Peut-on désirer sans souffrir ?
Le désir a tendance à faire souffrir.
C'est la possibilité de désirer.
La capacité de désirer. La légitimité de désirer. A-t-on le droit de désirer. La question devient : est-il possible de désirer sans souffrir ou est-il contradictoire de désirer sans souffrir ou désirer est-il nécessairement souffrir.
Est-on capable de désirer sans souffrir. C'est le sujet qui désire. Il y a le désir conscient et le désir inconscient mais là c'est un sujet conscient.
La souffrance renvoie au fait d'éprouver douloureusement quelque chose.
Souffrir, c'est aussi supporter, endurer la douleur. S'il n'y a pas de douleur, il n'y a pas de souffrance. Nous ne pouvons souffrir que si reste intacte notre capacité à sentir et à nous ressentir.
Quand on dit je souffre dans ma chair ça peut être physique ou moral. La chair c'est la capacité à sentir et à se ressentir.
La souffrance se définit donc comme une épreuve douloureuse de la chair. Alors on essaye de résister à son ressenti. Au contraire dans le plaisir, on se laisse aller à son ressenti.
Les gens insensibles ne peuvent souffrir mais ne peuvent pas désirer.
Désir vient de desidere en latin dans lequel il y a sidus l'étoile.
Desirare signifie regretter l'absence d'une étoile. Il y a donc ambiguïté, à la fois regret d'une absence mais aussi l'idée qu'il s'agit d'un bien qui pourrait nous satisfaire. Désirer renvoie à l'idée de manque. Sans manque, il n'y a pas de désir.
Dans le Banquet, Platon parle de l'amour et du désir. La question du Banquet est l'éros.
Aristophane explique que pour comprendre le désir il faut comprendre la nature humaine au commencement. Il explique que les hommes au départ étaient doubles homme/homme, femme/femme et homme/femme. Ils ont voulu attaquer les dieux et Jupiter a voulu réduire leurs forces en les coupant en deux et il les a dispersés. Depuis ce jour-là, l'homme cherche sa moitié manquante.
Le désir est donc bien un manque de quelque chose que nous avons déjà eu.
Le désir est une tendance qui porte un sujet vers un objet qu'il se représente comme source de satisfaction. Cet objet peut être réel, imaginé ou fantasmé.
Le manque relève du besoin et de la volonté. Désirer, c'est vouloir et avoir besoin.
Le besoin est de l'ordre d'une nécessité vitale. Le désir n'est pas une nécessité de prime abord. On ne meurt pas de l'absence de désir.
Le besoin n'est pas toujours conscient.
Alors que le désir l'est toujours même si on en ignore les mobiles.
Le besoin s'arrête dès qu'il est satisfait comme la faim quand on a mangé.
Alors que le désir ne s'arrête pas forcément quand on a obtenu l'objet désiré.
On peut désirer ce dont on n’a pas besoin.
On ne peut pas opposer le besoin au désir. Le désir peut produire du besoin comme fumer.
Le besoin peut produire du désir. Manger pour vivre c'est un besoin mais pour vivre il n'est pas besoin des aliments raffinés. Manger des aliments raffinés devient un désir.
Il faut distinguer désirer et vouloir.
Vouloir c'est se déterminer à partir de soi-même. C'est décider librement alors que le désir n'est pas voulu.
Vouloir c'est organiser les moyens pour arriver à ce qui est voulu. Or le désir peut relever de l'impossible. On peut désirer ce qu'on ne veut pas. On peut désirer fumer une cigarette alors qu'on veut arrêter de fumer.
On peut vouloir ce qu'on ne désire pas. On veut prendre des médicaments mais on ne les désire pas.
La volonté peut vouloir maîtriser les désirs.
Les désirs peuvent influencer les décisions de la volonté.
C'est parce que le désir est lié au manque qu'il est lié à la souffrance.
Schopenhauer pense que le désir est un manque. Il est exposé à l'inquiétude et à la souffrance. La satisfaction n'éteint pas le désir. Là où le désir devient absurde c'est que même quand il obtient l'objet convoité, il ne se calme pas.
Socrate comparait le désir au supplice des Danaïdes. Elles étaient punies d'avoir égorgé leurs maris et elles devaient remplir un tonneau percé. Plus on désire plus on en veut.
Si on arrive à posséder ce qu'on désire, la souffrance ne s'arrête pas pour Schopenhauer car va suivre la satiété puis l'ennui.
Le désir ne souffre plus du manque mais de ne plus avoir de but à conquérir.
L'ennui va produire un nouveau désir qui lui-même va produire une nouvelle souffrance et ainsi de suite.
Comment faire pour que le désir ne fasse pas souffrir ?
Il faut trouver un moyen de maîtriser les désirs ou supprimer les désirs.
Pour les stoïciens, il faut désirer ce dont la satisfaction dépend de nous.
Descartes pense qu'il vaut mieux changer les désirs que l'ordre du monde.
Est-ce que le désir se satisfait du monde tel qu'il est.
Pour les épicuriens il faut distinguer les désirs matériels et les désirs vains.
Le désir vain c'est la gloire, l'éternité.
Le désir naturel et nécessaire : manger, boire, avoir un abri.
Le désir naturel et non nécessaire : manger une nourriture raffinée, la libido.
Épicure dit que savoir désirer c'est chercher les désirs naturels et nécessaires.
Mais si on se met à désirer que ce qu'on peut obtenir est-ce qu'on ne se bride pas ?
Nietzsche pense que vouloir maîtriser les désirs c'est déprécier la vie pour ne pas avoir à souffrir.
Peut-il y avoir un plaisir de désirer ?
Oui car cela change complètement la valeur du monde. Le désir peut me redonner le monde que j'ai perdu.
Rousseau dit : « malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd même ce qu'il possède » (la Nouvelle Héloïse).
Ce qu'il possède perd de la valeur parce qu'il ne le désire plus.
Spinoza dit dans l'Ethique : nous ne désirons pas une chose parce qu'elle est bonne mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons.
Le désir crée du désirable.
Spinoza parle de connatus : c'est l'effort que déploie chaque être pour persévérer dans l'être. La personne qui se disait à quoi bon va finir par vouloir persévérer dans son être.
Diotime dans le Banquet dit que le jour de la naissance d'Aphrodite les dieux organisent un festin dans lequel participe Poros (la richesse). À la fin de festin, Penia (la pauvreté) mendie. Poros s'allonge et Penia va se faire faire un enfant de Poros et va naître éros. Éros sera le compagnon d'Aphrodite.
Le désir est à la fois pauvreté et puissance.
Éros va garder le caractère de ses parents mais tout ce qu'il possède va lui échapper. Il n'est jamais dans l'opulence.