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Humanisme : le Contrat social
7 mars 2024

Le Côté de Guermantes IV (Proust)

Guermantes II

Chapitre premier : Maladie de ma grand’mère. Maladie de Bergotte. Le duc et le médecin. Déclin de ma grand’mère. Sa mort.

Au milieu de la foule des promeneurs, le narrateur fit asseoir sa grand’mère sur un banc et alla chercher un fiacre. Elle, au cœur de qui il se plaçait toujours pour juger la personne la plus insignifiante, elle lui était maintenant fermée, elle était devenue une partie du monde extérieur. Il était forcé de lui taire ce qu’il pensait de son état, de lui taire son inquiétude. Elle n’était pas morte encore. Il était déjà seul.

Au moment où il faisait signe à un fiacre, le narrateur avait rencontré le fameux professeur E... , presque ami de son père et de son grand-père, et, pris d’une inspiration subite, il l’avait arrêté au moment où il rentrait, pensant qu’il serait peut-être d’un excellent conseil pour sa grand’mère. Mais, pressé, après avoir pris ses lettres, le docteur voulut l’éconduire. Le narrateur insista et le docteur accepta mais n’aurait qu’un quart d’heure bien juste à lui donner.

Puis le narrateur et sa grand-mère prirent un fiacre. Legrandin les vit passer et les avait regardés de cet air étonné, c’est qu’à lui comme à ceux qui passaient alors, dans le fiacre où la grand’mère du narrateur semblait assise sur la banquette, elle était apparue sombrant, glissant à l’abîme, se retenant désespérément aux coussins qui pouvaient à peine retenir son corps précipité.

Puis le narrateur mit sa grand’mère dans l’ascenseur du professeur E... , et au bout d’un instant il vint à eux et les fit passer dans son cabinet. Mais là, si pressé qu’il fût, son air rogue changea, tant les habitudes sont fortes, et il avait celle d’être aimable, voire enjoué, avec ses malades. Son examen fut minutieux, nécessita même que le narrateur sortît un instant. Il le continua encore, puis ayant fini, se mit, bien que le quart d’heure touchât à sa fin, à faire quelques citations à la grand’mère. Il lui adressa même quelques plaisanteries assez fines, que le narrateur eût préféré entendre un autre jour, mais qui le rassurèrent complètement par le ton amusé du docteur.

Le narrateur laissa sa grand’mère passer devant, referma la porte et demanda la vérité au savant.
– Votre grand’mère est perdue, lui dit-il. C’est une attaque provoquée par l’urémie. En soi, l’urémie n’est pas fatalement un mal mortel, mais le cas me paraît désespéré.

Et le docteur lui tendit gracieusement la main. Le narrateur rentra chez lui avec sa grand-mère.

Le narrateur fit asseoir la malade en bas de l’escalier dans le vestibule, et monta prévenir sa mère. Il lui dit que sa grand’mère rentrait un peu souffrante, ayant eu un étourdissement. Dès ses premiers mots, le visage de sa mère atteignit au paroxysme d’un désespoir pourtant déjà si résigné, qu’il comprit que depuis bien des années elle le tenait tout prêt en elle pour un jour incertain et fatal. Elle frissonna, son visage pleurait sans larmes, elle courut dire qu’on allât chercher le médecin, mais comme Françoise demandait qui était malade, elle ne put répondre, sa voix s’arrêta dans sa gorge. Elle descendit en courant avec son fils, effaçant de sa figure le sanglot qui la plissait. Elle s’approcha de la grand’mère, embrassa sa main comme celle de son Dieu, la soutint, la souleva jusqu’à l’ascenseur, avec des précautions infinies mais pas une fois elle ne leva les yeux et ne regarda le visage de la malade. Peut-être par crainte d’une douleur trop forte qu’elle n’osa pas affronter. Peut-être pour mieux garder plus tard intacte l’image du vrai visage de sa mère, rayonnant d’esprit et de bonté.

Françoise avait un certain penchant à envisager toujours le pire. Elle avait gardé de son enfance le manque d’éducation des gens du peuple qui ne cherchent pas à dissimuler l’impression, voire l’effroi douloureux causé en eux par la vue d’un changement physique qu’il serait plus délicat de ne pas paraître remarquer. Grâce aux soins parfaits de Françoise, la grand’mère fut couchée.

La grand-mère parla beaucoup plus facilement, le petit déchirement ou encombrement d’un vaisseau qu’avait produit l’urémie avait sans doute été très léger. Sa fille lui promit qu’elle serait bientôt guérie.

Le narrateur et sa mère ne voulaient pas dire à la grand-mère qu’elle était très malade comme s’il eût été plus affectueux de trouver qu’elle n’allait pas si mal que ça. Françoise leur rendait un service infini par sa faculté de se passer de sommeil, de faire les besognes les plus dures. Elle était si heureuse de pouvoir faire des choses pénibles comme si elles eussent été les plus simples du monde que, loin de rechigner, elle montrait sur son visage de la satisfaction et de la modestie.

A Combray aussi, Françoise avait contracté – et importé à Paris – l’habitude de ne pouvoir supporter une aide quelconque dans son travail. Aussi son jeune valet de pied, écarté par elle, ne savait que faire. À cause des souffrances de la grand’mère on lui permit la morphine. Malheureusement si celle-ci les calmait, elle augmentait aussi la dose d’albumine. Les jours où la dose d’albumine avait été trop forte, Cottard après une hésitation refusait la morphine. Médicalement, si peu d’espoir qu’il y eût de mettre un terme à cette crise d’urémie, il ne fallait pas fatiguer le rein.

Quand la grand’mère souffrait, la sueur coulait sur son grand front mauve, y collant les mèches blanches, et si elle croyait que sa fille et son petit-fils n’étaient pas dans la chambre, elle poussait des cris : « Ah ! c’est affreux ! », mais si elle apercevait sa fille, aussitôt elle employait toute son énergie à effacer de son visage les traces de douleur. Comme la grand’mère toussait et éternuait beaucoup, on suivit le conseil d’un parent qui affirmait qu’avec le spécialiste X... on était hors d’affaire en trois jours. Le spécialiste vint mais la grand’mère refusa net de se laisser examiner.

La maladie de la grand’mère donna lieu à diverses personnes de manifester un excès ou une insuffisance de sympathie qui surprirent le narrateur et sa famille.

Prévenues par dépêche, les sœurs de la grand-mère ne quittèrent pas Combray. Elles avaient découvert un artiste qui leur donnait des séances d’excellente musique de chambre, dans l’audition de laquelle elles pensaient trouver, mieux qu’au chevet de la malade, un recueillement, une élévation douloureuse. En revanche Bergotte vint passer tous les jours plusieurs heures avec le narrateur. Il était très malade. Il avait toujours aimé à venir se fixer pendant quelque temps dans une même maison où il n’eût pas de frais à faire. Mais autrefois c’était pour y parler sans être interrompu, maintenant pour garder longuement le silence sans qu’on lui demandât de parler. La somme de ses œuvres maintenant grandies et fortes aux yeux de tous, avait pris dans le grand public une extraordinaire puissance d’expansion.

Les visites qu’il faisait à la famille du narrateur venaient pour ce dernier quelques années trop tard, car il ne l’admirait plus autant. Il s’était épris d’un un nouvel écrivain qui avait commencé à publier des œuvres où les rapports entre les choses étaient si différents de ceux qui les liaient pour lui qu’il ne comprenait presque rien de ce qu’il écrivait. Dès lors il admira moins Bergotte dont la limpidité lui parut de l’insuffisance. Chaque nouvel écrivain original lui semblait en progrès sur celui qui l’avait précédé.

Bergotte le dégoûta de ce nouvel écrivain moins en l’assurant que son art était rugueux, facile et vide, qu’en lui racontant l’avoir vu, ressemblant, au point de s’y méprendre, à Bloch. Cette image se profila désormais sur les pages écrites et le narrateur ne se crut plus astreint à la peine de comprendre.

La famille du narrateur reçut la visite de Mme Cottard. Le grand-duc héritier de Luxembourg offrit son aide. Le narrateur l’avait connu à Balbec où il était venu voir une de ses tantes, la princesse de Luxembourg. Il fut très touché des lettres qu’il ne cessa de lui écrire pendant la maladie de sa grand’mère.

Le sixième jour, la mère du narrateur, pour obéir aux prières de grand’mère, dut la quitter un moment et faire semblant d’aller se reposer.

La famille du narrateur fut heureusement très vite débarrassée de la fille de Françoise qui eut à s’absenter plusieurs semaines. Elle avait émis l’idée presque unique qu’elle s’était spécialement forgée et qu’ainsi elle répétait chaque fois qu’on la voyait, sans se lasser, et comme pour l’enfoncer dans la tête des autres : « Elle aurait dû se soigner radicalement dès le début. »

Il y eut un moment où les troubles de l’urémie se portèrent sur les yeux de la grand’mère. Pendant quelques jours, elle ne vit plus du tout. Puis la vue revint complètement, des yeux le mal nomade passa aux oreilles. Pendant quelques jours, la grand’mère fut sourde.

Puis elle commença à avoir une agitation constante. Elle désirait sans cesse se lever. Mais on l’empêchait, autant qu’on pouvait, de le faire, de peur qu’elle ne se rendît compte de sa paralysie. Un jour qu’on l’avait laissée un instant seule, le narrateur la trouva, debout, en chemise de nuit, qui essayait d’ouvrir la fenêtre. Le narrateur et sa mère n’eurent que le temps de saisir la grand’mère, elle soutint contre sa fille une lutte presque brutale, puis vaincue, rassise de force dans un fauteuil, elle cessa de vouloir, de regretter, son visage redevint impassible et elle se mit à enlever soigneusement les poils de fourrure qu’avait laissés sur sa chemise de nuit un manteau qu’on avait jeté sur elle.

Un jour, le narrateur fut choqué que sa grand-mère l’ait pas reconnu. Selon leur médecin c’était un symptôme que la congestion du cerveau augmentait. Il fallait le dégager. Cottard utilisa des sangsues. La grand-mère comprit qu’elle allait mieux, voulut être prudente, ne pas remuer, et fit seulement à son petit-fils le don d’un beau sourire pour qu’il sache qu’elle se sentait mieux, et lui pressa légèrement la main. Hélas ! aussitôt les sangsues retirées, la congestion reprit de plus en plus grave. A ce moment où la grand’mère était si mal, Françoise disparût à tout moment. C’est qu’elle s’était commandé une toilette de deuil et ne voulait pas faire attendre la couturière.

Quelques jours plus tard, comme le narrateur dormait, sa mère vint l’appeler au milieu de la nuit. Elle lui dit : « Mon pauvre petit, ce n’est plus maintenant que sur ton papa et sur ta maman que tu pourras compter.

Dans la chambre. Courbée en demi-cercle sur le lit, le narrateur eut l’impression de voir un autre être que sa grand’mère, une espèce de bête qui se serait affublée de ses cheveux et couchée dans ses draps, haletait, geignait, de ses convulsions secouait les couvertures. Le duc de Guermantes était venu pour saluer le père du narrateur et apporter son soutien. Le narrateur fut obligé de lui présenter sa mère. Et le duc trouva tellement que l’honneur était pour elle qu’il ne put s’empêcher de sourire tout en faisant une figure de circonstance. Saint-Loup arriva le matin même et accourt aux nouvelles.

Le duc de Guermantes, tout en se félicitant du « bon vent » qui l’avait poussé vers son neveu, resta si étonné de l’accueil pourtant si naturel de la mère du narrateur, qu’il déclara plus tard qu’elle était aussi désagréable que son mari était poli, qu’elle avait des « absences » pendant lesquelles elle semblait même ne pas entendre les choses qu’on lui disait.

Un beau-frère de la grand’mère, qui était religieux, et que le narrateur ne connaissais pas, télégraphia en Autriche où était le chef de son ordre, et ayant par faveur exceptionnelle obtenu l’autorisation, vint ce jour-là. Accablé de tristesse, il lisait à côté du lit des textes de prières et de méditations sans cependant détacher ses yeux en vrille de la malade.

Il parut surpris de la pitié du narrateur et observa si cette douleur était sincère.

Le médecin fit une piqûre de morphine à la grand-mère et pour rendre la respiration moins pénible demanda des ballons d’oxygène.

Françoise, quand elle avait un grand chagrin, éprouvait le besoin si inutile, mais ne possédait pas l’art si simple, de l’exprimer. Et elle ne savait que répéter : « Cela me fait quelque chose ». Si faiblement traduit, son chagrin n’en était pas moins très grand, aggravé d’ailleurs par l’ennui que sa fille, retenue à Combray (que la jeune Parisienne appelait maintenant la « cambrousse ») ne pût vraisemblablement revenir pour la cérémonie mortuaire que Françoise sentait devoir être quelque chose de superbe.

Depuis plusieurs nuits le père, le grand-père, un des cousins du narrateur veillaient et ne sortaient plus de la maison. Leur dévouement continu finissait par prendre un masque d’indifférence, et l’interminable oisiveté autour de cette agonie.

On « trouvait » toujours le cousin dans les circonstances graves, et il était si assidu auprès des mourants que les familles, prétendant qu’il était délicat de santé, malgré son apparence robuste, sa voix de basse-taille et sa barbe de sapeur, le conjuraient toujours avec les périphrases d’usage de ne pas venir à l’enterrement.

Le docteur Dieulafoy venait d’arriver. Il était toujours chargé de venir constater l’agonie ou la mort. Il était le tact, l’intelligence et la bonté mêmes. Aux pieds d’un lit de mort, c’était lui et non le duc de Guermantes qui était le grand seigneur.

Au pied du lit, convulsée par tous les souffles de cette agonie, ne pleurant pas mais par moments trempée de larmes, la mère du narrateur avait la désolation sans pensée d’un feuillage que cingle la pluie et retourne le vent. On fit essuyer ses yeux au narrateur avant qu’il aille embrasser sa grand’mère.

Quand ses lèvres la touchèrent, les mains de sa grand’mère s’agitèrent, elle fut parcourue tout entière d’un long frisson. Tout d’un coup elle se dressa à demi, fit un effort violent, comme quelqu’un qui défend sa vie. Françoise ne put résister à cette vue et éclata en sanglots.

Elle ouvrit les yeux. Le  narrateur se précipita sur Françoise pour cacher ses pleurs, pendant que ses parents parleraient à la malade. Le bruit de l’oxygène s’était tu, le médecin s’éloigna du lit. La grand’mère était morte.

La vie en se retirant venait d’emporter les désillusions de la vie. Un sourire semblait posé sur les lèvres de la grand’mère. Sur ce lit funèbre, la mort, comme le sculpteur du moyen âge, l’avait couchée sous l’apparence d’une jeune fille.

Chapitre 2


Visite d’Albertine. Perspective d’un riche mariage pour quelques amis de Saint-Loup.
L’esprit des Guermantes devant la princesse de Parme. Étrange visite à M. de Charlus. Je comprends de moins en moins son caractère. Les souliers rouges de la duchesse.

 

Profitant de l’absence de ses parents, partis pour quelques jours à Combray, le narrateur comptait ce soir même aller entendre une petite pièce qu’on jouait chez Mme de Villeparisis.

Sa mère, dans les scrupules de son respect pour le souvenir de sa grand’mère, voulait que les
marques de regret qui lui étaient données le fussent librement, sincèrement ; elle ne lui aurait pas défendu cette sortie, elle l’eût désapprouvée.

Il avait rejeté à ses pieds le Figaro que tous les jours il faisait acheter consciencieusement depuis qu’il y avait envoyé un article qui n’y avait pas paru.

Il lui pesait d’autant plus d’être seul ce dimanche-là qu’il avait fait porter le matin une lettre à Mlle de Stermaria. Robert de Saint-Loup, que sa mère avait réussi à faire rompre, après de douloureuses tentatives avortées, avec sa maîtresse, et qui depuis ce moment avait été envoyé au Maroc pour oublier celle qu’il n’aimait déjà plus depuis quelque temps, lui avait écrit un mot, reçu la veille, où il annonçait au narrateur sa prochaine arrivée en France pour un congé très court. Il avertissait le narrateur, pour lui montrer qu’il avait pensé à lui, qu’il avait rencontré à Tanger Mlle ou plutôt Mme de Stermaria, car elle avait divorcé après trois mois de mariage.  Robert se souvenant de ce que le narrateur lui avais dit à Balbec avait demandé de sa part un rendez-vous à la jeune femme. Elle dînerait très volontiers avec le narrateur, lui avait-elle répondu, un des jours que, avant de regagner la Bretagne, elle passerait à Paris. Robert lui disait de se hâter d’écrire à Mme de Stermaria, car elle était certainement arrivée.

Robert avait accusé le narrateur de perfidie et de trahison. Le narrateur avait très bien compris alors ce qui s’était passé. Rachel, qui aimait à exciter la jalousie de Robert avait persuadé son amant que le narrateur avait fait des tentatives sournoises pour avoir, pendant l’absence de Robert, des relations avec elle. Il était probable que Robert continuait à croire que c’était vrai, mais il avait cessé d’être épris d’elle.

Le narrateur voulut essayer de lui parler de ses reproches, Robert eut seulement un bon et tendre sourire par lequel il avait l’air de s’excuser, puis il changea de conversation. La rupture de Saint-Loup avec Rachel lui était très vite devenue moins douloureuse, grâce au plaisir apaisant que lui apportaient les incessantes demandes d’argent de son amie. Cela lui donnait une présomption que la délaissée ou délaisseuse n’avait pas dû trouver grand’chose comme riche protecteur.

Quelquefois Rachel revint assez tard dans la soirée pour demander à son ancien amant la permission de dormir à côté de lui jusqu’au matin. C’était une grande douceur pour Robert, car il se rendait compte combien ils avaient tout de même vécu intimement ensemble.

Comme les parents du narrateur rentraient à la fin de la semaine et qu’après il serait forcé de dîner tous les soirs à la maison, il avait aussitôt écrit à Mme de Stermaria pour lui proposer le jour qu’elle voudrait, jusqu’à vendredi.

Il s’attrista de penser qu’il allait rester seul en tête à tête avec elle qui ne le connaissait pas plus qu’une ouvrière qui, installée près de la fenêtre pour voir plus clair en faisant sa besogne, ne s’occupe nullement de la personne présente dans la chambre.

Tout d’un coup, sans que le narrateur n’entende sonner, Françoise vint ouvrir la porte, introduisant Albertine qui entra souriante, silencieuse, replète, contenant dans la plénitude de son corps, préparés pour que le narrateur continue à les vivre, venus vers lui, les jours passés dans ce Balbec où il n’était jamais retourné. C’était comme une confrontation de deux époques. Albertine semblait une magicienne lui présentant un miroir du Temps. Elle avait un autre visage, ou plutôt elle avait enfin un visage ; son corps avait grandi. Il ne restait presque plus rien de la gaine où elle avait été enveloppée et sur la surface de laquelle à Balbec sa forme future se dessinait à peine.

Albertine, cette fois, rentrait à Paris plus tôt que de coutume. D’ordinaire elle n’y arrivait qu’au printemps. Le narrateur ne savait trop si c’était le désir de Balbec ou d’Albertine qui s’emparait de lui alors, peut-être le désir d’elle étant lui-même une forme paresseuse, lâche et incomplète de posséder Balbec. Mais immobile auprès de lui, elle lui semblait souvent une bien pauvre rose devant laquelle il aurait bien voulu fermer les yeux pour ne pas voir tel défaut des pétales et pour croire qu’il respirait sur la plage.

Le narrateur pensait qu’il était plus raisonnable de sacrifier sa vie aux femmes qu’aux timbres-poste, aux tableaux et aux statues. Seulement l’exemple des autres collections devait nous avertir de changer, de n’avoir pas une seule femme, mais beaucoup.

Si après un long temps de vie commune il devait finir par ne plus voir en Albertine qu’une femme ordinaire, quelque intrigue d’elle avec un être qu’elle eût aimé à Balbec eût peut-être suffi pour réincorporer en elle et amalgamer la plage et le déferlement du flot. Il y avait longtemps que le narrateur ne l’avais vue. Et comme il ne connaissait pas, même de nom, les personnes qu’elle fréquentait à Paris, il ne savait rien d’elle pendant les périodes où elle restait sans venir le voir. Celles-ci étaient souvent assez longues.

Cette fois-ci pourtant, certains signes semblaient indiquer que des choses nouvelles avaient dû se passer dans cette vie. Par exemple, son intelligence se montrait mieux, et quand il lui reparla du jour où elle avait mis tant d’ardeur à imposer son idée de faire écrire par Sophocle : « Mon cher Racine », elle fut la première à rire de bon cœur.

Il y avait des nouveautés plus attirantes en elle ; il sentait, dans la même jolie fille qui venait de s’asseoir près de son lit, quelque chose de différent ; et dans ces lignes qui dans le regard et les traits du visage expriment la volonté habituelle, un changement de front, une demi-conversion comme si avaient été détruites ces résistances contre lesquelles il s’était brisé à Balbec. Voulant et n’osant s’assurer si maintenant elle se laisserait embrasser, chaque fois qu’elle se levait pour partir, il lui demanda de rester encore. Après  avoir regardé sa montre, elle se rasseyait à la prière du narrateur, de sorte qu’elle avait passé plusieurs heures avec lui et sans qu’il eût rien demandé. Il n’y a rien comme le désir pour empêcher les choses qu’on dit d’avoir aucune ressemblance avec ce qu’on a dans la pensée.

Il  n’aimait nullement Albertine : fille de la brume du dehors, elle pouvait seulement contenter le désir imaginatif que le temps nouveau avait éveillé en lui et qui était intermédiaire entre les désirs que peuvent satisfaire d’une part les arts de la cuisine et ceux de la sculpture monumentale. Quoique jeune fille encore, elle prenait déjà des façons de femme de son milieu et de son rang en disant, si quelqu’un faisait des grimaces : « Je ne peux pas le voir parce que j’ai envie d’en faire aussi ».Tout cela est tiré du trésor social. Mais justement le milieu d’Albertine ne paraissait pas pouvoir lui fournir « distingué » dans le sens où le père du narrateur disait de tel de ses collègues qu’il ne connaissait pas encore et dont on lui vantait la grande intelligence : « Il paraît que c’est quelqu’un de tout à fait distingué. »

Il lui semblait qu’il y avait un monde entre les expressions actuelles et le vocabulaire de l’Albertine qu’il avait connue à Balbec. Non seulement il n’avait plus d’amour pour elle, mais il n’avait même plus à craindre, comme il aurait pu à Balbec, de briser en elle une amitié pour lui qui n’existait plus.

Comme, continuant à ajouter un nouvel anneau à la chaîne extérieure de propos sous laquelle il cachait son désir intime, il parla, tout en ayant maintenant Albertine au coin de son lit, d’une des filles de la petite bande, plus menue que les autres, mais qu’il trouvait tout de même assez jolie : « Oui, lui répondit Albertine, elle a l’air d’une petite mousmé. » De toute évidence, quand il avait connu Albertine, le mot de « mousmé » lui était inconnu. Il lui parut révélateur sinon d’une initiation extérieure, au moins d’une évolution interne.

Malheureusement il était l’heure où il eût fallu qu’il lui dise au revoir s’il voulait qu’elle rentrât à temps pour son dîner. Il lui dit qu’il n’était pas du tout chatouilleux.  Elle comprit sans doute que c’était l’expression maladroite d’un désir. Elle s’enfonça dans le lit mais Françoise arriva. Albertine n’eut que le temps de se rasseoir sur la chaise.

Avec sa lampe, Françoise avait l’air de la « Justice éclairant le Crime ». La figure d’Albertine ne perdait pas à cet éclairage. Il découvrait sur les joues le même vernis ensoleillé qui avait charmé le narrateur à Balbec.

Quand Françoise fut sortie de la chambre et Albertine rassise sur son lit, le narrateur dit à Albertine  :
– Savez-vous ce dont j’ai peur,  c’est que si nous continuons comme cela, je ne puisse pas m’empêcher de vous embrasser. Elle répondit :
– Ce serait un beau malheur.

Pour le narrateur, savoir qu’embrasser les joues d’Albertine était une chose possible, c’était un plaisir peut-être plus grand encore que celui de les embrasser.

Le narrateur pensait que les femmes un peu difficiles, qu’on ne possède pas tout de suite, dont on ne sait même pas tout de suite qu’on pourra jamais les posséder, sont les seules intéressantes. Car les connaître, les approcher, les conquérir, c’est faire varier de forme, de grandeur, de relief l’image humaine, c’est une leçon de relativisme dans l’appréciation, belle à réapercevoir quand elle a repris sa minceur de silhouette dans le décor de la vie. Tandis que les femmes qu’on connaît d’abord chez l’entremetteuse n’intéressent pas parce qu’elles restent invariables.

D’autre part Albertine tenait, liées autour d’elle, toutes les impressions d’une série maritime qui lui était particulièrement chère. Il lui semblait qu’il aurait pu, sur les deux joues de la jeune fille, embrasser toute la plage de Balbec. Il demanda à Albertine un « bon pour un baiser » et elle accepta.

Il lui dit qu’à Balbec elle avait souvent un regard dur, rusé lui demanda de lui dire à quoi elle pensait à ces moments-là. Elle ne s’en souvenait pas. Il aurait bien voulu, avant de l’embrasser, pouvoir la remplir à nouveau du mystère qu’elle avait pour lui sur la plage, avant qu’il la connût, retrouver en elle le pays où elle avait vécu auparavant.

Il se disait qu’il allait connaître le goût de cette rose charnelle, parce qu’il n’avait pas songé que l’homme, créature évidemment moins rudimentaire que l’oursin ou même la baleine, manque cependant encore d’un certain nombre d’organes essentiels, et notamment n’en possède aucun qui serve au baiser. Albertine lui dit : « à Balbec, je ne vous connaissais pas, je pouvais croire que vous aviez de mauvaises intentions ».

Au moment où il l’avait couchée sur son lit et où il avait commencé à la caresser, Albertine avait pris un air que je ne lui connaissais pas, de bonne volonté docile, de simplicité presque puérile. Le moment qui précède le plaisir, pareil en cela à celui qui suit la mort, avait rendu à ses traits rajeunis comme l’innocence du premier âge. Dans cette expression nouvelle du visage d’Albertine il y avait plus que du désintéressement et de la conscience, de la générosité professionnels, une sorte de dévouement conventionnel et subit ; et c’est plus loin qu’à sa propre enfance, mais à la jeunesse de sa race qu’elle était revenue.

Le narrateur n’avait rien souhaité de plus qu’un apaisement physique, enfin obtenu. Albertine semblait trouver qu’il y eût eu de sa part quelque grossièreté à croire que ce plaisir matériel allât sans un sentiment moral et terminât quelque chose. Elle semblait gênée de se lever tout de suite après ce qu’elle venait de faire, gênée par bienséance.

Albertine et c’était une des raisons qui lui avaient à son insu fait la désirer – était une des incarnations de la petite paysanne française dont le modèle est en pierre à Saint-André-des-Champs. Albertine, immobilisée auprès de lui, lui disait : « Vous avez de jolis cheveux, vous avez de beaux yeux, vous êtes gentil ». Elle lui parla de lui, de sa famille, de son milieu social. Le narrateur pensait que les notions sociales d’Albertine étaient d’une sottise extrême. Elle croyait les Simonnet avec deux n inférieurs non seulement aux Simonet avec un seul n, mais à toutes les autres personnes possibles.

Le narrateur pensait que beaucoup d’hommes étaient peu honorables, mais que nous l’ignorions ou n’en avions cure. Mais si l’homonymie faisait qu’on nous remettait des lettres à eux destinées, ou vice versa nous commencions par une méfiance, souvent justifiée, quant à ce qu’ils valaient. Nous craignions des confusions, nous les prévenions par une moue de dégoût si l’on nous parlait d’eux. En lisant notre nom porté par eux, dans le journal, ils nous semblaient l’avoir usurpé.

Albertine lui raconta sur sa famille et un oncle d’Andrée une histoire dont elle avait, à Balbec, refusé de lui dire un seul mot, mais elle ne pensait pas qu’elle dût paraître avoir encore des secrets à son égard. Il insista pour qu’elle rentrât, elle finit par partir. Elle lui demanda quand ils se reverraient. Il répondit qu’il la ferait chercher quand il pourrait. Il n’osa lui dire qu’il voulait tout subordonner à la possibilité de voir Mme de Stermaria. Albertine  viendrait à tout hasard le lendemain ou le surlendemain dans l’après-midi. Il  ne la recevrait que s’il vous le pouvait. Elle lui tendit sa joue et partit. Françoise lui apporta une lettre qui le remplit de joie, car elle était de Mme de Stermaria, laquelle acceptait à dîner. De Mme de Stermaria, c’est-à-dire, pour lui, plus que de la Mme de Stermaria réelle, de celle à qui il avait pensé toute la journée avant l’arrivée d’Albertine. C’était la terrible tromperie de l’amour qu’il commençait par nous faire jouer avec une femme non du monde extérieur, mais avec une poupée intérieure à notre cerveau, la seule d’ailleurs que nous ayons toujours à notre disposition, la seule que nous posséderons, que l’arbitraire du souvenir, presque aussi absolu que celui de l’imagination, pouvait avoir fait aussi différente de la femme réelle que du Balbec réel avait été pour lui le Balbec rêvé ; création factice à laquelle peu à peu, pour notre souffrance, nous forcerons la femme réelle à ressembler.

Albertine l’avait tant retardé que la comédie venait de finir quand le narrateur arriva chez Mme de Villeparisis. Les invités commentaient la grande nouvelle : la séparation qu’on disait déjà accomplie entre le duc et la duchesse de Guermantes. Il vit déboucher, majestueuse, ample et haute dans une longue robe de satin jaune à laquelle étaient attachés en relief d’énormes pavots noirs, la duchesse. Sa vue ne lui causait plus aucun trouble.

Il se rappela qu’un certain jour, lui imposant les mains sur le front (comme c’était son habitude quand elle avait peur de lui faire de la peine), en lui disant : « Ne continue pas tes sorties pour rencontrer Mme de Guermantes, tu es la fable de la maison. D’ailleurs, vois comme ta grand’mère est souffrante, tu as vraiment des choses plus sérieuses à faire que de te poster sur le chemin d’une femme qui se moque de toi », sa mère l’avait réveillé d’un trop long songe. La journée qui avait suivi avait été consacrée à dire un dernier adieu à ce mal auquel il renonçait. Et puis ç’avait été fini. Il avait cessé ses sorties du matin, et si facilement qu’il tira alors le pronostic, qu’on verrait se trouver faux, plus tard, qu’il s’habituerait aisément, dans le cours de sa vie, à ne plus voir une femme.

Il peut reprendre ses promenades mais librement. Ce qui lui faisait de la peine c’était d’apprendre que presque toutes les maisons étaient habitées par des gens malheureux. Ici la femme pleurait sans cesse parce que son mari la trompait. Là c’était l’inverse. Ailleurs une mère travailleuse, rouée de coups par un fils ivrogne, tâchait de cacher sa souffrance aux yeux des voisins. Souvent, dans ces sorties, il rencontrait M. de Norpois. Il arrivait que, causant avec un collègue, il jetait sur le narrateur des regards qui, après l’avoir entièrement examiné, se détournaient vers son interlocuteur sans lui avoir plus souri ni salué que s’il ne l’avait pas connu du tout.

Une grande femme que le narrateur croisait souvent près de la maison était moins discrète avec lui. Car bien qu’il ne la connût pas, elle se retournait vers lui, l’attendait – inutilement – devant les vitrines des marchands, lui souriait, comme si elle allait l’embrasser, faisait le geste de s’abandonner. Elle reprenait un air glacial à son égard si elle rencontrait quelqu’un qu’elle connût.

Le narrateur n’avait pas songé que sa guérison, en lui donnant à l’égard de Mme de Guermantes une attitude normale, accomplirait parallèlement la même œuvre en ce qui la concernait et rendrait possible une amabilité, une amitié qui ne lui importaient plus.

Il en avait voulu à Saint-Loup de ne l’avoir pas mené chez sa tante. Mais pas plus que n’importe qui, il n’était capable de briser un enchantement. Tandis que le narrateur aimait Mme de Guermantes, les marques de gentillesse qu’il recevait des autres, les compliments, lui faisaient de la peine, non seulement parce que cela ne venait pas d’elle, mais parce qu’elle ne les apprenait pas.

Che Mme de Villeparis, Mme de Guermantes aperçut le narrateur sur ma bergère, véritable indifférent qui ne cherchait qu’à être aimable, alors que, tandis qu’il aimait, il avait tant essayé de prendre, sans y réussir, l’air d’indifférence. Elle s’assit à côté de lui. N’ayant guère de place, elle ne pouvait se tourner facilement vers lui et, obligée de regarder plutôt devant elle que de son côté, prenait une expression rêveuse et douce, comme dans un portrait. Elle lui demanda des nouvelles de Robert. Les voyant tous les deux, Mme de Villeparisis leur proposa de dîner avec elle pour le mercredi suivant. Le narrateur refusa car il avait déjà rendez-vous avec Mme de Stermaria.

Quand Mme de Villeparisis se fut éloignée pour féliciter les artistes et remettre à la diva un bouquet de roses, la duchesse demanda au narrateur pourquoi il ne venait jamais la voir. Puis elle l’invita chez elle. Les invités les voyant ensemble répandirent le bruit que la duchesse quittait son mari pour ce jeune homme. Le narrateur eut  le soupçon que le duc avait été seul à ne pas vouloir qu’elle le reçût et que, maintenant que le duc la quittait, elle ne voyait plus d’obstacles à s’entourer des gens qui lui plaisaient.

Dîner chez les Guermantes, c’était comme entreprendre un voyage longtemps désiré, faire passer un désir de sa tête devant ses yeux et lier connaissance avec un songe. L’amitié que lui témoignaient « la tante Villeparisis » et Robert avait peut-être fait de lui pour Mme de Guermantes et ses amis, vivant toujours sur eux-mêmes et dans une même coterie, l’objet d’une attention curieuse que le narrateur ne soupçonnait pas.

De simples gens élégants pouvaient défendre leur porte trop envahie. Mais celle des Guermantes ne l’était pas. Un étranger n’avait presque jamais l’occasion de passer devant elle. Pour une fois que la duchesse s’en voyait désigner un, elle ne songeait pas à se préoccuper de la valeur mondaine qu’il apporterait, puisque c’était chose qu’elle conférait et ne pouvait recevoir. Elle ne pensait qu’à ses qualités réelles, Mme de Villeparisis et Saint-Loup lui avaient dit que le narrateur en possédait. Elle avait remarqué que Robert et Mme de Villeparisis ne pouvaient jamais arriver à le faire venir quand ils le voulaient, donc que le narrateur ne tenais pas au monde, ce qui semblait à la duchesse le signe qu’un étranger faisait partie des « gens agréables ».

Les gens du monde ont tellement l’habitude qu’on les recherche que qui les fuit leur semble un phénix et accapare leur attention. Mme de Guermantes, qui se disposait à partir pour une dernière soirée, venait de dire au narrateur, presque comme une justification, et par peur qu’il ne sût pas bien qui elle était, pour avoir l’air si étonné d’être invité chez elle : « Vous savez que je suis la tante de Robert de Saint-Loup qui vous aime beaucoup, et du reste nous nous sommes déjà vus ici. » En répondant qu’il le savait, le narrateur ajouta qu’il connaissait aussi M. de Charlus, lequel « avait été très bon pour lui à Balbec et à Paris ». Mme de Guermantes parut étonnée. M. de Charlus était son beau-frère et le cousin avec lequel elle avait été élevée.

Le narrateur ignorait absolument que le baron eût tous les talents de compositeur et de peintre dont il ne parlait jamais. La duchesse dit que Palamède (qu’elle surnommait « Mémé ») était un cachotier car M. de Charlus lui avait dit qu’il serait très heureux de faire la connaissance du narrateur, absolument comme s’il ne l’avait jamais vu. Elle ajouta qu’elle trouvait que son beau-frère était drôle et par moments un peu fou. Le narrateur fut très frappé de ce mot appliqué à M. de Charlus et se dit que cette demi-folie expliquait peut-être certaines choses, par exemple qu’il eût paru si enchanté du projet de demander à Bloch de battre sa propre mère.

Que M. de Charlus eût rougi de moi devant M. d’Argencourt, passe encore. Mais qu’à sa propre belle-sœur, et qui avait une si haute idée de lui, il niât connaître le narrateur, fait si naturel puisque le narrateur connaissait à la fois sa tante et son neveu, c’est ce que le narrateur ne pouvait comprendre.

Le narrateur reconnut que Mme de Guermantes avait une véritable grandeur qui consistait à effacer entièrement tout ce que d’autres n’eussent qu’incomplètement oublié. Elle ne l’eût jamais rencontré la harcelant, la suivant, la pistant, dans ses promenades matinales, elle n’eût jamais répondu à son salut quotidien avec une impatience excédée, elle n’eût jamais envoyé promener Saint-Loup quand il l’avait suppliée de l’inviter, qu’elle n’aurait pas pu avoir avec le narrateur des façons plus noblement et naturellement aimables. Non seulement elle ne s’attardait pas à des explications rétrospectives, à des demi-mots, à des sourires ambigus, à des sous-entendus, non seulement elle avait dans son affabilité actuelle, sans retours en arrière, sans réticences, quelque chose d’aussi fièrement rectiligne que sa majestueuse stature, mais les griefs qu’elle avait pu ressentir contre quelqu’un dans le passé étaient si entièrement réduits en cendres, ces cendres étaient elles-mêmes rejetées si loin de sa mémoire ou tout au moins de sa manière d’être, qu’à regarder son visage chaque fois qu’elle avait à traiter par la plus belle des simplifications ce qui chez tant d’autres eût été prétexte à des restes de froideur, à des récriminations, on avait l’impression d’une sorte de purification.

 

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