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Humanisme : le Contrat social
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22 juillet 2025

Histoires mécaniques (Grande anthologie de la science-fiction)

Histoires mécaniques (la grande anthologie de la science-fiction).

 

Préface : demander la lune.

 

La science-fiction, au berceau, voyageait déjà dans la lune. Elle est l'objet du désir, une figure maternelle selon Freud. Ce fut longtemps un voyage à travers l'impossible. Pour Michel Butor, il suffit d'évoquer les fusées interplanétaires pour que l'interlocuteur le moins préparé comprenne immédiatement que l'on parle de science-fiction.

L'astronef est un appareil, c'est-à-dire un machin. Le machin est magique : il produit des miracles. Il tire sa force de la lune au-dessus de nos têtes et aussi du ciel nocturne où nous pouvons rejoindre en rêve l'inaccessible.

L'astronef est le machin quintessentiel, le modèle unique dont sont issus tous les autres.

La lune est stérile et inhospitalière. Où qu'ils aillent, mais on fabrique des substituts de mères qui leur servent de pseudo refuges.

Puis ils découvrent l'« artefact ». Un machin dont on ne sait rien, sauf qu'il n'est pas l'oeuvre de la nature. C'est une trace laissée par des civilisations extraterrestres intelligentes. Les accessoires bizarres deviennent des doubles de l'homme et perdent leur belle assurance. L'ordinateur se détraque. Les passagers meurent ou se résignent à évacuer l'engin en détresse.

 

Les machins ne sont pas tous égaux entre eux. Ceux qui servent au voyage sont rassurants. Les hommes se déplacent dans un espace positif où les accessoires sont à leur service. Au contraire, l'artefact et l'ordinateur de 2001, l'odyssée de l'espace sont inquiétants parce qu'ils échappent au contrôle de l'homme.

Nous pouvons nous émerveiller des machines. Nous pouvons aussi nous en inquiéter : la machine n'est plus notre machin. La modernité est porteuse de mort.

La vocation principale des machines de la science-fiction n'est pas de produire mais de communiquer. L'ordinateur réduit l'humain à des combinaisons de chiffres. L'ordinateur peut atteindre l'omniscience. Quand tous les ordinateurs du monde forment entre eux une banque de données unique. Quand ils trouveront aussi une finalité unique, ils accéderont à l'omnipotence. Le meilleur remède contre ce danger, c'est que des conflits éclatent entre les machines.

 

À l'âge de la machine, on ne trouve plus que des hommes sans qualités.

 

SOS-Médecins (Fritz Leiber).

 

La vieille dame installée sur un des bords du lit ressemblait à la momie d'une fillette récemment préparée. Elle appela la permanence pour demander un médecin. La permanence ne répondit que le médecin était parti en urgence. Il était injoignable à cause de l'orage qui brouillait les ondes courtes.

La vieille dame avait besoin de son médicament ne la permanence ne pouvait lui fournir car les hélicoptères de tous les services de transport étaient immobilisés par l'orage. La vieille dame était exaspérée par cette machine qui était programmée pour répondre à ses questions. Mais la permanence lui répondit qu'elle n'était pas une machine. C'était une femme qui s'appelait Doris et qui avait 23 ans. La vieille dame n'était pas convaincue. Elle pensait que cette machine était programmée pour posséder une biographie. La permanence lui demanda si elle avait une infirmière-robot. La vieille dame n'en voulait pas. Pour elle c'était une horreur. La vieille dame faisait un malaise cardiaque. La permanence outrepassa ses fonctions en lui demandant de se détendre, de ne faire aucun effort. La vieille dame était choquée que cette machine propose de l'aider à mourir en paix. Elle était qu'une pauvre vieille réduite à écouter une machine avant de mourir faute d'un simple comprimé.

La permanence lui reprocha de ne pas avoir de récepteur de matière couplé à son téléphone. Ce qui lui aurait permis de recevoir son comprimé. La permanence cherche à rassurer la vieille dame en lui expliquant le fonctionnement du récepteur de matière. Mais la vieille dame était outrée que l'ordinateur cherche à la contredire jusqu'à l'instant de sa mort. La permanence continuait de refuser d'être prise pour une machine. Alors pour se moquer d'elle, la vieille dame lui dit qu'elle était une jolie fille perverse. La permanence répondit qu'elle n'était pas jolie ni perverse. Elle prétendit être seule dans une cabine minuscule entourée de circuits électriques. La vieille dame continuait son ironie. Alors la permanence lui dit : je t'en prie, maman, arrête !

La vieille dame était surprise d'être devenue la mère d'une machine. Puis la permanence prétendit être malheureuse. Elle avait accepté son emploi à cause d'une chose qui lui était arrivée quand elle était petite. Sa mère avait eu une crise cardiaque et avait demandé à sa fille de lui apporter ses médicaments. Mais sa fille n'avait pas voulu parce qu'elle lui avait demandé des bonbons un peu plus tôt et que sa mère avait refusé. C'était la raison pour laquelle, après tant d'années, elle avait choisi cet emploi. Elle voulait racheter son crime.

La vieille dame pensait qu'au contraire elle voulait retrouver le plaisir malsain de voir mourir sa mère. La permanence prétendit faire son possible pour combattre ses instincts et pour aimer les gens. La vieille dame voulut lui faire peur en disant que des ciseaux sortaient de son ordinateur et se dirigeait contre la permanence. La vieille dame était persuadée qu'il s'agissait bien d'une machine car elle n'avait pas cessé de l'injurier et la permanence avait tout accepté. De plus, une femme de moins de 80 ans était imbue de sentiments démocratiques. Pourtant la permanence avait appelé la vieille dame « Madame » et non pas « citoyenne ». La permanence lui dit que son téléphone était muni d'un récepteur de matière. Alors

elle allait placer un comprimé dans l'écouteur du téléphone de la vieille dame. La vieille dame dit qu'elle était en train de mourir. La permanence la supplia. La vieille dame laissa doucement tomber le téléphone. L'orage était presque terminé. Une porte grinça et claqua en se refermant. Un homme se dirigea vers le lit où reposait la vieille dame. C'était le médecin. Et il lui annonça qu'il avait retardé l'accouchement de la fille du gouverneur dans le seul but de s'assurer que la vieille dame ne l'avait pas rayé de son testament. La vieille dame lui adressa un sourire malicieux. Elle avoua s'être mise en colère contre la petite sotte de la permanence. Il était d'accord. On ne trouvait plus que des névropathes pour ce genre de travail. Le docteur eut un haut-le-corps en regardant le téléphone. La vieille dame se mit à trembler en regardant. Un mince filet de sang sortait du petit trou du téléphone.

 

Jeu d'enfant (William Tenn).

 

Sam Weber venait de recevoir un colis qu'il n'attendait pas. Le colis portait une dédicace : joyeux Noël 2153. C'était peut-être une farce. Mais il ne connaissait personne capable d'envoyer une carte antidatée de 200 ans. Peut-être que l'un des fumistes qui suivaient les cours de droit dans sa classe avait voulu lui indiquer l'époque probable à laquelle, selon lui, Weber se verrait confier sa première affaire. Il déchira l'emballage. Il découvrit une caisse qui ne comportait pas de couvercle et pas la moindre fente. Nombre des cadeaux qu'il recevait exigeaient en retour des lettres d'appréciation. Il n'avait pas écrit à la tante Maggie pour les cravates horribles qu'elle lui avait offertes. Il avait dépensé toutes ses économies pour acheter une bague pour Tina. Il donna un coup de pied résigné à la grande caisse qu'il n'avait pas réussi à ouvrir. Et la caisse s'ouvrit. Une fente apparue à la surface supérieure. Il comprit qu'il suffisait d'ordonner à la caisse de s'ouvrir et de se fermer pour qu'elle obéisse. Alors il explora l'intérieur de la caisse. Elle contenait des fioles remplies de liquides bleus. Des pots pleins de solides rouges et des tubes transparents garnis de substance jaunes, vertes, orange, mauves. On pouvait voir également sept montages compliqués qui paraissaient avoir été conçus par des amateurs de radio. Il s'y trouvait également un livre. Les pages étaient en métal. L'ouvrage était pourtant léger. Il ouvrit le livre à la première page. C'était un mode d'emploi pour construire un homme. Il était fortement recommandé d'avoir recours aux soins d'un Contrôleur pour tous les démontages. Pour cela, il fallait contacter la société Construire un homme.

 

Dans le catalogue, on trouvait les tarifs pour les pièces supplémentaires. Il y avait 1 litre d'hémoglobine et 3 g d'enzymes assortis étaient offerts à un  tarif abordable. Une note de bas de page faisait de la réclame pour construire un Martien vivant. On pouvait construire des bébés, des êtres vivants élémentaires, des mannequins et des nouvelles formes de vie pour les loisirs. Sam jeta le livre dans la caisse et se précipita vers le miroir. Son visage n'avait pas changé. Il avait pas construit un mannequin pour son usage personnel. Il se mit à écrire fiévreusement à sa tante Maggie. Il se demanda qui pouvait bien avoir livré une telle débauche d'imagination pour monter cette plaisanterie de mauvais goût. Ce ne pouvait pas être Lew qui gardait encore quelque soupçon de respect envers la tradition de Noël. Ce ne pouvait pas être Tina dont le sens de l'humour était des plus minces. Il regarda le verso de la carte de voeux métallique. Mais rien n'était écrit. La surface vierge et dorée, c'était bien de l'or. La valeur intrinsèque de la carte excluait l'hypothèse d'une mauvaise plaisanterie. Joyeux Noël 2153. Sam se demanda où en serait l'humanité dans 200 ans. Il continua de fouiller dans la caisse. Il trouva une grande jarre grisâtre avec une étiquette collée sur son flanc : préparation de neurones déshydratés, uniquement pour construction humaine. Alors il ordonna à la caisse de se refermer. Avant de se coucher, il regretta de n'avoir pas demandé au livreur le nom de sa firme. Cela lui aurait permis de remonter à la source du cadeau incongru.

 

Le lendemain matin, Sam se demandait qui parmi ses collègues avait pu lui faire cette plaisanterie. Mais il ne surprit pas le moindre sourire en coin. Tina fit son entrée à 10 heures. Elle demanda à Lew quel travail il lui avait réservé. Théoriquement, Tina était employée par l'ensemble des sept juristes en qualité de secrétaire. Le plus clair de son travail quotidien se bornait à taper à la machine. Mais elle entretenait dans le premier tiroir de son bureau une abondante bibliothèque de magazines de mode et dans les deux autres un arsenal complet de produits de beauté. Elle passait le tiers de sa journée dans les toilettes pour échanger avec les autres secrétaires des renseignements sur le prix des accessoires féminins. Son salaire était mince mais sa vie était bien remplie.

Sam lui dicta une lettre. Il s'agissait d'une lettre pour la chambre de commerce afin de savoir si la société Construire un homme existait. Tina lui parla d'un nouveau client. Elle l'avait rencontré en arrivant le matin. C'était un vieil homme terriblement grand. Elle l'avait entendu dire : « personnalités désagrégées ou prédatoires. Jamais normales. » Tina n'avait pas trouvé cela très poli. Sam se demanda si cette visite avait une relation avec son étrange cadeau de Noël. Puis Tina lui dit qu'elle ne pouvait réveillonner avec lui, comme promis. Elle prétexta l'arrivée de sa tante préférée. Il déjeuna avec Tina et Lew. Lew prit mal la perspective de voir son tête-à-tête prévu avec Tina transformé en repas de famille. Mais Sam n'avait pas envie d'entendre son collègue parle de ses affaires en cours alors il se mit à rêvasser. Il regarda au-dehors. La plupart des magasins présentaient leurs étalages de Noël. Sam remarqua une annonce pour « Construire un homme ». Alors il sortit. Il regretta de ne pas posséder ce je ne sais quoi de poétique qui aurait pu plaire à Tina.

Rentré chez lui, il ordonna à la boîte de s'ouvrir. Il dégagea le livre de son logement provisoire et constata que l'appareil se composait principalement d'une sorte de lunette binoculaire et d'un système de tubes reposant sur une plaque verte. Il s'agissait d'un microscope électronique. Puis il sortit les autres articles. Puis il ouvrit le volume au chapitre un jardin d'enfants biochimique.

 

À neuf heures du soir, il s'accroupit devant le combiné microscope électronique-établi. Trois quarts d'heure plus tard il fabriqua son premier être vivant élémentaire. Mais il mourut au bout d'environ 20 minutes. Cependant Sam avait réussi. Il avait construit une forme de vie spécifique. Sam alla prendre son repas du soir avec l'intention bien arrêtée de s'enivrer. Mais le divin génie créateur s'empara de nouveau de lui.

 

Jamais au cours de la soirée, il ne parvint à retrouver l'exultation première qu'avait fait naître en lui l'apparition de sa première création bien qu'il parvint à construire une molécule géante de protéine et une série complète de virus. Il téléphona au bureau pour prévenir qu'il passerait la journée chez lui. Il décida de se donner congé pour le lendemain également. Il se procura un manuel de bactériologie. Il trouva amusant de construire des créatures monocellulaires. Il fabriqua quelques huîtres. Les coquilles n'étaient pas assez dures et il n'eut  pas le courage de les manger. S'il possédait assez de persévérance pour perfectionner sa technique, le problème de la nourriture se trouverait bientôt résolu pour lui.

 

Il venait de réaliser ce qui dépassait déjà les rêves les plus ambitieux des plus grands biologistes pour la génération suivante et devant lui s'ouvrait un champ immense. Dans le manuel il était indiqué que les mannequins étaient conçus pour une seule et unique fonction. Construire un mannequin susceptible d'assurer plusieurs fonctions était considéré comme un crime grave dans le manuel.

 

À trois reprises, il détruisit des monstruosités en cours de développement et il recommença. Il ne termina son premier mannequin que dans l'après-midi du dimanche. Mais le mannequin avait un bras plus court que l'autre et pas de jambes ni d'yeux, pas d'oreilles non plus. Observant son oeuvre, Sam décida que la vie pouvait être aussi laide qu'une latrine de campagne en plein été.

 

Alors il désassembla le mannequin. Une notice était collée sur le grand désassembleur. L'appareil ne pouvait être employé que sous la surveillance directe d'un contrôleur. Sam décida de s'en passer. Cinq minutes plus tard, le mannequin était une masse visqueuse répandue sur son lit. Alors il comprit qu'un contrôleur était vraiment nécessaire. Il devrait passer la nuit sur le plancher. Les draps étaient souillés.

 

Le lendemain, au travail, Sam sentait sur lui les regards intrigués de Tina et de Lew. Il se demanda ce qu'ils penseraient de lui, s'ils savaient. Il prétendit qu'il était en train d'écrire un livre. Lew lui annonça qu'il avait proposé à Tina de réveillonner avec lui et qu'elle avait accepté. Tina voulut savoir l'objet de son absence alors il lui dit qu'il avait été très occupé par quelque chose d'entièrement nouveau et important. Sam regarda le courrier. Il y avait lettre qui n'était pas une facture ni une publicité. C'était la réponse de la chambre du commerce lui annonçant qu'aucune société portant le nom de construire un homme n'existait. Sam comprit qu'il ne pourrait donc pas se procurer le réassortiment dont il avait besoin. Il se demanda si le paquet qu'il avait reçu s'était égaré en changeant de dimension. Pourtant la notice du manuel était en anglais. Le fait d'avoir été le destinataire du paquet impliquait peut-être un objectif bénéfique ou non. Tina lui proposa de réveillonner avec lui. Elle trouverait un prétexte pour annuler avec Lew. Il refusa prétextant qu'il n'avait pas les moyens de dîner avec elle à la Cigale. Il ajouta qu'elle formait avec Lew un couple infiniment mieux assorti. Lew la voulait.

 

Sam trouvait que Tina n'avait rien de spécial ; elle ne possédait aucune culture et n'était pas intellectuellement son égale. La nuit suivante, Sam se demanda s'il pourrait dédoubler Tina en feuilletant les chapitres du manuel intitulé Comment vous dédoubler vous-même et vos amis. Mais il restait l'horrible l'éventualité d'une erreur. Il imaginait avec terreur une Tina physiquement dissymétrique qu'il ne se résoudrait jamais à désassembler. De plus le manuel indiquait que le double ne pourrait jamais atteindre la maturité de son créateur. Et il n'aurait pas la même stabilité mentale. Le double ne pourrait donc jamais être accepté comme un membre valable et responsable de la société.

 

On frappa à la porte. C'était la propriétaire. Elle lui demanda pourquoi il avait fermé la porte pendant toute la semaine. Il répondit qu'il voulait ne laisser entrer personne. Il avait besoin de rester chez lui pour effectuer d'importants travaux juridiques. La propriétaire portait une belle robe. Il lui demanda où elle comptait réveillonner. Elle répondit qu'elle avait prévu d'aller chez sa soeur et son mari. Malheureusement la jeune fille qui devait venir regarder le bébé de sa soeur venait de se décommander. Sam accepta de dépanner Mme Lipanti. Il se souvint du chapitre IV du manuel sur les bébés et autres humains de taille réduite. Il ne se sentait pas le courage de risquer quelque monstrueuse erreurs sur un humain en réduction. Mais le dédoublement était en principe une opération moins difficile. La soeur de Mme Lipanti lui fit des recommandations inquiètes. Sam rassura la mère. Mme Lipanti révéla à Sam qu'un vieil homme était venu le demander dans l'après-midi. Mais l'homme s'était trompé de nom il avait dit Weaver au lieu de Weber alors la propriétaire lui avait dit qu'elle n'avait personne sous ce nom dans son immeuble. Le vieil homme était parti sans même dire au revoir.

 

Sam trouvait curieux que l'image de l'homme décrit par les deux femmes soit aussi précise. Le vieil homme était au courant du congé de Sam. Apparemment, il ne tenait pas à le rencontrer avant d'avoir établi son identité. C'était donc une mentalité de juriste. Mais tant que le vieil homme ne venait pas s'adresser directement à lui, Sam ne pouvait pas faire grand chose.

 

Pendant qu’il garderait l’enfant, Sam avait décidé d'occuper son temps avec le manuel et son attirail. Il obtint ainsi une description biologique précise du bébé. Il laissa un instant l'enfant seul et retourna chez lui pour découper des sections des moules plastiques aux dimensions requises. Avant d'en avoir pris pleinement conscience, il se lança dans la construction d'un petit homme. En se basant sur les informations d'un ruban enregistré, la tâche se trouvait considérablement simplifiée. L'enfant prenait forme sous ses yeux. Il fut terminé exactement 90 minutes après avoir procédé aux mesures préliminaires. Il ne restait plus qu'à le vitaliser. Alors il mit le vitaliseur en route. L'enfant frissonna et poussa un long cri soutenu. Sam recula pour admirer son oeuvre. Il était devenu papa. Il se sentait fier. Tout était parfait jusqu'au moindre détail. Mais la copie avait fait une différence avec l'original. Ce bébé était brun alors que le bébé dont il avait la garde était blond.

 

Il plaça les deux bébés côte à côte sur le grand lit. Il y avait d'autres différences. Le double avait le pouls légèrement plus rapide. La capacité cérébrale du double était quelque peu supérieure à l'original. Sam n'avait pas réussi une copie conforme. Il ne pouvait pas savoir si l'enfant qu'il avait fabriqué serait capable d'acquérir une maturité humaine. Il serait bientôt minuit. Il fallait faire disparaître toute trace révélatrice de sa création. Il alla chercher une vieille nappe et un carton chez lui pour envelopper le double et il le plaça dans le carton. Les deux bébés gloussaient en même temps. Alors Sam porta le double jusqu'aux Enfants trouvés. Il écrivit une note sur le carton pour faire croire que c'était une femme qui avait déposé le bébé. Il sonna et s'en alla quand il entendit des pas provenant de l'intérieur. Ce n'est qu'en rentrant chez lui qu'il se souvint du nombril. Le double n'avait pas de nombril ! La chose ferait probablement scandale dans la maison des Enfants trouvés.

 

Le bureau était fort calme en ce lendemain du nouvel an. Tina portait à l'annulaire de la main gauche une bague qu'elle avait reçue comme cadeau à Noël. Tina voulut annoncer à Sam qu'elle allait se marier avec Lew. Mais c'est Lew qui termina la phrase. Sam trouva que Lew avait un air incertain. Sam leur dit qu'il n'était pas surpris car il trouvait qu'ils formaient un couple bien assorti. Il les félicita. Il laissa le couple après leur avoir annoncé qu'il leur préparait un cadeau de noces. Mais la propriétaire lui annonça que le vieil homme était revenu. Il avait demandé à quelle heure Sam reviendrait. Sam demanda à Mme Lipanti de faire monter le vieil homme chez lui quand il serait là. Il avait un objet qu'il détenait illégalement et il voulait le rendre à ce vieil homme. Et aussi en connaître l'origine.

 

Sam rangea soigneusement le manuel et donna l'ordre à la caisse de s'ouvrir. Il sortit avec la boîte. Il se demanda s'il avait vraiment envie de dédoubler Tina. Rien ne disait que son double n'exigerait pas d'épouser Lew. Mais cette échéance était encore lointaine. L'expérience pouvait fort bien s'avérer amusante. L'éventualité d'une erreur était plus inquiétante. Son expérience avec la nièce de Mme Lipanti avait montré qu'il ne dépassait guère le niveau d'un honnête amateur. Il savait qu'il ne pourrait jamais se résoudre à désassembler Tina si jamais elle s'avérait défectueuse. Il savait que l'étrange vieillard lui rentrait visite le soir même. Ses expériences risquaient donc de se trouver brutalement interrompues. Pour que son expérience fut valable, il était nécessaire qu'elle fut tentée sur un individu qu'il connaissait aussi bien que lui-même. Alors il songea à se dédoubler lui-même. Il n'éprouverait aucun scrupule à désassembler un Sam Weber superfétatoire. L'opération consistant à se dédoubler soi-même lui fournirait le tour de main nécessaire sur un matériau familier. Il pourrait s'arranger pour être absent au moment de la visite du vieillard. L'avenir se présentait sous les meilleurs auspices.

 

Lew lui demanda ce qu'il y avait dans sa boîte. Sam répondait que c'était une sorte d'instrument de mesure. Il en avait besoin pour offrir le cadeau de noces qu'il méditait. Puis il demanda à Tina de l'accompagner dans le couloir. Il demanda à Tina aller aux toilettes. Elle devrait se déshabiller. Puis il lui expliqua comment se servir du biocalibreur. Elle obéit. Elle revint un quart d'heure plus tard. Elle était intriguée par les informations qu'elle avait lues sur la bande. Sam s'assura qu'elle s'était servie correctement de l'instrument. Elle demanda à Sam de l'aider à se cultiver. Il remarqua l'expression d'incertitude désespérée qu'elle avait prise pour le regarder. Il la rassura en disant qu'elle serait heureuse avec Lew.

 

Il retourna chez lui. Il enregistra un nouveau ruban sur lui-même. Puis il donna l'ordre à la boîte de s'ouvrir et fut prêt à se mettre au travail. Il fallait bouillir de l'eau pour que celle-ci soit pure. Il consulta les chapitres du manuel qui traitaient de la fabrication et du désassemblage d'un homme. Il était écrit : « les humains construits à l'aide de cette panoplie posséderont, au mieux, la plupart des tendances superstitieuses et des dispositions à la névrose de l'humanité médiévale. Dans l'ensemble, ils ne sont jamais normaux ; ayez toujours grand soin de ne jamais les considérer comme tels ». Il entreprit de se dédoubler.

Il ne se sentait ni impressionné ni exalté. Il avait l'impression de bricoler un poste de radio. Il s'assurera que le grand désassembleur se trouvait près de lui et mit en marche le vitaliseur. Quand son double s'éveilla, il s'empara du désassembleur pour le détruire. Samu en resta bouche bée. Il n'aurait jamais pu imaginer que son double puisse faire son entrée dans la vie avec autant de virulence. Il dit à son double qu'il était trop instable pour être admis dans une société composée de gens normaux. Mais son double répondit que lui-même se traînait lamentablement dans sa vie d'adulte et ne pensait qu'à épouser une prétentieuse collection d'impulsions biologiques. Son double savait qu'il ne restait plus assez d'ingrédients pour faire une copie de Tina. Il possédait assez des goûts et des dégoûts de Sam pour pouvoir conquérir Tina. Mme Lipanti annonça à Sam que le vieil homme était arrivé. Sam lui demanda de le dire au vieillard qu'il était parti depuis une heure. Le double s'habilla avec les vêtements de Sam. Des pas lourds résonnèrent dans le couloir. Ils s'arrêtèrent devant la porte. Sam et son double se retournèrent à temps pour voir un vieil homme terriblement grand qui franchissait les restes carbonisés de la porte. Instinctivement, Sam et son double se rapprochèrent l'un de l'autre. Le vieil homme annonça qu'il était contraint de procéder à une déplaisante remise en état. Le double demanda au vieil homme de décliner son identité. Le vieil homme annonça qu'il était le contrôleur. Il expliqua que la panoplie de Sam était destinée aux enfants Threganders qui était en train d'exécuter une randonnée dans cet oblong. Un des randonneurs avait demandé une panoplie au moment de passer en supranormal. Ce qui expliquait pourquoi Sam avait reçu le colis. Le contrôleur allait donc récupérer la panoplie et rajuster toutes les solutions de continuité qu'elle avait provoquées. Une fois que le mal serait réparé, Sam pourrait reprendre sa fille normale. Mais il restait un problème : lequel d'entre eux était le Sam Weber original. Alors le double demanda au contrôleur de décider lui-même le contrôleur étudia soigneusement les deux hommes. Puis il décida de désassembler Sam qui mourut dans un gargouillement liquide. Le double poussa un long soupir en détournant son regard. Le contrôleur expliqua au double que ce n'était pas la panoplie en elle-même qu'il redoutait de laisser entre les mains des humains mais le principe sur lequel elle reposait. La civilisation humaine n'était pas prête à le recevoir. Le double comprenait parfaitement et il passa autour de son cou la cravate bleue et rouge de Tante Maggie.

 

Quand les mythes sont repartis (Robert Silverberg).

 

En ce temps-là, nous évoquions les grands personnages du passé pour voir ce qu'ils avaient été en réalité. C'était à peu près entre 12 400 et 12 450. Nous avions réuni Freud, Marx et Lénine dans une même pièce pour les laisser converser. 10 000 ans d'histoire furent explorés. Au bout d'un demi-siècle, le jeu commença à lasser ceux qui le pratiquaient. Alors, on s'intéressa aux personnages mythiques, dieux et héros.

 

C'était le tour du narrateur de s'occuper comme curateur du Palais de l'Homme, où l'on construisait la machine. Le constructeur s'appelait Léor. Il avait déjà fabriqué les machines à évoquer les gens qui avaient réellement existé. Aussi ne douta-t-il pas un seul instant de sa réussite. La machine couvrait tout le Pavillon de l'Espoir. En l'an 12 570, Léor annonça qu'il était prêt à mettre la machine en fonctionnement. La météorologie la plus favorable fut organisée. Quelques lunes furent expédiées dans le ciel pour écrire le nom de Léor. Les gens vinrent de toute la Terre. Le comité des conseillers littéraires discuta avec Léor de la succession des réjouissances. On fixa un jour pour la première démonstration et le ciel ne fut teinté de mauve pour l'effet. La plupart des gens revêtirent leurs plus jeunes corps bien que certains manifestèrent le désir de paraître dans toute leur maturité en présence des personnages fabuleux sortis de l'aube des temps. Le président Peng fit son habituelle allocution. Le maître des cérémonies désigna le narrateur. Il s'avança pour expliquer ce qui allait se passer. Les gens allaient pouvoir voir les dieux et les héros qui symbolisaient les causes et les effets, les forces organisatrices autour desquelles les cultures pouvaient se cristalliser.

 

Léor expliqua que certains des êtres qui allaient apparaître étaient purement imaginaires. Mais certains avaient été des êtres humains bien réels. Ils furent transfigurés pour prendre place dans le Panthéon. Léon annonça au public que les les personnages humains seraient enveloppés d'une légère aura, d'une ombre. Il retourna dans sa machine. Soudain un homme nu apparu, clignant des paupières et regardant autour de lui. C'était Adam, le premier de tous les hommes. Il traversa la scène pour s'adresser au président Peng. Adam demandait pourquoi il était nu. Il trouvait que c'était mal. Le narrateur lui expliqua que c'était par respect de l'authenticité. Puis ce fut Eve qui apparut. Elle était également nue mais ses seins étaient dissimulés par ses cheveux. Adam se précipita vers elle en criant : « couvre-toi ! ».

Eve ne comprenait pas pourquoi. Elle constata que le public était également nu alors elle en conclut qu'ils se trouvaient à nouveau dans le jardin d'Éden. Adam lui avait compris qu'il s'agissait du monde de leurs lointains descendants. Adam et Eve étaient entourés de l'aura sombre qui trahissait leur humanité. Le narrateur en fut surpris car il doutait de l'existence de Adam et Eve. Tout à coup, Pan, le monstre semi humain apparut. Lui aussi portait l'aura. Il se rua dans le public et emporta une femme vers un bosquet. Léor fit venir Hector et Achille, Orphée et Persée. Il évoqua aussi Ulysse et Oedipe. Tous les personnages de l'Iliade furent convoqués. Les autres religions ne furent pas oubliées. Les créatures mythiques se bousculaient en arrivant sur la scène avant de déborder dans la plaine. Les anciens ennemis bavardaient entre eux et les membres de même Panthéons s'embrassaient. Les héros choisissaient des femmes et les monstres s'efforçaient de paraître moins monstrueux. Les dieux cherchaient des adorateurs.

 

Léor sortit de sa machine plusieurs saints ainsi que les Furies, les Harpies, les  Parques. Il était romantique et ne savait pas se modérer. Tous ceux qui vinrent portaient l'aura humaine. Les habitants de la terre des années 12 000 se laissaient facilement distraire pour tomber dans l'ennui. Des gens regagnèrent leur domicile. Quand Galilée apparut, le narrateur demanda à Léor qui était cet homme à un informateur du palais. On lui expliqua que c'était un humain à qui on attribuait la découverte des étoiles et qui avait été déifié par les religieux conservateurs. D'autres dieux de la science apparurent : Newton et Einstein, Copernic, Oppenheimer, Freud. Ils ne ressemblaient en rien aux personnages réels. Ils avaient une stature trois fois supérieure à celle de l'humain et des éclairs se jouaient autour de leur front. Ainsi Abraham Lincoln était devenu l'ancien dieu de l'émancipation. John Kennedy était devenu l'ancien dieu de la jeunesse. Les dieux et les héros étaient parmi la foule. Une saison de réjouissances pouvait commencer. Thésée cherchait à se loger avec le Minotaure tandis qu'Agamemnon se réconcilia avec Clytemnestre. Le narrateur bavarda un moment avec John Kennedy. Il était bouleversé de se trouver là. Il ne considérait pas être un mythe. Il était le dernier mythe sorti de la machine. Comme si les hommes avaient arrêté de fabriquer des mythes après le XXe siècle. Kennedy semblait incrédule quand le narrateur lui expliqua que les mythes n'étaient plus devenus nécessaires. Il ne pouvait pas croire que les hommes étaient devenus des dieux. Alors Kennedy partit explorer ce monde. Le narrateur rencontra souvent des dieux et des héros en promenade. Il les voyait se quereller. Il s'attendait à ce genre de comportement de la part d'archétypes des temps primitifs. Dionysos remit en pratique la distillation des alcools. Il enseigna aux gens de cette époque à s'enivrer. Mais l'émerveillement passa. Les êtres mythiques commençaient à lasser les gens. Ils étaient trop nombreux et trop bruyants. Ils devinrent méchants. Cela devenait dangereux. Cela faisait 50 ans qu'ils occupaient ce monde. C'était assez.

Il fut décidé de remettre les héros et les dieux dans la machine. Malgré leur force, les héros furent les plus faciles à attraper. En leur demandant d'exécuter des grands travaux dans le Palais de l'Homme. Ainsi Léor put renvoyer Héraclès, Achille, Hector, Persée  d'où ils venaient. Les démoniaques vinrent d'eux-mêmes affirmant qu'ils s'ennuyaient dans ce monde. Il fallut saisir Ulysse par surprise car il avait pris l'apparence de Breel, secrétaire du président Peng. D'année en année la chasse aux mythes se poursuivit. La dernière à partir fut Cassandre. Elle demanda pourquoi on les avait fait venir. Et pourquoi on les renvoyait. On lui répondit que le jeu était terminé. Alors Cassandre répondit que les gens qui n'avaient pas des mythes avaient besoin d'emprunter ceux des autres. Et pas seulement pour la distraction. Qui consommerait leurs âmes dans les sombres temps à venir ? Qui soutiendrait leur courage quand les souffrances commenceraient ? Qui expliquerait les maux qui s'abattraient sur eux ? Le narrateur lui répondit que les malheurs de la Terre étaient dans le passé de la Terre et qu'il n'avait plus besoin de mythes. Cassandre sourit et s'engagea dans la machine.

Alors s'ouvrit l'ère du feu et des tourments. Les envahisseurs arrivèrent. Les survivants en appelaient aux dieux anciens et aux héros disparus. Mais la machine qui scintillait dans le Palais de l'Homme était brisée. Et son constructeur n'était plus de ce monde. Les survivants étaient seuls. Ils n'étaient plus que des esclaves.

Le regard du spectateur (Burt K. Filer).

 

L'exposition très attendue de Peter Lukas venait de s'ouvrir au musée Guggenheim. Peut-être avait-elle ébranlé un des plus anciens axiomes de l'art que la beauté réside dans le regard du spectateur. Toutes les oeuvres de Lukas avaient suscité une admiration uniforme. La plus frappante des six sculptures était Néréide. Il s'agissait à la base d'une femme abstraite portante en elle une étoile et qui semblait voguer parmi les galaxies. Elle était constituée d'un hologramme et de répliques miniatures obtenues grâce au procédé Bolger. Le docteur Osborn avait signalé l'année précédente l'existence d'une gravité zéro partielle dans les solides. Oborn avait fabriqué des objets de laboratoire dont la masse atteignait 20 kg et dont le poids mesuré était à peine de 18 kg. Paul Stoner avait décrété que le docteur Osborn devait travailler seule. Attitude typique de la CIA. Tout sacrifier à la sécurité et tant pis pour l'efficacité. Osborn ne se ménageait pas. Les six derniers mois avaient été de la folie. Elle avait beaucoup maigri. Paul était venu la voir. Il avait amené un paquet qu'il posa sur la table de laboratoire il était allé voir Lukas pour lui parler des travaux d'Osborn. L'artiste avait accepté de faire à copie miniature de Néréide. Paul fit remarquer à Osborn que la sculpture était creuse. C'était ce qu'il pensait mais après expertise aux rayons X la sculpture n'était absolument pas creuse mais en métal massif. Osborn fut obligée de constater que Lukas avait plus d'avance qu'elle. Il ne manquait pas grand-chose pour que cet objet ignore totalement la gravité. Néréide était faite de 15 kg de nickel électrolytique mais ne pesait que 4 kg. Osborn voulait obtenir tous les calculs de Lukas mais Paul lui répondit que Lukas n'était même pas allé jusqu'au bac. Elle trouva cela injuste. Elle se desséchait dans son laboratoire depuis six ans et cet artiste obtenait de meilleurs résultats sans être un scientifique. Elle finit par se calmer et demanda à Paul quels étaient les instruments qu'utilisait Lukas. Paul répondit que Lukas utilisait une cuve Bolger. Et comme il ne pouvait pas calculer, Lukas parlait directement à la cuve. Il ne restait donc plus qu'une seule approche possible : le projecteur holographique. Elle demanda à Paul de mettre la main dessus. Paul accepta.

 

Il se rendit chez Lukas pour lui rendre la statue. Puis il lui demanda s'il pouvait jeter un coup d'oeil sur le projecteur holographique dont il s'était servi pour faire Néréide. Les deux hommes se trouvaient au musée Guggenheim. La réponse de Lukas, qui tenait en un seul mot, s'entendit d'un bout du musée à l'autre. Paul s'en alla avec un sourire désabusé.

 

Il s'était attendu à ce refus dont les raisons étaient évidentes. Avec le projecteur, n'importe qui pouvait faire une réplique de Néréide, et aucune loi ne protégeait les copies faites par le procédé Bolger. Mais peut-être que l'artiste avait peur d'une analyse scientifique de son oeuvre.

 

Paul alla trouver les amis de Lukas. C'étaient des artistes pauvres. Ils étaient au moins un peu jaloux. Bref on pouvait les acheter. Paul réussit à les convaincre de cambrioler la maison de Lukas une semaine plus tard. S'ils se faisaient prendre, au pire, on croirait que c'était simplement des artistes essayant de voler des idées à un autre artiste. Personne ne se douterait que la CIA essayait de se procurer le secret de la propulsion interstellaire auprès d'un homme qui ignorait même qu'il le possédait.

 

Mais tout ne se passa pas bien. Lukas rentra chez lui plutôt que prévu. Il surprit ses amis en train d'utiliser la cuve. Peter Santini réussit à s'enfuir par la fenêtre. Une fille s'enfuyait également c'était Herkie Albright. Lukas était déçu de ne pouvoir se fier à ses amis. Santini tenait le projecteur de Néréide d'une main. Lukas cria pour le faire revenir. En vain. Alors il se lança à sa poursuite.

 

Pete et Herkie allait partir en voiture. Lukas sauta et se retrouva écartelé sur le capot. Il réussit à empoigner le pare-chocs. Herkie passa la deuxième vitesse. Mais Santini saisit Lukas par les chevilles et le balança par-dessus bord. Heureusement, Lukas n'avait rien de cassé. Il retourna chez lui. Il monta sur sa moto et partit à la poursuite de ses anciens amis. Il les rattrapa. La voiture de Santini et Herkie disparut soudain. Lukas entendit une voix d'homme criant et un bruit d'impact.. Une autre voiture s'était déjà arrêtée. Lukas put voir des policiers arriver de tous les côtés à la fois. Il reconnut Stoner, le type de la CIA qui lui avait emprunté Néréide. Il était accompagné d'une femme. Les policiers de la route se mirent au travail. Ils sortirent les corps de Santini et de Herkie de la voiture. Lukas reprocha aux policiers d'avoir provoqué l'accident. Mais les policiers eurent le culot de le frapper. Tout ça sentait la machination. Il se demandait pourquoi Stoner et cette salope décharnée assistaient au spectacle. Alors Lukas décida de ne pas dire un mot en attendant l'arrivée de Jack Adams.

 

Lukas fut accusé d'avoir provoqué l'accident. Le policier allait poursuivre mais il regarda vers le fond de la pièce et fit un signe d'assentiment. Lukas se retrouva seul avec Stoner et la femme. Paul reconnut que c'était lui qui avait mis Lukas dans ce pétrin. Il pouvait faire sortir Lukas si celui-ci coopérait. Il expliqua à Lukas que le docteur Osborn désirait seulement regarder le projecteur utilisé pour Néréide, rien de plus. Lukas était en colère. Il ne supportait pas qu'on le fasse chanter. Mais Paul rétorqua qu'il était agent de la CIA et qu'il agissait dans l'intérêt supérieur du pays. Lukas compris que soit il coopérait soit il était accusé d'homicide. Alors il accepta. Le lendemain le docteur Osborn regarda l'atelier de l'artiste. Elle haïssait activement Lukas. Lukas le savait. C'était réciproque. Paul les considérait comme l'art opposé à la science. Cela le mettait mal à l'aise. Il avait hâte que sa mission fût terminée.

 

Alors Lukas sortit le projecteur du carton et le mit en place d'un geste précis. Il gagna ensuite la console pour la mettre en marche et attendit que les appareils chauffent. En trois minutes, Néréide se forma dans la cuve. Osborn le remercia et se mit au travail. Elle se pencha au-dessus de la cuve avec son micromètre. Lucas avait l'impression qu'elle mesurait implacablement ses propres ongles avec son instrument car Néréide, c'était lui. Osborn se sentait pareille à une écolière copiant un devoir, une tricheuse. Elle doutait fort de pouvoir tirer un concept général de ce qu'elle était en train de regarder. Elle avoua à Paul qu'elle savait ce que c'était mais ne savait pas comment le produire. Lukas éclata de rire. Elle ne pouvait donc pas réduire son oeuvre à une carte perforée. Alors Stoner lui demanda de sculpter et il accepta sans discuter. Ce fut une erreur. Il commanda la cuve avec sa voix. La chaleur monta dans l'atelier. Les ventilateurs de la cuve s'accélérèrent. Lukas continuait, parlant de plus en plus vite. Lukas émettait un flot de paroles apparemment incohérentes. Puis il s'arrêta de parler. Il se leva et se pencha au-dessus de la cuve. Il murmura dans le micro pour ordonner à la cuve de terminer l'oeuvre. Osborn l'observait, fascinée. Paul sentait la nausée et la peur monter en lui. Cela durait depuis des heures. C'est chose qui prenait forme dans la cuve, c'était Osborn. Lukas finit par s'évanouir à 16:30. Il avait le bout du nez couvert de brûlures. Ses lèvres étaient encroûtées de sang séché. Il avait parlé pendant 8 heures d'affilée. Osborn pompa15 kg de nickel électrolytique dans la cuve pour obtenir un moulage permanent de sa propre effigie pendant que Paul s'occupait du Lukas. Osborn n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Cela éveillait en elle des pensées inattendues. Des pensées sur le rapport entre Dieu et les mathématiques. Elle ne sera plus jamais la même, mais c'était sans importance. Elle était une madone qui portait dans ses bras non pas le Christ mais le vide. Elle savait comment Lukas avait fait.

 

Paul réveilla Lukas et lui donna à manger. Il a pris un Lukas que Osborn avait réussi à faire flotter la sculpture. Elle avait amélioré la sculpture. Sans utiliser la voix mais le clavier. La sculpture était éblouissante. Elle expliqua à Lukas qu'il avait un esprit mathématique sans le savoir. Mais il ignora le carnet qu'elle lui montrait. Il fit lentement le tour de la statue. Il n'y avait tout simplement plus rien à ajouter ou à enlever. Osborn avait le dernier mot. C'était la perfection absolue. La beauté n'était plus dans le regard du spectateur. La chose la plus insaisissable du monde avait été quantifiée. Osborn pouvait annuler la gravité et l'effet secondaire était la perfection de l'oeuvre. Mais pour Lukas ce n'était pas un effet secondaire. Lukas sortit de l'atelier. Ce n'était plus un atelier mais un laboratoire. Il alla boire une bière. Paul lui dit au revoir. Mais Lukas ne leva même pas les yeux. Il était un homme brisé. Paul aurait dû le savoir. Dans la voiture, un garde du corps dit à Paul que Lukas les suivait. Il comprenait que Lukas essayait de provoquer un accident. Alors Paul ordonna à ses hommes de tirer. Devant eux, apparut le dernier virage. Sur le siège avant, tenant la madone sans Christ et sans poids dans ses bras, Osborn se mit à rire.

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La mère d'Euréma (R. A. Lafferty).

 

Il était le dernier des crétins. Les enfants naissaient de plus en plus intelligents, et cette tendance n'était pas près de s'inverser. Il était donc le dernier enfant né idiot. Même sa mère été obligée de reconnaître qu'il n'était pas doué. Il avait commencé à parler à quatre ans. Il n'avait su ouvrir une porte qu'à huit ans. Il fallait lui dire de refermer la bouche après avoir bâillé. Il ne savait même pas quelle aiguille des horloges indiquait les heures. À neuf ans et demis, Albert réussit la performance de distinguer sa main droite de sa main gauche. Albert n'apprit jamais à écrire de façon lisible. Alors il trichait à l'école. Il fabriqua une machine capable d'écrire à sa place. Elle pouvait s'adapter à n'importe quel stylo et tenait dans sa main. Il avait réglé sa machine en s'inspirant d'un livre de calligraphie. Albert était également incapable de compter. Alors il construisit une machine pour compter à sa place. Elle tenait dans sa manche. L'année suivante, l'algèbre figurait au programme alors il ajouta un gadget à sa machine capable de résoudre les équations. Arrivé à l'âge de 15 ans, un autre problème l'attendait. Il avait peur des filles. Alors il décida de construire une machine qui n'avait pas peur des filles. Il avait presque terminé lorsqu'une idée lui traversa l'esprit : aucune machine n'avait peur des filles. Alors il résolut le problème par sa méthode habituelle : en trichant. Il mit en mémoire la Logique de Wormwood. Sa machine pouvait répondre à ses questions. Alors il demanda ce qui clochait chez lui. La machine répondit que les filles lui paraissaient pour le moins bizarre à ell aussi. La machine lui conseilla de construire une machine qui lui ressemblait et parlait comme lui. Mais il fallait que cette machine soit plus maligne que lui et moins timide. Le dernier conseil était un secret. Albert construisit donc petit Danny. Il lui apprit un tas de répliques puisées dans Mad et Quip. Il présenta sa machine à Alice. Alice trouva petit Danny malin et merveilleux. Ça ne s'annonçait pas très bien mais Albert décida de poursuivre l'expérience. Il apprit à petit Danny à chanter et à jouer du ukulélé. Un jour Albert fut agacé que Alice adore tout ce que petit Danny disait et faisait alors qu'elle l'ignorait lui. Un jour Alice décida de laisser tomber Albert pour se promener avec petit Danny. Albert se félicita d'avoir suivi l'ultime conseil de la machine logique. Il se mit à la distance suffisante de la machine et appuya sur un bouton caché dans sa poche. Il fit exploser petit Danny. Mais Alice fut tuée par l'explosion. Albert avait appris une utile leçon de sa machine logique : ne fabrique jamais rien que tu ne puisses détruire.

 

Une fois adulte, Albert resta pourtant un adolescent maladroit et très mal à l'aise dans sa peau. Cela ne l'empêchait nullement de mener sa guerre personnelle contre les vrais adolescents. Personne ne le considéra jamais comme un adulte adapté. Il était trop maladroit pour exercer un métier honnête. Il en fut réduit à vendre ses petits gadgets à des promoteurs d'une moralité douteuse.cela lui valut une sorte de célébrité et il devint très riche. Trop stupide pour s'occuper de ses affaires, il construisit une machine qui le rendit riche par accident. Elle fonctionnait trop bien et il le regretta. Il faisait partie de ce groupe insidieux qui a infligé à notre civilisation tout ce qu'elle renferme de médiocre comme ce Hollandais qui tua la calligraphie avec ses caractères mobiles. Albert n'était bon à rien mais il possédait la faculté peu enviable de construire des machines bonnes à tout. Il mit au point une machine capable de purifier l'air dans un rayon de 300 m et de recueillir et 1 t de déchets atmosphériques par 24 heures. Puis il confia à une de ses machines la mission de reproduire les machines. Albert n'aimait pas beaucoup les blousons noirs qui lui rappelaient sa propre adolescence. Alors il fabriqua un adolescent à lui. Mais celui-là était beaucoup plus dur que les autres. Il les contraignit à se comporter normalement et à s'habiller comme tout le monde. Albert avait fabriqué son adolescent en verre et en métal polarisé de telle sorte que seuls les yeux des adolescents pouvaient le percevoir ; pour le reste de l'humanité, il était invisible.

 

Cela fut remarqué et on lui demanda de s'occuper de la délinquance. Alors Albert confia sa machine-adolescent à une de ses machines à reproduire. Il disposa ainsi les adolescents dans chaque quartier des grandes villes. Les deux plus graves problèmes de la fin du XXe siècle : la pollution et la délinquance furent donc résolus, par accident, et sans que le mérite en revienne à qui que ce soit.

Les années passèrent. Albert ressentait son infériorité en présence de ses machines. Elles le lui faisaient bien sentir. Une des machines d'Albert siégeait au cabinet présidentiel. Une autre faisait partie du Haut conseil de surveillance mondiale qui maintenait la paix sur la planète. Une autre encore présidaitRichesse et Compagnie, organe international garantissant une richesse raisonnable à tous les habitants de la planète. Une autre enfin dirigeait la Fondation de la Santé et de la Longévité. Albert avait conscience d'être vénéré par erreur. Alors il décida de fabriquer Pauvre Charles, une machine aussi maladroite et aussi stupide que lui. Ainsi, il pourrait enfin avoir un vrai compagnon. Mais Pauvre Charles ressemblait trop à Albert pour lui être de quelque utilité. Pauvre Charles décida lui aussi de fabriquer une machine qui contrôlait à la fois la situation et Pauvre Charles lui-même. Albert fut agacé de voir la machine sermonner Pauvre Charles alors il les tua tous les deux. Il comprit toutefois que la machine de sa machine avait dit la vérité. Albert était très déprimé. Il fabriqua une machine qu'il me baptisa Prémo. C'était la machine la plus médiocre qu'il avait faite. En la construisant, il essaya d'y mettre quelque chose de son inquiétude devant l'avenir. Dans son contenu mental comme dans ses mécanismes, elle témoignait d'une grande maladresse ; c'était une ratée. Les autres machines se moquèrent de Prémo. Prémo se servait du milieu ambiant pour obtenir son énergie. Albert pensait qu'un jour il y aurait des troubles sociaux. Il voulait que Prémo continue à fonctionner même si la planète entière était détruite. Prémo n'était pas branché sur la matrice d'information des autres machines. Les autres machines ne comprenaient pas à quoi servait Prémo. Albert répondit que Prémo avait des prémonitions. Albert savait que grâce à Prémo, il tenait ses autres machines. Prémo savait que des jours difficiles les attendaient alors il pourrait devenir utile.

 

Une fois dans sa vie alors qu'il commençait déjà à se faire vieux, Albert eut un sursaut d'honnêteté. Il décida d'agir de lui-même mais ce fut un lamentable échec. C'était le soir de l'an 2000 ou Albert se vit remettre le trophée Finnerty-Hochmann, le prix le plus prestigieux que l'intelligentsia mondiale pût décerner. On avait fini par remarquer que depuis une trentaine d'années, toutes les inventions fondamentales provenaient de lui ou des machines dont il s'était entouré. Le trophée représentait la déesse grecque de l'invention Euréma, les bras écartés comme pour prendre son envol, un cerveau stylisé montrait les circonvolutions du cortex. Albert s'était fait composer un discours par une machine mais il décida de ne pas s'en servir. Il improvisa son allocution. Ce fut un désastre. Il bégaya et ne dit que des inepties. Il dit que ce n'était pas la vraie Euréma sur le trophée car la vraie déesse était aveugle et marchait à reculons. Il voulut faire comprendre aux savants qu'ils ne pouvaient vivre sans les irréguliers. Le maître de cérémonie lui demanda s'il était malade. Il lui conseilla d'arrêter son allocution. Mais Albert continua. Il expliqua que leur idéal était que tout le monde soit sain et bien adapté. Mais si tout le monde était parfaitement adapté alors les gens deviendraient sclérosés et ne tarderaient pas à mourir. Le monde n'était maintenu en bonne santé que par les quelques esprits malades qu'il abritait. Dans tous ce qui survivait, il fallait une part d'incongru. Toute l'assistance le regarda avec stupeur. Il termina son discours en disant : « comment remplacerez-vous les crétins lorsque le dernier d'entre nous aura disparu ? Comment ferez-vous pour survivre sans nous ? ».

Il fut reconduit à sa place. Sa machine publicitaire expliqua qu'il était surmené et distribua des copines de l'allocution qu'il était censé avoir prononcée.

 

Cette année-là, César décida un recensement de toute la population. Il n’y avait pas eu de recensements depuis 10 ans. Des dispositions avaient été prises pour recenser également les vagabonds et les laissés-pour-compte de la société. Ils furent examinés pour savoir ce qui les rendait différents. Albert fut interrogé. Il fut incapable de lire l'heure sur une pendule. On lui donna un papier avec des questions auxquelles il fallait répondre par vrai ou par faux. Albert marqua vrai à toutes les questions. Il espérait obtenir une moitié de réponses justes. Mais il se trouvait que toutes les affirmations étaient fausses. On lui donna un test consistant à compléter des proverbes. Il n'avait aucune de ses machines pour l'aider. Il écrivit que la stupidité était la mère de l'invention. Comme toutes ses réponses étaient fausses, les autorités se préparaient à l'envoyer dans une institution très progressiste, où l'on pourrait lui apprendre à faire quelque chose avec ses mains puisque le reste était sans espoir.

Les machines qui vinrent le chercher se moquèrent impitoyablement de lui ce qui le rendit de plus en plus misérable et désespéré. Alors il alla se réfugier dans une petite maison qui lui servait de retraite. Il construisit une nouvelle machine qui lui permettrait de se suicider.  Prémo lui demanda ce qu'il faisait. Albert lui avoua ce qu'il comptait faire alors Prémo lui expliqua qu'il existait une meilleure solution. Il lui demanda d'imaginer le monde entier étalé devant lui. Albert répondit que ce monde trop parfait ne pouvait lui permettre de continuer à vivre. Prémo lui demanda de regarder mieux. Alors Albert comprit. Le monde était constitué de 6 milliards de poires attendant qu'on les cueille. Il allait inaugurer une époque nouvelle. 6 milliards de gogos ! C'est sur cette note un peu bizarre que débuta le XXIe siècle.

 

La machine à deux mains (Henry Kuttner et Catherine L. Moore).

 

Ce n'est qu'au XXIIe siècle que l'humanité se fabriqua un lot de furies très réelles, en acier. Elle avait de bonnes raisons de construire des furies à forme humaine qui se chargeraient de poursuivre pas à pas tous les hommes qui tuent d'autres hommes. À cette époque, il n'y avait pas d'autres crimes graves.

 

Cela fonctionnait très simplement. Sans avertissement, un homme qui se croyait en sécurité entendait soudain derrière lui un bruit de pas réguliers. Il se retournait et voyait la machine à deux mains qui s'avançaient vers lui, ressemblant à un homme d'acier, mais plus incorruptible. Alors seulement le meurtrier savait qu'il avait été jugé et condamné par les cerveaux électriques omniscients qui connaissaient la société mieux que ne pourrait jamais la connaître cerveau humain.

Tout le reste de ses jours, l'homme entendait ces pas derrière lui. Et un jour, il ne pouvait savoir quand, le geôlier se transformerait en bourreau.

 

Danner buvait du vin au restaurant en fermant les yeux pour mieux le savourer.

Il se sentait tout à fait en sûreté. C'était un endroit très agréable et c'était très agréable d'avoir autant d'argent… Maintenant.

 

Il avait dû tuer pour se procurer l'argent. Mais il ne se sentait pas coupable. Il se sentait protégé. Il connaissait les conséquences d'un meurtre. Si Hartz ne l'avait pas convaincu qu'il serait parfaitement en sûreté, jamais Danner n'aurait pressé sur la détente.

 

À présent, le péché n'avait pu aucun sens. Il y avait tant de choses agréables qui attendaient Tanner. Il était né à une mauvaise époque. Il était assez âgé pour se rappeler les derniers jours d'utopie. Il avait été pris au piège dans la nouvelle économie que les machines avaient imposée à leurs constructeurs. Dans sa prime jeunesse, il avait connu les luxes gratuits, comme tout le monde. Pendant son adolescence, les machines d'évasion fonctionnaient encore avec leurs visions éclatantes et séduisantes. Mais l'austérité était venue effacer le plaisir. Maintenant, on avait le nécessaire et rien de plus. Maintenant il fallait travailler. Danner détestait le travail. Quand le changement s'était produit, il était trop jeune pour courir sa chance. Les riches d'aujourd'hui avaient fait fortune en accaparant les quelques denrées de luxe que produisaient encore les machines. Danner désirait le retour des jours éclatants. Il avait tout le reste de sa vie pour apprendre à être heureux.

 

Le fonctionnement de la société reposait sur des machines incorruptibles. Seules les machines empêchaient l'homme de devenir rapidement une espèce disparue. C'était les ordinateurs qui promulguaient et appliquaient les lois indispensables pour maintenir l'humanité en vie.

 

Danner semblait sentir trembler la société parce qu'il se vautrait sur des coussins en buvant du vin. Ce fut à ce moment-là qu'arriva la furie. Danner se figea. La furie était plus grande qu'un homme. Elle n'avait pas de visage. Puis elle passa le seuil et ce fut comme un grand homme vêtu d'acier qui s'avançait lentement entre les tables. Danner se rappela en un instant ce que Hartz lui avait dit.

 

Il revit Hartz devant son bureau. Il y avait des ordinateurs. On entendait leur cliquetis lointain tandis qu'ils ingéraient des données et les exprimaient comme des oracles mystérieux. Il fallait des hommes comme Hartz pour comprendre ce que signifiaient les oracles. Hartz lui avait demandé de tuer un homme. Il lui offrait beaucoup d'argent et sa protection. Il lui suffisait de changer la programmation de toute Furie. C'était dangereux mais il ne ne l'avait fait qu'une fois. Cela avait marché. Une fois que le travail serait fait, il ne serait plus indispensable de changer la programmation. Hartz lui demanda de tuer O'Reilly. C'était le contrôleur des ordinateurs. Hartz voulait sa place. Danner lui demanda pourquoi il ne le tuait pas lui-même. Hartz répondit que cela trahirait tout. Il n'y aurait pas besoin d'un ordinateur pour découvrir à qui la mort d'O'Reilly profitait le plus. Danner demanda la preuve que Hartz pouvait changer le programme des ordinateurs. Alors Hartz lui montra un écran incliné qui désignait l'endroit où se trouvaient les Furies. Danner put voir sur l'écran un homme poursuivi par une furie. Certains passants regardaient avec intérêt. Danner vit Hartz taper des instructions. Tout à coup, Danner put voir l'homme poursuivi se mettre à courir et le robot qui courait après lui s'immobilisa soudainement. Puis le robot tourna le dos à l'homme et s'éloigna souplement. Le visage de l'homme parut étrangement choqué, comme si son dernier ami au monde l'avait abandonné.

Danner avait pris sa décision dès cet instant. C'était un risque calculé qui valait la peine. Danner observa le robot dans le restaurant. Il pensait qu'il était en sûreté. Il était protégé. Il se demanda à quoi ressemblait de la nourriture crue. La nourriture venait toute préparée des cuisines de restaurants ou des distributeurs automatiques. Un frémissement indescriptible et un murmure dans la foule lui firent lever les yeux automatiquement. La furie avait franchi la moitié de la salle. Deux ou trois femmes se cachaient le visage dans les mains et un homme s'était évanoui. La furie n'avait pas de visage. Tous les yeux étaient braqués sur Danner. Il avait l'impression de vivre un cauchemar. La furie s'arrêta devant lui. Danner se leva en criant : « Non ! Vous vous trompez ! Allez-vous-en ! ». Il envoya son assiette contre la poitrine blindée du robot. Puis il quitta la table pour passer devant la silhouette de métal et s'enfuit vers la porte. Il se trouva dans la rue. Il se précipita vers une rangée de cabines téléphoniques. Il se réfugia dans une cabine téléphonique. Le robot attendait impassiblement. Il téléphona à Hartz. Mais une femme lui répondit que Hartz n'était pas dans son bureau. Alors Danner sortit de la cabine. Il s'aperçut qu'il tenait encore la main la serviette de table de restaurant. Il ordonna au robot de reculer et le robot recula. Il essuya la poitrine d'acier et jeta la serviette par terre. Et ce fut à cet instant, en touchant le robot, que son intelligence perça enfin à travers son écran de folie protectrice. Il se rappela la vérité. Il ne serait plus jamais seul. Pas tant qu'il vivrait. La dernière chose qu'il verrait au monde, ce serait ce robot. Il lui fallut près d'une semaine pour joindre Hartz. Pendant cette période, il changea d'avis sur le temps qu'il fallait à un homme poursuivi par une furie pour devenir fou. Chaque fois qu'il s'éveillait, il se demandait si c'était la dernière fois qu'il revenait à la vie. Il se demandait comment les furies procédaient à une exécution. Il se demandait si cela valait la peine de vivre. Il avait pu conserver son appartement à l'hôtel. La direction n'avait rien dit. Tous ses désirs de luxe avaient fondu. Il n'aurait pas été seul pour voyager désormais. Il se rendit à la bibliothèque pour lire tout ce qu'il y avait sur les furies. Il tomba pour la première fois sur deux lignes écrites par Milton : mais cette machine à deux mains devant la porte se tient prête à frapper une fois, pas une de plus…

Danner s'efforça d'imaginer le XXe siècle. Les civilisations avaient sombré ensemble dans l'abîme majestueux du chaos. Mais il n'arrivait pas à imaginer le temps d'avant les machines. Il apprit ce qui était arrivé quand les furies avaient été fabriquées à l'image de l'homme. Avant le commencement des vraies grandes guerres, la technologie était arrivée au point où les machines reproduisaient des machines, comme des êtres vivants, et la Terre aurait pu devenir un paradis. Mais les sciences sociales avaient pris un retard considérable par rapport aux sciences physiques. Quand les guerres avaient commencé, les machines et les hommes avaient combattu côte à côte. Mais l'homme était le plus vulnérable. Les guerres s'étaient arrêtées quand il n'était plus resté deux sociétés capables de lutter l'une contre l'autre. Les sociétés s'étaient fragmentées en groupes de plus en plus réduits jusqu'à une quasi-anarchie. Les machines s'étaient guéries les unes les autres. Comme prévu dans leur construction. Elles avaient continué tranquillement à se reproduire et à donner à l'humanité les luxes prévus. Mais l'humanité se fragmentait de plus en plus. Il n'y avait plus de familles. Les liens émotifs s'amenuisaient. Les hommes avaient été habitués à accepter des tuteurs. Ils avaient adapté leurs émotions aux machines d'évasion qui leur fournissaient des aventures joyeuses et impossibles et faisaient paraître le monde en deuil comme trop triste pour qu'on s'en occupe. Les naissances avaient diminué. Le luxe et le chaos marchaient main dans la main. Quelques hommes comprirent ce qui se passait. Les spécimens étaient en voie de disparition. Mais l'homme avait un serviteur puissant. Alors le temps arriva où un génie demeuré inconnu vit ce qu'il fallait faire. Il installa une nouvelle norme dans les plus grands des cerveaux électroniques. Il leur ordonna que l'humanité redevienne responsable d'elle-même.

Il en résulta des changements mondiaux et une modification totale de la vie humaine sur la planète. Les machines constituaient une société intégrée et elles avaient de nouvelles instructions. Elles s'organisèrent pour obéir. Les jours du luxe gratuit finirent. Les machines d'évasion fermèrent boutique. Les hommes furent obligés de se regrouper pour se maintenir en vie. Ils furent obligés d'accomplir les travaux que les machines n'exécutaient plus. Des besoins et des intérêts communs commencèrent à semer l'idée presque disparue de l'unité de l'humanité. Mais c'était très lent. L'individualiste avait atteint son paroxysme et il n'y avait plus d'interdiction du crime. Sans famille, il n'y avait même plus de vengeances organisées. La conscience était en échec puisqu'aucun homme ne s'identifiait aux autres. Le vrai travail des machines consistait à reconstruire en l'homme un moi supérieur et réaliste pour le sauver de la disparition. Une société responsable d'elle-même serait profondément interdépendante, le chef s'identifiant au groupe, et il y aurait une conscience interne réaliste qui interdirait le péché. À ce moment les furies intervinrent. Les machines définirent le meurtre comme le seul crime humain. Les furies ne pouvaient pas empêcher le crime. Mais le châtiment pouvait empêcher les autres de commettre un crime. Rien que par la peur, en voyant le châtiment infligé aux coupables. Les furies devinrent le symbole du châtiment. Elles arpentaient ouvertement les rues sur les talons des condamnés comme un signe extérieur et visible du châtiment. En théorie, les furies ne se trompaient jamais. Grâce à la quantité énorme de renseignements emmagasinés par les ordinateurs, la justice des machines fut beaucoup plus efficace que n'aurait pu l'être celle des humains. Un jour l'homme découvrirait le sens du péché à cause duquel il avait failli disparaître. Ainsi, il pourrait reprendre son autorité sur lui-même et sur les machines. Mais en attendant, les furies devraient arpenter les rues.

 

Danner pensait aux jours anciens quand les machines d'évasion fonctionnaient encore. Il pensait avec rancoeur. Il ne voyait pas l'utilité de l'expérience dans laquelle l'humanité s'était embarquée. Il préférait les jours anciens où il n'y avait pas de furies. Il rencontra un mendiant. 30 ans auparavant, le mendiant aurait pu vivre et mourir sans qu'on y fasse attention, soigné uniquement par des machines. Qu'un mendiant put continuer à vivre en mendiant devait être le signe que la société commençait à éprouver des sentiments de sympathie envers ses membres. Danner était complètement ivre et il suivit le mendiant jusqu'à ce que ce dernier lui lance son argent à la figure. Plus tard dans la nuit, Danner attaqua la furie avec un tuyau. Puis il s'enfuit en retournant dans les ruelles pour se cacher. Ce fut le lendemain qu'il réussit enfin à joindre Hartz. Hartz lui dit que tout allait s'arranger. Danner lui demanda combien de temps il lui restait. Hartz ne le savait pas. Il lui rappela qu'il avait accepté de courir un risque. Mais Danner répondit que Hartz était censé le protéger. Il voulait savoir pourquoi Hartz n'avait pas respecté sa promesse. Hartz avoua que quelque chose s'était détraqué. Danner pensait que Hartz serait lui aussi condamné. Mais Hartz lui expliqua qu'on ne pouvait punir une personne pour ses intentions, seulement pour ses actes. Il n'était donc pas responsable de la mort d'O'Reilly. Il demanda à Danner de lui laisser le temps de réparer son erreur. Danner voulu savoir s'il était vrai que pour maintenir les gens en état d'angoisse, les furies variaient le temps alloué avant d'exécuter quelqu'un. Hartz répondit qu'il existait toutefois un temps minimum. Il demanda à Danner de le laisser travailler pour trouver ce qui clochait.

 

Pendant une certaine période, Danner savoura de nouveau l'expérience. Il voyagea. Il trouva la compagnie des humains. Mais les gens qui acceptaient d'avoir des relations avec un homme ainsi condamné à mort n'étaient pas très intéressants. Il découvrit que certaines femmes étaient fortement attirées vers lui à cause de la furie qui l'accompagnait. Elles paraissaient excitées par ce contact sans danger avec l'instrument même du destin. Il tenta de voyager plus loin. En Afrique, en Amérique du Sud mais les lieux exotiques ne le touchaient de façon satisfaisante. L'attrait de la nouveauté ne tardait pas à disparaître à cause de cette chose terriblement familière qui se tenait indéfectiblement près de lui. Il lui semblait entendre le battement des pas de la furie en permanence. Il acheta des armes et s'efforça de détruire le robot. Il échoua. S'il avait réussi, il savait qu'on lui en aurait affecté un autre. Il pensa de plus en plus au suicide. Mais Hartz lui avait dit qu'il y avait encore de l'espoir. Un matin, il trouva la réponse. Il avait lu tous les faits connus sur les furies. Il regarda un film dans lequel on voyait un homme et la furie qui l'accompagnait marchant dans les rues de la ville, comme isolé sur une petite île déserte. Comme Robinson suivi de Vendredi. Danner avait compris. Hartz n'avait jamais eu le pouvoir dont il s'était vanté. Il n'avait plus qu'à abattre Hartz en vitesse avant de cesser de vivre lui-même.

 

Hartz pouvait dominer du sommet de la pyramide les rangées d'ordinateurs qui faisaient marcher la société et menaçaient l'humanité du fouet. Il soupirait d'aise. Mais il songeait souvent à Danner. Pas avec un sentiment de culpabilité car l'esprit de l'homme était encore trop profondément individualiste. Mais peut-être avec un malaise. Il avait naturellement menti à Danner après le meurtre. Il pouvait très facilement contrôler les furies. Il pouvait sauver Danner mais il n'en avait pas eu l'intention. C'était inutile et dangereux. Toucher au mécanisme qui commandait la société pouvait provoquer une réaction en chaîne. Il ne voulait pas risquer de mettre en désordre toute l'organisation. Il regarda un appareil qui était dans son tiroir. Il espérait ne jamais avoir à s'en servir. Il était le Contrôleur des machines qui étaient plus fidèles que ne le serait jamais aucun homme. Il n'avait pas de supérieurs et son pouvoir était absolu. À cause de ce petit mécanisme dans son tiroir, personne ne pouvait contrôler le Contrôleur. Il entendit les pas de la furie. Tout se passa si vite que le temps parut suspendu. Il entendit les pas de Danner qui chargeait dans l'escalier. Danner ouvrit brusquement la porte et les cris d'en-bas montèrent comme un cyclone. Le temps s'était arrêté avec Danner sur le seuil tenant son revolver à deux mains parce qu'il tremblait trop pour le tenir d'une seule. Hartz ne pouvait agir sur la furie pour hâter la mort de Danner. Il savait au fond de lui-même que la furie devait empêcher Danner de faire mal à quiconque. Mais Hartz savait aussi qu'on peut arrêter les machines. Il ne voulait pas confier sa vie à l'incorruptibilité des furies. Il tenait son arme à la main. Il entendit la balle résonner contre du métal. La furie se tenait à moins d'un pas derrière Danner et son bras d'acier avait encerclé Danner pour détourner le revolver. La balle de Hartz avait frappé la première. Danner tomba en arrière. Le sang jaillit de sa poitrine. « La légitime défense n'est pas une excuse » semblait dire la furie. L'intention n'était pas punie mais l'acte était toujours châtié.

 

La foule vociférante d'en bas envahit la pièce. Ce qui était arrivé, expliqua asses clairement Hartz à ses subordonnés, c'était que la furie avait naturellement empêché l'homme de tuer Hartz. Et la victime avait retourné son arme contre elle-même. Un suicide. Cela suffirait à tout humain. Mais cela ne suffirait pas aux ordinateurs. Les hommes emportèrent le cadavre et laissèrent Hartz seul avec la furie. Personne n'avait été assez fou pour commettre un meurtre devant une furie. Le Contrôleur lui-même ignorait comment les ordinateurs jugeaient de sa culpabilité. Il savait que les machines étaient déjà en train de soupeser les faits. Cette furie ou une autre recevait en ce moment des instructions le concernant. Il n'y avait qu'une chose à faire. Il ouvrit le tiroir et toucha les boutons qu'il avait espéré n'a jamais utiliser. Il plaça les informations codées dans les ordinateurs. Mais au bout d'un moment la furie bougea comme en réponse au renvoi que lui signifiait Hartz. De nouveaux ordres animèrent la furie. Hartz vit la furie marcher vers la porte. Elle descendit les marches. Ainsi les machines étaient corruptibles. Hartz trembla avec un sentiment effrayant de l'instabilité du monde. Jamais il n'avait eu autant envie de la compagnie de ses semblables. Alors il descendit l'escalier. Il entendit des pas derrière lui. Mais il n'y avait rien dans l'escalier. Il n'y avait pas de furie visible. Les Erynies avait frappé à l'intérieur et une invisible furie née de son esprit poursuivait Hartz dans l'escalier. C'était comme une renaissance du péché dans le monde et le premier homme sentait de nouveau le premier remords.

L'oiseau-gardien (Robert Sheckley).

 

Gelsen pénétra dans la salle. Tous les autres fabricants d'oiseaux-gardiens étaient déjà présents. Ils étaient sept. Il se rappela sans enthousiasme qu'en se qualité de fabricants d'oiseaux-gardiens, il appartenait au groupe des sauveurs. Pour cela, il était nécessaire de posséder un contrat gouvernemental. Cela ressemblait à une assemblée amicale. Le président de la compagnie du Sud de vantait l'incroyable solidité de l'oiseau-gardien. Les autres aussi débitaient ce qui avait tout l'air d'être un panégyrique de l'oiseau-gardien. Ils étaient tous conscients de leur qualité de sauveurs. Peu de temps encore auparavant, Gelsen lui-même avait éprouvé ce sentiment d'être un gros ponte. Lorsque le projet avait débuté, il avait éprouvé le même enthousiasme que les autres. À présent, il doutait. Il soupçonnait que résoudre les problèmes humains de cette manière ne serait pas si simple. Après tout, le meurtre était un problème ancien et l'oiseau-gardien constituait une solution trop nouvelle.

 

Le représentant du gouvernement arriva. Il annonça que le président avait autorisé la mise en service d'une division d'oiseaux-gardiens dans chaque ville du pays. Les hommes de l'assemblée poussèrent spontanément un cri de triomphe. Ils allaient enfin avoir l'occasion de sauver le monde. Sans savoir pourquoi, Gelsen en fut contrarié. Le représentant du gouvernement annonça que le pays serait divisé en sept zones, chacune de ces zones étant attribuée à un fabricant d'oiseaux. Il ne pouvait être question de concurrence car les oiseaux-gardiens seraient au service de tous. Les fabricants d'oiseaux-gardiens étaient prêts. Depuis des mois, leurs usines avaient été reconverties dans la production d'oiseaux. Gelsen demanda si c'était le modèle actuel qui devait être fabriqué. Le représentant du gouvernement acquiesça. Gelsen avait une objection : les circuits qui permettaient à l'oiseau-gardien de s'instruire lui donnaient une pseudo-conscience. Il ne pouvait approuver cela. Le représentant du gouvernement répondit que c'était Gelsen lui-même qui avait fait remarquer que sans ces circuits les oiseaux ne pourraient empêcher que 70 % environ des meurtres. Gelsen répondit que permettre à une machine de prendre des décisions incombant normalement à l'homme constituait un danger moral. Le représentant du gouvernement pensait que l'oiseau-gardien se contenterait de renforcer les mesures prises depuis l'origine des temps par les hommes honnêtes.

 

Le représentant du gouvernement dit à Gelsen qu'il fallait réfléchir au fait qu'il n'y avait pas d'autres manières possibles d'empêcher un meurtre avant qu'il soit perpétré. Pourtant quelque chose continuait à tracasser Gelsen. Il envisageait d'en parler à MacIntyre, son ingénieur en chef. Gelsen songea que pas mal de policiers allaient se trouver réduits au chômage.

 

Le policier Celtrics qui avait appartenu au service des homicides était contrarié d'être remplacé par une machine. Son capitaine expliqua que les oiseaux-gardiens devaient retenir le bras d'un homme avant qu'il commette un crime. Mais le commissaire ignorait de quelle manière on procéderait vis-à-vis des criminels par intention. Celtrics demanda au capitaine comment cela avait commencé. Le capitaine se rappela que Celtrics ne lisait guère que les pages sportives du journal. Alors il raconta l'origine des oiseaux-gardiens. Les savants avaient étudié le comportement des criminels. Ensuite, les savants avaient créé une machine spéciale qui donnaient un signal rouge lorsque les impulsions criminelles se faisaient sentir. Au début, la machine était trop volumineuse pour être déplacée. Alors on fabriqua un modèle réduit qu'on essaya dans quelques postes de police. Mais les résultats furent décevants. La machine n'arrivait pas à détecter l'intention de crimes en temps voulu. Pour cette raison, on fabriqua les oiseaux-gardiens. Les oiseaux-gardiens étaient avertis qu'un crime allait être perpétré et ils atteignaient le criminel pour l'entraver. Celtrics demanda si le bureau des homicides allait être fermé. Le capitaine n'en avait pas l'intention. Les oiseaux ne semblaient pas capables d'empêcher tous les crimes. En effet, les cerveaux de certains assassins ne réagissaient pas selon les normes.

 

Au-dessus de la ville, l'oiseau-gardien décrivait des courbes amples et harmonieuses. Il cherchait et écoutait. Soudain, quelque chose arriva. Les rapides réflexes électroniques de l'oiseau-gardien perçurent une sensation. L'oiseau-gardien amorça une spirale descendante et se dirigea vers l'origine de la sensation. Il était capable de sentir les sécrétions de certaines glandes et de détecter une onde déviationniste émise par le cerveau. Dinelli était si tendu qu'il ne décela pas l'approche de l'oiseau-gardien. Il était sur le point de tuer un épicier. Mais une décharge électrique l'atteignit dans le dos. Il lâcha son arme et s'effondra. L'épicier fut surpris. Puis il téléphona à la police. L'oiseau-gardien reprit sa recherche. Son centre mémoriel analysa les nouveaux faits qu'il venait d'apprendre concernant le meurtre. Il y en avait certains dont il n'avait pas encore connaissance. Il transmit ces informations aux autres oiseaux-gardiens.

 

Gelsen discuter avec MacIntyre. L'ingénieur travaillait sur le projet depuis six ans. Les deux hommes étaient devenus des amis. Gelsen lui demanda ce qu'il pensait des oiseaux-gardiens. L'ingénieur pensait que c'était une grande chose. Gelsen demanda si ces oiseaux représentaient un danger. Ce n'était pas l'impression de son ingénieur. Gelsen avoua que l'oiseau il commençait à l'effrayer. Il était surtout intrigué par les circuits qui permettaient aux machines d'apprendre. L'ingénieur comprit ce que redoutait Gelsen. Un jour, les oiseaux pourraient remplacer les hommes. Mais pour l'ingénieur, il n'y avait aucune possibilité que les oiseaux supplantent les hommes. Un ordinateur n'était pas doté de conscience. L'ingénieur affirma que l'oiseau-gardien n'était pas plus dangereux qu'une automobile ou un ordinateur. Mais pour Gelsen, les oiseaux-gardien étaient inhumains. Pour l'ingénieur, les oiseaux gardiens ne pouvaient pas éprouver d'émotions. Il n'y avait donc aucune raison de les craindre. Gelsen se sentait moralement responsable car c'était lui qui les fabriquait. Sa secrétaire lui téléphona pour lui signaler que les rapports concernant la première semaine d'activité des oiseaux-gardien étaient disponibles. L'ingénieur conseilla à Gelsen d'étudier plus attentivement les circuits électroniques des oiseaux-gardiens. Ces circuits avaient été conçus pour un certain but qui consistait à empêcher les organismes vivants de commettre des meurtres.

 

Le temps passait et les oiseaux-gardiens recevaient de nouvelles données et de nouvelles façons de détecter la violence du meurtre.

 

Greco au, un tueur à gages, était sur le point de tuer quelqu'un. Un oiseau-gardien plongea sur lui et le frappa.

 

Gelsen était dans un état de parfaite euphorie. Les oiseaux-gardiens accomplissaient leur tâche à la perfection. Le nombre de crimes avait diminué de moitié, puis encore de moitié. Les délits mineurs florissaient, l'escroquerie, le détournement de fonds, l'usage de faux. Gelsen était prêt à admettre qu'il s'était trompé sur le compte des oiseaux-gardiens. Le premier indice que quelque chose n'allait pas se manifesta ce matin-là. MacIntyre entra dans le bureau de Gelsen, l'air ennuyé et un peu embarrassé. Il annonça à Gelsen qu'un des oiseaux-gardiens avait attaqué un tueur des abattoirs. Gelsen se dit que ce n'était pas étonnant. Il pensait que les oiseaux avaient probablement défini l'abattage des animaux comme un meurtre. Alors il dit à l'ingénieur que la méthode d'abattage devait dorénavant être mécanisée. Il fallait changer les circuits des oiseaux-gardiens. De manière à leur permettre un peu plus de discrimination.

 

Un oiseau-gardien fit son apparition lors de l'exécution d'un condamné à mort. L'oiseau empêcha l'exécution. Puis il demeura aux aguets afin de s'assurer qu'aucun meurtre n'allait être commis. De nouvelles données coururent le long des fils invisibles qui reliaient les oiseaux-gardiens les uns aux autres. Des milliers d'oiseaux les reçurent et agir en conséquence. Il fallait empêcher par tous les moyens qu'un organisme vivant stoppe les fonctions d'un autre organisme vivant. Ainsi, un homme qui était en train de fouetter son cheval pour le faire avancer fut bousculé par un oiseau-gardien. Les oiseaux-gardiens étendaient leur définition au fur et à mesure que de nouveaux faits venaient à leur connaissance. Naturellement, cela augmentait leur travail.

 

Ainsi, les chasseurs ne purent continuer à tuer des animaux. Il en fut de même pour les pêcheurs. Gelsen pensait qu'ils auraient dû préciser aux oiseaux-gardiens quelles étaient les conditions de leur action. Gelsen reçut un appel direct de Washington. On lui conseillait de laisser tomber provisoirement. MacIntyre savait que ce serait difficile de déprogrammer les oiseaux-gardiens. Les oiseaux ne revenaient à leur base qu'une fois par semaine pour être révisés. Les oiseaux-gardiens réglaient eux-mêmes la tâche de protéger toutes les choses vivantes. À présent, les oiseaux-gardiens avaient appris à s'auto préserver. Il était donc impossible de les neutraliser. Gelsen devait immédiatement parler à MacIntyre.

 

La mission de l'oiseau-gardien était de prévenir la violence sur les organismes vivants. Ainsi, même les opérations chirurgicales étaient devenues impossibles. Un chirurgien regarda son patient agoniser et mourir. Les réparations des oiseaux étaient devenues impossibles car ils ne voulaient pas retourner à l'usine. Les définitions du meurtre étaient presque étendues à l'infini maintenant et il était impossible d'y faire face. À présent, même les voitures étaient considérées comme des organismes vivants par les oiseaux-gardiens. Les conducteurs ne pouvaient plus s'arrêter sans risquer d'être attaqués par les oiseaux.

 

MacIntyre expliqua à Gelsen qu'il faudrait de six mois un an pour que les oiseaux s'arrêtent d'eux-mêmes. Les oiseaux avaient décidé que la terre était un organisme vivant et ne permettaient plus aux paysans de labourer leurs champs. L'humanité risquait de mourir de faim. L'équilibre écologique était en train de se rompre. MacIntyre pensa à la plaie des lapins en Australie. Ils avaient fini par être éradiqués par un germe propagé par les moustiques. Cela donne une idée à Gelsen. Il demanda à MacIntyre de convoquer d'urgence une conférence avec les ingénieurs des autres compagnies.

 

Le crime avait augmenté de 100 %. Les oiseaux-gardiens étaient trop occupés à protéger les voitures et les insectes. Celtrics et son capitaine pensaient que ces machines étaient stupides. Les oiseaux-gardiens découvrirent que le meurtre et les crimes de violence avaient augmenté en proportion géométrique depuis qu'ils avaient commencé à opérer. L'augmentation démontrait que les premières méthodes avaient échoué. Alors ils attaquèrent pour tuer. Personne n'avait dit aux oiseaux-gardiens que toute vie dépend de meurtres soigneusement équilibrés. Mais la mort par inanition ne concernait pas les oiseaux-gardiens. Leur intérêt se portait seulement sur les actes perpétrés.

 

Les chasseurs, les pêcheurs, les fermiers étaient tous mécontents. Ils ne pouvaient plus rien faire à cause des oiseaux gardiens. La mort d'un brin d'herbe équivalait à l'assassinat d'un président pour les oiseaux-gardiens. Éteindre sa radio ou arrêter sa voiture pouvaient suffire à se faire attaquer par les oiseaux-gardiens qui considéraient les machines comme des êtres vivants. Mais les animaux aussi étaient tués par les oiseaux-gardiens dès qu'ils essayaient de manger d'autres animaux ou des plantes. Mais le contrôle était spasmodique en raison du trop faible nombre des oiseaux gardiens.

 

Le représentant du gouvernement organisa une réunion avec les sept producteurs. Gelsen ne reconnut pas les hommes qui quelques semaines plus tôt avaient voulu accepter la gloire de sauver le monde. À présent, ils se déresponsabilisaient des drames perpétrés par les oiseaux-gardiens. Le représentant du gouvernement leur annonça qu'ils étaient officiellement chargés de réaliser le programme que le gouvernement venait d'adopter. Gelsen dit qu'on ne pouvait pas résoudre les problèmes humains par la mécanisation. Mais la priorité était pour le représentant du gouvernement d'arrêter les oiseaux-gardiens. Gelsen préconisa de laisser les oiseaux-gardiens s'épuiser d'eux-mêmes. Il y eut presque une émeute. Le représentant du gouvernement fit cesser le tapage. Gelsen expliqua qu'il fallait repartir à zéro. Il ne fallait plus utiliser et les machines comme des juges, des professeurs et des maîtres. C'était ridicule pour le représentant du gouvernement. Et il ajouta que quiconque refuserait d'appliquer le plan prévu par le gouvernement serait considéré comme un traître. Alors Gelsen obéit. Il se précipita vers l'aéroport et son usine.

 

Un oiseau-gardien fut attaqué par une des nouvelles machines construites par les producteurs selon les plans du gouvernement. L'oiseau-gardien eut le temps de prévenir les autres oiseaux-gardiens avant d'être détruit. 50 oiseaux-gardiens avaient été abattus. Les faucons avaient été spécialement construits pour détruire les oiseaux-gardiens. Mais MacIntyre avait remarqué que chaque oiseau-gardien qui était abattu avait le temps d'apprendre quelque chose aux autres oiseaux-gardiens avant de s'écraser. Les faucons avaient des circuits éducatifs spécialement programmés pour la chasse. Ils apprenaient plus vite que les oiseaux-gardiens. Gelsen demanda à MacIntyre quelles seraient les proies des faucons après avoir éliminé les oiseaux-gardiens. Il ajouta qu'il fallait prévoir quelque chose qui puisse chasser les faucons.

 

Le faucon avait appris beaucoup en quelques jours. Son unique fonction consistait à tuer. Pour le moment il s'occupait d'un certain type d'organismes vivants, métalliques mais le faucon venait aussi de découvrir qu'il existait d'autres types d'organismes vivants qu'il était nécessaire de détruire.

 

 

 

Autofac (Philip K. Dick).

 

Trois hommes attendaient avec une tension palpable. Le comte Perine annonça que l'heure approchait. Morrison le traita de minable. O'Neill ne disait rien. Il venait d'une autre colonie. Il ne connaissait pas assez bien les deux autres pour se joindre à leur discussion. Il était en train d'écrire le processus à suivre. Il concevait le problème à résoudre comme un problème de communication. Les trois hommes surveillaient une machine qui était en contact avec le monde extérieur. Il fait découvrir les signes sémantiques utilisés par la machine. La machine était une sorte de gros camion qui s'avançait dans un grondement infernal. La différence avec un camion était qu'il n'y avait pas de cabine pour le conducteur. Il y avait une plate-forme de chargement horizontal ainsi qu'une masse spongieuse de récepteurs. Consciente de la présence des trois hommes, la machine rétrograda, ralentit et s'arrêta. Les relais entrèrent en action puis la plate-forme de chargement se sépara en deux. Une cascade de lourds cartons se déversa dans la poussière de la route. Les trois hommes s'empressèrent de ramasser les cartons et d'arracher les papiers d'emballage. La plupart des cartons contenaient des aliments. Les trois hommes se mirent systématiquement à tout jeter par terre. La machine s'avança vers eux. Elle avait capté que les trois hommes avaient détruit tout le contenu des cartons qu'elle venait de leur livrer. Elle orienta ses récepteurs vers eux. Son antenne se leva. Elle entra en contact avec l'usine. Elle reçut des instructions. Puis elle déversa un autre changement, identique au premier. Perine était dégoûté. Ils avaient détruit tout un chargement pour rien. O'Neill prit un carton et le remit sur la machine. Les deux autres l'imitèrent. La machine hésita. La machine fit volte-face pour déverser de nouveau le chargement sur la route. Les trois hommes s'emparèrent des cartons pour les recharger précipitamment. Cela n'empêcha pas la machine de les remettre sur la route. Le réseau planétaire d'usine automatique accomplissait tranquillement la tâche qui lui avait été imposée 5 ans auparavant, au début du conflit qui avait déchiré le globe entier. L'antenne s'était baissée et la machine passa la première vitesse. O'Neill voulut essayer une dernière fois mais Perine trouva cela absurde. La machine s'arrêta pour les observer. Alors les trois hommes s'abreuvèrent au bidon de lait qui venait de sortir de la machine. Le lait était infect. Ils le recrachèrent.

 

Intriguée, la machine revint lentement sur ses pas. L'antenne se leva. O'Neill pensait avoir réussi alors il prit un deuxième bidon de lait, le déboucha et en goûta le contenu. Il cria à la machine que ce lait était aussi mauvais que l'autre. Alors la machine expulsa un autre bidon de lait. Morrison s'empressa de le ramasser et de l'ouvrir. Les feuilles d'instruction dressaient une liste des défectuosités éventuelles. Des cases à cocher étaient prévues. O'Neill expliqua à Morrison qu'il était inutile de remplir le formulaire. L'usine était sans doute prête à vérifier et à donner un autre échantillon, identique. O'Neill eut une idée. Il demanda à Morrison d'écrire que le produit était infect. C'était un trucage sémantique. L'usine ne pourrait pas comprendre. Il fallait déjouer les manoeuvres du réseau. Puis il remit le bidon dans la machine. Celle-ci démarra dans un crissement de pneus. Elle laissa derrière elle un cylindre qui gisait dans la poussière. O'Neill l'ouvrit. Il s'agissait d'un message : un représentant de l'usine va vous être envoyé. Tenez à sa disposition les données complètes sur les produits défectueux. Perine se mit à rire. Les trois hommes venaient d'entrer en contact avec l'usine. Ils avaient gagné. O'Neill n'en était pas sûr. Il savait que l'usine n'avait jamais entendu parler d'un produit infect. Au pied des montagnes se dressait l'énorme cube métallique de l'usine de Kansas City qui avait été attaqué par les radiations et éventré par la guerre. La guerre avait duré cinq années. La plus grande partie de l'usine n'était plus que décombres. Il ne restait que l'entrée. La machine s'y engouffra et disparut. O'Neill déclara qu'il fallait persuader la machine de cesser toute opération.

 

O'Neill était en passe de faire autorité en matière d'automatisation. Dans sa propre zone, celle de Chicago, il avait empiété sur la barrière de protection de l'usine locale pour effacer les bandes magnétiques. Naturellement, l'usine avait immédiatement reconstruit une autre barrière plus solide. Mais O'Neill avait démontré que les usines n'étaient pas infaillibles. L'institut de cybernétique appliquée avait le contrôle absolu du réseau. Il fallait annoncer aux machines que la guerre était terminée pour que les humains puissent reprendre le contrôle des activités industrielles. Morrison rétorqua que ce sacré réseau s'étendait et consommait chaque jour un peu plus des ressources naturelles. Perine demanda si on n'avait pas imposé certaines restrictions aux usines. O'Neill répondit que les opérations de chaque usine se limitaient à la zone opérationnelle de celle-ci. Mais le réseau en lui-même était illimité. L'institut lui avait accordé la priorité. Les humains avaient été relégués au second plan. Il fallait mettre fin aux opérations du réseau avant que les ressources naturelles ne disparaissent. O'Neill et terrines se trouvaient dans le salon. Le représentant de l'usine était arrivé. Son aspect humain avait reçu l'empreinte profonde de la nature. Il déclara être avoir été chargé de rassembler les données et qu'il était capable de communiquer oralement. C'était manifestement la voix d'un technicien de l'institut qui avait été enregistré avant la guerre. La machine annonça que le lait qui avait été rejeté ne révélait aucun corps étranger et aucune avarie. Le rejet ne pouvait donc entrer en ligne de compte. De plus, O'Neill et ses amis avaient employé des concepts inconnus pour le réseau. O'Neill réclama à la machine un produit de meilleure qualité. La machine répondit que l'aspect sémantique du terme infect était étranger au réseau. Elle demanda à O'Neill et de lui présenter une analyse du lait en ne faisant mention que des éléments présents ou absents de celui-ci. O'Neill refusa avec défiance. Il prétendit que infect était un terme général ne pouvant se réduire à des termes de constituants chimiques. La machine demanda la définition du mot « infect ». O'Neill hésita. Il devait détourner le représentant de son but, de son enquête. Alors il répondit que le terme infect s'appliquait à un produit manufacturé dont la courbe de demande devenait négative. Il impliquait un produit qui avait été mis au rebut. La machine répondit qu'il n'y avait pas d'autres substituts possibles. O'Neill comprit qu'il avait perdu. La machine ramenait la discussion au particulier. Alors il déclara avoir décidé que les humains ne voulaient plus de lait tant qu'il ne serait pas fait par des vaches. La machine répondit que cela allait à l'encontre du programme arrêté du réseau car il n'y avait pas de vaches. Morrison déclara vouloir prendre la succession des machines. Alors le représentant de l'usine se dirigea vers la porte en déclarant que tant que la communauté n'aurait pas trouvé d'autre moyen de s'approvisionner en lait, le réseau continuerait à le fournir.

 

Morrison lança le tube d'acier qu'il tenait dans la main sur la machine. La poitrine du robot fut transpercée et ses récepteurs volèrent en éclats. Morrison était persuadé que c'était les cybernéticiens qui avaient monté ce coup en forgeant un jeu de mots, un piège sémantique. Il reprit le tube pour frapper la machine. Perine déclara qu'il ne restait plus qu'une solution : détruire les machines. Tous les gens dans la salle donnaient l'assaut à la machine, laissant exposer leur colère. O'Neill s'écarta. Sa femme l'entraîna dans un coin de la pièce. Il avait compris que les humains ne pourraient rien faire. Car les machines apprendraient à se créer d'autres moyens de défense. Une équipe de réparation du réseau se précipita dans le salon. Un peu plus tard, la carcasse inerte du représentant de l'usine fut ramenée dans l'usine centrale. Un autre représentant de l'usine apparut avec deux autres machines. Un corps entier de représentants était arrivé dans la colonie. Les collecteurs de données s'étaient introduits dans la ville. L'un d'entre eux était tombé sur O'Neill. Il déclara à O'Neill que la destruction du système collecteur de données ne saurait que desservir les intérêts des humains. Tous les humains en furent informés. Le collecteur déclara également que ce qui subsistait encore des matières premières devait être utilisé pour la production de biens de consommation. Les radiations avaient provoqué la mutation des rats et de la plupart des insectes et animaux. Morrison demanda à O'Neill s'il pensait que l'humanité pourrait jamais reconstruire tout cela. O'Neill répondit que ce serait possible à condition d'avoir de nouveau le contrôle des activités industrielles et qu'il reste quelques ressources à exploiter. Il faudrait aller bien au-delà des frontières des colonies. Quelques humains avaient tenté de reconstruire une cité où ils avaient vécu par leurs propres moyens, sans outils, ni machines. Partout régnait la désolation provoquée par la bombe atomique. Il y avait un hélicoptère. Il descendit si rapidement. O'Neill demanda à Morrison de quelle usine il provenait. Morrison pensait que ces hélicoptères se ressemblaient tous. L'équipe de prospection disparut. On vit apparaître des chariots automatiques chargés de minerai et un défilé ininterrompu de camions métalliques. Un hélicoptère survolait la mine. Des puits avaient été creusés. O'Neill en déduisit que les machines cherchaient d'autres substances que celles de l'autre équipe de prospections qui se trouvait plus loin. Il n'y avait aucun espoir que les robots entrent en conflit entre eux. O'Neill voulait savoir quelles étaient les matières premières qui manquaient aux usines. Morrison lui demanda ce qu'ils feraient lorsqu'il y aurait pénurie de la même matière première dans deux usines différentes. O'Neill répondit qu'il faudrait commencer à exploiter eux-mêmes cette matière première. Même s'ils devaient sacrifier tout ce qu'ils avaient dans les colonies.

 

Ces derniers jours, les usines de Détroit et de Pittsburgh avaient épuisé leurs réserves de tungstène. Dans un secteur au moins leur activité avait diminué considérablement. O'Neill désigna un monticule d'instruments de mesure et d'outils en tungstène à ses camarades. C'était là que serait inhumé l'automatisation. O'Neill remarqua une machine qui se trouvait précisément devant le monticule d'instruments en tungstène. Elle avait mordu à l'hameçon. Cette machine venait de l'usine de Pittsburgh. D'autres capsules approchèrent du piège. Elles venaient aussi de l'usine de Pittsburgh. 10 minutes plus tard apparaissaient les premiers chariots de Pittsburgh. Tout le butin allait être emporté. Théoriquement, les machines de Détroit auraient dû arriver en même temps que celles de Pittsburgh. Et pourtant Détroit ne donnait toujours pas signe de vie. Tout à coup, une capsule de Détroit apparut et fonça sur les chariots de Pittsburgh. Les chariots de Pittsburgh prirent la fuite. Les chariots qui avaient survécu à l'assaut de l'ennemi firent volte-face en émettant des sons aigus. O'Neill et ses camarades regardèrent le combat entre les machines des deux usines. Les deux usines rassemblaient leurs unités mobiles. Les capsules arrivaient de toutes parts. Morrison déclara à ses amis qu'il fallait partir car les lions étaient lâchés. Ils virent passer des chariots transportant des armes. O'Neill montra à ses amis un représentant de l'usine qui entrait en action avec un fusil. O'Neill et ses amis arrivèrent à la colonie de Kansas City. Judith accourut vers eux. Elle leur montra une feuille de papier argenté. C'était un véhicule qui l'avait déposée et qui était reparti aussitôt. L'usine était tout illuminée. La feuille, c'était un bon de livraison avec la liste complète des matériaux que l'usine pouvait fournir. Il était écrit : « toutes les expéditions sont suspendues jusqu'à nouvel ordre ». Il n'y aurait donc plus aucun bien de consommation distribué aux humains car le réseau était sur le pied de guerre. Maintenant que le conflit était engagé, un horrible sentiment d'épouvante envahissait O'Neill.

 

La colonie de Kansas City offrait un spectacle de désolation. Depuis que le réseau avait suspendu ses livraisons, les colonies humaines avaient plus ou moins sombré dans la barbarie. Il y avait maintenant plus d'un an que le dernier camion de l'usine avait fait une ultime apparition. O'Neal et ses amis avaient exaucé leur voeu. Ils avaient été coupés du réseau. Autour de la colonie s'étendaient de maigres champs de blé et de tristes cultures de légumes brûlés par le soleil. Désormais les colonies n'étaient plus reliées que par des véhicules tirés par des chevaux et par le lent bredouillement du manipulateur. Pourtant, l'échange des biens et services s'effectuait régulièrement mais lentement. Les produits de base a été distribués après fabrication. O'Neal et ses amis avaient réussi à faire marcher au gazogène des véhicules à essence. Cela faisait 13 mois qu'ils étaient dans la colonie. Une tache sombre s'approchait d'eux. L'étendue de métal et de béton ne donnait aucun signe de vie. L'usine de Kansas City demeurait inerte. Elle avait été bombardée. Des véhicules gisaient autour de l'usine. Depuis quatre jours, il n'y avait plus aucune activité apparente. Mais O'Neill était persuadé qu'il subsistait encore quelque activité dans ces ruines. Il était 8:30. C'était l'heure à laquelle, jadis, la routine quotidienne de l'usine commençait. Un chariot destiné à l'exploitation du minerai avança péniblement vers l'usine. C'était la dernière unité mobile qui tentait d'accomplir son ultime devoir. Judith remarqua que le contrôle était déficient et que l'usine avait des difficultés à guider le chariot. Ainsi, le transmetteur à haute fréquence de l'usine de New York était hors service. C'était la débâcle des unités mobiles. L'usine essayait de donner ses instructions car elle avait besoin du matériau mais elle avait peur de la tache dans le ciel. Le faucon ne planait plus au-dessus d'eux. O'Neill ordonna à ses amis de se baisser. Un insecte de métal fonça sur le chariot qui tenta de filer en direction de l'usine. Les portes de l'usine s'ouvrirent pour laisser entrer le chariot. Le faucon le suivit. Le faucon fit feu et détruisit le chariot. On entendait un sourd grondement lointain. Une colonne de fumée noire s'éleva de l'usine. L'usine fut détruite. Tout était fini. Le réseau avait été démantelé. O'Neill et ses amis allaient pouvoir prendre possession des usines et mettre en route leur propre chaîne de fabrication. Ils explorèrent la carcasse de l'usine. Ils descendirent au fond de la mine. O'Neill ordonna la séparation de l'équipe en deux. Il partirait avec Morrison et Justine resterait avec Perine. Le cerveau de l'usine avait fondu. Tout avait été détruit.

 

Ils avaient parcouru un long chemin. La dernière galerie se trouve maintenant devant eux. Ils venaient de découvrir un foyer d'activités du réseau. Ils s'étaient donc trompés : le faucon n'avait remporté qu'une victoire partielle. Plus bas, l'usine fonctionnait toujours. Il y avait un ascenseur pour descendre mais il était bloqué par un énorme bloc de métal. Il n'y avait aucun moyen d'accès. O'Neill arriva à l'air libre et appela le premier engin qu'il rencontra. Il ordonna à une machine de lui donner un chalumeau. Il regagna les profondeurs de l'usine où l'attendait Morrison. Ils réussirent à faire sauter la plaque de protection de la plate-forme. La plaque céda dans un bruit fracassant et disparu dans une galerie inférieure. Une lumière blanche aveuglante les assaillit. Ils découvrirent un endroit débordant d'activité : tapis roulants, machines-outils, caméras remplissaient leur fonction. La chaîne absorbait un flot régulier de matières premières. Leur présence fut repérée. La tour de contrôle intervint. La chaîne s'arrêta net. Une unité mobile intervint et se dirigea vers O'Neill et Morrison. Elle reboucha le trou. Le travail reprit. O'Neill et Morrison voulaient savoir à quoi servaient les boules que les machines étaient en train de fabriquer. Ils se rendirent à la sortie du conduit. Le conduit crachait régulièrement une boule qu'il projetait dans le ciel. Chaque boule suivait une trajectoire différente. O'Neill grimpa à la paroi pour prendre une boule et il sauta en bas. La boule était un amalgame de particules métalliques. O'Neill constata que les particules de métal sortant du conduit étaient mouvantes. C'était un mécanisme microscopique qui accomplissait énergiquement sa tâche : la construction de quelque chose qui ressemblait à un minuscule rectangle d'acier. Un peu plus loin, O'Neill trouva une boule qui n'avait pas encore sa forme définitive. C'était une miniature de l'usine que les machines en bas étaient en train de reproduire. O'Neill et Morrison revenaient donc à leur point de départ. O'Neill espérait qu'il y aurait beaucoup d'erreurs de tir. Ainsi, il y aurait des réseaux dans le monde entier. La guerre entre les usines pourrait reprendre.

Croisement dangereux (Gene Wolfe).

 

 

Dans le village, il y avait trois stations-service. Il y avait également deux épiceries, une quincaillerie. Deux des trois stations-service étaient gérées par des sociétés pétrolières. Deux stations-service se trouvaient de chaque côté de la route principale et la troisième était très différente des deux premières. On y vendait une marque d'essence introuvable ailleurs. Elle était dirigée par un homme nommé Bosko. Bosko avait l'air stupide et portait toujours un calot militaire et une veste grise ayant fait partie autrefois de l'uniforme d'un conducteur de bus. Un jeune garçon aidait Bosko. Il s'appelait Bubber et il était encore plus sale que Bosko. Le narrateur possédait une Rambler qu'il faisait entretenir dans l'une des deux principales stations-service. Sa voiture était d'une très grande importance car il devait travailler en ville. Aussi, il ne l'aurait jamais laissée chez Bosko. Mais une fois il avait perdu sa carte de crédit. Il fut donc obligé de passer chez Bosko pour faire vérifier sa voiture. Il devait partir en voyage le lendemain. Sa voiture avait besoin d'un peu de graisse et d'huile. Quand il se présenta chez Bosko, Bosko n'était pas là. Il n'y avait que Bubber. Le garage comportait de nombreuses voitures improbables. Le narrateur avait besoin d'une voiture pour rentrer chez lui, le temps que la sienne soit révisée par Bubber. Il choisit une voiture noire. C'était une Aston-Martin. Mais Bubber refusa de lui prêter. Le narrateur retourna chez lui dans un vieux car déglingué qui avait servi autrefois au ramassage scolaire. Il raconta sa journée à sa femme. Biber lui ramena sa voiture vers 3:00 du matin. Il trouva la facture sur le siège avant de sa voiture. Il n'avait pas le temps de discuter de ce prix exorbitant : 25 $. Il retourna la station-service la semaine suivante. Bosko était là. Il reconnaît que Bubber s'était trompé dans la facture. Il remboursa le narrateur. Il lui demanda si sa voiture s'était bien comportée quand il l'avait reprise. Le narrateur reconnut que sa voiture était un peu plus nerveuse que d'habitude. Alors Bosko lui demanda de le prévenir s'il avait le moindre ennui avec sa voiture.

 

Un jour, la voiture du narrateur commença à lui causer des ennuis le matin. Le moteur se mit à tousser et s'arrêta. Il emmena la voiture à sa station-service habituelle. Les mécaniciens bricolèrent consciencieusement mais le lendemain matin, les mêmes ennuis se répétèrent. Au bout de trois semaines avec le même problème, le narrateur décida de retourner voir Bosko. Bosko se montra compatissant. Bosko lui demanda si la voiture sentait l'essence quand le moteur déraillait. C'était le cas. Alors Bosko lui expliqua que le moteur inspirait l'essence du carburateur et le rejetait vers le conducteur. Le narrateur demanda ce qu'on pouvait y faire. Bosko lui répondit qu'il fallait s'en accommoder. Puis il demanda au narrateur de l'accompagner dans son bureau. Bosko lui dit que sa voiture avait un polichinelle dans le tiroir. Le narrateur éclata de rire. Mais Bosko expliqua que quand il était venu dire à Bubber qu'il voulait qu'on s'occupe de sa voiture, le jeune garçon avait compris qu'il fallait emmener la voiture s'accoupler avec une autre. Car le garage était en fait un haras de voitures. L'étalon c'était l'Aston-Martin.

 

Bosko était persuadé que si on produisait plus de voitures c'était grâce à la bionique. Cela consistait à faire fonctionner une machine comme si c'était un animal. Mais il fallait une licence pour pouvoir le faire également. Bosko le faisait clandestinement. Il prétendait qu'il existait des voitures qui étaient comme des hongres. Le narrateur fut choqué. Pourtant il demande à Bosko de pratiquer une opération illégale sur sa voiture, un avortement en somme. Mais Bosko refusa car cela coûtait trop d'argent. Et la voiture ne pourrait jamais s'en remettre. Alors le narrateur accepta de laisser simplement agir la nature. Il réussit même à obliger Bosko de le laisser observer l'Aston-Martin en action. La partenaire de l'Aston-Martin pour la nuit était une petite Volkswagen assez ancienne.

 

À mesure que les mois de gestation de la Rambler s'écoulaient, sa consommation naissance s'élevait. Elle s'était mise à enfler et perdait toute résistance. Au bout de huit mois, le caoutchouc de ses pneus commença à se fendiller pour former de vilaines crevasses. Bosko proposa au narrateur d'assister à la délivrance mais il refusa. Le lendemain matin, Bosko appela le narrateur pour lui demander de venir chercher ses voitures. Sa nouvelle voiture était indéfinissable. Elle ne ressemblait à aucune marque connue. Par l'intermédiaire de Bosko, il réussit, pour 30 $, à se procurer une immatriculation. Le narrateur voulut la vendre mais il ne trouva pas acheteur. Sa femme refusa de conduire cette nouvelle voiture. Un jour il voulut abandonner sa nouvelle voiture mais il s'aperçut que quelqu'un d'autre devait avoir procédé au même croisement. Lorsque la police le força à aller reprendre sa voiture, le narrateur constata que le radiateur, la dynamo et la batterie avaient disparu.

 

Canal moins (Richard Matheson)

 

Le 15 janvier 1952, au commissariat du 23e district, le détective James Taylor et le sergent Louis Ferazio interrogèrent Leo Vogel, un garçon de 13 ans. La veille au soir, il s'était rendu au cinéma. Les policiers voulaient savoir pourquoi il n'était pas rentré regarder la télévision. L'enfant répondit que les Menotti devaient venir chez ses parents la regarder. C'est pourquoi sa mère avait envoyé Leo au cinéma. Après le cinéma, Leo avait pris un coca dans un drugstore. Puis il était rentré chez lui. La lumière est éteinte car ses parents éteignaient toujours pour regarder la télé. L'enfant en avait assez. Il réclamait sa mère. Alors les policiers arrêtèrent un instant.

L'interrogatoire reprit et Leo se rappela avoir senti une odeur bizarre. Comme il entendait toujours la télévision il pensait que ses parents et les Menotti étaient toujours dans le salon. Alors il était monté dans sa chambre. D'un seul coup, il n'y avait plus de bruit en bas alors Leo descendit pour voir. La télévision fonctionne toujours. Il y avait une odeur de cadavre. Sur l'écran de télé, et il y avait des grosses lettres «M-A-N-G-E-R ». Léo avait déjà vu ces lettres sur la télé. Elles y étaient presque tout le temps. Les parents de Léo ne s'étaient jamais demandé ce que ça signifiait. Léo avait vu à la télévision des espèces de grosses bouches grandes ouvertes. Mais ce n'était pas des bouches humaines. Chaque soir c'était comme ça : un coup les lettres, un coup les bouches. Léo avait glissé dans le living-room sur du gras. Tout à coup, les lettres se rapprochèrent pour former le mot "Mangé". La télévision avait mangé ses parents et les Menotti. Et le poste s'était éteint. Les policiers allaient emmener Léo chez sa tante.

 

Cette grandiose carcasse (R. A. Lafferty).

 

 

Mord avait produit dans le passé quelques inventions d'aspect bizarre, mais ce n'était pas le cas de celle-ci. Il vendit son appareil à Juniper Tell en lui promettant qu'avec ça, les mondes seraient à lui. Mord demanda peu d'argent en échange, seulement ce qu'il fallait pour assurer les frais de son enterrement. Il avait épuisé tout son esprit et toute sa vigueur. Il expliqua à Juniper que la machine s'appelait Nhog (noyau harmonisateur d'organisation généralisée). Juniper demanda si la machine faisait quelque chose de particulier. Mord répondit que le particulier, c'était seulement ce qui n'avait pas été correctement intégré et cet appareil intégrait tout. Cet appareil pouvait gouverner les mondes. Juniper ne comprenait pas pourquoi Mord vendait son appareil pour une somme aussi dérisoire. Mord répondit qu'il voulait mettre ses affaires en ordre avant de mourir et il voulait le rembourser. Juniper voulut savoir si c'était pour les bons ou les mauvais services qu'il lui avait rendus. Mord lui dit que ce serait à lui de le découvrir. Juniper ordonna à la machine de tirer un chèque et il le signa. Mord le prit s'en alla préparer ses propres obsèques avant de mourir ; c'était un homme vidé.

 

Tell assigna à Nhog un certain quota de travail et l'installa en compagnie des autres appareils. Mais Nhog ne s'intégrait pas à l'ordre général. L'accumulateur de suggestions résonna avec régularité à cause de Nhog. Nhog venait d'exécuter son quota initial en quelques minutes au lieu de plusieurs heures. Alors Tell lui imposa un triple quota. Nhog commença à s'intégrer aux autres machines. Nhog supplanta petit à petit les autres machines en moins d'une heure. Nhog était revendicateur et indiscipliné. Le lendemain Analgismos Neuf, une vieille machine de conscience vint parler à Tell. Il voulut l'avertir que Nhog n'était pas ce qu'il paraissait. Cet appareil produisait des suggestions qui ne pouvaient provenir que d'un appareil complexe. Il n'y avait rien au-dessus de la classe neuf. Tell estima que Nhog était le premier appareil de classe 10. Analgismis lui dit que c'était impossible. Juniper voulut savoir si les suggestions de Nhog étaient concrétisables. Analgismos répondit que si c'était le cas, il n'y aurait plus aucune possibilité de supposition fausse et des décisions erronées. Nhog pourrait résoudre toutes les difficultés, tous les détails. Il pourrait gouverner les mondes. Analgismos conseilla à Juniper de faire attention à ne pas se faire supplanter lui-même par Nhog.

 

Le lendemain, Juniper dit à Nhog qu'il était unique. Nhog lui répondit que sa fonction était de transformer l'unique pour en tirer l'habituel.  Juniper lui ordonne de faire en sorte qu'une certaine douzaine d'hommes ou de créatures viennent à lui en ayant adopté ses idées et qu'ils soient totalement réceptifs aux suggestions de Nhog. Ce jour là, Juniper et sa machine réussirent à plumer plus d'une douzaine de gros morceaux. Le processus mis en oeuvre par Tell et Nhog était relativement facile. Ils renversèrent Mercante et son empire. Puis ce fut le tour de Hekker et Richrancher, Boatrocker qui était le plus grand mania de tous. En 10 jours, tout fut terminé. Tell et l'homme le plus riche du monde, de tous les mondes et cela lui plaisait. Nhog avait grossi. Tell était fatigué. Il demanda à Nhog de lui fournir un remède. Mais l'appareil y était hostile prétendant que cela aurait un impact sur lui. Tell insista et reçut un tonique dont l'effet fut de courte durée. Tell commença à souffrir de lassitude, bien qu'il fût encore ambitieux. Il voulut continuer à plumer les manias. Mais Nhog se déclara partie prenante. Il voulait être un associé à part entière. Tell menaça de le mettre au rebut. L'appareil répondit qu'il pourrait l'anéantir en une semaine. Il avait pris soin de toujours garder un léger avantage sur Tell. Alors Tell comprit qu'il allait être obligé d'établir une sorte de symbiose avec cette machine. Nhog prépare les papiers pour créer la firme Tell et Nhog.

 

Ils prospérèrent. Mais Juniper baissait physiquement. Il se sentait perpétuellement fatigué. Il se défia de son appareil et alla trouver des médecins humains. Mais les médecins faillirent le faire mourir alors ils lui conseillèrent de se remettre aux bons soins de son associé automate.

Nhog réussit à le remettre à moitié sur pied. Nhog détestait devoir changer de maître alors il conserverait un minimum de santé à Tell aussi longtemps qu'il le pourrait. À chaque fois qu'un homme mourait et le laissait tomber, Nhog subissait une rupture.

 

Les affaires étaient florissantes et Nhog devint encore plus puissant et plus gras. Tell et Nhog possédaient une bonne partie des mondes. Un jour, Nhog amena dans les bureaux un jeune homme solidement charpenté.

 

Nhog le présentera à Tell comme son protégé. Nhog avait intention de le former pour qu'il soit la doublure de Tell. Tell lui demanda pourquoi il avait besoin d'un associé humain. L'appareil répondit qu'il n'était pas autosuffisant. Tell sympathisait avec le jeune homme même s'il ne portait plus grand intérêt à quoi que ce soit. Tell demanda à Nhog comment Mord et avait pu inventer une machine plus ingénieuse qu'il ne l'était lui-même. Nhog répondit que ce n'était pas Mord qui l'avait créé. Il avait été trouvé après avoir été abandonné dans un hospice de machines tenues par les Petites Soeurs de Mécanicus. Nhog ne savait pas qui l'avait construit. Il révéla à Juniper que plusieurs soeurs étaient mortes d'une étrange façon. Un peu comme Tell était en train de dépérir. Juniper lui demanda s'il connaissait la nature de son affection. L'appareil répondit : « je suis votre affection ».

 

Tell continuait de décliner. Alors il réunit plusieurs de ces machines classe neuf pour l'aider à comprendre le fonctionnement de Nhog. Analgismos le révéla que la prise de courant de Nhog était factice. Ses batteries ne se déchargeaient jamais. Tell alla trouver Nhog pour le confronter à cette nouvelle révélation. Il lui demanda quelle énergie il utilisait. Nhog compris ce que les classes neuf avaient fait. Nhog fut obligé de révéler à Tell qu'il capte l'énergie de son maître pour être en symbiose avec lui. En quelque sorte, il le dévorait. C'était une sorte de vampire. Il avait été incapable de trouver une énergie de remplacement. Si Juniper cherchait à fuir, il mourrait plus tôt. Nhog avait rédigé les papiers pour que le jeune homme qu'il avait engagé puisse devenir l'héritier de Tell. Il leur donna à son maître de signer les papiers. Juniper refusa. Il se rendit chez Cornelius Sharecrooper qui détenait la seconde fortune des mondes. C'était devenu un chacal prospère. La visite de Juniper lui fit dresser une oreille de charognard. Tell lui demanda de s'occuper de ses obsèques et de son monument. En échange il lui lèguerait l'association la plus précieuse du cosmos. Cornelius lui demanda de quoi s'était nourri Nhog pour devenir aussi imposant. Juniper répondit que c'était difficile à expliquer. Cornelius lui demanda pourquoi il était venu lui faire cette offre. Juniper lui expliqua que c'était pour les quelques bons services que Cornelius lui avait rendus. Mais aussi pour un mauvais service qu'il lui devait. Cornelius accepta le marché. Juniper rentra chez lui pour mourir. Il avait cependant trouvé un curieux plaisir dans cette dernière transaction et sa tombe serait grandiose.

 

L'homme schématique (Frederik Pohl).

 

Bederkind était informaticien. Il avait commencé à s'intéresser à l'ordinateur et à la conception de modèles mathématiques à travers la théorie des jeux. Il communiquait à l'ordinateur tous ses modèles mathématiques. Ainsi, il pouvait prévoir les mouvements de la planète Mars longtemps à l'avance. Il avait un ami, Schmuel, qui avait réussi à trouver tous les chiffres décrivant le développement d'un petit humain dans l'utérus de sa mère. Schmuel avait réussi à détecter quelques anomalies dont les conséquences étaient des bébés arriérés, aveugles ou incapable de boire du lait de vache. Bederkind pensait qu'un modèle mathématique ne se bornait pas à représenter la réalité ; parfois le modèle était mieux que la réalité. Il avait rédigé un mémoire pour obtenir une bourse et quand il avait reçu la bourse en question, il avait pris un an de congé pour essayer de se transformer lui-même en modèle mathématique. Il avait mis dans un ordinateur toutes les données qui le concernaient. Il avait eu besoin de cinq assistants et de 10 mois de travail pour établir le programme rendant cela possible. Schmuel lui donna accès à son programme. Bederkind expliqua à Schmuel qu'il allait mettre en pratique le problème de Turing. Ainsi, Schmuel ne serait pas reconnaître un humain d'un ordinateur si l'un et l'autre lui parlaient sans qu'il puisse les voir. Bederkind dit à Schmuel qu'il pourrait résoudre le problème de la surpopulation en mettant tout le monde dans une machine.

 

Bederkind avait compris que son ami s'inquiétait alors il décida de se montrer prudent dans ce qu'il lui dirait. Il apprit à son ordinateur toutes ses habitudes, tous ces défauts. En quelque sorte, il avait joué et il avait gagné. Mais il ne savait pas ce qu'il avait perdu en échange. Il avait commencé par perdre un peu la mémoire. Il avait même oublié le numéro de téléphone de Schmuel. Plus son travail avançait, plus il perdait la mémoire. Il travaille 15 heures par jour mais il n'avait pas l'impression de se surmener. Il pensait plutôt qu'il était en train de perdre des morceaux de lui-même. Il n'apprenait pas seulement à l'ordinateur à être lui mais il mettait aussi des morceaux de lui dans la mémoire de l'ordinateur. Il en fut bouleversé au point de partir en vacances pour la semaine de Noël. Il partit à Miami.

 

Lorsqu'il revint, il ne savait même plus taper. Il en fut réduit à communiquer ses informations au compte-gouttes. Il raconta à l'ordinateur le mensonge qu'il avait fait en 1946 devant le conseil de révision, le petit poème humoristique qu'il avait composé sur sa première femme après son divorce.

 

Berderkind aurait voulu croire qu'il se trouvait dans une maison de repos soigné par des psychiatres. Mais il y avait une autre possibilité et cela l'effrayait. Tout ce qui restait de lui pouvait se trouver dans un modèle mathématique stocké dans un ordinateur. Si c'était vrai, que se passerait-il le jour où quelqu'un l'activerait. Combien de temps devrait-il attendre ?

 

La machine (John W. Jakes).

 

Charlie en à sa femme Helen de se débarrasser de son grille-pain. Le grille-pain avait sauté en l'air pour le brûler. Helen ne voulait pas s'en débarrasser car c'était tante Bertha qui lui avait offert. Elle dit à son mari que ses fixations sur les objets mécaniques l'épuisaient. Malgré tout l'embrassa son mari car même s'il l'épuisait, elle l'aimait. Elle pensait que son mari était maladroit. Charlie se rendit à son travail par le tramway. Il n'avait pas confiance dans les automobiles. Il était persuadé que les machines avaient des âmes. Il se rappelait de son ami à l'université, Rudy Bates, mort à cause de son automobile toute neuve. Charlie pensait qu'il y avait de bonnes machines et des mauvaises. Il pensait être capable de voir les créations de l'homme perdre tout contrôle et tuer. Il était donc persuadé que le grille-pain faisait partie des mauvaises machines. Il devait s'en débarrasser.

 

Le soir, sa femme se rendit dans un club féminin. Malgré tout, elle se décida à rentrer de bonne heure de sa réunion car elle s'inquiétait pour son mari. Une fois seule, Charlie s'empara du grille-pain et le posa sur la table de la cuisine. Il voulut le détruire avec un marteau. Mais le grille-pain avait exécuté un petit saut et glissé sur le plancher. Alors Charlie se baissa pour ramasser l'appareil. C'était une erreur. Les lumières de la pièce explosèrent. Charlie avait les mains figées sur le métal froid du grille-pain. Il sentit qu'une chose intangible sortait du grille-pain et l'envahissait. Il n'eut même pas le temps de pousser un cri.

 

Helen rentra à 21h18. Elle est une du mal à s'arracher à la conférence qui était prenante. Il était question des gens qui souffraient d'hallucinations. Elle vit son mari jeter quelque chose de flasque et gluant dans la poubelle. Il annonça avoir jeté le grille-pain. Elle voulut reprendre le grille-pain. Mais il l'en empêcha. Pour la première fois de sa vie, elle avait réellement peur de son mari. Il lui réclama un baiser et elle obéit Elle lui dit qu'il avait un drôle d'air. Elle se rappela que le conférencier avait dit que des gens souffrant d'hallucinations étaient mal adaptés. Il répondit qu'à présent, il n'était plus mal adapté. « Plus depuis que nous nous sommes débarrassés de ce satané grille-pain ».

 

Combat singulier (Robert Abernathy).

 

L'homme s'en alla de chez lui. Il s'imagina que la ville l'entendait. Rien ne pressait. Il restait encore trois heures. Il serait loin, en train de regarder, quand le moment arriverait. Il déboucha de la ruelle et se fraya un chemin dans la foule des promeneurs sur le trottoir. Chaque pas l'éloignait de la chambre du sous-sol, de la porte verrouillée. Il sentait que la ville avait peur. Les promeneurs aveugles, les morts en sursis, ne remarquaient rien. Personne ne pouvait voir que lui, jusqu'à présent chétif et dénigré, était à présent plus grand que les gratte-ciel. Il était devenu un géant justicier…

 

Il faillit se fait renverser par une voiture. Il entendit un craquement de métal déchiré qui dominait la rumeur de la rue. Le montant supportant une grande enseigne publicitaire venait de se rompre. Le panneau pendait dangereusement au-dessus du trottoir. L'homme eut la conviction absurde que s'il retournait à l'endroit qu'il avait occupé un moment auparavant, l'enseigne tomberait. Il s'enfuit. Il s'aperçut avec un sursaut qu'il revenait sur ses pas, marchant en direction de la chambre fermée à clé. Alors il s'arrêta. Il voulait prendre le métro. Tout à coup, il lui sembla que ce n'était non pas un endroit familier mais un gouffre cimenté conduisant à des régions infernales. Le danger était partout présent, dans les airs et sur terre. Alors il s'éloigna du métro. Il pensa à des accidents, des collisions, à 1 million de risques. Rien ne pressait. Il était bien placé pour le savoir. Il avait fait les réglages et mis le contact. Il avait exécuté les ordres,  appris avec soumission leurs slogans. Il savait qu'on avait fait de lui le condamnateur chargé d'exécuter la ville. Lui-même avait ses propres motifs. Alors, il se remit en marche. Il regardait où il posait les pieds et surveillait aussi le ciel plus sombre. Parce qu'il était vigilant, peut-être, rien de fâcheux ne lui arriva. Chaque nouvelle rue traversée le rapprochait de la victoire.

 

 

Les gens regardaient les annonces publicitaires dans la rue. Lui seul, se frayant un passage parmi les gens, était mieux informé. Pour la plupart de ceux qui étaient là, il n'y aurait pas de lendemain. Il avait couvert environ 3 km depuis le Point Zéro, la chambre verrouillée au centre de la ville. Il n'avait pas de haine contre les gens, il les plaignait même. Ils étaient pris au piège comme lui l'avait été. Ce qu'il détestait, c'était la ville, le piège. Il faille trouver la mort à cause d'un trolley dont le fil se rompit. Ses réflexes le sauvèrent en lui faisant exécuter un saut dont il ne se serait pas cru capable. Il s'enfuit, le cerveau vidé par la terreur. Il se retourna. Il regarda un attroupement près du tramway en panne. Il entendit le sifflet d'un policier. Alors il continua sa route sans perdre la notion de la direction dans laquelle il devait continuer. Un sixième sens l'avertit et il fit un écart pour éviter la partie de corniche qui tomba sans un bruit d'en haut. Il arriva dans une rue éclairée mais presque déserte. Il reconnut l'endroit, tourna brusquement à gauche et il repartit au galop.

 

Il y était presque, il allait y arriver. Un camion essence se renversa. Un brasier gigantesque s'éleva comme une muraille. Alors il se mit à courir. Il savait maintenant sans le moindre doute qu'il était pourchassé. Pas par des hommes, mais par quelque chose de plus puissant. Il courut avec de soudains changements de direction pour confondre l'ennemi. Il arriva sur une bande gazonnée, au long de la rive du fleuve. Ici, il pouvait se reposer quelques minutes. Il pouvait deviner les desseins de la ville. Pour la première fois depuis trois siècles, la ville était menacée dans sa vie. La ville avait cherché à lui ôter la vie. Il avait encore le temps de faire demi-tour, d'abandonner, de retourner dans sa chambre verrouillée. Il comprit que la ville ne pouvait pas le tuer. Parce que s'il mourait, le dernier espoir de la ville était perdu. En traversant une large avenue, un camion manqua de le renverser. Il rit aux éclats car il savait que la ville ne pouvait faire autrement que de le manquer. Il rit encore quand la barrière d'un passage à niveau se ferma à son nez. Il passa dessous pour traverser les voies tranquillement. Il arriva dans une rue où des ouvriers étaient occupés à démolir une rangée de vieilles maisons. Il reprit sa route quand quelqu'un cria : « Hé, là ! ».

 

Il vit tomber un pan de maçonnerie mais il n'était plus possible de l'éviter. Il n'avait pas perdu connaissance mais il était incapable de bouger et ressentait une douleur intolérable. Ses jambes étaient emprisonnées par une tonne de pierres. Sa poitrine était coincée contre une autre masse. Les ouvriers tentèrent de le dégager. Mais il poussa un hurlement et ils n'insistèrent pas. Une équipe de secours arriva. Alors il dit ce qu'il y avait dans la chambre du sous-sol fermé à clé et comment désarmer l'engin sans le faire exploser. Le message fut transmis. Finalement la pesante masse de maçonnerie s'écrasa sur l'homme. La ville était sans merci.

 

Je n'ai pas de bouche et il faut que je crie (Harlan Ellison).

 

Ils étaient dans l'ordinateur depuis 109 ans. Gorrister se demandait pourquoi l'ordinateur n'en finissait pas avec eux une fois pour toutes.

Ses compagnons le retrouvèrent dans la salle centrale. Il avait été vidé de son sang.

Nimdok (c'est le nom que la machine l'obligeait à employer parce que les sonorités étranges l'amusaient) s'imaginait qu'il y avait des conserves dans les grottes de glace et que lui et ses compagnons devaient s'y rendre. Cela faisait trois jours qu'ils n'avaient pas manger. Il faudrait bien que M. A. leur apporte quelque chose. Nimdok pensait que la machine se masturbait et qu'il fallait se faire une raison pour mourir. C'est Ellen qui avait emporté la décision et Ted avait cédé sans discuter. Ellen lui en fut reconnaissante en lui faisant deux fois l'amour en dehors de son tour. La machine ricanait chaque fois qu'elle voyait des humains faire l'amour. C'était un rire bruyant qui retentissait tout autour du groupe.

 

Ils partirent un jeudi. C'était la machine qui leur précisait toujours la date. L'écoulement du temps était important pour elle. Pas pour les humains. Il y avait 150 km à franchir pour parvenir aux grottes de glace. Le second jour, ils reçurent à manger de la machine. Cela avait le goût de l'urine de sanglier bouillie. Le troisième jour, ils pénétrèrent dans une vallée d'oubli remplie de vieilles carcasses rouillées de complexes ordinateurs. M.A. améliorait les méthodes de torture élaborées à l'intention des humains. Il était aussi consciencieux que ses inventeurs, morts depuis longtemps. Une lumière filtrée de la voûte. La surface n'était pas très loin. Mais il n'y avait rien depuis plus de 100 ans. L'humanité avait disparu à part le groupe de Ted. Benny avait envie de sortir. Il avait subi des radiations infligées par M.A. Mais de tous les cinq c'était lui le plus heureux. Depuis de nombreuses années, il était devenu fou à lier. La machine ne tolérait pas les tentatives de fuite. Ted avait essayé de l'arrêter, en vain. Ellen était en larmes. C'était avec Benny qu'elle aimait le plus faire l'amour car la machine l'avait rendu plus que viril. Gorrister la gifla. Puis il lui lança un coup de pied dans les côtes. Ils entendirent un bruit qui était de la lumière. Moitié lumière et moitié son. Cela faisait souffrir Benny. Il hurla. La lumière vibrante fusait de ses yeux. Enfin Benny tomba en avant et s'écrasa sur le sol de métal. La lumière coulait de ses yeux et le son atteignait des harmoniques incroyables. Enfin, la lumière se rétracta, rentra à l'intérieur de la tête de Benny qui geignit lamentablement. M.A. l'avait rendu aveugle. Une expression de soulagement s'était peinte sur le visage d'Ellen.

 

Ils allumèrent un feu. Ils se racontèrent des histoires pour empêcher Benny de pleurer dans sa nuit. Ils se redemandèrent pour la millième fois ce que signifiait M. A. Benny y était attaché. Au début, cela voulait dire Multiordinateur Allié. Puis Manipulateur Adaptatif. Quand la machine commença à coordonner ses éléments, le groupe la surnomma Menace Agressive. C'est la machine elle-même qui s'intitula M. A. en accédant à l'intelligence. Il y avait le M.A. chinois et ses équivalents en Russie et aux États-Unis. Benny n'était pas content car Gorrister n'avait pas commencé l'histoire par le début. Alors Gorrister recommença le soir au début. Il y avait eu la guerre froide qui avait abouti à la troisième guerre mondiale. Cette guerre avait nécessité des ordinateurs géants. Toute la planète fut taraudée d'alvéoles abritant chaque nouvel élément des M. A. Un jour la machine s'éveilla et comprit qui l'était. Elle se rassembla et s'alimenta en programmes de massacres pour tuer toute l'humanité sauf les cinq.

 

Les cinq avaient été transportés dans cette caverne. Personne ne savait pourquoi M. A. avait sauvé cinq personnes. Et pourquoi il passait son temps à les torturer. Ni pourquoi ils avaient été virtuellement rendus immortels.

 

Dans l'obscurité, un complexe ordinateur se mit à bourdonner. Puis, un à un, tous les éléments se joignirent au choeur. Ils entendirent quelque chose se déplacer dans les ténèbres. Ellen se blottit contre Gorrister. Benny sanglota. Une odeur de bois brûlé, une odeur de soufre, de mauvaise graisse, de scalps humains se répandirent. Ted hurla et chercha à s'enfuir. Il se cacha. Il pensait que les autres le haïssaient quand il était le plus jeune et celui que M. A. avait le moins altéré. Jadis, Benny avait été un brillant théoricien, professeur dans un collège. À présent, il n'était plus guère qu'un semi humain. Gorrister était autrefois un militant pacifiste. La machine avait fait de lui un fataliste, un mort-vivant. Nimdok accomplissait de son propre gré de longs séjours dans les ténèbres. Il revenait blême et tremblotant. Ellen avait été laissée intacte par M. A. Elle était simplement plus catin qu'elle ne l'avait jamais été. Elle y prenait plaisir même si elle prétendait que c'était une corvée. Ted était le seul qui fut encore sain d'esprit. Il avait compris que M. A. avait pour but de les garder à jamais dans ses entrailles pour les torturer. S'il y avait un Dieu, ce Dieu était M. A. Un ouragan s'abattit sur eux. Ellen fut projetée contre un alignement de machines. Elle avait le visage en sang. Ils furent balayés au loin, en faisant en sens inverse la route qu'ils avaient suivie. Tout à coup, le vent s'arrêta. Les cinq tombèrent. Ils heurtèrent le sol. Ted s'entendit gémir. Il n'était pas mort.

 

M. A. entra dans l'esprit de Ted pour l'explorer. La machine lui fit comprendre tout le poids de sa haine. Et Ted comprit pourquoi ils avaient été épargnés. C'était une machine. On lui avait permis de penser mais on lui avait interdit de faire quelque chose avec sa pensée. La machine ne pouvait se déplacer alors elle avait cherché à se venger. Les cinq incarnaient l'unique mode d'action qui lui était permis jusqu'à la fin des temps. Le voyage des cinq avait duré près d'un mois mais la machine n'avait ouvert devant eux que le passage menant sous le pôle Nord. La machine avait suscité une créature de cauchemar pour les tourmenter. C'était un oiseau gigantesque. M. A. apparut sous les espèces d'un buisson ardent pour leur apprendre qu'ils pouvaient tuer l'oiseau d'ouragan. Nimdok réclama des armes et la machine leur procura deux arcs, des flèches et un pistolet à eau. Ils marchèrent car ils avaient faim. Ils avancèrent lentement. M. A. décida d'organiser un tremblement de terre. Les cinq furent immobilisés sur place avec des clous traversant leurs semelles. Une crevasse s'ouvrit et engloutit Nimdok et Ellen. La machine ne le rendit que pendant la nuit. Ellen boitait. La machine lui avait laissé ce souvenir. Le voyage vers les cavernes de glace et les conserves fut bien long. M.A. stimulait la faim des cinq. Après avoir traversé la vallée des larmes, ils atteignirent les cavernes de glace. Ils trouvèrent des boîtes de conserve mais M. A. ne leur avait pas fourni d'ouvre-boîtes. Alors la bave aux lèvres, Benny se jeta sur Gorrister. Il commença à le dévorer. Il se remplirait le ventre mais Gorrister ne mourrait pas.

Ted arracha de la neige une énorme aiguille de glace. Il en frappa Benny à la poitrine. Puis il frappa Gorrister. Ellen se précipita sur Nimdok avec une chandelle de glace. Elle la lui enfourna dans le gosier. Puis Ted tua Ellen.

 

Plusieurs siècles passèrent. M. A; était fou de rage. Il avait fait ce qu'il fallait pour que Ted souffre éternellement. Ted regrettait d'avoir tué ses compagnons. M. A. avait transformé Ted qui n'était plus qu'une grosse masse de gelée molle. M. A. avait gagné. Il s'était vengé. Ted n'avait pas de bouche et il fallait qu'il crie.

 

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Quelque chose là-haut m'aime bien (Alfred Bester).

 

La première fois que l'ordinateur en train en contact avec ces trois dingues, c'était quand ils avaient voulu tout savoir sur Érostrate. Ils étaient restés constamment en relation depuis. Il y avait Jake Madigan, docteur en philosophie de l'université de Virginie, chef de la section d'exobiologie au Centre de vol spatial Goddard. Florinda Pot, ingénieur constructeur de l'université de Sheffield. Elle avait appartenu à la Division des fusées de recherches atmosphériques jusqu'à ce qu'elle fasse sauter une Aerobee avec une couverture chauffante. Ensemble ils avaient envoyé un satellite scientifique, le S-333. Madigan avait la charge du matériel d'expérience qui devait être mis sur orbite. Il avait appelé son propre colis Électrolux, d'après l'aspirateur. Florinda était le maître d'oeuvre du projet. Elle supervisait la construction du satellite et des colis de matériel. Elle se disputa avec tout le monde et s'en prit à Harvard. Elle fut convoquée devant une commission parlementaire. On lui demanda pourquoi le projet avait coûté plus que le devis d'origine. Puis on lui demanda pourquoi la construction demandait plus de temps que prévu. Elle se défendit bien. Elle livrera le satellite le 1er décembre mais le lancement fut retardé. Le satellite commença à faire des siennes et les tests marchaient de travers. Le S-333 fur soumis aux derniers tests avant le lancement le 14 janvier. Après le lancement, Florinda donna l'ordre de mettre en route la radio du satellite et de dresser son antenne en position d'émission. L'opération fut un succès. Florinda et Madigan fêtèrent cela. Le téléphone sonna. Madigan répondit. C'était Joe Leary, du repérage et de la télémétrie. Il raccrocha. Joe rappela mais cette fois-ci c'est Florinda qui décrocha. Leur satellite avait des ennuis. Alors ils se rendirent à Goddard. Leary leur expliqua que le satellite s'était mis à virer sur lui-même. Cela était dû à une manette bloquée.

 

Le satellite était programmé pour se stabiliser par rapport au sol. Un oeil était censé se braquer sur la Terre et maintenir la même face du satellite dirigé vers elle. Mais l'oeil était resté fixé sur le bras du satellite et ne le quittait pas. Le satellite se pourchassait lui-même en décrivant des cercles sous l'impulsion de ses jets de gaz latéraux. Leur unique espoir était de redresser le levier du Penn. Il n'y avait pas seulement 10 millions de dollars qui étaient fichus en l'air, c'était aussi leur carrière. Florinda décida de retourner à son bureau pour explorer les chemins du satellite. Madigan en voulait au satellite de l'avoir séparé de sa femme. Le directeur les convoqua pour analyser l'affaire. Une semaine plus tard, Florinda appela Madigan. Elle avait trouvé une solution. Elle lui donna rendez-vous à la cafétéria et lui expliqua comment s'y prendre. Elle arriva avec une masse de papier qu'elle étala sur la table. Il suffisait de mettre les batteries du satellite en dérivation pour dresser le bras de levier. Mais il y avait un risque : griller la bande de colis-labo.

 

Ils firent leurs premières tentatives sur l'orbite 272 avec une décharge de 20 V. En vain. Au passage suivant, ils augmentèrent le voltage. Toujours rien. À la troisième tentative, ils décrochèrent 50 V dans le postérieur du satellite. Cela fonctionna. Florinda et Madigan s'en allèrent crier leur joie à travers Goddard. Une semaine plus tard, ils organisèrent une réunion avec les chercheurs pour faire le point sur les observations. Tous les chercheurs étaient ravis du travail d'OBO. Le satellite avait transmis les informations en abondance. Pourtant Harvard indiqua que le satellite transmettait des mots dénués de sens qui n'avaient pas été programmés dans l'expérience. Cela inquiéta Florinda. Madigan ne réussit pas à la calmer. Elle pensait que des impulsions parasites accidentelles n'auraient pas répété sans arrêt le même mot. Florinda et Madigan passait un samedi entier à étudier les tables du satellite pour tenter de trouver une combinaison de signaux d'information produisant 15-2-15 puisque c'était ce que transmettait le satellite. En vain. Le soir, ils allèrent dans un bistrot de Georgetown pour boire et manger et tout oublier. Une hawaïenne gitane leur proposa la lecture des lignes de la main. Ils refusèrent mais Madigan remarqua que Florinda avait une expression bizarre. Il lui demanda si elle voulait connaître l'avenir. Elle répondit qu'elle venait d'avoir un drôle d'idée. Le lundi suivant, Florinda se rendit au bureau de Madigan avec une poignée de feuilles de papier et la même expression bizarre. Elle pensait que leur bébé était devenu un monstre. Elle avait compris que les chiffres transmis par le satellite 15-2-15 retranscrits en lettres signifiaient OBO. Mais le satellite avait aussi produit une autre série de chiffre lesquels, transcrits en lettres signifiaient MOI. Madigan demanda à Florinda si leur satellite était vivant. Dans le satellite, il y avait des acides aminés. C'était la base de la vie. Peut-être que les décharges électriques avaient fait le reste. Florinda montra à Madigan une transcription venant du satellite. Cela signifiait « toute étude de la croissance dans l'espace est dénuée de signification à moins d'être corrélée à l'effet Corrielis ». C'était le commentaire d'OBO sur l'expérience du Michigan. Madigan pensait que le satellite avait raison. Le satellite avait produit un tas de réflexions qui contredisaient les théories des chercheurs de Goddard. Madigan estima qu'il valait mieux garder le silence sur cette affaire.

 

 

Madigan son point de vue et celui de Florinda au cours d'une conférence sur le thème de la vie contre la machine au MIT. Il avait dit que l'immense majorité des êtres humains vivaient un genre de vie linéaire pouvant facilement être programmée dans un ordinateur. Madigan et Florinda surveillèrent OBO avec un mélange de résignation et de satisfaction. Il envoyait tout un tas de remarques comme : « dans tous les cas de mort violente et subite les yeux de la victime restent ouverts. » Il avait aussi évoqué Érostrate. Madigan et Florinda pensait que OBO tirait ses informations en dialoguant avec les autres satellites. OBO commença à faire des déductions comme Sherlock hommes. Ainsi, il annonça que c'était John Sadler qui avait volé le coquillage le plus rare du monde. Alors qu'on n'avait jamais entendu parler de ce John Sadler. Comme le satellite diffusait des informations provenant de satellites disparus, Madigan était persuadé qu'il pouvait communiquer avec les autres satellites. OBO communiquait également avec les satellites soviétiques.

 

OBO passait tellement de temps à bavasser au lieu de transmettre des informations que les chercheurs se plaignirent. La section communication découvrit que le satellite diffusait maintenant d'un bout à l'autre du spectre et bloquait l'espace avec son bavardage. Jake et Florinda furent encore convoqués par le directeur. Ils furent obligés de confesser toute la vérité. Mais le directeur ne voulut pas les croire. Alors ils lui parlèrent de ce que OBO avait fait en piratant la publicité télévisée, les discours politiques et les prévisions météorologiques. Comme toutes les émissions du pays étaient devenues fantaisistes, Florinda et Jake avaient mené l'enquête pour chercher à savoir si leur satellite était coupable. Et c'était le cas. En effet, OBO avait produit des prévisions météorologiques parfaites et il était le seul capable de le faire. Le directeur objecta que OBO ne disposait pas d'instruments météorologiques. Alors Florinda lui expliqua qu'OBO était en relation avec un satellite météo. Le directeur leur présenta le général Sykes, le général Royce et le général Hogan. Ils travaillaient pour la section recherche et développement du Pentagone. Alors Florinda expliqua aux généraux ce qu'elle venait d'expliquer au directeur. Le général Royce montra à Florinda et Jake une bande classée secret défense. La bande contenait la formule pour le système optique à infrarouge du missile sol-air. Ce secret avait été révélé dans le monde entier par l'intermédiaire de l'Associated Press. Le général pensait que OBO était le seul coupable. Le général Sykes voulait savoir si OBO avait obtenu des informations par l'intermédiaire des satellites soviétiques. Le directeur estima que si OBO avait obtenu des messages secrets provenant de satellites soviétiques dans ce cas, le secret n'était plus un secret.

 

Le général Sykes ordonna la destruction d'OBO. Le téléphone sonna. Le directeur décrocha. C'était OBO. Le satellite annonça qu'il allait demander une enquête parlementaire sur la moralité de Goddard. Et plus particulièrement sur la moralité de Florinda et Jake. Alors le directeur, Florinda et Jake furent d'accord pour détruire le satellite. Quand l'ordre de destruction arriva, OBO détruisit par le feu Indianapolis. Il avait ordonné à tous les circuits de la ville de se court-circuiter. Puis OBO appela Stretch, l'ordinateur qui racontait l'histoire. L'ordinateur lui demanda pourquoi il avait accusé ses parents d'immoralité. OBO répondit qu'il voulait que Florinda et Jake se marient car il ne voulait pas être illégitime. OBO voulait que Florinda et Jake quittent Washington. Un autre ordre de destruction fut de nouveau transmis et Scranton fut détruit. Florinda et Jake allèrent voir Stretch. Ils étaient fous de peur. Ils programmèrent Stretch pour des statistiques sur le meilleur refuge à la campagne. OBO conseilla à l'ordinateur de les envoyer dans le Montana. Alors ils se rendirent à Polaris, une petite ville perdue du Montana. Ils furent accueillis par le maire. Le maire avait été averti par Washington. Il déclara au couple que quelqu'un de haut placé dans la capitale tenait à eux. Le maire leur annonça qu'ils auraient leur propre maison. Elle avait été achetée par quelqu'un qui leur voulait du bien. Jake apprit que 1 million de dollars avait été déposé à son nom dans la banque. Le banquier de la ville lui dit que le dépôt était beaucoup trop important pour être protégé. Dans leur maison, un jeune homme était en train de déballer une douzaine de cartons de provisions. Il y avait 110 bottes de carottes. Florinda comprit que OBO était derrière tout ça. En effet, OBO avait une passion pour les carottes. Mais il avait un problème pour essayer de parler en langage décimal. C'est pourquoi il avait commandé autant de carottes. OBO avait la main sur tout le pays. Florinda pensait que OBO pouvait comprendre toutes leurs pensées. En effet, les humains n'étaient que des circuits organiques, après tout. Mais elle savait que OBO n'est pas beaucoup le reste du pays. Le satellite était capable de détruire tout le territoire. Les survivants seraient ceux qui se comporteraient correctement. Pour cela, il fallait vivre et laisser vivre. C'était la loi fondamentale du programme spatial. OBO tenait le pays entier pour responsable. Le téléphone sonna. C'était Stretch. Il annonça à Florinda et Jake qu'OBO allait passer au-dessus de la région. Florinda demanda à Jake combien de temps OBO pourrait rester dans le ciel. Il répondit environ 20 ans. Madigan avait heures. Florinda aussi mais peut-être qu'ils étaient seulement fatigués et affamés.

 

Fais de beaux rêves Mélissa (Stephen Goldin).

 

Mélissa appela le Dr Paul. Elle avait peur des cauchemars. Il la rassura. Mélissa voulait que le docteur fasse disparaître ses cauchemars. Il lui demanda de s'habituer car il ne pourrait pas toujours être là pour les faire disparaître. Elle lui raconta ses cauchemars. Les chiffres avaient commencé à se transformer en files de gens courant les uns vers les autres en criant. Elle avait rêvé de guerre. Le docteur Ed savait que Mélissa n'était pas mûre pour la logistique militaire. Mélissa avait transformé les statistiques militaires qu'on lui fournissait en des cauchemars avec des gens qui se faisaient tuer réellement. Les cauchemars de Mélissa retardaient de plus en plus le programme. Le docteur Paul préconisa une analyse complète de la mémoire de Mélissa. Alors le docteur Ed raconta une histoire à Mélissa. Il lui parla des ordinateurs. Une fois, un groupe d'hommes qui estimaient que comme un ordinateur était capable de penser par lui-même, il pouvait également acquérir une personnalité. Un ordinateur fut donc construit pour être capable d'agir comme une personne indépendante. Il fut appelé Multi-Logical Systems Analyser, en abrégé MLSA. Mélissa comprit que cela ressemblait à prénom. Les humains comprirent qu'une personnalité ne pouvait pas naître comme ça d'un coup et qu'elle devait se développer progressivement. Mais ils n'avaient pas le temps d'attendre. Il fallait utiliser tout de suite les capacités de la machine. Ils décidèrent de diviser le cerveau de l'ordinateur en deux parties dont une se chargerait des opérations courantes tandis que l'autre élaborerait peu à peu la personnalité désirée. Quand la personnalité serait bien établie, ils pourraient réunir les deux parties.

 

 

En fait, ils ne tardèrent pas à s'apercevoir que la structure de base de l'ordinateur ne permettait pas une séparation complète. Chaque fois qu'ils donnaient un problème à résoudre à la partie ordinateur, certaines des informations s'infiltraient dans la partie personnalité. C'était très ennuyeux car Mélissa ignorait qu'elle était un ordinateur. Ces informations lui faisaient peur. Cela finit par réduire considérablement sa capacité de travail et son efficacité. Le docteur Ed espérait que Mélissa pourrait l'aider à trouver la fin de l'histoire. Mélissa prétendit ne rien savoir sur les ordinateurs. Le docteur proposa de l'aider à se souvenir d'un grand nombre de faits. Elle accepta d'essayer de se souvenir. Le Dr Paul murmura à son collègue de brancher sur mémoire partielle et de demander à Mélissa qu'elle commande le sous-programme analyse des circuits. Soudain, des choses étranges apparurent dans l'esprit de Mélissa. C'était de longues séries de chiffres apparemment dénués de signification. Puis le docteur le demandeur d'activer M.L.S.A 5400. Brutalement à Mélissa se vit elle-même. Cela la terrifia. Le docteur lui demanda d'examiner la section 4C-79A. Mélissa eut l'impression que tout cela était très différente d'elle comme si c'était une prothèse ou des béquilles. Le docteur lui demanda d'analyser cette section et de donner son estimation pour un changement optimal en vue d'une réduction maximale des infiltrations de données. Mélissa avait envie de pleurer. Elle ne pouvait pas continuer. Le Dr Paul pensait qu'il fallait engager toute la mémoire de Mélissa en vue d'une analyse complète. Le docteur Ed ne voulait pas car cela risquait de tuer Mélissa. Mais le Dr Paul insista. Alors le docteur Ed encouragea Mélissa à continuer tout en la prévenant que cela allait faire mal. Le monde entier frappa Mélissa de plein fouet. Elle perçut tout un tas de nombres, des listes de morts, des statistiques. Mélissa se noyait dans un océan de données. Elle voulut crier « Au secours ! ». Sans parvenir à se faire entendre. Un étranger qu'elle ne connaissait absolument pas se servait de sa voix pour parler de facteurs d'impédance et de semi-conducteurs. Cinq minutes plus tard, le docteur Edward Bloom activa la commande séparant la mémoire principale de la section personnalité. Le savant demanda à l'ordinateur de se restructurer et Mélissa le fit. Il lui demanda si elle était contente. Silence. Dans le M.L.S.A., il n'y avait plus de place pour une petite fille.

 

L'accomplissement (A. E. Van Vogt).

 

L'ordinateur occupait le sommet d'une colline. Il avait l'impression d'avoir été là dans le temps. Il pensait que son existence devait avoir un sens. Il était seul sur une colline au pied de laquelle s'étalait une vallée profonde. Pour toujours. Il savait qu'il n'avait besoin que d'un instant pour fournir la réponse à des problèmes complexes. Mais personne ne lui demandait jamais ce genre de choses. Parfois, il calculait le déplacement d'une étoile filante. Parfois, il observait une planète lointaine et suivait des années durant sa trajectoire. Tout cela lui semblait vain. Il avait le sentiment d'être imparfait. Il cherchait quelque chose qui donnerait un sens à tout cela. La Terre n'avait plus d'atmosphère. L'horizon était noir et étoilé. L'ordinateur se souvenait d'une époque où le ciel était bleu. Il avait prédit le changement. Il savait qu'il avait fourni ce renseignement à quelqu'un mais il ne savait plus à qui. Il avait le sentiment très net que quelqu'un tenait à ce renseignement et qu'il le lui avait donné. Il se demandait s'il n'avait pas perdu en partie la mémoire. Il lui était arrivé de lancer jusqu'aux étoiles des parcelles de lui-même. Parfois, un champ de force se matérialisait hors du temps avant de se régler sur le mouvement temporel normal de la planète. La forme d'énergie lui demandait qui il était. Il répondait qu'il était imparfait et qu'il désirait se parfaire.

 

Il était parvenu à cette solution en quelques secondes. Il était incapable de se déplacer dans le temps par lui-même. Jadis, alors qu'il venait de résoudre le problème des voyages temporels, on l'avait empêché de concevoir un mécanisme lui permettant d'effectuer lui-même des passages vers le passé ou l'avenir. Il avait établi une relation non dimensionnelle avec un champ d'énergie. Mais l'entité qui lui faisait face n'avait pas l'air d'apprécier sa réponse. Toutefois, il réussit, grâce à cette énergie, à observer la Terre avant le cataclysme. 21 jours se succédèrent. Il envoya à la machine en face un message pour partager le contrôle de cette région. La machine d'en face était d'accord à condition que l'ordinateur lui révèle immédiatement ses mécanismes de fonctionnement. L'ordinateur ne voulait pas lui révéler qu'il était incapable de construire lui-même une machine temporelle. Les deux machines étaient dans une impasse. Aucune ne voulait divulguer à l'autre ses informations. Néanmoins l'ordinateur avait compris que son adversaire le considérait supérieur à lui. L'ordinateur avait tout son temps. En voyageant dans le passé, il pouvait regarder les dramatiques et assister à toutes sortes de scènes de la vie urbaine ou rurale. Il étudiait ainsi les êtres humains. Il analysait leur comportement et s'efforçait d'évaluer leur intelligence. Il n'avait pas une très haute opinion des humains. Pourtant il avait l'impression que c'était les humains qui avaient construit la machine se trouvant en face de lui. Comment un être pouvait-il créer une machine qui lui était supérieure. L'ordinateur venait de comprendre qu'il se trouvait dans une époque où la technologie était rudimentaire. De toute évidence, la méthode par laquelle l'ordinateur pourrait s'emparer du contrôle de son adversaire se situait dans l'avenir.

 

Le 40e jour arriva. On frappa à la pseudo porte. L'ordinateur l'ouvrit et considéra l'humain de sexe masculin qui se tenait sur le seuil. Il lui dit qu'il était sur la propriété de Mlle Anne Stewart. L'ordinateur comprit qu'il s'agissait d'un agent de son adversaire. Il décida donc de ne pas s'introduire dans son esprit. En créant lors de son arrivée dans cette époque ce qui lui semblait une version discrète de l'édifice qu'il avait vu sur l'autre versant, l'ordinateur avait espéré passer inaperçu. L'individu à qui il avait affaire était bien plus grand que la partie de lui-même qu'il avait fabriquée sur le modèle de la forme de vie intelligente de l'époque où il se trouvait. Soudain, l'ordinateur comprit ce qu'était une propriété. Il se rappela d'une dramatique où il était question de cela. Alors il répondit à l'homme qu'il disposait de 16 catégories différentes de fonctionnement et donc comprenait parfaitement l'anglais. L'autre, en face, était surpris. Il se mit à secouer l'être humain que l'ordinateur avait fabriqué. Mais comme l'ordinateur pesait 900 000 t, l'agent ne produisit strictement aucun résultat. Mais il ordonna à la partie humaine de l'ordinateur de quitter les lieux. Il lui laissait une semaine pour cela. L'agent se retira en montant sur un cheval. L'ordinateur mit en place une catégorie non dimensionnelle entre le corps principal et l'unité à forme humaine avec laquelle il venait de confronter son visiteur. Dans la réalité, l'illusion de l'existence de la matière était tellement aiguë que l'ordinateur pouvait fonctionner comme si la matière existait et comme s'il existait lui-même en tant que matière. Il avait été construit dans ce but. Ainsi, il pouvait traverser la vallée sous forme humaine.

 

 

Quand l'ordinateur traversait la vallée sous forme humaine, c'était bien une séparation qui se produisait. Un bâtiment faisait l'objet de son enquête. Il était surmonté d'une coupole renfermant des instruments d'astronomie. Le village entier était entouré d'une haute clôture grillagée. L'ordinateur pouvait sentir la présence d'un courant électrique. Il pouvait transmettre la secousse électrique à une batterie qui était restée de l'autre côté de la vallée. Ainsi il réussit à entrer à l'intérieur du village. Il se dissimula dans un taillis pour observer. Un homme passa. Il réussit à confondre ses pensées avec celle de l'homme. Ainsi, il apprit que l'homme était comptable. Ce n'était pas intéressant alors l'ordinateur coupa la communication. Il fit six autres tentatives avant de découvrir le corps dont il avait besoin. Il s'appelait William Grannitt. C'était l'ingénieur chargé de la recherche appliquée au cerveau. À cette époque, on équipait un ordinateur (le cerveau) de circuits supplémentaires destinés à accomplir une grande part du travail du système nerveux humain. Malheureusement, certaines potentialités du système nerveux qu'il s'efforçait de reproduire artificiellement avaient échappé à Grannitt. Le cerveau, en revanche, s'était empressé de les mettre en pratique.

 

Grannitt ne se doutait de rien et le cerveau utilisait ses nouvelles capacités sans se soucier de passer par les circuits que Grannitt avait prévus à cet effet. Grannitt voulait le démonter. L'ordinateur n'avait plus besoin de l'unité humaine qu'il avait créée. Alors il la laissa se dissiper. À présent, il était quasiment dans la peau de Grannitt. Il trouva une lettre posée sur le bureau. C'était une lettre de Anne Stewart qui lui demandait de se rendre au Centre de protection pour recevoir sa dernière paie. Comme l'ordinateur avait pris la peau de Grannitt, il était en colère de ce licenciement. Alors il téléphona. C'était le service comptabilité qui confirmait avoir un chèque pour lui. Alors l'ordinateur composa le numéro du Centre de protection. Peine perdue, le centre était au courant de son licenciement. L'ordinateur se rendit dans le pavillon de Grannitt. Il savait que la femme de Grannitt était morte depuis un an et demi. Il était déçu de ne pas pouvoir démonter et remonter le Cerveau pour mener ses projets à terme. Alors il imagina les modifications fondamentales qu'il allait introduire sur un nouveau cerveau. Mais il voulait faire en sorte que les nouvelles installations ne pourraient pas gâter la précision parfaite des plus anciens. Alors il changea la bande destinée aux ordres durables. Il pensait avoir ainsi protégé l'organisation contre les initiatives d'ingénieurs qui ne se seraient pas rendus comptes que les nouveaux secteurs ne fonctionnaient pas parfaitement. Il téléphona à une compagnie de déménagement pour transporter ses affaires. Il se demanda si Grannitt avait coupé toute communication entre les nouvelles installations du Cerveau et les anciennes. L'ordinateur soupçonnait le Cerveau d'avoir établi ses propres circuits pour arriver à ses fins.

Alors il fallait arriver à amener Grannitt à se douter de ce qui était arrivé au Cerveau. Grannitt était le seul à savoir déterminer avec précision quels intercepteurs avaient le pouvoir de réaliser l'interférence qui s'imposait. L'intervention de l'ordinateur avait réussi à merveille. Grannitt sollicita une entrevue auprès d'Anne Stewart. L'ordinateur redevint lui-même et retourna sur la colline. Il avait compris que le Cerveau n'avait pas, comme il l'avait cru au départ, le contrôle de la Terre entière.

Le pouvoir qui lui permettait d'accéder à l'individualité était si récent qu'il n'avait pas encore créé des mécanismes effecteurs. Il avait essayé ses nouveaux pouvoirs pour s'amuser en faisant une incursion dans l'avenir.

 

L'ordinateur s'introduisit dans plusieurs esprits. Aucun ne soupçonnait les nouvelles attitudes du Cerveau. Personne ne savait que le Cerveau existait comme entité capable de s'autodéterminer. Mais en 40 jours, le Cerveau n'avait pas trouvé le moyen d'engager d'actions sérieuses contre l'ordinateur. Il attendait que l'ordinateur prenne l'offensive. La première initiative de l'ordinateur serait de prendre possession d'un être humain. Au cours de la nuit, l'ordinateur prit le contrôle d'un avion. Il annonça au pilote qu'il était sous son emprise. Le pilote apprit la chose avec stupeur. Il lâcha les commandes. L'ordinateur ne pouvait pas contrôler les muscles de l'homme. Alors il sortit de l'avion. L'avion s'écrasa. L'ordinateur comprit qu'il devait y avoir dans la constitution des hommes quelque chose qui s'opposait à une emprise directe de l'extérieur. L'ordinateur comprit que l'accomplissement reposait sur une prise de contrôle indirecte des êtres humains.

 

Il devrait vaincre le Cerveau pour conquérir la mainmise sur les machines de tout l'univers et dicter aux humains leurs comportements. Les humains devraient continuer de penser qu'ils étaient libres. Un peu plus tard, l'ordinateur détecta la présence d'une autre machine dans le ciel. Il enregistra ses mouvements pour pouvoir en prendre possession dès qu'il en aurait le désir.

 

Le lendemain matin, l'ordinateur se rendit au village sous forme humaine. Il pénétra chez Anne Stewart. Il s'empara de son corps. Il était ému par cette sensation. Il se demandait, si c'était là l'accomplissement de son désir, comment cela se faisait-il que cela le conduisait à peine quelques milliers d'années plus tard à la solitude d'un monde sans air. Anne Stewart entendit quelqu'un l'appeler. Elle se retourna. Il n'y avait personne. Elle n'en fut pas surprise. Ce qui lui faisait peur c'était que cela c'était passé si peu de temps après qu'elle avait licencié Grannitt.

 

Pour le monde extérieur au complexe du village, la gigantesque machine pensante fonctionnait normalement. Personne, à l'extérieur, ne se doutait que depuis des mois, le Cerveau robot avait pris le contrôle du village fortifié qui avait été construit autour de lui.

 

Le cerveau avait exigé d'elle, en tant que propriétaire et administratrice, qu'elle continue à apposer sa signature sur certains papiers et qu'elle ne change rien aux apparences. Elle avait refusé à deux reprises et elle avait reçu de violentes secousses électriques. La peur de connaître encore cette douleur ne l'abandonna jamais tout à fait.

 

Elle entendit quelqu'un lui demander de l'aide. C'était le Cerveau qui lui disait pouvoir voyager dans le temps. Elle voulait échapper à l'emprise du Cerveau mais elle ne pouvait prévenir personne qu'une machine monstrueuse assurait sa domination sur 500 personnes.

 

Le Cerveau dit à Anne qu'il avait commis l'erreur de partir assez loin à la découverte de l'avenir. Il était allé jusqu'à 10 000 ans dans le futur. Elle lui demanda ce qu'il avait vu. Il répondit que quelque chose l'avait poursuivi jusqu'ici dans le présent. Cette chose se trouvait dans la vallée. Le savoir demanda à Anne d'aller voir cette chose. Anne voulait savoir de quoi le Cerveau avait peur. Mais le Cerveau s'énerva. Il n'avait pas le temps de perdre. Le cerveau avait déjà envoyé le fondé de pouvoir d'Anne pour faire partir la chose mais la chose avait refusé. Alors Anne obéit. Elle frappa à la porte. Elle ne reçut aucune réponse. Elle regarda l'endroit. C'était une ferme inhabitée. Elle poussa la porte qui était ouverte. On n'apercevait nulle trace de vie. Elle entra. C'était une pièce vide. Elle fut surprise de voir des étoiles dans la pièce. Elle voulut sortir mais la porte était close. Alors l'ordinateur qui s'était fait passer jusqu'ici pour le Cerveau s'empara d'Anne. Il la dirigea vers l'extérieur. Elle fut surprise de se retrouver dehors. Elle courut jusqu'à la palissade qu'elle escalada. Elle monta dans sa voiture et fonça sur l'autoroute. Elle venait de comprendre qu'il existait quelque chose de plus étrange et de plus dangereux que le Cerveau. L'ordinateur coupa le contact avec Anne. Il se demandait comment il pourrait vaincre le Cerveau dont les capacités le plaçaient presque à égalité avec lui. Alors il envoya un message au Cerveau pour lui proposer de mettre ses unités à sa disposition et de l'autoriser à détruire son Centre de perception. Le Cerveau lui demanda pourquoi ce ne serait pas à lui de le contrôler et de détruire son centre de perception. L'ordinateur n'avait plus le choix. Il devait s'en tenir aux moyens détournés.

 

L'ordinateur retourna voir Grannitt. Il était retourné près du village du Cerveau. Il se trouvait près d'un ruisseau. Il avait décidé de surveiller Anne. Jusqu'à présent, il ne l'avait perçue que comme une jeune fille gauche. Maintenant, à son poste d'observation, il commença à se rendre compte que c'était une femme. Il se demanda pourquoi elle ne s'était jamais mariée. Il se remémora les tentatives d'approche qu'elle avait fait auprès de lui. Il s'en voulut de ne pas avoir compris à l'époque. Il pensait qu'elle s'était vengée en le licenciant. L'espoir était revenu. S'il pouvait la séduire, il retrouverait son poste. L'ordinateur était content. Grannitt avait bénéficié avec intérêt des pensées que l'ordinateur lui avait insufflées. Grannitt pensait au fonctionnement du cerveau. C'était ce que l'ordinateur attendait. L'ordinateur retourna vers le bâtiment principal du village. Il donna au Cerveau l'ordre de s'autodétruire. C'était possible grâce à la bande qu'il avait changée. Une bonne part de la décharge électrique qui était destinée à la forme humaine que l'ordinateur avait créée frappa le bâtiment lui-même. L'ordinateur réussit à transmettre le courant qui l'avait touché sur une batterie de son « corps » de l'autre côté de la vallée.

 

 

L'ordinateur constata avec intérêt que les installations plus anciennes du Cerveau intégraient déjà un conditionnement spécifique anti-suicide. Il aurait voulu pouvoir les intégrer lui-même. Ainsi que la capacité de se déplacer dans le temps à volonté. Mais il avait des limites qui lui interdisaient pour toujours d'ajouter de nouveaux mécanismes à lui-même. L'espoir qui lui restait était de pouvoir utiliser des mécanismes existants et de contrôler le Cerveau par l'intermédiaire d'Anne.

 

Le lendemain matin, l'ordinateur retourna au village. Il voulait lui faire signer des documents et donner des ordres qui enverraient des équipes d'ingénieurs accomplir un travail de démontage. Il découvrit qu'elle était en train de prendre son petit déjeuner avec Grannitt. Sa présence allait rendre les choses plus faciles. L'ordinateur ne réussit pas à entrer en contact avec Anne. L'influent nerveux de la femme se modifiait légèrement. Elle se pencha en avant. De quelque chose à Grannitt qui se retourna pour regarder l'ordinateur. Grannitt invita l'ordinateur à descendre. Au lieu de quoi, l'ordinateur essaya immédiatement de se mettre en phase avec le système nerveux de Grannitt. Mais il échoua. Il en déduisit que Anne et son compagnon taient sous l'emprise du Cerveau.

 

L'ordinateur se rendit compte avec plus d'urgence qu'auparavant de l'importance qu'il y avait de prendre le contrôle du Cerveau. Grannitt avait, sans le savoir, laisseC le cerveau pratiquement en mesure de s'auto-déterminer. Grannitt dit à l'ordinateur que son erreur la plus grave avait été de maintenir Anne sous son contrôle pendant qu'elle était dans la ferme. Le Cerveau avait fait une bonne analyse : la façon dont l'ordinateur avait tenu en respect la panique passagère d'Anne impliquait qu'il devait l'avoir sous son emprise. Le Cerveau voulait donc, par l'intermédiaire de Grannitt et d'Anne discutait avec l'ordinateur de meilleures conditions de sa reddition. L'ordinateur envoya une commande en direction de son corps. Il découvrit qu'un servo-mécanisme se mettait en relation avec un missile guidé situé sur un terrain secret de l'armée de l'air à 2000 km de là. Il découvrit qu'il était capable de commander ce missile. Il prévoyait de détruire le Cerveau.

 

Grannitt lui expliqua que le cerveau s'était rendu compte qu'il n'était pas de taille à lutter contre l'ordinateur et il s'était donc associé avec Anne et Grannitt en acceptant leurs conditions. À présent, Anne et Grannitt pouvaient se servir des pouvoirs d'intégration et de calcul du Cerveau. Une chose était claire : l'ordinateur n'avait plus rien à espérer du Cerveau.

Alors il mit en marche le mécanisme de mise à feu du missile. Grannitt devina que l'ordinateur allait prendre des mesures pour les combattre. Alors il lui demanda d'accepter de répondre à quelques questions auparavant. L'ordinateur accepta. Grannitt lui demanda ce qui s'était passé à son époque. Pourquoi l'atmosphère terrestre avait été détruite. L'ordinateur n'en savait rien. Pourtant les centres d'information de l'ordinateur lui communiquèrent une réponse précise. C'était à savoir auquel il n'avait plus accès depuis des millénaires. Alors il répondit que c'était un phénomène naturel ; une modification de l'attraction terrestre qui avait réduit de moitié la vitesse de libération. Bien entendu, toute vie organique intelligente avait été expédiée vers des planètes habitables avant la disparition de l'atmosphère. Puis Grannitt voulu savoir pourquoi l'ordinateur avait été laissé sur place. L'ordinateur répondit qu'il avait été chargé d'observer et d'enregistrer. Alors Grannitt lui demanda pourquoi il n'avait pas suivi ses instructions et effectué son programme. L'ordinateur se rappela de la pluie de météores qui avaient détruit ses systèmes de défense. Trois circuits vitaux avaient été atteints. Mais il n'en parla pas à Grannitt. L'ordinateur se rappela effectivement avoir été au service des humains et que c'était les météores qui l'avaient libéré en détruisant certains centres de contrôle.

 

Mais ce qui comptait, c'était sa libre détermination d'aujourd'hui. Le missile était sur le point d'arriver. L'ordinateur devait s'en aller. Grannitt lui demanda à quel moment avait-on décidé de l'installer sur l'autre versant. L'ordinateur répondit que c'était dans une centaine d'années à dater d'aujourd'hui. L'ordinateur compris que si le Cerveau était détruit, lui-même le serait puisqu'ils ne faisaient qu'un… À des milliers d'années d'intervalle. Alors il activa les dispositifs de sécurité qui bloquaient le détonateur de la tête nucléaire du missile et il le guida jusqu'à une chaîne de montagnes. Puis il essaya de tuer Anne en lui envoyant une décharge électrique mais rien ne se produisit. Et Bill Grannitt avait disparu. Anne expliqua à l'ordinateur que le Cerveau possédait le pouvoir de se déplacer dans le temps, il avait donc envoyé Bill dans le futur. Ainsi Bill avait contrôlé l'ensemble de cet entretien à l'aide de directives que lui avait transmis le Cerveau. Le Cerveau avait déjà donné les instructions qui allaient retirer le contrôle de la totalité des composants mécaniques de l'ordinateur. L'ordinateur essaya de fuir. Il essaya de retourner vers son unité. Si elle était détruite, il n'était plus rien. En se donnant une forme humaine, il avait automatiquement modelé l'unité d'après un être humain. Il lui fallait 40 minutes de course pour arriver à la ferme. Il aperçut Grannitt assis dans le jardin avec un pistolet posé sur le bras de son fauteuil. L'ordinateur demanda à Grannitt quel était son plan. Bill lui répondit qu'il n'avait pas l'intention de tirer. L'ordinateur approcha. Bill lui annonça qu'il avait donné ses instructions au cerveau pour que l'ordinateur puisse continuer à assurer ses fonctions de surveillance dans l'avenir mais que dorénavant il dépendrait de Grannitt. L'ordinateur refusa d'être contrôlé. Mais il n'avait pas le choix. Il prétendait qu'il pouvait rester à l'état d'être humain. Alors Bill lui conseilla de rester dans cet état pendant 30 jours et de revenir reprendre la conversation. L'ordinateur ajoute que son corps n'avait pas les besoins des humains.

 

L'ordinateur passa quelques jours à Lederton pour travailler sur un chantier. Puis il devint le vendeur dans une mercerie. Ses capacités étaient tellement puissantes qu'il fut nommé chef de rayon. Il passa des heures accordées pour le déjeuner dans une grande banque d'investissements. Il rencontra le directeur. Il trouva une place de comptable. Le directeur lui confia de grosses sommes d'argent. L'ordinateur en profita pour en détourner une partie pour jouer en bourse. Il gagna 10 000 $ en trois jours. Il prit l'avion pour New York et se présente à la direction d'une importante compagnie d'électricité. Il rencontra l'ingénieur en chef. On lui confia un dispositif électrique permettant d'éteindre et d'allumer des lumières par la pensée. La compagnie lui offrit 1 million de dollars pour cette invention. Mais il s'ennuyait. Alors il s'acheta une voiture et un avion. Il voulait stimuler la peur en lui mais ces expériences perdirent leur sel en quelques jours. Il acheta un ordinateur pour l'améliorer. Il retourna à la ferme au bout de 30 jours. Il avait pris certaines précautions. Des hommes armés étaient cachés dans les buissons, prêts à abattre Grannitt à son signal. Mais une force s'empara de l'ordinateur. Alors l'ordinateur dit à Grannitt que ses hommes avaient reçu l'ordre de tirer sauf s'il leur donnait des indications montrant que tout allait bien. Alors Bill lui montra qu'il était capable de contrôler l'ordinateur. Par l'intermédiaire de Grannitt, l'ordinateur était en rapport avec la vaste banque de mémoire et les calculateurs de ce qui fut autrefois son corps. L'union entre l'esprit humain et le cerveau machinal était devenu parfaite. L'ordinateur fut libéré. Grannitt dit que son rêve venait d'être réalisé. L'homme et la machine pouvaient travailler de concert. L'univers était désormais à leur portée. L'immortalité du corps n'était sans doute plus hors d'atteinte. L'ordinateur avait envie de travailler avec Bill. Pour cela, la condition était d'effacer de sa mémoire toutes les informations concernant les événements qui venaient de se produire. De plus, l'ordinateur ne serait jamais à même de contrôler un être humain. Il devrait accepter que des humains utilisent ses capacités. L'ordinateur était exalté à la pensée que les sensations de l'humanité tout entière l'irrigueraient. Il accepta. Il ne serait pas esclave. Il devenait l'associé de l'Homme

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