L'Odyssée (Homère)
Poème épique d'Homère décrivant les aventures d'Ulysse après la chute de Troie, son long retour vers Ithaque et la façon dont il rétablit l'ordre dans son royaume menacé par des usurpateurs. On attribue la division de l'Odyssée en vingt-quatre chants à Aristarque de Samothrace qui se livra au même travail pour l'Iliade.
On estime généralement que l'Odyssée est postérieure à l'Iliade, mais bien que le comportement des dieux y soit différent, il ne fait guère de doute que les deux poèmes sont dus au même auteur. Dans l'Odyssée, Ulysse, déjà protégé par Athéna dans l'Iliade, sera sans cesse favorisé parla déesse. Il sera cependant en butte à la colère de Poséidon qui, dans l’Iliade, soutenait l'ensemble du camp achéen. De la même façon, il méritera le courroux d'Hélios - mais, dans les deux cas, ce sera le résultat d'une offense précise pour laquelle Ulysse sera dûment puni.
L'action de l'Odyssée s'étend sur une période courte, ne dépassant pas six semaines - bien que les aventures des dix années précédentes soient rappelées dans ce temps limité.
Ulysse, lorsqu'il atteint enfin Ithâque, en aura été absent dix-neuf ans (chant II). Il est âgé d'une quarantaine d'années, ses cheveux sont châtain.
Chant I. Le poème s'ouvre par l'assemblée des dieux. réunis sur l'Olympe pour évoquer le sort des chefs achéens après la chute de Troie. Athéna saisit cette occasion pour rappeler à son père Zeus les tribulations d'Ulysse qui n'est pas encore revenu dans sa patrie. La guerre est pourtant terminée depuis dix ans, et après de nombreuses et dangereuses aventures, le roi d'Ithaque est retenu prisonnier dans l'île d'Ogygie par Calypso, la belle nymphe. Zeus lui répond que son frère, Poséidon, est offensé de la conduite d'Ulysse envers Polyphème, le Cyclope. Néanmoins, il enverra Hermès à Ogygie et Calypso sera obligée de laisser repartir Ulysse. Quant à Athéna, elle se rendra à Ithaque où elle incitera Télémaque à rechercher son père.
Déguisée en chef de clan, Athéna, sous le nom de Mentès, arrive dans la maison d'Ulysse. Les princes du voisinage, convoitant le royaume d'Ithaque, font la cour à la reine Pénélope, espérant gagner un trône en l'épousant. Mais Pénélope ne veut pas admettre qu'Ulysse soit mort. Télémaque accueille le nouvel arrivant et l'invite au palais. Il lui nomme les prétendants importuns qui appauvrissent le royaume avec leurs exigences et leur paresse.
Athéna pousse Télémaque à se mettre en quête de son père. Peut-être Nestor, roi de Pylos, et Ménélas, roi de Sparte, compagnons d'Ulysse dans les combats, sauront-ils quelque chose. Et si Ulysse est vraiment mort, il vaut mieux en avoir la certitude. Athéna (toujours sous l'apparence de Mentès) quitte Télémaque, décidé à agir. Pour la première fois, il se conduit en maître dans sa maison, à la grande surprise de sa mère, Pénélope, ce qui déplaît éminemment aux prétendants, mais fait la joie de la vieille nourrice, Euryclée.
Chant II. Télémaque convoque l'assemblée du peuple et reproche aux prétendants leur convoitise et leur ingérence dans les affaires du royaume. L'un d'entre eux, Antinoos, lui fait remarquer que Pénélope n'a jamais refusé positivement aucun de ses prétendants. Elle a simplement demandé le temps de terminer le linceul qu'elle tisse pour le vieux Laerte, père d'Ulysse. Voilà quatre ans qu'elle se consacre à cette tâche, et l’on vient de découvrir qu'elle défait chaque nuit l'ouvrage de la journée.
Si Pénélope était retournée auprès de son père, Icarios, elle aurait trouvé un nouvel époux et la question aurait été réglée. Mais ce n'est pas ainsi qu'elle a agi. C'est pourquoi tous les prétendants attendent qu'elle prenne enfin une décision puisque le trône est vacant. Télémaque les avertit: peut-être devront-ils payer un prix terrible pour leur avidité. Zeus choisit ce moment pour envoyer deux aigles planer au-dessus de l'assemblée.
Ils se battent l'un contre l'autre, puis s'enfuient. Haliserthès, le devin, informe les prétendants que ce combat est pour eux un mauvais présage. II leur rappelle qu'il a prédit à Ulysse, avant son départ pour Troie, qu'il ne reviendrait pas à Ithaque avant dixneuf ans et qu'alors nul ne le reconnaîtrait. Les prétendants se rient du vieillard et le traitent avec grossièreté. Télémaque leur tourne le dos et demande à Euryclée de lui préparer des vivres et des vêtements pour son voyage à Pylos et à Sparte. Pendant ce temps, Athéna, ayant revêtu l'apparence de Télémaque, enrôle vingt fidèles compagnons, trouve un navire, et donne ensuite au jeune prince le conseil de se conduire en prince parmi les rois.
Chant III. Le navire aborde à Pylos, de l'autre côté de la mer Ionienne. Athéna (cette fois-ci sous l'apparence de Mentor, ami dévoué d'Ulysse et conseiller du jeune Télémaque) fait partie de l'équipage. Les passagers sont accueillis chaleureusement par Pisistratos, fils de Nestor.
Le roi de Pylos est très âgé mais n'a rien perdu de sa vivacité d'esprit.
II évoque les longues années passées devant Troie, et loue le courage et le bon sens d'Ulysse en termes émouvants. II donne à Télémaque des détails sur le sort des autres chefs achéens: Agamemnon, Diomède, Philoctète et Ménélas. Et Nestor conclut en assurant le jeune homme qu'Athéna n'aura pas laissé périr un roi tel qu'Ulysse, à qui elle a si souvent témoigné sa bienveillance.
La déesse se manifeste d'ailleurs en cet instant précis, sous la forme d'un grand aigle des mers qui vole vers le navire de Télémaque. Nestor se réjouit pour le jeune homme et lui promet que tout se terminera bien. Il envoie chercher ses compagnons et leur offre à tous un festin dans son palais.
Télémaque partage le lit du jeune prince Pisistratos, qui, le lendemain, conduit le char qui mène Télémaque à Sparte.
Chant IV. A Sparte, le roi Ménélas célèbre le prochain mariage de sa fille Hermione et de Néoptolème, ainsi que celui de son fils Mégapenthès avec la fille d'Alector. Télémaque et Pisistratos sont émerveillés devant la magnificence du palais royal. Ménélas leur précise qu'il a accumulé toutes ces richesses au cours des sept années qu'a duré son retour de Troie vers sa patrie. Hélène, toujours aussi belle, se joint à eux. Elle est frappée de la ressemblance de Télémaque avec Ulysse. Elle lui raconte comment elle a reconnu son père, déguisé en mendiant, parcourant les rues de Troie afin d'épier ses habitants ; comment elle l'a aidé, et comment Ulysse a pu s'enfuir, muni de précieux renseignements, après avoir tué de nombreux Troyens.
Ménélas rappelle la conduite d'Ulysse lorsque le cheval de bois fut introduit dans la citadelle assiégée, il loue son courage et sa détermination.
Télémaque supplie Ménélas de lui donner des nouvelles de son père. Ménélas raconte alors une longue histoire. Tandis que le mauvais temps le retenait en Egypte, il demanda à Protée, le dieu marin, de lui enseigner à provoquer un vent favorable. Il dut pour cela lutter avec le dieu qui changeait sans cesse de forme, mais il en triompha. Protée lui apprit beaucoup de choses : le destin d'Ajax de Locres, le meurtre d' Agamemnon - et surtout la retraite d'Ulysse, retenu sur l'île de Calypso, sans moyen de prendre la mer et de s'enfuir.
Entendant ces nouvelles, Télémaque souhaite vivement repartir pour Ithaque. Ménélas lui offre comme cadeau de départ une magnifique coupe d'argent ciselé, rehaussée d'or, œuvre d'Héphaïstos lui-même.
Cependant les prétendants de Pénélope, réunis à Ithaque, projettent de tendre une embuscade à Télémaque afin de le tuer dès son retour.
Médon, le héraut, surprend leur conversation et se hâte d'avertir Pénélope du complot. La reine, désespérée, adresse une prière à Athéna qui lui promet que son fils reviendra sain' et sauf.
Chant V. Hermès, obéissant aux ordres de Zeus, son père, est arrivé à Ogygie. Il dit à Calypso qu'Ulysse doit être autorisé à quitter son île pour retourner à Ithaque. La belle nymphe est triste et furieuse en même temps: n'a-t-elle pas sauvé la vie d'Ulysse qu'elle a découvert, sans forces, agrippé à un mât ? et maintenant qu'elle l'aime, les Olympiens voudraient l'en séparer! Mais, toute déesse qu'elle est, il lui faut céder (elle est considérée dans l'œuvre d'Homère comme la divinité de Ile).
Calypso donne donc à Ulysse les moyens de se construire un navire et lui montre où trouver les arbre; les plus solides. Au bout de cinq jours, il est prêt à partir à bord d'un radeau. Calypso lui remet des vivres, et Ulysse la quitte d'un cœur léger, heureux de voguer vers Ithaque. Mais Poséidon l'aperçoit en train de naviguer. Le dieu de la mer, désireux de se venger d'Ulysse qui a aveuglé son fils, le Cyclope Polyphème, suscite une violente tempête. Le radeau est réduit en pièces. La déesse marine, Leucothée, vient en aide à Ulysse.
Elle lui donne son voile. En le portant autour de la taille, Ulysse sera sur de ne jamais se noyer. Mais il ne doit garder aucun autre vêtement et, une fois qu'il aura touché terre, il devra rejeter son voile à la mer. La tempête sévit avec une violence accrue:
Ulysse n'a que le temps d'enlever ses vêtements et de serrer le voile autour de sa taille avant qu'une rafale de vent ne le renverse au milieu des vagues.
Ulysse, tout meurtri, est rejeté sur une côte rocheuse et doit rassembler ce qui lui reste de forces pour éviter d'être broyé sur les récifs. Il atteint enfin l'embouchure d'une petite rivière, et s'endort, épuisé, à l'ombre d'un olivier.
Chant VI. Dans l'ile de Scheria, la princesse Nausicaa, la grâcieuse fille du roi Alcinoos, descend vers la plage avec ses servantes, conduisant un léger chariot rempli de linge venant du palais. Elles arrivent auprès d'une rivière aux eaux tourbillonnantes, y étalent le linge et le foulent aux pieds pour le nettoyer. Puis elles vont l'étendre sur la plage afin qu'il sèche au soleil. Le bruit de leurs pas réveille Ulysse. Elles prennent leur déjeuner, puis jouent au ballon. Ulysse, encore mal remis de ses émotions, croit voir un groupe de nymphes. Quelles qu'elles soient, estime-t-il, il faut qu'il les voie, et, se couvrant de feuillages, il s'avance.
Les jeunes filles, effrayées devant cet étranger à moitié nu, aux cheveux emmêlés et pleins de sel, prennent la fuite. Nausicaa est certes surprise, mais c'est une fille de roi: elle fait face à Ulysse. Celui-ci s'adresse à elle avec des flatteries excessives, comme s'il voyait la déesse Artémis elle-même. Nausicaa a pitié de lui et rappelle ses servantes. Elles lui donnent à manger et trouvent pour lui une tunique et un manteau, puis lui offrent de l'huile fine et un peigne. Ulysse va se baigner dans la rivière et lorsqu'il en émerge, propre, de frais vêtu, il a fort belle allure.
Nausicaa et ses suivantes empilent le linge dans le chariot et se préparent à revenir à la ville. Nausicaa demande à Ulysse de les suivre à quelque distance, car, étant la fille unique du roi, les gens pourraient jaser en les voyant ensemble. Ulysse est charmé de cette modestie - et de ce que Nausicaa parle de lui comme d'un bel étranger. Il arrive donc seul à Schéria, au palais du roi des Phéaciens, Alcinoos, et de son épouse la reine Arété.
Chant VII. Ulysse est reçu avec courtoisie et générosité par ses hôtes auxquels il ne dévoile pas son nom.
Il admire la richesse et la prospérité de leur île, et raconte ses aventures au roi et à la reine. Comment la belle Calypso l'a retenu captif, comment il a pu quitter l'île d'Ogygie, comment la tempête suscitée par Poséidon a fait sombrer son radeau, comment le voile de Leucothée l'a sauvé d'une mort certaine - et enfin comment leur fille, Nausicaa aux bras blancs, l'a recueilli avec bonté.
Alcinoos promet de donner à ce voyageur égaré un navire pour le ramener dans sa patrie, si lointaine soit-elle, car les Phéaciens sont d'habiles marins. La reine Arété lui fait préparer une chambre.
Chant VIII. Un navire est mis à la disposition d'Ulysse, ainsi qu'un équipage de volontaires. En effet, Athéna, déguisée en héraut, a parcouru la ville en annonçant que le nouvel ami du roi est si fort et si beau que l'on croirait voir un dieu.
Le soir, dans le palais, le barde aveugle, Démodocos, chante les exploits des héros devant Troie. Ulysse ne peut dissimuler son émotion et sa douleur. Alcinoos, voyant la détresse de son hôte, le prie de conter toutes ses aventures.
Chant lX. Ulysse révèle son identité aux Phéaciens qui comprennent alors pourquoi le chant de Démodocos a troublé le voyageur. Le récit d'Ulysse commence par le départ de ses douze navires. Quittant Troie, ils vont chercher des provisions pour leur voyage de retour dans le pays des Cicones (une tribu de la Thrace orientale). Ils ont mis à sac la ville d'Ismaros, dont les habitants se sont réfugiés dans la montagne.
Ulysse demande à ses hommes de se hâter .et de revenir dans la cité déserte, ils s'attardent à boire et à festoyer. Pendant ce temps, les Cicone se regroupent: leur armée fond sur les Achéens qui doivent s'enfuir en désordre vers leurs navires, laissant soixante-douze morts derrière eux.
Ils se dirigent vers le Sud, ayant l'intention d'obliquer au cap Malée et de remonter vers Ithaque.
Mais un violent vent du Nord les pousse au-delà du cap, jusqu'à l'île de Cythère. Ils restent sur mer encore neuf jours et abordent alors en Libye, au pays des Lotophages, dont les habitants se nourrissent uniquement du fruit du lotus. Quelques-uns des compagnons d'Ulysse mangent de ce fruit: ils perdent toute conscience de leur passé, de leur foyer, tout souci de leur avenir. Ils ne souhaitent plus que rester au pays des Lotophages, à se repaître de lotus. Alarmé devant cette attitude, Ulysse ordonne au reste de ses hommes de ramener de force leurs camarades. Ils sont mis aux fers à bord de leur navire, à demi fous de chagrin de se voir privés de leurs délicieux fruits.
Les navires atteignent ensuite un groupe d'îles fertiles. L'eau douce y abonde, des chèvres sauvages y gambadent, mais personne n'y demeure. Apercevant à quelque distance de là une île plus importante, Ulysse décide de s'y rendre. Il s'embarque avec douze hommes, prenant avec lui une outre remplie de vin d'Ismaros, aussi puissant que doux. Ils trouvent cette île couverte de riches pâturages où paissent de gras troupeaux. Dans une caverne, ils découvrent des enclos parfaitement entretenus, abritant des brebis. Sur les murs s'alignent des étagères remplies de fromages. Les marins sont mal à l'aise, ils veulent prendre quelques fromages et repartir. Mais Ulysse est curieux de voir quel est le berger de ces troupeaux. Ils se dissimulent dans un coin de la caverne, se nourrissent d’un agneau trouvé dans un parc tout proche, et attendent.
Le soir venu, ils voient pénétrer dans la caverne un géant n'ayant qu'un œil unique au milieu du front, qui pousse devant lui un troupeau de brebis et porte sur ses épaules de lourds troncs de pin. C'est un Cyclope. Il ferme la caverne avec un énorme rocher, et allume un feu. Les flammes viennent éclairer Ulysse et ses compagnons. Ulysse essaye de répondre calmement aux questions du Cyclope, car il est conscient du danger couru. Il invoque Zeus, le dieu des voyageurs, le protecteur des étrangers, et rappelle au Cyclope les lois de l'hospitalité. Sans parler du reste de sa flotte, Ulysse dit au géant que leur navire a été brisé par Poséidon. Le Cyclope écoute Ulysse et lui déclare qu'il se moque bien de Zeus et des dieux - puis il saisit un marin dans chaque main, et, tandis que ses amis le regardent horrifiés, il leur broye la cervelle sur les murs de la caverne et les dévore l'un après l'autre.
Au cours de la nuit, Ulysse est tenté de tuer d'un coup d'épée le géant endormi. Mais alors, ses amis et lui se trouveraient emmurés à jamais dans sa caverne, puisqu'ils sont incapables d'en dégager l'entrée. Le matin suivant, le Cyclope dévore deux autres marins, puis sort de son antre pour mener paître son troupeau. II remet soigneusement en place le rocher qui servait de porte.
Pendant son absence, Ulysse imagine un audacieux plan d'évasion.
Le cyclope avait laissé dans sa caverne un énorme pieu en bois d'olivier. Ulysse et ses compagnons l'aiguisent, et lorsque sa pointe est bien tranchante, ils la durcissent dans les braises du feu qui couve. Au coucher du soleil, le Cyclope revient et dévore encore deux hommes. Ulysse s'approche de lui avec un bol de vin d'Ismaros. Le géant le goûte, puis l'avale goulûment et en réclame d'autre. Puis il demande à Ulysse quel est son nom afin de le remercier dignement pour ce vin délicieux. Tout en lui présentant un autre bol, Ulysse déclare au Cyclope que son nom est : Personne. Le Cyclope, l'esprit déjà obscurci par le vin, déclare qu'il récompensera Personne en le dévorant le dernier. Puis il tombe sur le dos, sans connaissance.
Ulysse et ses amis chauffent alors à blanc la pointe du pieu, puis l'enfoncent violemment dans l'œil unique du Cyclope. Les hurlements de douleur du géant ébranlent les murs de sa caverne. Ulysse et ses compagnons se réfugient, tremblants, loin du monstre aveuglé, se demandant ce qu'il va faire. Au bruit de ses cris, les autres Cyclopes du voisinage accourent et demandent à Polyphème - dont Ulysse apprit ainsi le nom - pourquoi il trouble la nuit paisible.
Polyphème leur répond d'une voix brisée que Personne voulait le tuer. Les Cyclopes répondent que si personne ne l'a blessé, ce sont certainement les Dieux qui le punissent et qu'ils n'ont aucun moyen de le secourir. Puis ils s'en vont.
A l'aube, Polyphème ouvre l'entrée de sa caverne pour mener paître ses troupeaux. Ulysse et ses amis réussissent à s'accrocher au ventre des béliers, si bien que les mains du géant aveugle, qui tâtent le dos de ses animaux, ne peuvent les déceler au passage lorsqu'ils franchissent le seuil.
Une fois en sécurité à bord de son navire, Ulysse appelle à grands cris le Cyclope et lui révèle son nom.
Polyphème, se guidant d'après sa voix, lui jette d'énormes rochers et manque de peu le navire. Il avertit alors Ulysse solennellement: les Cyclopes étant les fils de Poséidon, le dieu de la mer entendra la plainte de Polyphème. La mer sera éternellement l'ennemie d'Ulysse, et s'il parvient à revenir à Ithaque, le danger et le désordre l'y accueilleront.
Chant X. Ulysse et ses amis pleurent leurs camarades morts, puis reprennent leur voyage. Ils arrivent à l'île flottante où demeure Eole, le maître des vents, qui aide de son mieux les voyageurs; il enferme dans une outre de cuir tous les vents turbulents, ne laissant libre qu'une brise favorable qui les poussera vers Ithaque. Ulysse embarque la précieuse outre, met à la voile et ne quitte le gouvernail de jour ni de nuit. Après dix jours de navigation, il aperçoit enfin le rivage d'Ithaque, et il s'endort, épuisé. Hélas, ses compagnons, imaginant que l'outre de cuir contient un trésor remis par Eole, décident de l'ouvrir pendant son sommeil. Et le drame se produit : les vents s'échappent hors de leur prison et retournent auprès de leur maître. La tempête balaye les navires et les chasse d'Ithaque jusqu'à l'île d'Eole. Là, le dieu des vents, furieux, repousse Ulysse et lui refuse son aide, en lui déclarant que les dieux l'ont certainement en horreur.
Abattus, démoralisés, Ulysse et ses compagnons reprirent la mer. Après six jours de navigation, ils abordent dans l'île des Lestrygons.
Onze des douze navires entrent dans le port, mais Ulysse, rendu circonspect par ses précédentes aventures, décide d'amarrer son embarcation dans une anse écartée. Cette méfiance lui sauve la vie, car les Lestrygons se nourrissent de chair humaine. Du haut des falaises ils jettent des quartiers de roche sur les navires ancrés dans le port, puis transpercent à coups de lance les marins avant de les dévorer. Ulysse parvient à trancher à temps l'amarre de son bateau et à fuir ces cannibales.
Sa flotte réduite à un seul navire dont l'équipage est plongé dans la douleur, Ulysse finit par toucher l'île d' Aea. Recouverte d'une forêt touffue elle semble inhabitée. Escaladant un rocher, Ulysse aperçoit une vallée au centre de laquelle s'élève un palais. La moitié de la petite troupe est envoyée en reconnaissance, les autres marins demeurant à bord avec Ulysse. Les éclaireurs aperçoivent d'étranges animaux errant autour de ce palais: des lions, des ours et des loups qui, loin d'attaquer les visiteurs, leur témoignent leur amitié, comme des chiens fêtant le retour de leur maître. A l'intérieur du palais, retentit une voix mélodieuse. Bientôt les marins voient venir vers eux la dame du palais, la belle Circé aux cheveux sombres, Circé la magicienne, fille d'Hélios.
Tous les marins entrent à sa suite dans le palais, tous sauf un, le chef de leur petit groupe, Euryloque, inquiet du comportement insolite des animaux sauvages qui les ont accueillis.
Euryloque voit Circé offrir à ses compagnons de la nourriture et du vin, et aussitôt, sous ses yeux horrifiés, ils sont métamorphosés en pourceaux. Circé les fait rapidement sortir du palais, les pousse vers une étable et leur jette dédaigneusement des glands et des faînes.
Euryloque revient en courant vers le navire pour prévenir Ulysse.
Négligeant les avertissements de ses amis, celui-ci se dirige vers le palais de Circé, armé de son épée. En chemin il rencontre Hermès. Le jeune dieu le met en garde contre les sortilèges de la magicienne, et lui donne une herbe enchantée qui annihilera les effets des maléfices de Circé.
Après avoir mangé de cette herbe, Ulysse entre au palais et accepte l'hospitalité de la sorcière. Il boit le vin qu'elle lui verse et sourit de sa stupeur lorsqu'elle le touche de sa baguette sans aucun résultat. Ulysse tire alors son épée et en menace la magicienne. Circé reconnaît avoir trouvé son maître. Elle rend à ses marins leur forme humaine, ainsi qu'aux autres prisonniers qu'elle avait changés en bêtes sauvages. Ulysse et tous ses compagnons, invités à festoyer au palais, prolongeront pendant un an ce séjour enchanteur, au cours duquel naîtra Télégonos, fils d'Ulysse et de Circé.
Cependant, cédant aux instances de ses amis, Ulysse décide de quitter l'île d' Aea et ses plaisirs exquis. Il demande à Circé de tenir sa promesse et de lui enseigner le meilleur chemin pour se rendre à Ithaque.
Il est désappointé lorsque la magicienne lui conseille de visiter d'abord les Enfers et d'y consulter l'ombre de Tirésias. Le devin lui indiquera ce qu'il doit faire.
Le navire solitaire et son équipage repartent une fois encore, laissant derrière eux un de leurs compagnons. En effet Elpénor, ayant bu plus que de raison, s'est endormi sur le toit du palais et, au moment du départ, il tombe du haut de la terrasse et se tue sur le coup. Un jeune bélier et une brebis noire, venant de l'île d'Aea, leur faciliteront I 'entrée de l'Hadès vers lequel un vent favorable, suscité par Circé, les conduit.
Chant XI. Obéissant aux instructions de Circé, Ulysse arrive aux contins du monde. au royaume des ombres. Tirésias lui annonce qu'il atteindra sa patrie sain et sauf, mais qu'il devra prendre garde de ne pas s'attirer la colère des dieux - en particulier dans l'île de Trinacie. Il lui faudra tôt ou tard apaiser Poséidon, selon des rites que lui indique le devin. Mais jusque-là Ulysse ne devra jamais oublier que Poséidon est son ennemi. Tirésias prédit en outre à Ulysse qu'il trouvera son palais en proie au désordre, mais qu'il ne mourra qu'à un âge avancé, sur la terre ferme. L'ombre d'Anticlée, la mère d'Ulysse, fait part au héros des malheurs qui accablent Pénélope et Télémaque.
D'autres ombres viennent converser avec Ulysse: celles d'Elpénor, d'Agamemnon et d'Achille, tandis que celle d'Ajax refuse de lui parler. Ulysse assiste à l'éternel châtiment de Tantale, de Sisyphe et du géant Tityos. Mais lorsque la foule des morts inconnus vient se presser autour de lui, Ulysse, terrorisé, quitte en hâte le séjour des ombres.
Chant XII. Le navire d'Ulysse retourne à l'île d'Aea, où Ulysse peut enfin, ainsi qu'il l'avait promis, donner à Elpénor une sépulture décente. Avant leur départ, Circé met en garde Ulysse contre les sortilèges des Sirènes, les dangers de Charybde et de Scylla, et ceux de l'île du Soleil. Pour leur éviter d'être attirés par le chant mélodieux des Sirènes, Ulysse fait boucher les oreilles de ses marins avec de la cire. Puis il se fait attacher solidement au mât de son navire et, malgré les prières qu'il leur adresse, ses compagnons rament sans s'arrêter dans ces parages menaçants. Ils perdent cependant six hommes dans le détroit qui sépare Charybde de Scylla, et il leur faut un courage surhumain pour échapper au monstre qui guette les navigateurs (voir Argonautiques, livre IV). Ils aperçoivent ensuite l'île de Thrinacie, où paissent les troupeaux du Soleil.
Suivant prudemment les conseils de Circé et du devin Tirésias, Ulysse ordonne à ses hommes
de poursuivre leur route et de ne pas aborder à Thrinacie où de nombreux dangers sont à redouter. Mais ils sont si las, si faibles, qu'Ulysse cède à leurs supplications et les autorise à
accoster sur l'île pour s'y abriter. Il leur fait cependant promettre d'obéir à ses ordres et de se contenter de la nourriture que Circé leur a donnée.
Enfin, épuisé, Ulysse s'endort. Lorsqu'il se réveille, il est frappé par une odeur de viande rôtie. Sous la Conduite d'Euryloque, les marins lui ont désobéi et ont tué pour les manger les bœufs blancs d'Hypérion, le dieu Soleil. Désespéré, Ulysse aperçoit les dépouilles des animaux égorgés, il entend leurs meuglements. Un vent violent s'élève, ils ne peuvent prendre la mer. Et pendant six jours Ulysse, impuissant, voit ses hommes se repaître des bœufs sacrés. Ils ignorent que leur destin est déjà scellé car Hypérion s'était plaint à Zeus de leur sacrilège.
Lorsque le vent se calme, Ulysse peut quitter l'île du Soleil. Le navire est déjà au large lorsque Zeus suscite un ouragan qui le réduit en pièces. Seul, Ulysse échappe au naufrage en s'agrippant à un tronçon de mât. Ballotté pendant neuf jours sur une mer démontée, il aborde enfin à l'île de Calypso.
Chant XIII. Le roi Alcinoos et sa cour demeurent silencieux. Le récit d'Ulysse les a tenus sous le charme. Enfin le roi prend la parole et promet à Ulysse que son navire pourra repartir le lendemain, les habiles Phéaciens sont prêts à le reconduire à Ithaque.
Le jour suivant, Ulysse prend congé de ses hôtes si généreux et, chargé de présents, s'embarque vers sa patrie. Les marins phéaciens font glisser le navire comme un cygne à la surface des eaux, et, pour la première fois depuis dix-neuf ans, Ulysse s'endort paisiblement. Le navire atteint Ithaque juste avant l'aurore. Les Phéaciens débarquent les cadeaux reçus par Ulysse dans une anse abritée, et laissent le héros se reposer à l'ombre d'un olivier.
Poséidon, ulcéré de voir que les Phéaciens ont reconduit Ulysse dans son pays, tourne sa colère contre ce peuple généreux. II change en pierre le navire au moment où il touche Schéria, et le fixe comme un rocher dans la mer. Alcinoos reçoit à regret l'avertissement de Poséidon. II renoncera à l'avenir à aider les voyageurs avec franchise, et, pour apaiser le dieu de la mer, il lui offre en sacrifice douze taureaux superbes.
Pendant ce temps, Ulysse s'est réveillé, mais il ignore où il se trouve. Prenant l'apparence d'un berger, Athéna lui explique qu'elle l'a entouré d'un nuage de brouillard afin qu'ils puissent convenir d'un plan sans être vus. Et la déesse le rassure: il est bien à Ithaque. Elle lui explique la situation qui règne au palais et le déguise en vieux mendiant pour que nul ne puisse le reconnaître. Quant à elle, elle va se rendre à Sparte pour en faire revenir Télémaque. Ulysse, de son côté, doit aller trouver Eumée, le chef de ses porchers, qui lui est resté fidèle.
Chant XIV. Eumée entend ses chiens aboyer furieusement après un étranger. II se précipite pour les faire taire. Apercevant un vieil homme épuisé par un long voyage, il l'invite à se reposer chez lui. Ulysse, qui s'est présenté comme un soldat crétois appartenant à l'armée qui accompagna Idoménée à Troie, est ému par la bonté de ce loyal serviteur. II passe la l nuit avec les ouvriers de la ferme, couvert d'un large manteau que lui a prêté Eumée, parti surveiller ses troupeaux.
Chant XV. Athéna arrive à Sparte, où Télémaque et Pisistratos dorment dans le palais de Ménélas.
Elle enjoint à Télémaque de retourner immédiatement à Ithaque où la pression des prétendants à la main de sa mère, Pénélope, s'accentue dangereusement. En outre, les prétendants lui tendent une embuscade. Télémaque prend donc congé de Ménélas, son hôte si chaleureux, qui accompagne les deux jeunes gens jusqu'à leur char. Tout en marchant, ils aperçoivent un aigle, portant dans ses serres une oie blanche qu'il a saisie dans la cour d'une ferme, voler au-dessus du char avant de remonter dans le ciel avec sa proie. Ménélas interprète cela comme un heureux présage: Ulysse reviendra dans son royaume et fondra sur les prétendants comme un aigle. Avant de s'embarquer à Pylos, Télémaque accueille à son bord Théoclyménos, un fugitif originaire d' Argos.
Dans la cabane d'Eumée, Ulysse déclare son intention de se rendre à la ville pour y trouver un travail honnête. Eumée l'en dissuade, car il risquerait de se quereller avec les serviteurs des prétendants, qui se moqueront de ses cheveux blancs. Il lui conseille d'attendre le retour de Télémaque. Tout en préparant le repas, Eumée raconte son histoire à Ulysse. Tout enfant, il a été vendu comme esclave, mais il a eu la chance d'être acheté par le bon roi Laerte, le père de leur roi disparu, Ulysse.
Evitant l'embuscade tendue par les prétendants, Télémaque aborde à Ithaque. Son passager, Théoclyménos, est confié aux soins de ses compagnons. A ce moment, un faucon, tenant une colombe dans ses serres, s'approche du navire. Les plumes blanches de l'oiseau captif s'agitent au-dessus de Télémaque: le faucon est en effet le héraut d'Apollon venu encourager le fils d'Ulysse.
Chant XVI. Ulysse et Eumé sont en train de prendre un repas lorsque des pas se font entendre. Mais les chiens n'aboient pas, ce doit être un ami. Eumée sort en hâte: les chiens accueillent joyeusement Télémaque. Le vieux porcher est transporté de joie en le voyant sain et sauf.
Il s'empresse de lui donner de bonnes nouvelles de sa mère et le fait rentrer dans sa cabane. Télémaque y aperçoit un étranger qui se lève courtoisement à son approche et lui offre son siège. Eumée lui explique qu'il s'agit d'un soldat crétois qui s'est battu devant Troie. Télémaque avoue, qu'il est mortifié de ne pouvoir lui donner l'hospitalité, à cause du désordre qui règne dans sa maison. Mais tant qu'il demeurera chez Eumée, Télémaque lui offrira des vêtements neufs et de la nourriture.
Ulysse explique que son hôte généreux lui a appris qu'en effet la situation au palais est loin d'être satisfaisante. Eumée convainc Télémaque de le laisser aller rassurer Pénélope et Laerte sur son sort. Athéna déclare à Ulysse que le moment est venu de se faire reconnaître de son fils. Elle l'effleure de sa main et voici que le vieil homme en haillons redevient Ulysse vêtu de lin fin, et que les cheveux gris font place aux cheveux bruns. Télémaque le regarde stupéfait. Ulysse lui dit qu'il est son père. L'émotion qu'il ressent devant la bravoure de son fils lui laisse â peine la force de l'embrasser avant de fondre en larmes.
Ils mettent au point leur plan.
Depuis la mort présumée d'Ulysse, le nombre des prétendants s'est accru : ils sont plus d'une centaine, sans compter leurs serviteurs.
Télémaque retournera au palais sur l'heure et fera enlever toutes les armes qui s'y trouvent, à l'exception de deux épées, deux lances et deux boucliers qu'il mettra en lieu sûr.
Lorsque viendra le moment d'agir, Ulysse lui promet qu'Athéna en donnera le signal. De son côté, Ulysse se' rendra au palais déguisé en mendiant. Télémaque ne devra tenir aucun compte des grossièretés dont son père pourra être l'objet. Et nul ne doit savoir qu'Ulysse est de retour.
Apprenant que Télémaque a échappé à leur embuscade, les prétendants sont furieux.' Antinoos, le plus riche d'entre eux, est d'avis qu'il faut le mettre à mort. Amphinomos de Dulichium refuse de commettre ce crime. Les autres prétendants sont de son avis. Leur discussion est interrompue par l'arrivée de Pénélope. La reine les assure qu'elle connaît leur état d'esprit. Combien d'entre eux doivent la vie au roi dont ils dépouillent le royaume et dont ils voudraient déshonorer l'épouse! Pénélope et ses suivantes se retirent. Les prétendants n'osent pas lui répondre, mais leur conduite ne change pas.
Eumée vient faire son rapport à Télémaque. Il a vu aborder au port un navire d'où sont descendus des hommes en armes. Le vieil homme ignore qu'il s'agit du navire qui a ramené Télémaque, faisant son entrée officielle à Ithaque après avoir débarqué Télémaque en lieu sûr. Les hommes armés sont les vingt compagnons qui ont accompagné Télémaque depuis Pylos.
Chant XVII. Pendant ce temps, Athéna a redonné à Ulysse l'apparence d'un mendiant, afin qu'Eumée retrouve celui qu'il a quitté. Le lendemain matin, Télémaque se hâte d'aller voir sa mère pour se concerter avec elle. Vers midi, Eumée et Ulysse e rejoignent. Télémaque rassemble autour de lui les quelques rares amis qui lui sont restés fidèles: Mentor, Haliserthès et Antiphos. Peiraeos et Théoclymenos se joignent à eux. Pénélope, voyant ce dernier, est rassurée sur l'avenir par ses dons de prophétie.
Ulysse et Eumée arrivent au palais. Ils sont insultés en chemin par un chevrier, Mélanthios. Dans la cour, Ulysse est ému en retrouvant son vieux chien, Argos, couché sur un tas de fumier. Ce fidèle animal, reconnaissant son maître, n'a que la force de se redresser avant de retomber, mort.
Télémaque, qui guettait leur arrivée, se lève de table à leur approche et emplit un plat de nourriture qu'il leur fait porter. Puis il autorise Ulysse à demander l'aumône à ceux qui sont réunis dans la grande salle.
Tous les prétendants lui remettent quelque relief de leur festin, sauf Antinoos qui l'insulte et le frappe avec un tabouret. Ulysse ne bronche pas et maudit Antinoos, lui prédisant qu'il mourra avant le jour de son mariage.
Pénélope apprend qu'un hôte a été outragé; elle demande à Eumée de lui conduire le mendiant étranger.
Eumée lui recommande la prudence: les prétendants - et singulièrement le malveillant Antinoos - seront tentés de se venger s'ils apprennent que la reine a reçu cet étrange mendiant qu'ils méprisent tous. Mieux vaut attendre le coucher du soleil, ainsi les prétendants ignoreront tout. Eumée retourne à la ferme prendre soin des troupeaux de son maître.
Chant XVIII. Un nouveau venu fait son entrée dans le vestibule : un bravache nommé Arnaeos, commissionnaire des prétendants qui l'ont surnommé Iros (le masculin d'Iris, la messagère des dieux), le messager. Ils lui donnent, d'un signe de tête, l'ordre de chasser Ulysse de son siège dans l'angle du porche. Le brutal Iros crie à Ulysse de sortir, sinon il le chassera lui-même, bien qu'il prétende avoir honte de lever la main sur un si vieil homme. Antinoos et les autres prétendants, amusés de cette dispute, font cercle autour des deux hommes. A leur grande surprise, Ulysse accepte de se battre contre Iros. Antinoos propose au vainqueur un cuissot de chevreau en récompense. Ulysse demande simplement que nul ne s'interpose entre eux.
Télémaque le lui promet.
Ulysse se lève et rejette ses haillons. Iros comprend l'erreur qu'il a commise: ce « vieillard» a de larges épaules, des bras forts et des jambes nerveuses. Mais il est trop tard pour refuser la lutte. Ulysse le jette à terre sans effort, le traîne jusqu'à la porte et lui ordonne de rester assis sur le seuil pour en chasser les chien et les porcs, car tel est bien son emploi. Amphinomos - celui des prétendants qui a repoussé la suggestion de tuer Télémaque - s'avance alors et offre à Ulysse du pain et du vin, puis boit à sa santé. Cette courtoisie émeut Ulysse. II essaie d'avertir le jeune homme du danger qui le menace, mais le destin d'Amphinomos est scellé et, sans comprendre l'allusion d'Ulysse, il retourne à sa place dans la grande salle.
Pénélope tente alors une autre manœuvre auprès des prétendants. Elle paraît dans la grande salle, suivie de ses dames d'honneur, dans tout l'éclat de sa beauté. Elle déclare aux prétendants que, si leurs intentions sont sérieuses, ils doivent lui faire leur cour selon les usages et lui offrir des présents. Or, ils sont venus les mains vides. Comment pourraitelle croire à leur sincérité?
Ulysse, assis dans son coin, est ravi de la présence d'esprit de Pénélope et en apprécie le résultat: les prétendants rivalisent de générosité et lui offrent de magnifiques cadeaux.
Au coucher du soleil, la grande salle est illuminée par des torches et quelques-unes des servantes du palais s'empressent autour des prétendants.
Ulysse, furieux de ce spectacle, ordonne à l'une des servantes - Mélantho - envers laquelle Pénélope s'est montrée particulièrement bonne, de servir sa maîtresse et non ceux qui la persécutent. Mélantho et les autres servantes disent à Ulysse de se taire, sinon il recevra un coup de poing sur le nez.
L'autorité naturelle d'Ulysse transparaît en dépit de son déguisement : sa voix de tonnerre et ses menaces terrorisent les jeunes filles qui s'enfuient en courant. Eurymaque, l'un des plus grossiers parmi les prétendants, propose à Ulysse une place d'ouvrier à son service. Ulysse lui répond qu'il n'est qu'un matamore et que, lorsque le roi reviendra, aucune porte ne sera assez large pour le laisser s'enfuir. Eurymaque jette un tabouret à Ulysse, qui l'esquive. Le tumulte gronde, mais Télémaque parvient à l'apaiser et les prétendants repartent chez eux, les uns surpris, les autres furieux.
Chant XIX. Ulysse est seul dans la grande salle. Pénélope entre et s'assied auprès de l'âtre. Les servantes s'apprêtent à desservir la table. A nouveau Mélantho se montre grossière envers Ulysse. La reine la réprimande vivement. Pénélope invite l'étranger à s'asseoir à ses côtés, devant le feu, et à lui raconter sa vie. Ulysse ne se dévoile pas, mais laisse clairement entendre à la reine que son mari est vivant et reviendra certainement à Ithaque. Pénélope lui promet une belle récompense si ses prédictions se réalisent. Puis elle envoie ses suivantes préparer un bain et une chambre pour son hôte. Tout en la remerciant de sa bienveillance, Ulysse lui demande si, plutôt que de déranger ses gracieuses suivantes, il ne se trouverait pas dans la maisonnée une personne de son âge qui s'occuperait de lui. Pénélope envoie alors les chercher Euryclée, la vieille nourrice toute dévouée à son fils. Celle-ci apporte une cruche d'eau chaude pour laver les pieds de l'étranger.
Soudain, Ulysse comprend que la nourrice va le reconnaître. Il porte en effet une cicatrice au pied, souvenir d'une chasse au sanglier. Euryclée la voit: assise devant son maître, la joie et la stupéfaction se lisent en même temps sur son visage. Heureusement, Ulysse tourne le dos à Pénélope et réussit à persuader la nourrice de se taire. Et tandis que Pénélope s'entretient avec ses suivantes, Ulysse confie ses plans à Euryclée.
Pénélope déclare à l'étranger que, si elle est obligée d'épouser l'un des prétendants, elle choisira celui qui montrera la même force et la même adresse que son mari disparu.
L'arc d'Ulysse est toujours au palais, celui-là même avec lequel il s'exerçait à lancer ses flèches à travers le cercle formé par douze fers de hache alignés.
Chant xx. Au cours de la nuit, Athéna vient rendre visite à Ulysse.
Elle lui dit d'avoir confiance dans les dieux et lui donne un sommeil paisible. Mais il s'éveille à l'aube et entend Pénélope pleurer. Ulysse adresse alors une prière à Zeus.
Deux signes favorables l'en récompensent. D'abord une pauvre servante, épuisée par le travail supplémentaire que lui donnent les prétendants, supplie Zeus d'en finir avec eux ce jour même; puis un roulement de tonnerre retentit à travers le ciel. Ulysse, plein d'espoir, se prépare à affronter cette journée.
Eumée arrive au palais, amenant trois beaux porcelets pour le festin du jour. Mélanthios, le chevrier, apporte des chèvres et insulte à nouveau le « mendiant». Philoetios, le bouvier, vient avec une génisse. Il est à la fois courtois et compatissant, et déclare que seul le retient à Ithaque l'espoir que son maître Ulysse y reviendra, car la vie y est insoutenable pour un homme honorable. Ulysse a le cœur réchauffé par la loyauté de son serviteur et lui promet que tout finira bien.
Les prétendants, quant à eux, sont revenus à leur idée de tuer Télémaque. Mais un présage les effraie : ils voient un aigle dans le ciel tenant une colombe dans ses serres. La colombe est toujours en vie. Ils entrent dans le palais et s'assoient à la table de la grande salle. Ulysse est auprès du foyer, et Télémaque précise avec force que son hôte ne doit en aucun cas être molesté. Il parle avec autorité et les prétendants en sont désagréablement surpris. L'un d'entre eux, Ctésiphos, lui répond insolemment que son hôte recevra l'hospitalité de tous, et ce disant, jette à la tête d'Ulysse un tabouret. Ulysse s'écarte, et le projectile se fracasse contre un mur. Réfrénant à grand-peine l'envie d'abattre Ctésiphos, Télémaque lui lance, ainsi qu'aux autres prétendants, un dernier avertissement. Tandis qu'il parle, la lumière s'affaiblit dans la grande salle. Théoclyménos, assis à côté de Télémaque, se lève et déclare aux prétendants que l'obscurité couvre leurs visages, que les murs sont éclaboussés de sang - et qu'une catastrophe à laquelle ils n'échapperont pas va fondre sur eux.
Et tandis que Théoclyménos quitte la salle, les prétendants se moquent des amis choisis par Télémaque : l'un est un vieux mendiant et l'autre un simple vagabond qui se prétend devin.
Chant XXI. Pénélope entre dans la grande salle, portant l'arc et les flèches d'Ulysse, présent d'Iphitos, qui les avait reçus de son père, le génial archer Eurytos. Ses dames d'honneur la suivent, chargées des haches dont Ulysse se servait.
La reine confie l'arc de son mari aux prétendants, afin qu'ils essaient leur force. Pendant ce temps, Ulysse se fait reconnaître d'Eumée et de Philoetios, auxquels il révèle ses projets.
Aucun des prétendants ne réussit à tendre l'arc. Pour dissimuler leur embarras, Antinoos déclare que le jour n'est pas propice au tir à l'arc, car il est consacré au divin archer, Apollon. Cependant Ulysse se lève, et demande la permission d'essayer l'arc à son tour. Les prétendants sont outrés. Télémaque prie sa mère de se retirer: surmontant sa surprise, Pénélope obéit. Les prétendants proclament leur colère devant l'audace de ce mendiant en haillons. Eumée aligne néanmoins les haches, puis il remet l'arc à Ulysse et sort en hâte.
Le vieil homme courageux demande à Euryclée de fermer à double tour les portes des appartements des femmes; la nourrice s'y emploie promptement. Puis Eumée fait signe à Philoetios de barricader les grilles qui donnent sur la cour.
Les prétendants sont stupéfaits : Ulysse vient de réussir à tendre le grand arc. Sa flèche, avec une sûreté infaillible, traverse le cercle formé par les haches. Ils l'entendent déclarer à Télémaque « le moment est venu », et Télémaque, armé de son épée et de son javelot, se place à ses côtés. Le tonnerre de Zeus retentit dans le ciel.
Chant XXII. Rejetant ses haillons, Ulysse ajuste une autre flèche à son arc et la décoche droit à la gorge d'Antinoos au cœur sauvage, qui meurt sur le coup. Les prétendants cherchent désespérément leurs armes, mais Télémaque les a fait enlever. Ulysse, d'une voix triomphante, leur annonce que leur destin est scellé.
N'étaient-ils pas persuadés que le roi ne reviendrait jamais à Ithaque ?
Les prétendants comprennent qu'ils sont en danger de mort. Mélanthios, le chevrier, réussit à s'emparer de quelques armes mais Ulysse et Télémaque l'aperçoivent : Eumée et Philoetios l'enferment dans l'armurerie et le pendent au plafond de la pièce.
Puis ils reviennent aux côtés d'Ulysse dont toutes les flèches sont mortelles.
Mais les munitions s'épuisent, et Ulysse craint que ses trois compagnons et lui-même ne soient écrasés sous le nombre des prétendants. Soudain, à la surprise générale, Mentor apparaît dans la grande salle. Mais ce n'est pas le précepteur de Télémaque, c'est Athéna qui a revêtu son apparence. Elle vient redonner du courage à Ulysse, et les quatre amis, réconfortés, se battent avec une ardeur renouvelée. Athéna se joint à eux, créant des diversions et détournant le cours des armes des prétendants, qui ne frappent que les portes ou les poutres. Bientôt la lutte s'achève. Philoeletios a la satisfaction d'abattre Ctésiphos, tandis qu'Eumée compte les prétendants dont il s'est débarrassé.
Seuls sont épargnés le barde, Phémios, et Médon, le héraut des prétendants, car ni l'un ni l'autre n'ont participé à la spoliation du royaume d'Ithaque, ou insulté Ulysse.
Euryclée a entendu le bruit de la bataille. Télémaque va chercher sa nourrice et la conduit devant son père, debout dans la grande salle, au milieu d'un carnage indescriptible, entouré de ses deux fidèles serviteurs Euryclée est tentée de crier sa joie devant le triomphe de son maître, mais Ulysse l'empêche de se réjouir ouvertement en présence de tous ces morts.
Il lui demande d'amener devant lui les servantes qui l'ont insulté : les trois hommes emporteront les cada-vres des prétendants, les jeunes filles nettoieront la salle. Puis elles mourront. Télémaque, rempli de haine envers celles qui ont déshonoré la demeure de ses parents, les pend. Mélanthios, lui aussi, est brutalement mis à mort. On lui arrache le nez et les oreilles, que l'on jette aux chiens ; puis on lui coupe les mains et les pieds et on le laisse mourir lentement devant les grilles du palais.
Sa maison remise en ordre, Ulysse, entouré des serviteurs qui lui sont demeurés fidèles et lui témoignent leur joie de son retour, ne peut retenir son émotion. Debout au milieu d'eux, il laisse couler ses larmes. 1
Chant XXIII. Euryclée se hâte de porter à Pénélope la joyeuse nouvelle. La reine n'en croit pas ses oreilles et descend dans la grande salle, vide et silencieuse à présent. Elle prend sa place auprès du feu et regarde Ulysse, muette. Malgré les adjurations de Télémaque, Pénélope demeure immobile, incrédule devant les guenilles que porte encore Ulysse.
Celui-ci se lève alors : il va prendre un bain et se changer. Mais lorsqu'il revient, vêtu comme un roi, la reine reste insensible. Ulysse demande donc qu'on lui dresse un lit quelque part, puisque son épouse ne veut pas le recevoir. Pénélope demande à Euryclée de sortir de la chambre le grand lit qu'Ulysse a fait de ses mains. Furieux, Ulysse répond qu'il est impossible de déplacer ce lit, puisque l'un des montants n'est autre qu'un olivier vivace autour duquel le lit a été construit. La reine s'écroule en pleurant, car elle sait maintenant qu'Ulysse est de retour : nul autre au monde ne connaît leur chambre nuptiale.
Chant XXIV. Le calme revenu dans son palais, ayant retrouvé l'amour de sa femme, il reste à Ulysse à remettre de l'ordre dans son royaume et à rendre visite à son père Laerte. Bien qu'il soit fort âgé, Laerte semble revivre en retrouvant son fils, qu'il identifie, comme Euryclée, grâce à la cicatrice qu'il porte au pied. Ensuite Ulysse et Télémaque, accompagnés d'Eumée et de Philoetios, cherchent le moyen d'éviter l'effusion de sang qui menace après la mort des prétendants, dont les familles demanderont certainement vengeance. En fait, une foule irritée est rassemblée en ce moment même dans la ville. Eupithès, le père d'Antinoos, levé accuse Ulysse qui, non content d'avoir emmené les plus braves jeunes gens à une guerre inutile contre Troie, à peine revenu à Ithaque, assassine les hommes de sa race. La foule est influençable et lui donne raison; nombreux parmi elle sont ceux qui viennent de perdre un membre de leur famille. Médon et Halithersès arrivent sur la place et expliquent à l'assemblée que c'était une folie d'autoriser leurs pères ou leurs fils à dépouiller la maison d'Ulysse.
Cependant, Eupithès l'emporte. II marche, à la tête d'une foule en armes, jusqu'à la maison de Laerte où il sait que se trouve Ulysse. Laerte, ses gardes et les amis d'Ulysse ne sont que douze. Furieux de la façon dont Eupithès a excité la foule contre son propre roi, Laerte lui lance une javeline qui le tue sur le coup. Ulysse conduit la contre-attaque, tandis qu'Athéna pousse un cri terrible, qui provoque la panique des assaillants et les fait reculer d'effroi. Pour empêcher un nouveau carnage, combien inutile, Zeus intervient. II envoie un éclair au-devant de sa fille et lui ordonne de faire cesser les combats, car la paix doit être restaurée.
Athéna calme l'ardeur belliqueuse des antagonistes; le massacre est évité. Enfin, reprenant la forme de Mentor, la déesse achève de rendre la paix au royaume d'Ithaque.