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Humanisme : le Contrat social
13 juillet 2024

Histoires d'automates IV

Maintenant, écoutez le seigneur (Algis Budrys)

L'immeuble abritait des bureaux. Il avait été au autrefois un hôtel et, à l'époque, un célèbre architecte marié avait tué d'un coup de revolver un médecin mondain dans le grand vestibule. Walter Keneally était assis dans un bureau dont la porte était numérotée. Sur ses étagères étaient posés de nombreux livres ainsi que des registres. Du matin au soir, il communiquait avec les capitales du monde entier. Quand il ne téléphonait pas, il restait courbé sur une vieille machine à écrire. Il tapait de nouvelles instructions et de nouveaux renseignements qu'il envoyait dans le monde entier. Il se rendait à la poste une fois par semaine pour acheter des timbres. Le soir, il regagnait sa chambre de la 12e rue. Un jour, un inconnu entra dans son bureau. L'inconnu le transperça d'une longue lame d'acier qu'il avait cachée dans un parapluie. L'inconnu s'appelait Amos Onsott. Il était membre de la Ligue pour l'Instauration d'un Langage Universel. Cette ligue possédait des centaines de membres travers le monde. Keneally était immobilisé sur son siège à cause de la lame. Amos avait remarqué que Keneally et ses acolytes ne se comportaient pas comme des êtres humains. Ils ne mangeaient pas et ne dormaient pas. Amos voulait infliger à l'organisation de Keneally une défaite qui obligerait les survivants à réfléchir à deux fois avant de s'ingérer dans les affaires de la race humaine. Comme Keneally et ses acolytes ne laissaient pas de traces de sang après avoir été attaqués, cela garantissait à Amos et les siens la garantie de ne pas être accusé de meurtre. Keneally demanda à Amos ce qu'il avait fait pour éveiller son humanité. Amos répondit que Keneally était un robot contrôlé par des intelligences évoluant dans l'espace extérieur avec lesquels il communiquait de façon télépathique. Amos pensait que Keneally était le chef d'une organisation internationale de robots exerçant une influence sur les affaires humaines. Les robots étaient déguisés en humain pour s'insinuer dans tous les grands organismes et jouer un rôle sur la législation et sur les finances. Les robots dirigeaient la politique nationale de tous les pays importants. À cause des robots, le monde courrait inexorablement à une guerre exterminatrice. La troisième guerre mondiale avait commencé le 12 août 1958 et s'était terminée le 15 septembre. Toutes les grandes villes et installations humaines avaient été détruites. Quelques semaines plus tard, les derniers êtres vivants avaient succombé aux effets de la radioactivité. Keneally expliqua à Amos que les robots n'étaient pas contrôlés de l'extérieur et n'avaient pas besoin de communiquer avec leurs créateurs. Ils avaient été créés pour l'avenir : pour les êtres humains de l'avenir. Les peuples de l'avenir devraient savoir manipuler le temps. Il faudrait que l'humanité apprenne à construire des appareils capables d'exercer une action sur le temps. Keneally avait été créé par des humains dans le futur. Mais les humains ne pouvaient pas apporter de changement à leur propre histoire. En changeant le passé, les humains se changeraient eux-mêmes. Les robots étaient présents pour essayer d'éviter la guerre. Si les robots cessaient de travailler, la brèche qui s'était ouverte dans la ligne de vie de l'humanité en 1958 alors l'humanité aurait péri pour toujours. Keneally expliqua à Amos qu'il n'y avait rien de vivant dans ce monde à part quelques molécules organiques assemblées dans des laboratoires. Amos ne voulait pas l'écouter et continuait à l'abîmer avec son couteau. Keneally continua ses explications. Il fallait qu'il y ait une histoire parce qu'il fallait une histoire humaine. Il devait y avoir des amoureux, des nouvelles voitures, des accidents d'avion, des élections. Il devait y avoir un héritage humain intact même s'il n'y avait plus d'humains. Le niveau des radiations ne permettrait pas la vie. La surface de la Terre était devenue stérile. Les robots travaillaient à la création d'êtres humains capables de résister aux radiations pour que l'espèce humaine tisse à nouveau la trame de l'histoire. Les robots avaient remis en marche les usines et les laboratoires. Ils avaient reconstruit quelques-unes des principales villes pour qu'elles deviennent des centres de la civilisation. Quand les robots auraient reconstruit un véritable monde et sauvé l'avenir ils devraient tous disparaître. Ils n'auraient pas connu de joie ni reçu de récompense. Keneally pria Amos d'arrêter. Alors Onsott se mit à trembler de plus en plus fort et cessa de taillader l'épaule de Keneally. Il lui planta d'un seul coup le couteau dans la gorge et Keneally alerta la Ligue pour l'Instauration d'un Langage Universel. Aussitôt Onsott devint un petit paquet de vêtements suspendus à une colonne de poussière. Onsott fut remplacé par un autre homme.

 

Hilda (H. B. Hickey)

Roge songeait que Mme Williams était stupide et assez vieille pour être sa mère mais elle était riche et pouvait rapporter gros. La chemise de Roger était ouverte jusqu'au troisième bouton et Mme Williams était étroitement pressée contre sa large poitrine. C'était du tout cuit, maintenant, Roger le savait de ses nombreuses expériences et elle était mûre pour ce qu'il voudrait. Une douzaine de femmes avait déjà fait ce placement. Roger espérait devenir acteur mais jusqu'à présent les seules répliques qu'il avait jamais retenue c'étaient celles de son rituel de soupirant. La porte de sa chambre s'ouvrit tout à coup et un homme fit irruption dans la pièce. C'était le président du conseil d'administration de la Tri-Planet Mining, avec un capital de plus de 10 millions de dollars. Il était également le mari de Mme Williams. Quelque chose de gros et de brillant avec des bras en acier et un torse en alliage arracha le revolver des mains de M. Williams, ramassa également Mme Williams qui se précipitait au secours de son mari et l'emporta hors de l'appartement.

Roger dit à Hilda qu'ils étaient fauchés. Elle lui dit qu'un homme était revenu pour le loyer. Elle avait dit à l'homme que Roger n'était pas là. Roger demanda à Hilda d'aller travailler dans une usine où ils embauchaient des robots de location. Il était désolé de lui demander ça mais il n'avait pas le choix. Elle accepta. Roger savait qu'il ne s'en serait jamais sorti sans Hilda. C'était vraiment un robot femelle avec de véritables aptitudes domestiques incorporées. C'était une bonne cuisinière, une excellente blanchisseuse et elle avait la mémoire d'une femme pour toutes les petites choses. Elle avait été construite par une entreprise suédoise pour son président et Roger l'avait obtenu de la veuve du président. Ce qu'il y avait de bien avec Hild c'est qu'elle ne se suiciderait jamais et peu importe le nombre de fois où il abuserait d'elle. Elle ne le menacerait jamais de lui nuire. La seule émotion qu'un robot pouvait éprouver c'était de l'amour envers son possesseur. Roger sortit mais c'était une mauvaise nuit. La seule femme engageante qu'il rencontra était avec son mari qui la surveillait de près. Le lendemain matin, Hilda lui annonça qu'il y avait une femme qui avait téléphoné. Elle s'appelait Alice Roger s'en moquait car Alice Carter n'avait que 18 ans et n'aurait pas un seul dollar avant des années. En lisant le journal, Roger apprit que M. et Mme Williams s'étaient écrasés à bord de leur hélicoptère. M. Williams avait oublié de brancher les commandes d'altitude automatiques. Mme Williams était dans un état grave. Roger trouva dommage qu'ils ne se soient pas tués. Ou plutôt dommage que ce ne soit pas M. Williams qui soit dans un état grave. On pouvait parier qu'il allait rejeter a faute de l'accident sur Roger. Roger proposa à Hilda de partir à Paris. Alors elle préparera les valises. Comme Roger avait mal à la tête, Hilda alla lui chercher des comprimés. Puis elle lui prépara un café et lui versa une bonne rasade de cognac. C'était merveilleux à quel point Hilda pouvait savoir exactement ce que Roge voulait. Tout d'un coup, Roge se sentit beaucoup mieux et il jeta ses bras autour de la taille d'Hilda. Il lui dit qu'il l'aimait. Alors le robot lui demanda de l'embrasser. Roger fut déconcerté et grâce au cognac, il se sentait tellement bien qu'il planta réellement un baiser sur la plaque qui tenait lieu de visage à Hilda. Hilda le serra très fort et il lui demanda de s'arrêter. Mais elle prétendit que c'était la force de son désir. Elle le serra encore plus fort et ne le lâcha que quand il fut mort. Hilda se dirigea vers le placar ou elle prit ce qu'il fallait pour nettoyer et elle enleva les tâches sur le tapis. Après avoir rangé les affaires de nettoyage, elle retourna dans la cuisine en annonçant à Roger qu'elle allait lui faire du café.

 

Rotomation (Michael G. Coney)

 

Le narrateur s'inquiétait pour deux bateaux qui lui avaient été affectés pour son Plein Temps actuel à cause de l'orage. Il les avait loués avec son bon argent. Il se sentit réconforté à la pensée de la grotte de pacotille qu'Ewell avait construite un peu plus loin. Le lendemain matin, l'orage s'était éloigné. Le narrateur laissa Sylvia faire la vaisselle et partit se promener les façades des bâtiments de Pentreath avaient été restaurées. Les moindres détails avaient été reproduits d'après photos. Bien entendu presque tout était du toc.

Mais la boutique du narrateur était bien authentique. Il l'avait appelée La Cache aux trésors. C'était un salon de thé où on pouvait trouver des cadeaux. Sa boutique occupait un bâtiment qui se dressait depuis des siècles sur le port de Pentreath. Le narrateur avait commencé par louer la Cache et pendant des années de Plein Temps successives, il y venait avec Sylvia pour travailler sans relâche. Au bout de quatre ans entrecoupés de huit années de Végétativité pendant lesquelles il s'appliquait à faire des économies, il put acheter l'affaire. À présent, sa vie était assurée. En période de Végétativité, il donnait la Cache en gérance et le revenu lui permettait d'envoyer son télécorps et celui de Sylvia partout où ils le désiraient pour égayer leur inaction forcée. Mais le narrateur et Sylvia partaient rarement ensemble. L'hiver dernier, il avait fait modifier son télécorps pour le ski et avait pu profiter des sports d'hiver à Saint-Moritz et, tout en étant confortablement installé dans la sécurité de son armoire d'acier au centre de Végétativité . Sylvia avait préféré se faire retransmettre les fêtes de Noël au centre. Son corps était resté à bavarder avec les autres machines représentants les membres de la Rotomation n° 1 trop pauvres pour télévoyager. Le narrateur ne comprenait pas pourquoi Sylvia appréciait tant la compagnie des autres. Le narrateur se rendit à la grotte d'Ewell. Ewell s'affairait sans grande efficacité à pousser dehors les vagues et les dépôt d'eau boueuse accumulée à l'entrée de sa boutique. Il demanda au narrateur si Sylvia pourrait l'aider. M. Green, le narrateur, ne répondit pas. La boutique était sans dessus dessous. L'orage avait entraîné à l'intérieur des feuilles et des brindilles en soufflant à travers un trou béant dans une des parois. La grotte d'Ewell était une construction provisoire démontée à la fin de chaque année de Plein Temps puis entreposée quelque part pendant les deux années de Végétativité. Cela permettait d'éviter de payer les taxes locales sur le site. M. Green trouvait cela irritant. Il pensait que les gens comme Ewell étaient des parasites vivant aux dépens de crédules télétouristes. Sylvia arriva. Elle constata les dégâts. Ewell espérait son aide. Il lui annonça qu'elle allait prendre les outils pour les voiles et recoudre la toile pendant que John aiderait à nettoyer la boutique. John Green en fut irrité. Ce n'était pas la première fois que Sylvia le portait volontaire pour venir à l'aide d'un concurrent sans lui demander son avis. John et Sylvia avaient remis la boutique d'Ewell en état. Puis John alla voir les Hereford, une vingtaine de bêtes au au poil marron et au muffle blanc dans le vaste pré derrière le front de mer. La présence de ces animaux incitait les touristes à acheter la crème de Caillebotte de la vieille Angleterre que John et Sylvia vendaient. John décida de placer sur le bétail des pancartes publicitaires pour sa crème de Caillebotte. Des véhicules arrivèrent. Des écriteaux indiquaient Rotomation 1, Rotomation 2 et Rotomation 3. Les cars étaient bourrés de télétouristes. Le conducteur de Rotomation 2 sortit du coffre un robot. C'était le responsable de Rotomation 2. Son nom était Tom Lynch du centre de Végétativité de Gloucester. John se présenta et lui donna l'argent de la commission. Le robot était un télécorps, celui de Lynch. Lynch prétendit que les télétouristes faisaient ce qu'ils voulaient et sembla refuser de les emmener à la boutique de John. Il laissa l'argent que John lui avait donné volter doucement jusqu'au sol. John demanda au chauffeur du car pourquoi il utilisait encore ce genre de vieux véhicules. Le chauffeur répondit que cela faisait plus couleur locale. Autrefois, il transportait des touristes Plein Temps mais à 40 par car cela ne payait pas alors ils étaient passés au système des télécorps. Le chauffeur regrettait l'époque où il conduisait de vrais touristes avant la Rotomation car quelquefois il y avait des filles seules. Aujourd'hui, il était impossible de connaître la tête que les filles avaient avec ces télécorps qui se ressemblaient tous. On ne pouvait même pas dire leur âge. John en eut assez des souvenirs du chauffeur et s'en alla.

Charles Judd était un ami de John. Il possédait un parkin qu'il louait aux voyageurs. Il possédait un atelier de réparation de télécorps. Charles avait placardé dans le parking du côté de la mer un avis prévenant les personnes qui descendraient à la plage par le sentier de la falaise que ce serait à leurs risques et périls. Le télétouriste était d'un naturel aventureux. Il ne risquait pas grand-chose car si son corps était accidenté au cours d'une entreprise périlleuse, il ne lui en coûtait que les frais de réparation. Le télétouriste reposait toujours confortablement au centre de Végétativité recevant seulement les sensations dérivées de ses aventures excitantes par l'intermédiaire de son robot en danger. De nombreux télétouristes préféreraient se lancer dans la descente du sentier de la falaise plutôt que d'emprunter la route normale et sans danger. Charles et John secoururent deux télétouristes victime du sentier dangereux. Charles leur demanda de l'argent et ils payèrent sans sourciller. Puis John accompagna les robots au village par la route des gens raisonnables. Les robots semblaient financièrement à l'aise et il en profita pour les amener jusqu'à sa boutique. John remarqua que la plaque d'identité sur l'un des deux robot était celle d'une femme. Elle s'appelait Lucy Allbright. Le deuxième robot portait la plaque de Al. Le couple était venu pour la première fois 40 ans plus tôt. C'était le couple idéal pour John : sentimentaux et avec de l'argent à dépenser. Il présenta le couple a Sylvia. Puis il se rendit dans le salon de thé et il fut satisfait de trouver la salle pleine de télétouristes en conversation animée. Il sortit rassuré pour aller se promener sur le Front de mer jusqu'aux Armes des Contrebandiers. C'était un bar mais il était presque vide. Jack Rivers essuyait son comptoir sans conviction. John commanda une bière.

Bert Jennings, le propriétaire du bar refusa de servir de John. Il lui demanda d'attendre l'arrivée des touristes. Bert était le personnage folklorique du village et il jouait admirablement son rôle. Sa spécialité consistait à échanger des perles de philosophie et des prédictions météorologiques contre des consommations. Il racontait l'histoire du village aux télétouristes qui repartaient avec une jarre d'hydromel. John avait envisagé d'envoyer son télécorps à Pentreath pour savoir exactement ce qui s'y passait mais il y avait trop d'autres endroits à visiter alors il avait renoncé. Charles arriva et remercia John de l'avoir aidé. Parfois, John se prenait à souhaiter qu'il soit permis de changer de Rotomation car il avait envie de voir de nouvelles têtes. Charles lui apprit que Rotomation 2 avait réussi à faire baisser les prix et que Ewell vendait de la crème de Caillebotte. Cela mit John en colère. Il entra en trombe dans le salon de thé pour trouver Sylvia. Elle était en train de demander à M. Albright s'il avait connu Bert Jennings. Le couple décida d'aller le voir pour savoir si c'était bien le jeune homme qui leur avait appris à pêcher le bar. Le couple vanta les mérites du télétourisme qui avait enrayé les problèmes du manque de nourriture car en deux ans de Végétativité, un individu ne consommait que quelques litres de sérum. Les humains mangeaient normalement pendant leur année de Plein Temps. Mais cela ne constituait qu'un tiers de la population. Lucy trouvait que les télécorps étaient une excellente chose. John était tremblant de rage car il voulait être seul avec Sylvia. Le couple s'en alla. Sylvia leur avait conseillé d'aller voir la grotte de Ewell puis de se rendre chez Bert Jennings. Quand ils furent seuls, Sylvia se mit à pleurer. John lui demanda d'arrêter. Il lui reprocha son comportement mais elle ne voulait pas se conduire comme les autres requins du village. Alors il la secoua par les épaules en l'accusant d'être amoureuse d'Ewell. Elle répondit que c'était lui qu'elle aimait mais elle aurait voulu qu'il soit moins dur avec elle. Il lui reprocha d'avoir laissé Ewell vendre de la crème de Caillebotte. Puis il s'en alla en claquant la porte. John se rendit à la Grotte d'Ewell. Il fut interpellé par les télécorps de Mr. et Mrs Albright. Ils lui dirent qu'il devait être fort plaisant de vivre ici pendant son Plein Temps. Il demanda à Mr Albright quel était son métier. Il répondit qu'il travaillait dans une usine de synthèse et que c'était difficile de surveiller sans cesse les machines. Un son de trompe annonça que c'était l'heure de revenir aux cars. John les accompagna. Les Albright étaient tristes que la grotte d'Ewell ait été ravagée par le troupeau de Herefords. John leur répondit que le troupeau d'être encore énervé après l'orage de la nuit précédente. Il n'avait aucun regret au sujet de la grotte car elle était en toc et faisait baisser le standing du village. Mrs Albright demanda ce qui n'était pas en toc de leurs jours. Bert Jennings se traînait dans un bar un an sur trois à jouer son personnage alors que son télécorps allait faire du ski, piloter un avion et escalader l'Everest les deux autres années. Le vieux couple avait décidé de revenir ici dans l'espoir de retrouver le lieu qui avait été celui de leur lune de miel. L'endroit avait changé mais il était resté merveilleux. Les souvenirs fabriqués en série, la crème synthétique et les distractions locales un peu minable existaient déjà 40 ans plus tôt. John se rendit compte que le couple se tenait la main. Cela lui parut étrange de voir des télécorps unis ainsi. Mr Albright expliqua à John que la Cache avait été une auberge. Il lui suggéra l'idée de réutiliser les chambres. John répondit qu'il n'aurait pas de clients car tout le monde travaillait pendant le Plein Temps. Mais Mr Albright voulait parler des télécorps. John trouva cela ridicule. Il savait qu'il se trouvait devant un couple sentimental voulant revivre sa lune de miel entouré du maximum de détails et de souvenirs conformes à la réalité d'autrefois. Mrs Albright dit au revoir à son mari et son télécorps se replia lentement pour redevenir un cube que le conducteur glissa sur le plancher du véhicule par la porte arrière. Mr Albright se dirigea vers l'autre car. John lui demanda pourquoi il ne voyageait pas avec sa femme. Mr Albright lui expliqua que lui et sa femme avaient divorcé au bout de deux ans de mariage. La Rotomation était arrivée et on les avait placés dans des tours indifférents. Ainsi leur télécorps s'étaient retrouvés. Ils ne s'étaient pas vus en vrai depuis 40 ans. Cela donna envie à John de retrouver Sylvia et le soleil couchant devait être encore fort car ses yeux le brûlaient.

 

Quand meurent les rêveurs (Lester del Rey).

 

L'esprit de Jorgen se propageait au long des nerfs engourdis. Il se replia l'esprit dans un effort pour retrouver la léthargie prénatale qui l'avait si longtemps écrasé. Le froid battait peu à peu en retraite pour faire place à de pénibles lancinements qui s'espaçaient à leur tour. Puis ses idées s'éclaircirent lui permettant de se rappeler des bribes de ce qui s'était passé. Il y avait eu la conquête de la Lune et une courageuse mais unique en tentative sur Mars. Les chantiers avaient entrepris de construire un nouveau vaisseau plus vaste qui serait mû par le système original de libération d'énergie qu'il avait lui-même inventé. Cependant quelque chose encore lui échappait et c'était plus important que le grand vaisseau. Jorgen sentit de l'adrénaline dans sa poitrine et comprit que plusieurs personnes étaient autour de lui pour s'efforcer de le réveiller. Alors, il se rappela que l'homme avait disparu à cause d'une bactérie mutante d'origine inconnue. En quelques semaines, le fléau avait envahi la terre entière et en quelques mois les humains avaient disparu. Seul demeurait le docteur Craig qui avait forcé les mourants à terminer l'aménagement du grand vaisseau de Jorgen. Il avait emmené cinq robots Thoradson sur Mars. Mais sur Mars, le fléau était arrivé avant eux. Vénus était inhabitable. Il ne restait que les étoiles. Dans la nef, autour de lui, reposait tout ce qui restait de la race humaine. Les cinq robots restaient patiemment autour de lui mais il n'y avait personne d'autre. Les robots étaient incapables d'expression faciale et pourtant leur attitude corporelle paraissait trahir un sentiment d'incertitude et de malaise. Il demanda au robot numéro cinq s'il l'avait réveillé parce qu'il avait trouvé un soleil avec des planètes. Le robot acquiesça. Il avait fallu 90 années de recherche. Les robots numéro trois et cinq aidèrent Jorgen à se lever et à s'habiller. Ils suivirent la longue coursive centrale du bâtiment. Ils atteignirent le poste de commande. Jorgen regarda les étoiles et les petites canettes qui étaient très loin. Il y en avait cinq qui avaient les dimensions de la Terre. Jorgen compta 18 planètes. Les robots lui apprirent que quatre planètes étaient habitables. Les robots avaient décelé la présence de l'oxygène et de l'eau sur ces planètes. Enfin, ils avaient découvert une végétation sur une planète.

Jorgen fit agrandir l'image de cette planète et découvrit des ressemblances avec la Terre. Le robot numéro cinq lui indiqua un continent allongé où la température était aux environs de celle des régions rurales du centre de l'Amérique du Nord. Mars avait été sombre et inhospitalière. Cette planète leur serait une mère ouvrant les bras à des enfants adoptifs.  Borgen regarda les robots en songeant que Thoradson avait une raison de copier un modèle doué de tant de facultés d'adaptation et d'allure anthropomorphe. Les robots ne me seraient que six pieds de haut. C'était en raison de l'excédent de poids énorme qu'il fallait réduire pour les voyages. Les robots avaient servi à la protection et à la conservation de tout ce qui subsistait de l'espèce humaine. Pendant 90 années de recherche, ils avaient accompli ce qu'aucun homme n'aurait même pu tenter. Borgen avait été plongé dans le sommeil pour ne pas dire durant le voyage. Il ordonna au robot numéro cinq de l'accompagner pour aller réveiller le docteur Craig. Le robot numéro cinq fut contraint de lui annoncer la mort du docteur Craig. C'était le docteur Craig qui avait envisagé l'évasion à bord de ce vaisseau après l'échec sur Mars. À présent, c'était à Borgen de prendre le commandement. Il demanda au robot numéro cinq de réveiller tous les autres humains. Le robot numéro cinq l'emmena dans une chambre où se trouvait le corps d'Anna Holt, recouvert d'un drap blanc. Elle était morte à cause du Fléau. Sa peau était hideusement marquée de taches brunes de forme irrégulière. Le fléau s'était propagé loin des sources de l'infection. Le robot numéro 5 informa Borgen que tous les humains étaient morts. Le fléau s'était propagé lentement, retenu par le froid, mais il avait emporté tous les êtres humains. Les robots avaient réveillé le docteur Craig pour l'informer de la présence du fléau dans le vaisseau. Le docteur savait que la maladie avait déjà été rencontrée sur Mars. Il avait gardé l'espoir dans les vertus d'un sérum qui avait été injecté à Borgen. Puis il avait mis à l'essai d'autres sérums. Les recherches avaient duré 20 ans et pendant ce temps-là les humains mouraient lentement. Le docteur Craig avait réagi au premier sérum et Borgen au troisième. Mais le docteur Craig était mort deux jours plus tôt. Borgen était lui aussi atteint par la maladie. Le robot numéro cinq lui expliqua que le sérum avait ralenti le Fléau et qu'il pourrait peut-être vivre encore une trentaine d'années. Le docteur Craig avait vécu 20 ans avec la maladie. Il était mort d'une attaque et non du Fléau. Intellectuellement, la race humaine était éteinte ; sur le plan de l'émotion elle ne pourrait jamais prendre fin. Le robot numéro cinq invita Borgen à consulter les notes du docteur Craig dans son laboratoire. Le robot l'y emmena. Le compte rendu des inutiles travaux du docteur Craig défila sous les yeux de Borgen. Le docteur avait écrit : « il se peut que les rêveurs et leur progéniture meurent, mais le rêve ne peut pas mourir. C'est ma foi et j'y reste attaché. Je n'ai pas d'autres espérances à offrir à l'avenir inconnu ». Borgen savait que le rêve pouvait mourir puisqu'il était le dernier des rêveurs. Tous les rêves d'un millier de générations s'étaient centrés sur Anna Holt, et ils avaient disparu avec elle. Borgen demanda au robot numéro cinq de lui faire entendre le message que le docteur avait enregistré avant de mourir. Borgen entendit la voix du docteur que l'âge et l'épuisement avait rendue rauque. Le docteur avait dit : « les rêves peuvent continuer. La première analyse de Thoradson… ». Borgen demanda au robot quelle était la première analyse de Thoradson. Le robot répondit que cette analyse portait sur le sentiment d'individualité. Thoradson pensait que la réussite dans le domaine de la robotique reposait sur la capacité d'analyser puis de synthétiser cette notion. Le robot lui offrit des comprimés pour dormir et Borgen les avala. Le robot le conduisit dans une chambre de repos. Quand il se réveilla, il n'éprouva ni chagrin ni douleur, seulement un vague sentiment que la fin de l'humanité était arrivée bien longtemps auparavant et qu'il y était maintenant habitué. Borgen sa meilleure et se rendit au poste d'observation. Les robots n'étaient pas des hommes mais ils étaient les derniers compagnons qui lui restaient et il ne désirait nullement rester seul. Le vaisseau n'allait plus tarder à atterrir. Borgen aperçut des montagnes et un fleuve.

Il distingua les contours d'un immense port naturel. Il n'y avait aucune trace de ville. Le vaisseau se posa. Le robot numéro cinq annonça qu'il n'y avait aucune trace d'intelligence sur cette planète. Le robo lui annonça qu'il y avait de l'oxygène et qu'il pourrait sortir s'il le souhaitait.

 

Borgen sortit. C'était un monde pour les rêveurs et il ne voulait plus d'autres rêves que ce qui lui viendrait du noir opium de l'oubli il voyait autour de lui trop de choses qui lui rappelaient ce qui aurait pu être. Mieux valait regagner le bord et reprendre avec le vaisseau la quête sans but.

Les morts remontèrent à sa mémoire et la flamme s'éteignit. Il était envahi par l'émotion. Thoradson avait raison. Les rêves ne pouvaient pas mourir. Thoradson avait étudié la sémantique du pronom singulier à la première personne et établit ses constructions ultérieures sur les résultats de cette étude. Quand le dernier rêveur mourrait, le rêve se poursuivrait parce qu'il était plus fort que ceux qui l'avaient créé. Le robot numéro cinq lui avait dit que le rêve était beau et il ne regrettait pas d'avoir fait ce rêve.

Ainsi le robot avait fait le même rêve que Borgen. C'était donc les robots qui allaient créer une ville. Craig l'avait compris lui aussi. Mais le robot numéro cinq pensait que ce serait un monde de solitude rempli des souvenirs de la race humaine et les rêves que les robots pourraient faire seraient stériles pour eux. Alors Borgen annonça au robot qu'il allait partir sans eux. L'espèce humaine serait ainsi oubliée comme si elle n'avait jamais existé et les robots seraient débarrassés de tous souvenirs se rapportant à elle. Les robots pourraient prendre un nouveau départ. C'était le dernier ordre de Borgen. Il avait accompli sa tâche jusqu'au bout. Le robot numéro cinq avait conservé une carte pouvant lui donner la direction de la Terre. Bien du temps passerait avant que les derniers vestiges disparaissent et les robots seraient encore en mesure de trouver une solution au problème de leur origine.

Borgen quitta la planète en laissant cinq petits hommes étendus sur le sable, cinq petits hommes de métal et un rêve !

 

Renaître (Milton A. Rothman).

 

Onestone fut soulevé la tête en bas vers le plafond par une vingtaine de mains. Il trouva cela fantastique et demeura immobile pendant quelques instants. Jay Foreman lui dit qu'il pouvait leur faire confiance et que son poids ne les avait pas empêchés de le porter. Onestone demanda qu'arriverait-il quand il aurait quitté le groupe. Il pensait qu'à l'extérieur en continuerait de le haïr. Jeannie trouvait Onestone exaspérant car il compliquait toujours tout. Bill-le-poilu trouvait que Onestone faisait des progrès dans l'expression de ses sentiments. Jay Foreman proposa à Onestone de participer à un psychodrame. Onestone serait le fils de Bill. Il accepta. Cela lui permit de comprendre qu'il ne pensait qu'à sa tête. Bill-le-poilu lui reprocha de ne jamais penser à son corps. Il ne connaissait même pas sa force. Alors Bill-le-chauve lui expliqua que les humains se comparaient toujours les uns aux autres. Les humains se mettaient toujours à l'épreuve. Onestone était dans ce groupe pour résoudre le problème de son manque d'agressivité et celui de son incapacité à ressentir la colère. Jay proposa de faire un bras de fer avec Bill-le-chauve. Onestone accepta. Même s'il était conditionné à ne jamais éprouver d'hostilité envers les humains. Il fallait qu'il apprenne à éprouver des émotions humaines. Quand Bill-le-chauve l'insultant pour le provoquer, Onestone se rebiffa. Quelque part en lui une douleur sourde irradiait. La violence soudaine de l'attaque surprit Onestone. Lors du combat, il sentit des émotions nouvelles et étranges bouillir en lui. Il ressentit de la colère et la ferme intention de triompher. Il gagna le bras de fer. Il ressentit la joie de remporter une épreuve et la tristesse pour le perdant. Ces nouvelles sensations le perturbaient car cela n'avait rien à voir avec la résolution des exercices de logique. Mais c'était captivant. Marian, une jeune fille de 18 ans fut secouée par une crise de larmes. Elle était émue de voir Onestone éprouver une véritable émotion. Onestone fut surpris car il ne savait pas qu'on pouvait pleurer de bonheur. Les 10 membres du groupe furent parcourus par un frisson. Alors Onestone eut envie subitement de prendre Marian dans ses bras. Ils demeurèrent une longue minute serrés l'un contre l'autre. Sur un geste de Jay Foreman, le reste du groupe se dressa pour former un cercle autour du couple. Cela dura un bon moment au bout duquel ils se séparèrent à regret. Marian essuya ses larmes et Onestone fut plongé dans une profonde rêverie. Jay décida d'en rester là pour le moment car Onestone devait apprendre la signification des sentiments et des émotions. Alors le groupe se sépara pour aller à la piscine ou pour boire et fumer. Comme les réjouissances de ce genre n'étaient pas faites pour Onestone, il se dirigea dans l'obscurité vers un rocher qui surplombait l'océan pour y passer la nuit. Il réfléchit à un problème mathématique complexe auquel il travaillait depuis quelque temps déjà. Le lendemain matin, Marian vint le voir. Le robot accompagna la jeune fille au petit déjeuner. Le groupe était réuni dans un champ isolé. Un garçon maigre du nom de Ken racontait ses déboires avec ses parents. Onestone désespérait de jamais comprendre vraiment cet aspect du comportement humain. Il les regardait car ils étaient nus. Leurs différences sexuelles étaient conformes à ce qu'il avait lu. Mais il ne comprenait pas pourquoi les humains accordaient une extrême importance à la sexualité. Toute la première journée de stage avait été consacrée à la discussion des sentiments d'étrangeté, de gêne, de nervosité mais Onestone n'était parvenu que difficilement à faire preuve de la curiosité modérée que lui inspirait toute situation nouvelle. Foreman organisa un nouveau psychodrame. Cette fois Ken avait le rôle du fils et Jennie celui de la mère. Ken exprimait sa lassitude vis-à-vis de sa mère qui s'inquiétait tout le temps de sa vie sexuelle. C'est alors que se produisit le miracle qui ne manquait jamais de stupéfier Onestone lorsqu'il lui arrivait d'y assister. Ken se mit à pleurer. Onestone ne comprenait pas pourquoi la mère de Ken persistait à le rendre malheureux si elle aimait son fils. Le robot fut envahi par une confusion incompréhensible, il ressentit comme une puissante décharge électrique le long de sa colonne vertébrale. Ses yeux balayèrent frénétiquement le cercle des membres du groupe, en quête d'aide. Foreman prit les mains du robot dans les siennes pour tenter de l'apaiser. Onestone demeura assis un moment à essayer de remettre de l'ordre dans ses pensées. Il avait l'impression que ses circuits avaient été broyés par des messages contradictoires entraînant une instabilité du réseau. Jennie lui expliqua qu'il venait de pleurer. Cela surprit Foreman et Onestone et pourtant il semblait qu'elle avait raison. Onestone expliqua au groupe qu'une partie de sa mémoire était dans le coffre de sa voiture et il était en liaison radio avec elle. Il était en mesure de contacter n'importe quel central d'ordinateur de quelque importance dans le monde. Il possédait donc toute la mémoire de l'humanité. Il avait d'abord été programmé pour acquérir les connaissances en linguistique, mathématiques, sciences et histoire. Mais on ne lui avait jamais vraiment appris à entretenir de bonnes relations avec les humains. Il avait dû apprendre seul. Comme il n'avait aucun ami intime, c'était difficile. Alors il avait beaucoup lu et regardé des pièces à la télévision. Pour ne pas s'ennuyer, il avait choisi deux spécialités : la théorie du champ unifié et la nature de la conscience humaine. Mais il avait eu l'impression de commencer à devenir fou. Celui qui l'avait programmé lui avait inculqué un terrible besoin de résoudre les problèmes. Cela provoquait des pulsions quand il n'arrivait pas à trouver une solution. Cela avait renforcé son isolement. Puis un jour, la fille d'un technicien qui s'occupait de lui était venue le trouver. Marcie lui avait dit que sa solitude était préjudiciable et qu'il devait faire quelque chose pour en sortir. Elle lui conseilla une thérapie de groupe. Foreman l'interrompit dans son récit et lui expliqua que chaque être humain avait une mère ou une mère de remplacement. Il y avait également toujours un père ou quelqu'un qui en faisait fonction. Cela créait une interaction entre l'enfant et ses parents. Si cette interaction n'entrait pas en jeu au bon moment, l'enfant en souffrait toute sa vie. Le problème de Onestone c'était de ne pas avoir eu d'enfance à proprement parler et de ne jamais avoir eu de mère. Foreman proposa à Onestone d'essayer la technique appelée fantasme dirigée. Cela consistait à exprimer ses fantasmes en laissant galoper son imagination. Il fallait faire renaître le robot comme s'il avait une enfance et une mère. Jennie accepta de jouer la mère du robot. Le robot posa sa tête sur les genoux de Jennie. Foreman prit position à côté d'eux et fixa intensément le robot allongé. Il commanda le fantasme du robot en lui demandant d'imaginer se trouver suspendu dans un endroit chaud et sombre rempli d'un fluide doux. Il lui demandait d'imaginer être dans le ventre de Jennie. Pendant que le robot imaginait être un foetus, Jennie sentait le bébé remuer dans son ventre. Elle se mit à fredonner une berceuse. Le robot imaginait sa naissance. Puis Onestone fit entendre un étrange chantonnement qui s'enflamma jusqu'à devenir un vagissement entrecoupé de sanglots. Jennie le regarda et dit : « toutes les mères juives rêvent de donner naissance à un Einstein ».

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