulme prônait des remèdes de sorcier et il professait que les plus grands médecins s'appelaient diète et gaieté. Il croyait aussi aux vertus des pierres précieuses et à l'influence maligne des planètes. Il revenait toujours à l'alchimie, et s'il ne pouvait être d'aucun secours à Nicolas Flamel en cette matière, le copiste se plaisait en sa compagnie et l'écoutait volontiers.

Mais il prenait plaisir à se moquer de lui en citant des passages de livres de cuisine car il savait Maître Anseaulme peu enclins à la plaisanterie et à l'art des cuisiniers. Il cherche à convaincre Maître Anseaulme que l'alchimie ne l'intéressait pas et qu'il n'était pas nécessaire d'être riche pour être heureux. Il était probable que s'il possédait le secret sublime les alchimistes, il donnerait à peu près tout aux malheureux.

5

Le roi de France.

Nicolas Flamel désespérait de réussir jamais mais sa femme lui donna alors du courage. Elle expliqua que l'alchimie venait de Dieu lui-même et il aurait donc sa récompense. Elle lui suggère de partir en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Il pourrait emporter la copie du livre et la montrer à quelque vieillard instruits dans les nombreuses synagogues de l'Espagne. À ce moment-là, Nicolas Flamel et sa femme entendirent des acclamations dans la rue. C'était le roi de France, Charles V, qui revenait de visiter les écoles après quelques franchises nouvelles octroyées à l'Université de Paris.

Nicolas Flamel pensait que sa femme avait raison. Le texte hébreu du livre d'Abraham n'était accessible qu'à un kabbaliste. Il ne pourrait trouver qu'en Espagne les juifs fort instruits dans les sciences mystérieuses car ils avaient reçu l'enseignement et le secret des Maures qui avaient occupé le pays. Pour mieux réfléchir à ce projet, il se rendit sur le parvis de Notre-Dame. Les routes de France partaient de là. Nicolas Flamel avait toujours vécu ainsi à son pupitre. Il imaginait les routes pleines d'aventures, de dangers et de poésie. Nicolas Flamel rentra chez lui. Ce soir-là, après la prière, Jehan Mangin s'approcha de lui. Il lui parla de la liste des rois de France que Nicolas Flamel avait dressée. Depuis quatre siècles, il y avait eu 14 rois en France. Ainsi, le temps, même lorsqu'on le comptait par centaines d'années, était peu de chose. La remarque faite par son élève incita Nicolas Flamel à se hâter dans son projet.

6

Le  départ.

 

Dans la boulangerie près de chez Nicolas Flamel, ses voisins évoquaient son prochain voyage. Etiennette, la femme du drapier, qui ne passait pas dans le quartier pour bienveillante et qui avait la langue trop déliée, ne trouvait pas naturel que l'on fasse un si grand voyage. Nicolas Flamel quitta sa maison, le bâton au poing et aux épaules le manteau du pèlerin orné de quelques coquilles. Il s'en alla à l'aube avant que la rue ne s'éveille. Il demanda à sa femme de prier pour lui chaque matin et chaque soir. Sa femme avait cousu dans une poche intérieure la copie des images et du livre d'Abraham le juif.

7

Le voyage.

 

À la fin du printemps, Nicolas Flamel marchait depuis déjà des semaines. Il n'avait jamais voyagé et tout était nouveau à ses yeux. La marche demeurait pour ce sédentaire une perpétuelle allégresse. Il était partout bien accueilli car tout pèlerin était considéré comme un homme pieux qui portait bonheur à qui le recevait convenablement sous son toit. Un jour pourtant, Nicolas Flamel eut grand-peur à cause d'un orage. Il se dirigea vers un bois dans lequel se trouvaient des suppliciés pendus aux arbres. C'étaient les horreurs de la guerre. Alors Nicolas Flamel sortit de ce bois préférant marcher sous la pluie. Le soir, il se réfugia dans une maison en ruine. Il y rencontra un vieil homme à genoux devant la cheminée. Malgré son habit misérable, l'homme avait une grande noblesse et son visage était celui des saints taillés dans la pierre des églises. Nicolas Flamel put faire sécher son manteau. Il offrit la moitié de ses provisions au vieillard. Le vieillard accepta de manger du pain et de boire un peu de vin mais il refusa de toucher à la viande. Au cours de la nuit, le vieillard s'en alla en expliquant à Nicolas Flamel qu'il avait aimé une femme et qu'elle était morte à cause de lui. Depuis, il avait choisi la nuit pour s'y cacher car il avait tout quitté. Il pensait que l'on trouvait toujours ce que l'on cherchait sauf la paix du coeur quand on l'avait perdue. Poursuivant son voyage, Nicolas Flamel était déconcerté par le fait que les villes n'avaient pas toute la même odeur ni la même couleur. Il put découvrir les recettes locales de chaque ville qu'il traversait.

Les gens étaient familiers et serviables, affables et souriants dans le Midi de la France. Nicolas Flamel pensait que cela était dû au joli climat. Chez eux, on ne sonnait pas le couvre-feu et les gens vivaient dehors jusqu'aux heures nocturnes. On le questionnait sur Paris et sur le roi de France. L'accent de Nicolas Flamel faisait sourire les gens.

8

Le chevalier et le troubadour.

Nicolas Flamel fut invité aux fêtes données par un seigneur dans le fils allait être armé chevalier. Les siècles avaient passé et le rite s'était adouci sous l'influence de l'Eglise. Un orchestre de musiciens était installé dans la grande salle du château et l'on avait fait largesse aux pauvres. La mère du futur chevalier avait disposé sur le lit de son fils une chemise immaculée, une robe d'hermine et des éperons d'or. Le futur chevalier fut plongé dans de l'eau chaude. C'était le bain purificateur. L'adolescent prit le chemin de l'église. Il passa la nuit en prière à la chapelle. On avait posé parmi les cierges, sur les dentelles de l'autel, une épée et un casque. L'adolescent devait rester debout ou à genoux jusqu'au petit jour. Durant la nuit, il se répéta à lui-même les commandements que tout bon chevalier devait observer. Le lendemain matin, le prêtre bénissait le jeune homme. Puis il se retira dans sa chambre pour y revêtir un costume blanc, des braies et une chemise. Il fut acclamé pendant que sonnèrent les trompettes. Un tapis avait été jeté sur l'herbe. Le jeune homme y marcha et attendit son parrain. Son parrain lui mit les chausses de fer et lui attacha les éperons d'or en lui disant de se conduire de telle sorte qu'on ne les lui les tranche jamais sur les talons. Deux parents vinrent ensuite portant le casque et l'épée. Puis son père lui demanda de courber la tête et selon le rite, il lui donna un grand coup de sa paume droite sur la nuque. À la fin de la cérémonie, on amena le cheval du nouveau chevalier. Nicolas Flamel fut heureux d'avoir pu assister à cet adoubement. Puis, pendant plusieurs jours, Nicolas Flamel fit route en compagnie d'un troubadour qui allait à Toulouse.

Le troubadour s'appelait Aimery de Barbelane. Le troubadour invita Nicolas Flamel à manger. Cela ne lui coûte rien car il paya le repas avec des chansons. Puis le troubadour alla se coucher car il était ivre de déclamation et de vin. Nicolas Flamel discuta avec l'assistance. On lui demanda son avis sur les excommunications d'animaux qui avaient tué des humains. Nicolas Flamel expliqua doucement que la loi de Moïse prévoyait des châtiments pour les animaux meurtriers.

9

L'hôtelier bavard.

 

Ayant passé de longs moments en prière, baisé pieusement le manteau qu'on disait être celui de l'apôtre Jacques et aumôné les mendiants fort nombreux à Compostelle, Nicolas Flamel se remit en route. Il éprouva quelques malaises et l'hôtelier qui l'hébergeait lui conseilla de faire venir un médecin fort entendu. Le médecin s'appelait Canchès qu'on disait très versé dans les sciences sublimes. Bien que baptisé, ce matin était né juif et avait étudié la kabbale. Nicolas Flamel rencontra ce mystérieux médecin. Il était accoutré comme un pauvre homme il était très maigre. Le médecin se mit à lire tout en mangeant. À sa grande stupéfaction, Nicolas Flamel l'entendit parler en latin. Les médecins accepta de soigner Nicolas Flamel et lui prépara un remède. Le lendemain, le mal avait disparu. Le médecin lui dit qu'il n'avait pas la prétention d'être le guérisseur des Six lépreux. Nicolas Flamel sauta à bas de son lit en entendant ces derniers mots. Les lépreux en question étaient le cuivre, le plomb, l'étain… Et les guérir signifiait les transmuer pour les changer en or pur. Alors Nicolas Flamel embrassa le médecin qui lui demanda si lui aussi il avait essayé l'alchimie. Nicolas Flamel lui montra la copie du livre cousu dans sa poche. Le médecin lui expliqua que c'était le livre le plus précieux de tous car il était considéré comme perdu. Nicolas Flamel lui proposa de venir à Paris pour lui montrer le livre d'Abraham. Le médecin avait déjà réussi à décrypter la copie du livre. Il accepta de partir sur le champ avec Flamel. Une grande joie emplissait le coeur du pèlerin.

10

Le retour.

Nicolas Flamel et son compagnon entrèrent en France avec l'automne. Nicolas Flamel aimait cet homme étrange, si disgracié et si savant. Tous les deux conversaient toujours en latin. En regardant le paysage, le médecin dit que les arbres étaient comme les métaux, il fallait qu'ils meurent pour livrer l'or qu'ils détenaient. Il lui montra une racine de mandragore pour lui expliquer qu'elle savait toutes sortes de secrets. À Orléans, Nicolas Flamel et le médecin n'allaiten pas tarder à arriver quand le malheur survint. Le médecin tomba malade. Nicolas Flamel alla chercher un médecin mais Canchès refusa le remède ordonné par cet homme. Il demanda à Nicolas Flamel une petite boîte qui se trouvait dans son sac. Il y prit une pilule couleur de miel et l'avala. Il dit à Nicolas Flamel qu'il savait devoir bientôt mourir sans avoir vu le livre d'Abraham.

Il expliqua à Nicolas Flamel qu'il savait tout ce qu'il fallait savoir et qu'il devait se souvenir que la matière obtenue en suivant les formules du livre aurait une senteur forte. Quand il la chaufferait dans le fond, elles deviendraient grises puis noires. Ensuite naîtrait un cercle blanc autour de la masse sombre qui deviendrait claire et toute blanche. À ce moment-là, Nicolas Flamel posséderait la petite pierre qui change le mercure en argent. Pour obtenir la pierre rouge, celle qui fait l'or, Flamel saurait ce qu'il convenait d'achever. L'alchimiste n’eut pas le temps de dire à Flamel sa dernière exigence car la mort l'emporta. Nicolas Flamel pleura et veilla pieusement son cadavre pendant deux nuits et un jour. Il écrivit au verso des feuilles sur lesquelles il avait recopié les plus importants passages du livre d'Abraham, les dernières paroles de l'alchimiste. Il conserva les grosses lunettes de son ami et la boîte de métal contenant encore 12 pilules qui devaient être de l'opium et le petit volume dont Canchès n'avait pas voulu se séparer en quittant l'Espagne. C'était une copie de l'Apocalypse annotée par le médecin. Après l'inhumation de son ami, Flamel quitta Orléans et retourna à Paris.

11

La sorcière.

Le lendemain, Nicolas Flamel rencontra un corbeau qui volait pas et avait l'air de le guider. L'oiseau se posa sur une branche à quelques pas d'un trou creusé dans le roc et, comme la pluie tombait, Nicolas Flamel se mit à l'abri sous cette espèce de porche. Une vieille femme arriva portant un fagot. Elle ne répondit pas à son salut. Brusquement, la vieille farouche s'adoucit. Elle salua Flamel. Elle le fit entrer dans une chambre souterraine et lui montra un bloc de pierre où elle l'invita à se reposer car il avait porté le fagot de la maudite femme et elle voulait le récompenser. Elle lui raconta qu'elle avait été belle dans sa jeunesse et amoureuse d'un jeune homme appelé Robin. Mais ils avaient été surpris par le vicomte et Robin avait été assassiné. Nicolas Flamel et vit le corbeau qui l'avait guidé se poser sur l'épaule de la vieille femme. Elle lui expliqua qu'elle connaissait les secrets de la nature et qu'elle n'avait jamais rendu le mal qu'on lui avait fait.

Nicolas Flamel lui proposa de partager les provisions qu'il avait gardées dans son sac. Elle se nourrissait depuis des années de racines, de fruits sauvages et de champignons. Elle accepta. Cela lui rappela sa jeunesse et elle bénit Nicolas Flamel. Après le repas, elle lui conseilla de partir et l'accompagna jusqu'au seuil de la grotte en lui disant qu'il y avait un astre d'or au bout de sa route.

12

La fleur de lys et les cloches de Paris.

Nicolas Flamel rentra chez lui par un matin de novembre. Il éprouva une grande émotion en apercevant Notre-Dame de Paris. Rien de fâcheux n'était arrivé chez lui. Sa servante l'arrêta au moment où il allait ouvrir sa porte car elle l'avait pris pour un mendiant. Elle n'avait pas reconnu son maître car la barbe lui avait poussé. Dame Pernelle embrassa son mari et le trouva changé. Il y avait dans les yeux de Flamel un éclat qu'elle n'avait jamais vu. Il lui murmura à l'oreille qu'il avait le secret. À voix basse, il lui raconta rapidement la rencontre qu'il avait faite dans l'auberge de Léon. Aalis, la jeune fille qui avait figuré la vierge Marie dans la nef de Saint-Jacques-la-Boucherie au dernier Noël vint s'allumer Nicolas Flamel. Elle avait prié la vierge tous les matins de garder Flamel du danger. Mais sa mère était morte quelques jours après le départ de Nicolas Flamel. Flamel lui offrit un cadeau. C'était une croix d'or au bout d'un ruban de velours noir. Flamel l'avait achetée chez un orfèvre près de l'église de Compostelle. Quand il fut seul avec sa femme, Flamel sortit le livre d'Abraham de son coffre. Il le contempla longuement avant de remettre à sa place. Il demanda à sa femme de lui préparer un repas et il était heureux d'entendre les cloches des églises de Paris. Il se distrayait parfois à les imaginer vêtues selon ce qu'elles sonnaient.

13

L'élixir blanc.

Le miracle se produisit au milieu d'un jour d'hiver. Après deux longues années de tâtonnements et de recherches, Nicolas Flamel reconnut la senteur forte dont lui avait parlé maître Canchès. Avant de mettre la matière sur le fourneau, dans un matras de verre, il appela sa femme. La préparation devint grise, puis peu à peu elle prit la couleur tête de corbeau. Puis un cercle blanc autour de la masse sombre se forma. Lentement, dans le verre en forme d’oeuf, la matière devenait d'une blancheur complète. Pernelle murmurait des actions de grâce. Flamel avait hâte d'expérimenter l'élixir blanc. Pernelle alla chercher le mercure dans une boîte. Nicolas Flamel fit la projection et attendit. Le mercure se solidifia pour devenir un bloc d'argent pur. Nicolas Flamel et sa femme se recommandèrent l'un et l'autre le silence.

Après le souper, Nicolas Flamel se dirigea du côté de l'église Saint-Jacques. Maître Anseaulme l'y attendait. Il faisait froid. C'était le 17 janvier. Nicolas Flamel lui raconta qu'il se rendait à son échoppe et l'invita chez lui. Anseaulme lui dit qu'il avait trouvé l'explication de la première figure du livre d'Abraham. Saturne, c'était le temps dévorant tout. Il y avait six feuilles écrites à la suite de cette image signifiant que Saturne exigeait six ans pour parfaire la pierre. Un malade se présenta. Maître Anseaulme reçut ce malheureux avec mauvaise humeur mais l'inlassable bavard qu'il était se mis à disserter sur ce que révélait la plante des pieds. Il prétendait que celui qui marchait lentement et à grands pas n'avait pas beaucoup de mémoire. Tandis que celui qui marchait vite et à petits pas était prompt et ingénieux.

Il recommanda à son patient de brûler ses souliers et avec la cendre obtenue de frotter ses talons.

14

La pierre rouge.

Les mois d'hiver passèrent. Nicolas Flamel n'avait aucune hâte de faire la projection suprême. Le roi Charles V était mort. Des révoltes ensanglantaient le pays écrasé d'impôts. Nicolas Flamel n'était qu'un écrivain maniant le train modeste d'un petit-bourgeois. Personne ne soupçonnait le pouvoir occulte que Nicolas Flamel détenait.

Les oncles de Charles V s'étaient disputés la régence. Le peuple commençait à gronder. Au printemps de 1382, la révolte éclata à Paris. Le duc d'Anjou avait instauré un nouvel impôt. Le peuple se rua vers l'Hôtel de ville. Tout fut saccagé. Les percepteurs de l'impôt furent massacrés. Tout cela troublait sans doute Nicolas Flamel qui ne se décidait pas à tenter la suprême expérience. Enfin, au mois d'avril, il ralluma son fourneau pour fuir l'élixir blanc dans son matras. Nicolas Flamel relut les derniers mots et les explications de maître Canchès.

Tout à coup, une braise d'étoile rouge apparut !

15

L'or.

 

C'était par un soir d'avril. Nicolas Flamel avait fait la projection avec la pierre rouge sur une quantité de mercure en présence de sa femme, le 25 avril à 17:00. Le mercure fut transformé en or. Il avait peur que sa femme révèle le secret mais elle était à la fois chaste et sage. La première pensée de Nicolas Flamel devant le miracle accompli puis pour son maître, Canchès, sans laquelle il n'aurait jamais eu l'explication du texte et des images qui l'avaient guidé. Nicolas Flamel et sa femme demeurèrent humbles et simples. Trois fois après le soir du 25 avril 1382, Nicolas Flamel fit la projection. Il fit élever, en 1389, une arcade au charnier des Saints Innocents et le petit portail de Saint-Jacques-la-Boucherie. Il fit beaucoup de dons aux églises et beaucoup d'aumône aux pauvres.

Nul ne se doutait du formidable pouvoir de ces deux vieillards simples et modestes. Leur servante Margot était morte et ils étaient servis par une pauvre femme, silencieuse et chétive. Nicolas Flamel pensait que le monde n'avait rien à gagner s'il avait divulgué son secret. Il fallait enchaîner les forces mauvaises même lorsqu'elles étaient admirables. Pernelle mourut le 11 novembre 1397. Nicolas Flamel fit élever sur sa tombe une pyramide.

16

Nicolas Flamel, jadis escrivain…

 

Après la mort de sa femme, Nicolas Flamel consacra tout son temps à une copie qu'il voulait achever. L'hiver 1399 fut un des plus terribles que l'on eût éprouvé en Europe. La disette du bois et du pain se fit bientôt sentir. Durant le dégel, le petit pont de bois joignant le Châtelet, et le pont Saint-Michel, qu'on appelait à cette époque le Pont-Neuf, furent renversés. Pendant ce temps, Nicolas Flamel écrivait l'histoire de sa vie.

Il évoquait le livre d'Abraham. Il expliquait que celui qui lui avait vendu ce livre ne savait pas ce que le livre valait. Dans le livre, Abraham consolait sa nation et lui conseillait de fuir les vices et surtout l'idolâtrie en attendant la venue du messie. Abraham voulait également aider les juifs à payer les tributs aux empereurs romains. Il voulait leur enseigner la transmutation métallique. Le quatrième et le cinquième feuillets du livre étaient sans écriture, tout emplis de belles figures enluminées contenant des symboles. Nicolas Flamel racontait comment il avait réussi à décrypter le livre. Il raconta ce qu'il avait fait grâce à l'or obtenu. Il avait fondé 14 hôpitaux à Paris. Il avait fait bâtir trois chapelles et réparer 7 églises. Il avait fait peindre la quatrième arche d'un cimetière des innocents entrant par la grande porte de la rue Saint-Denis en s'inspirant de ce qu'il avait trouvé dans le livre d'Abraham. Nicolas Flamel avait lui-même et préparer sa pierre tombale sur lequel il avait rédigé : feu Nicolas Flamel, jadis écrivain a laissé par testament à l'oeuvre de cette église certaines rentes pour faire service divin et distribution d'argent par aumône… Soit prié pour les trépassés.

Il mourut le 22 mars 1417.

Épilogue.

Le derviche de brousse, la tête de verre et la maison démolie.

Le manuscrit des vieillards s'arrêtait là. Ces quelques notes prouvaient qu'il voulait probablement donner une suite à son ouvrage. Il avait soigneusement recopié quelques pages d'un récit de Paul Lucas affirmant que Nicolas Flamel vivait encore au XVIIe siècle en Turquie, comme derviche. Il aurait fui après avoir fait croire à sa mort et à celle de sa femme. On avait cru voir encore Nicolas Flamel. Il était capable de changer ce qu'il voulait en n'importe quel métal ou même en verre. Il changea la tête d'un incrédule en verre. Cet  incrédule s'était promené près de chez Nicolas Flamel le dimanche avant celui de Pâques fleuries. Il avait été conduit les yeux bandés dans un endroit secret et avait pu rencontrer l'alchimiste. Après lui avoir rendu son aspect normal, Flamel enseigna ses secrets à cet homme.

Il ne reste plus rien des fondations élevées par Nicolas Flamel. Les figures hiéroglyphiques du charnier des Innocents avaient disparu lorsque l'église Saint-Jacques-la-Boucherie fut démolie en 1797. Pendant deux ou trois siècles la maison de Nicolas Flamel fut visitée, fouillée par de savants adeptes qui émiettèrent vers les murs, soulevèrent les planchers, cherchant le grimoire et le magistère cachés sans doute par le vieil alchimiste et ils passèrent à côté d'une fiole qu'ils ne regardèrent pas et que ramassa une femme ignorante.

Elle emporta ce flacon dans sa cuisine, le débarrassa des toiles d'araignée qui le recouvraient, le frotta en bonne ménagère qu'elle était et vida au ruisseau la poudre qu'il contenait, sans se douter qu'elle venait d'anéantir le magique secret que les hommes avaient cherché depuis le commencement du monde et qui est peut-être à jamais perdu !

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