Le désir
Le désir nous met-il en péril ?
On ne possède pas son corps, on se ressent dans son corps et on ressent le monde à travers son corps, sa chair.
Le désir met-il le sujet en péril ?
I les deux façons d'envisager le désir en philosophie.
-Le désir est expression d'un manque.
Celui qui ne désire rien, fait l'expérience d'une autonomie ou d'une indépendance.
Platon (le Banquet) : « ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, voilà l'objet du désir et de l'amour ».
On aime qu'aussi longtemps qu'on manque. Dès qu'on obtient ce qui nous manque, on ne l'aime plus. Selon André Comte Sponville il faut d'abord envisager la « chose » qui nous manque pour, par la suite, la désirer. La chose est d'abord désirable en elle-même et c'est parce qu'elle est désirable qu'on la désire.
Les choses ont alors une valeur objective.
La deuxième façon d'envisager le désir invalide la première. Je désire d'abord une chose et c'est parce que je la désire que je juge qu’elle est bonne.
Spinoza évoque le désire sous le terme Conatus. Le conatus c'est ce qui se passe en nous pour nous pousser à désirer une chose. C'est ce que Freud appelle « une pulsion ».
Pour Spinoza, le conatus c'est faire l'effort de persévérer dans son être. Chaque être autant qu'il est en lui-même fait l'effort de persévérer en lui-même. Cette deuxième approche ne considère pas le désir comme manque.
Le désir me pousse à persévérer dans mon être donc à acquérir plus d'être. Si je passe d'un état de moins d'être à un état de plus d'être cela me procurera de la joie (Spinoza).
Le passage d'un état de moins d'être produit de la tristesse.
La joie n'est pas un état mais le résultat du passage d'un état à un autre.
La seule issue du désir n'est pas la joie, cela peut être aussi la tristesse.
C'est dans la première façon d'envisager le désir que l'on peut être en péril.
Pour Spinoza, le désir est l'essence de l'homme. Plus je désire, plus je suis moi.
Mais si on conçoit le désir comme manque le désir a un aspect négatif.
Pour que le désir soit compatible avec le bonheur, il faut que tous les désirs soient satisfaits selon Caliclès.
Il faut satisfaire certains désirs seulement selon Épicure.
Il ne faut désirer que ce qui dépend de nous selon Épictète.
Il faut transformer les désirs (sublimer en langage freudien).
Il faut supprimer ses désirs (bouddha).
Le but est d'éviter la souffrance mais le moyen c'est de ne rien devoir à personne.
Ne satisfaire que certains désirs (Épicure).
Pour ne pas souffrir, il faut d'abord faire une distinction parmi les désirs.
Épicure classe les désirs en trois types :
-les désirs naturels et nécessaires (manger quand j'ai faim, boire quand j'ai soif). Il n'est pas nécessaire d'exiger une nourriture raffinée.
-Les désirs naturels mais pas nécessaires (le désir sexuel).
Les désirs ni naturels ni nécessaires (demander des honneurs).
Épicure dit qu'il faut préférer les désirs naturels et nécessaires. Ce sont les plus faciles à satisfaire. Pour être heureux, il faut savoir choisir entre les désirs et entre les plaisirs.
Pour Épicure le bonheur consiste dans le plaisir.
Le plaisir, pour Épicure, c'est l'absence de souffrance. L'absence de souffrance c'est la tranquillité de l'âme, l'ataraxie.
Les plaisirs de l'âme peuvent être satisfaits en se souvenant d'un plaisir passé ou en imaginant un plaisir à venir.
Distinguer ce qui dépend de nous pour le désirer (Épictète).
Cela permet d'éviter la souffrance et d'atteindre l'autonomie. La souffrance est censée nous exposer au manque d'autonomie donc à la destruction du sujet. Le plaisir nous maintient dans notre identité.
Un plaisir pur est un plaisir sans souffrance selon Philèbe.
Mais il existe des plaisirs mélangés. Le plaisir et la douleur se contredisent dans le corps (le plaisir de celui qui se gratte). Le plaisir se confond dans le corps et dans l'âme. Une souffrance du corps (la faim) me fait imaginer le plat que je vais manger (plaisir de l'âme).
Un plaisir du corps peut provoquer une souffrance dans l'âme (adultère).
Une souffrance dans l'âme (la colère) peut provoquer un plaisir dans l'âme (soulagement de la colère).
Un vrai plaisir n'est pas totalisable. On vit « un » plaisir circonscrit.
On vit un plaisir que si on s'y abandonne.
Si on l'éprouve. On est passif dans le plaisir. Pour éprouver un plaisir, il ne faut pas y résister. C'est la non résistance qui augmente le plaisir.
Le désir met en péril le sujet si il lui fait perdre son autonomie. Le sujet est à la fois une immanence et une transcendance. La transcendance c'est rechercher à s'améliorer. Persévérer dans son être c'est ne pas laisser de place au désir, à la transcendance.
Pour trouver le plaisir, il faut pouvoir être fatigué d'être soi.
Être vraiment soi consiste en ce dépassement de soi.