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Humanisme : le Contrat social
31 octobre 2007

Printemps au parking

Printemps au parking de Christiane Rochefort


La romancière Christiane Rochefort était une battante bien de son siècle. Elle a brocardé  pendant quarante ans les bourgeois, la misère des banlieues, l’exploitation des enfants et celle des femmes. Elle n’a publié son premier roman à succès qu’à quarante et un ans, "le Repos du guerrier" (1958). Ce récit sulfureux fut adapté au cinéma par Roger Vadim, avec Brigitte Bardot.

Un soir, un garçon bouche la vue de l’écran de télé et son père lui dit de se pousser alors qu’il n’y  a rien à regarder et le fils, vexé, s’en va (croyant que c’est pour toujours). Le garçon est révolté dans un Paris d’avant 68. Les programmes scolaires sont pour lui de la « bouillie de fumée », pleins de réponses à des questions qu’il ne se pose pas. Révolté également contre les cracks de l’école voulant devenir ingénieurs en fusée, bavant de filer le train à papa. Christophe, c’est son nom, va trouver Bambi, une voisine, pour lui expliquer sa situation. Elle trouve qu’il a bien fait de partir et ne l’en aurait pas cru capable. Ils font l’amour et au moment de partir, Christophe reçoit de l’argent de son amie qui lui avoue son amour et lui annonce qu’elle attendra son retour.

Christophe examine les divers destins dont il ne veut pas comme ses camarades qui prétendent vouloir élever des moutons en Australie et termineraient dans une agence de voyages. Il ne veut pas non plus finir dans un bureau. Tout cela accompagné des diverses leçons de morales des bien-pensants : « tu as de la chance », « tu ne connais pas ton bonheur », « il y a plus malheureux que toi ». Même son ami Nicolas est devenu ingénieur en bâtiment et il ne regrette pas d’avoir oublié de lui faire ses adieux. Christophe achète un journal et ironise sur l’actualité : la guerre du Vietnam et les conscrits trop nombreux en France dont l’Etat ne sait que faire. Il se demande pourquoi les gens ne foutent pas le journal à la poubelle puisque lui en est capable.

Puisque Christophe a du temps, il pense à ce qu’il devait faire de son quotidien quand il était chez ses parents. Il critique donc la société qui pousse les gens à chercher du travail, sont reçus comme des merdes par les employeurs qui  considèrent qu’embaucher c’est faire une faveur alors qu’ils autorisent seulement le peuple à s’emmerder huit heures par jour. Donc, il faut passer du temps les yeux fixés sur une pendule et apprendre à se faire chier sinon après on ne peut pas le supporter. Christophe continue sa balade. Au jardin du Luxembourg, il rencontre une belle jeune femme et la suit jusque dans une bibliothèque, « cathédrale du savoir » qui l’impressionne. Il écoute les conversations des étudiants sans les comprendre mais l’un d’eux lui prête une carte ce qui lui permet d’entrer dans la bibliothèque Sainte Geneviève à la recherche de la fille. La retrouvant, il l’aide à porter des gros livres. Christophe a l’impression d’avoir changé de monde car il n’est pas étudiant, il se trouve un peu cloche devant un bouquin de médecine qu’il a pris au hasard mais  tombe sur un article consacré au chien de Pavlov et se dit qu’on pourrait aussi conditionner les humains pour régler le problème du ravitaillement, il suffirait de faire croire aux gens qu’ils ont déjà mangé ou pour ne pas mourir de leur faire croire qu’ils ont bu  du vin alors qu’ils se sont contenté d’eau et de même pour les aliments pour riches. Cette méthode est visionnaire puisque le monde actuel l’a mise en pratique avec la publicité et la politique. Les médias ont su nous faire prendre le superflu pour du nécessaire.

Revenant à la fille, Christophe apprend qu’elle est en psycho pour devenir orientatrice. Il la vexe en lui disant que c’est un sale boulot d’orienter les pauvres vers des métiers déprimants. Christophe lui propose un rendez-vous le lendemain chez elle au matin. Il continue son périple. Il s’achète des livres d’occasion pour avoir l’air d’un étudiant et se rend à la Samaritaine avec l’idée de voler quelque chose. Il se contente d’un modeste mouchoir ce qui ne l’empêche pas d’avoir le coeur qui fait des zigzags. Il se rend ensuite au Minus bar pour retrouver l’étudiant qui lui a prêté sa carte. Celui-ci joue aux cartes avec des amis. Ils discutent de politique et de révolution. Christophe se rend compte qu’ils semblent être des homosexuels et s’en trouve gêné. Il raconte son histoire, sa nouvelle liberté à un des garçons qui l’accompagne au sortir du café. Ce garçon c’est Thomas Ginzberg, celui qui lui a prêté la carte de bibliothèque. Ils refont le monde, parlent de l’Occident dans un restaurant chinois. Christophe veut savoir comment ont comprend, comment on devient intelligent. Thomas lui répond qu’on devient intelligent en fréquentant des gens intelligents tout le temps. Ils vont voir « Le cuirassé Potemkine » à la Cinémathèque et Thomas parle à Christophe comme s’il ne voyait pas son ignorance ce que ce dernier apprécie. Christophe continue  seul sa balade nocturne, il se rend dans un café pour calmer ses nerfs sur un flipper après avoir  été apeuré par des cars de police pensant être recherché. Un de ses camarades se pointe et lui dit qu’il le croyait arrivé plus loin que  ça. Patrick, le camarade, lui présente un gars dans les quarante et ils l’emmènent dans une voiture pour l’embarquer dans une histoire de trafics mais Christophe, pas décidé à se faire manipuler, refuse. Il se fait frapper. Saignant du nez, il se rend au Trocadéro pour laver sa blessure avec le mouchoir providentiel de la Samaritaine. Epuisé, il s’endort sous un arbre. A son réveil, il se rend aux Halles à l’aube, seul lieu ouvert à Paris à cette heure. Seul et cafardeux, il repense à son ami Nicolas qui aurait pu le consoler même s’ils n’avaient pas choisi le même chemin dans la vie. Se sentant sale, il prend un bus pour gare de Lyon et va se doucher pour être propre à son rendez-vous avec la psychologue. A regarder les trains, il se prend à nouveau à rêver de partir. Mais là, le terminus est en banlieue et il se dit que les vrais paumés ce sont ceux qui viennent en ville pour travailler, ce sont eux qui ont l’air paumés sans le savoir et sûrement pas lui... il devient intelligent. Le voilà arrivé chez la fille avec des croissants. Elle le prend pour un puceau car elle a quelques années de plus que lui, si jeune. Christophe lui sert le petit déjeuner au lit. Et là, il accomplit son rêve, voir la belle en chemise de nuit, les cheveux détachés puis nue.Elle croit le dépuceler et se donner à lui comme un cadeau alors que Christophe a perdu son pucelage depuis trois ans. L’amour lui a fait louper son rendez-vous avec Thomas à la bibliothèque mais il le retrouve au Minus bar toujours à jouer au poker avec ses amis. Christophe ne se sent pas brillant avec les amis  de Thomas, comme s’il servait de décor ou de tête de Turc. Thomas avoue à ses amis qu’il veut faire une thèse sur l’homme normal en prenant Christophe comme spécimen. Christophe raconte son aventure amoureuse avec la jeune femme et tous ses nouveaux copains veulent aller la voir mais flairant le scandale et après avoir réalisé qu’ils ont trop bu, ils renoncent pour ne pas gêner Christophe. Ce dernier retourne voir Bambi qui lui apprend la visite de la police dans son immeuble, il  est recherché. Elle lui en veut  un peu de n’avoir pas marché avec les délinquants qui  étaient pourtant ses copains. De retour avec Thomas et la bande, la discussion politique reprend. Il est question des bourgeois qui ont « déporté » les pauvres en banlieue pour que seuls les gros loyers occupent Paris pour éviter les prochaines révolutions. Boubou, un des amis de Thomas, loge Christophe pour la nuit. Il habite dans un grand appartement où ses parent se moquent bien de ses envies de fuit. Boubou pense qu’ils ne s’en apercevrait même pas tellement leur logement est grand. Boubou et son frère donne des vêtements à Christophe pour que la police ne le repère pas après le signalement que ses parents ont dû donner. Il avait une veste à carreaux rouges et noirs trop voyante. Christophe découvre toute la famille de Boubou : Fabrice (le frère), Zélie (la soeur) et la mère. Il  est un peu gêné par l’homosexualité de Fabrice car il doit avoir peur de recevoir des avances. Toute la famille parle de ses petits problèmes de bourgeois et Christophe est agacé quand la mère de Boubou lui demande ce que font ses parents. Il répond qu’ils sont ouvriers alors qu’ils sont employés, juste par provocation et la mère pense que les ouvriers gagnent bien leur vie ce qui en dit long sur le fossé séparant les classes sociales.

Fabrice emmène Christophe chez le coiffeur, histoire de montrer une nouvelle conquête pour sa réputation mais le coiffeur ne coupe que trois poils à Christophe. Puis Fabrice amène Christophe au restaurant, grand luxe : saumon, coquilles Saint Jacques, côtelettes de boeuf, glace. Mais Christophe veut être débarrassé de Fabrice. Celui-ci comprend et le rassure, il ne faut pas toujours fourrer le sexe partout et il sait que Christophe en aime un autre (supposé Thomas). Retour au Minus bar. Christophe trouve que Boubou est épatant et commence à se demander si ce n’est pas lui qu’il préfère. Dégoûté d’avoir trop mangé, Christophe se fait vomir dans les toilettes et se met à pleurer comme un gosse en s’avouant qu’il aime Thomas. Un des amis de Thomas chambre Christophe à ce sujet et reçoit une gifle bien méritée. Thomas s’interpose et protège Christophe. De là, scène de jalousie de Thomas à cause des frusques de riches que Fabrice a donné au jeune garçon. Christophe se lâche et il avoue s’être débarrassé de la nourriture dans les toilettes de peur qu’après le déjeuner avec Fabrice rende Thomas jaloux. Il lui avoue même son amour. Les gens les regardent comme s’ils étaient des Martiens, des objets de curiosité, presque des criminels. Christiane Rochefort dénonce l’homophobie des années 60. L’homosexualité n’a été dépénalisée qu’en 1982. Thomas amène Christophe chez lui et après un dialogue agité pour s’avouer leurs vérités et se débarrasser de la pression sociale, ils passent un moment de vraie tendresse. Pour Christophe, l’accident c’est de ne pas connaître les joies de la vie au grand complet, c’est de la mutilation. En sortant dans la rue, Christophe et Thomas lâchent leurs préjugés, se débarrassent de la gangue imposée par la société. Thomas révèle à Christophe : « Tu m’as cassé la coquille, je suis sorti dehors ». Ainsi, quand la vérité s’en va on meurt, quand elle est là on sort des cendres. En s’empêchant de passer à l’acte, les deux garçons obéissaient aux clichés de la société mis ils ont été plus forts et n’ont plus honte de reconnaître que les jumeaux Sado et Maso sortent du ventre de leur mère Frustration. Frustration était à l’époque synonyme de Société bien-pensante, celle qui brisait les amours interdites. Dès lors, si l’Enfer c’est les autres alors c’est la vertu qui conduit  en Enfer.

Pour Christophe, ça fait bizarre de ne plus pouvoir se conduire normalement car il s’était déjà habitué à être normal. Il s’offusque que les hétéros puissent se rouler un patin en faisant voir leur langue à tout le métro mais que cela soit interdit aux homos. Il arrive à la fin de son histoire, qui est le début d’autre chose. Il retourne chez Boubou pour prendre ses vieilles frusques puis décide de rentrer chez ses parents. Il n’est plus le même garçon. Il est différent, il a l’air plus grand, plus fier, la tête plus droite. Il est peut-être devenu un homme ? Il a rendu à Bambi son argent et la fille est un peu déçue qu’il retourne au bercail, elle aurait voulu continuer d’aider un fugitif. Christophe se rend chez son ami Nicolas et lui demande si on peut utiliser un acide pour ronger les antennes de télé (sûrement un acte de rébellion contre son père). Mais Nicolas ne sait pas. Christophe demande à son ami comment être libre et ce dernier lui montre un livre qu’il avait sur sa table intitulé sobrement « La Liberté ». Il n’y a donc qu’à le lire pour savoir. Christophe veut reprendre ses études et il veut  se donner du mal pendant un moment. Nicolas a compris que son ami est tombé amoureux mais est K.O. quand il apprend que Christophe aime un homme. Cependant comme Nicolas est anarchiste et fan de Bakounine il pense que Christophe est dans le vrai puisqu’il est contre la morale des poseurs de barreaux. Christophe veut  rançonner ses parents pour ses études et va les forcer à sortir Corinne, sa soeur, de l’hôpital psychiatrique sans qu’il ait jamais su pourquoi elle y avait été placé. Le livre se termine par le mot de Cambronne crié par Christophe et Nicolas dans le parking de leur immeuble au printemps. Ce printemps qui préfigurait déjà celui de mai 68.


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Commentaires
C
En fait, il existe depuis plus de 10 ans un commentaire sur les 2 versions successives de ce roman: voir Michael Lucey, “Sexuality, Politicization, May 1968: Situating Christiane Rochefort’s Printemps au parking”, Differences: A Journal of Feminist Cultural Studies, 12 (3), 2001, p. 33-68.
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Y
8 mois plus tard... Peut-on encore faire un commentaire? Le mien sera littéraire: il existe en fait 2 versions de ce roman, et je n'ai jamais vu aucun commentaire sur ce fait. L'auteure s'est rendue compte après plusieurs années qu'elle n'était pas satisfaite de son texte et l'a largement remanié (donc, bien après 1968). Du coup, l'atmosphère en a été toute changée. Personnellement, j'ai toujours préféré la 1e version.
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