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Humanisme : le Contrat social
2 septembre 2011

La Petite Bijou (Modiano)

modiano

La petite Bijou (Patrick Modianio)

 

Une douzaine d’année avait passé depuis qu’on n’appelait plus la jeune femme la « Petite Bijou ». Elle était au métro Châtelet et avait vu une femme en manteau jaune qui ressemblait à sa mère. La jeune femme fit le rapprochement à cause d’une photo de sa mère. Elle avait la certitude que c’était sa mère assise sur le banc de métro. Alors elle s’assit à côté d’elle. La femme monta dans le train et la petite Bijou la suivit. La femme devait avoir 50 ans alors que la femme de la photo en avait 25. On avait dit à la Petite Bijou que sa mère était morte, il avait longtemps, au Maroc et elle n’avait jamais essayé d’en savoir plus. Sur l’acte de naissance de la petite Bijou était mentionnée la date de naissance de sa mère : 1917. Sa mère avait pris un faux nom et même un faux prénom, Sonia. Le manteau de la dame était presque gris car il était vieux. La dame portait ces chaussons en tricot en forme de socquettes que l’on appelait panchos, et cela accentuait sa démarche d’ancienne danseuse. La dame entra dans une cabine téléphonique. Le numéro ne répondait pas alors elle raccrocha et composa un autre numéro. Cette fois on lui répondit. La Petite Bijou possédait un agenda de sa mère mais n’avait pas envie de s’en servir. La dame sortit de la cabine et jeta un regard indifférent à la Petite Bijou. Alors la jeune femme fit semblant de téléphoner. Puis elle suivit la dame dans un café. La dame but un kir. La Petite Bijou vérifierait si la dame venait dans ce café, le Calciat, chaque jour. La jeune femme possédait un tableau représentant sa mère peint par Tola Soungouroff. Le vrai prénom de sa mère était Suzanne. Elle laissait croire qu’elle était noble, qu’elle était née dans une famille de l’aristocratie irlandaise. La Petite Bijou n’éprouvait à son égard aucun sentiment particulier. La seule chose qu’elle voulait savoir, c’était où elle avait fini par échouer, douze ans après sa mort au Maroc. La Petite Bijou suivit la dame dans la rue du Quartier de Cavalerie. La dame s’arrêta dans une épicerie pour acheter à manger. Puis elle entra dans un immeuble à l’Escalier A. La Petite Bijou parcourut le même chemin les soirs suivants. Elle avait demandé au garçon du café Calciat si la dame au manteau jaune viendrait. Il n’avait pas compris. Peut-être que la dame n’habitait pas ce quartier et était venue voir la personne à qui elle avait téléphoné. Au bout de cinq semaines la dame réapparut. Elle était dans la cabine téléphonique. La jeune femme voulait lui parler, lui dire ; « Vous m’avez appelée la Petite Bijou ». Mais elle n’osa pas et la suivit jusqu’à son immeuble. Elle demanda à la concierge si elle connaissait la dame. Elle répondit que la dame s’appelait Mme Boré. Cela ressemblait au nom de l’homme dont la jeune femme avait cru comprendre autrefois qu’il était le frère de sa mère, un certain Jean Bori. Le nom de jeune fille de sa mère était pourtant Cardères et O’Dauyé le nom qu’elle avait pris. La jeune femme consulta l’agenda de sa mère. Y était écrit avec une minuscule écriture qui n’était pas celle de sa mère : Sonia Cardères. Avec une note qui semblait être le résumé d’une consultation de voyante. La jeune femme se souvint qu’enfant, elle avait reçu une carte postale venant de Casablanca avec la même écriture. La note disait que sa mère allait tomber amoureuse d’un étranger. Le jour où elle était allée consulter la voyante, elle savait sans doute qu’elle devait partir pour le Maroc. La petite Bijou ne savait pas ce qu’était devenue le tableau représentant sa mère. Dans son agenda, sa mère avait écrit l’adresse de celui qui l’avait peinte. La jeune femme regrettait d’avoir perdu un livre de son enfance : « Le vieux cheval de cirque ».

 

Le soir où la jeune femme avait cru reconnaître sa mère dans le métro, elle avait rencontré depuis quelque temps celui qui s’appelait Moreau au Badmaev. c’était à la librairie Mattei, Boulevard de Clichy. Il lui avait conseillé un livre de la Série Noire. Ce nom, Badmaev, lui venait d’un père qu’il avait à peine connu. Un Russe. Il habitait porte d’Orléans. Elle l’avait laissé au métro Pigalle. Elle l’avait revue Porte d’Orléans au café Corentin. Il lui dit qu’il captait des émissions de radio en langues étrangères et il en rédigeait la traduction et le résumé. Et cela pour un organisme qui dépendait d’une agence de presse ou d’un ministère. La jeune femme n’avait pas très bien compris. Il connaissait une vingtaine de langues. Elle lui dit qu’elle vivait de petits travaux à mi-temps mais qu’elle espérait trouver un travail fixe pour son moral. Il voulut savoir si elle n’avait pas le moral et ce qu’elle recherchait dans la vie. Elle cherchait des contacts humains. Il lui dit qu’il fallait trouver un point fixe pour que la vie cesse d’être ce flottement perpétuel. Il lui demanda son prénom. Elle voulut répondre qu’on l’appelait la Petite Bijou mais dit que c’était Thérèse. Il ne voulut pas révéler son prénom, ce serait donc Badmaev ou Moreau. Il l’invita chez lui 11, rue Monticelli. Il lui prêta un livre intitulé « Sur les confins de la vie ». Badmaev avait un gros poste de radio. Il lui montra comment il travaillait. Il prenait tout en sténo. Il lui donna le papier où il avait écrit. Thérèse le garda. Il avait écrit : « Il n’y a pas longtemps de ça, des matelots réussirent à attraper des sirènes, à quelques milles au sud des Açores » en néerlandais. Il avait voyagé en Iran pour apprendre le « Persan des prairies ». Il proposa à Thérèse de lui apprendre. Cela ressemblait au finlandais. On y retrouvait la caresse du vent dans les herbes et le bruissement des cascades.

 

Thérèse visita un immeuble qui avait été un hôtel où sa mère avait habité. Elle y loua une chambre avec salle de bains. Sa mère avait peut-être vécu dans cette chambre. Elle lut une adresse dans le journal, 11 rue Coustou. Le déclic se produisit. Cette adresse était mentionnée sur son acte de naissance comme étant le domicile de sa mère. Thérèse en parla à Badmaev qui lui répondit qu’elle avait retrouvé sa vieille maison de famille. Cela les fit rire. Thérèse devait se rendre tous les jours de la semaine du côté de Boulogne chez des gens riches dont elle gardait la petite fille. C’était à Neuilly et elle avait commencé à y aller en novembre. Les parents s’appelaient Valadier. Avant, Thérèse avait été vendeuse dans le magasin des Trois-Quartiers et dans une parfumerie des Grands Boulevards. Mais elle ne se faisait pas d’illusions sur ses possibilités. Elle n’était pas une artiste comme l’avait été sa mère. Jusqu’à 16 ans elle avait travaillé à l’Auberge Verte à Fossombronne-La Forêt. Elle avait rêvé de cette première rencontre avec les Valadier et avait une impression de déjà-vu. Une nuit elle avait rêvé qu’elle était condamnée à mort en Angleterre. Les Valadier avaient dans les 35 ans. Ils étaient gênés autant que Thérèse. Ils avaient l’air de camper dans l’immense salon du premier étage où, à part le divan et un fauteuil, il n’y avait aucun meuble. Thérèse s’était promenée avec la petite qui garda le silence mais paraissait confiante. Au retour elle lui avait montré sa chambre. Son lit était celui d’un adulte. Il y avait des pièces d’échecs dans une vitrine. Thérèse devait aller chercher la petite à l’école tous les jours à quatre heures et demie. Mme Valadier voulut que Thérèse l’appelle Vera. Vera lui demanda où elle habitait. L’hôtel de Thérèse était près de la place Blanche. C’était le quartier de l’enfance de Vera. Elle avait connu son mari à Londres. M. Valadier parlait une langue étrangère au téléphone. Vera raccompagna Thérèse et la fixa d’un air triste comme si elle l’enviait de retourner dans ce quartier. Vera voulut que sa fille accompagne Thérèse. Alors Thérèse lui conseilla de mettre un manteau. La petite voulut savoir si Thérèse habitait loin. Thérèse avait bien senti qu’elle n’avait qu’un mot à dire pour que l’enfant la suive et ne revienne plus chez ses parents. Mais Thérèse ramena la petite chez elle. M. Valadier mit du temps à ouvrir et l’enfant fut déçue qu’il soit là. La petite dit « à demain » à Thérèse d’une voix inquiète comme si elle n’était pas sûre qu’elle reviendrait. Un dimanche, Thérèse retourna à Vincennes. Elle alla parler à la concierge. La concierge voulut savoir si Thérèse était de la famille de Mme Boré. Elle répondit non. Elle prétendit qu’elle connaissait la famille de Mme Boré qui cherchait des nouvelles de la dame en manteau jaune. Mais Mme Boré ne parlait plus à la concierge et ne payait plus son loyer. La concierge lui révéla que dans le quartier Mme Boré était surnommée « Trompe-la-mort » parce qu’elle donnait l’impression de se laisser mourir alors que le lendemain elle était fringante. Mais pour Thérèse cela signifiait qu’elle avait ressuscité après sa mort au Maroc. La concierge lui dit que Mme Boré vivait là depuis plus de 6 ans. Thérèse se souvint qu’une amie de la dame avait appris qu’on appelait sa mère la Boche. Frédérique, la dame qui s’occupait de Thérèse, ne lui avait donné aucune explication. Frédérique Chatillon avait été l’amie de sa mère. Elles avaient dû se connaître à l’époque où sa mère était « danseuse ». La concierge lui révéla qu’un Nord-Africain venait voir Mme Boré. Il travaillait dans les chevaux mais ne venait plus. La concierge lui dit que Mme Boré lui devait 200 francs alors Thérèse lui donna tout ce qu’elle avait. On avait coupé l’électricité chez Mme Boré parce qu’elle ne payait pas. Thérèse se dit que c’était le Nord Africain que Mme Boré appelait au téléphone. Mais il avait fini par se décourager. Déjà quand Thérèse était enfant, sa mère restait des journées entières dans sa chambre sans voir personne même pas sa fille. Thérèse demanda comment était l’appartement de Mme Boré. C’était un deux pièces cuisine. La concierge lui proposa de monter mais Thérèse se dit qu’elle avait dû oublier la Petite Bijou et tous les espoirs qu’elle avait mis en sa fille à l’époque où elle lui avait donné ce nom. La concierge lui remit un rappel de loyer pour que Thérèse le donne à Mme Boré. Alors Thérèse posa l’enveloppe sur le paillasson mais ne sonna pas. Elle ne voulait pas glisser dans le marécage. En prenant le métro, Thérèse ressentit une extrême fatigue à cause de Mme Boré. Elle sortit du métro à gare de Lyon. Elle voulait quitter Paris. Mais elle n’avait plus d’argent. Elle avait payé le loyer de Mme Boré se souvenant que sa mère l’appelait dans le grand appartement du bois de Boulogne quand elle quand elle se sentait mal. Elle regrettait de ne pas avoir loué une une chambre près d’une gare pour se sentir libre de partir quand elle aurait voulu. Elle se souvint avoir appris à lire l’heure sur le cadran de la gare de Lyon. Pendant les absences de sa mère, c’était l’oncle de Thérèse qui s’occupait d’elle. Il l’attendait à la gare de Lyon. Il l’emmenait à l’école. Son oncle s’appelait Jean Bori bien qu’il soit le frère de sa mère, il n’avait pas le même nom. Il l’avait emmenée au cinéma voir « Le carrefour des archers » dans lequel Thérèse jouait un rôle avec sa mère. Thérèse continuait de marcher. Elle pensait appeler Badmaev pour l’inviter à dîner et tout lui raconter. Elle entra dans une pharmacie. La pharmacienne lui demanda si elle se sentait mal. Elle l’assit sur un fauteuil. Thérèse ne voulut pas s’expliquer et fondit en larmes. La pharmacienne lui demanda si elle avait eu un choc alors Thérèse répondit qu’elle avait revu quelqu’un qu’elle croyait mort. La pharmacienne lui donna un verre d’eau avec un comprimé. Thérèse se sentit mieux. Elle comprit que son malaise venait du souvenir des photos que sa mère l’avait forcée à prendre dans un studio près des Champs-Elysées. Sa mère avait une robe de tulle serrée à la taille qui lui donnait un air de fausse fée et Thérèse, dans sa robe, n’était rien d’autre qu’un faux enfant prodige, une pauvre petite bête de cirque. Sa mère voulait qu’elle devienne une étoile pour recommencer de zéro. La pharmacienne lui dit qu’elle avait de l’anémie et lui recommanda des piqures de vitamines B12. Thérèse ne voulait pas prendre le métro de peur de tomber sur le manteau jaune mais la pharmacienne la raccompagna. La pharmacienne lui demanda où habitait sa mère. Thérèse lui répondit que sa mère habitait en banlieue et qu’elle était née de père inconnu. Heureusement elle avait été élevée par un oncle qui l’aimait bien. La pharmacienne l’accompagna jusqu’à un taxi. Elle lui demanda si elle avait des amis. Elle avait fréquenté la bande de sa collègue Muriel et s’était même laissée emmener par un type dans un hôtel. Elle ne se souvenait que de son nom Wurlitzer. Alors elle avoua à la pharmacienne qu’elle n’avait pas beaucoup d’amis. La pharmacienne lui conseilla de ne pas rester seule pour pouvoir lutter contre les idées noires. Thérèse repensa à ce que Frédérique lui avait dit. Sa mère n’était pas méchante, elle n’avait pas eu de chance. Elle était venue à Paris, très petite pour faire de la danse classique, à l’école de l’Opéra. Puis, elle avait eu un accident aux chevilles et avait dû arrêter la danse. A 20 ans, elle avait été danseuse mais dans des revues obscures. Thérèse repensa à Wurlitzer. Il avait voulu l’emmener à l’hôtel mais elle pensait maintenant qu’elle s’était enfuie pour ne pas imiter sa mère qui devait fréquenter les mêmes hôtels au même âge. La pharmacienne accompagna Thérèse jusqu’à chez elle. Elles passèrent devant le cabaret Le Néant. La pharmacienne pensait que ça ne devait pas être très gai. Thérèse avait rêvé qu’elle y était accompagnée de gens morts. La pharmacienne entre chez Thérèse et lui demanda si ce n’était pas trop bruyant dehors. Thérèse répondit non. Une fois, elle était allée au bar Le Canter pour acheter des cigarettes et on l’avait forcée à boire un whisky. On lui avait demandé si elle habitait chez ses parents. La pharmacienne lui demanda de parler de son travail. Elle mentit en disant qu’elle travaillait pour Badmaev. Elle avait peur de parler des Valadier. Elle prétendit qu’elle étudiait à l’Ecole des langues orientales. Alors qu’elle avait quitté l’école à 14 ans. Elle dit que c’était son oncle qui était professeur de philosophie. Thérèse demanda à la pharmacienne de rester avec elle. Elles entendirent de la musique dehors. La pharmacienne croyait que cela venait du Néant. Thérèse imaginait Mme Boré sur la scène du Néant devant une salle vide. Thérèse s’allongea près de la pharmacienne qui l’embrassa sur le front. Le lendemain, la pharmacienne s’en alla et Thérèse alla chez les Valadier. Vera lui dit que la petite était à l’école alors qu’il n’y avait pas école le jeudi. Vera lui expliqua que l’enfant jouait avec les pensionnaires. Elle ne désignait jamais sa fille par son prénom et son mari non plus. Des années plus tard, Thérèse elle-même ne pourrait dire quel était ce prénom. Vera laissa Thérèse seule un moment. Thérèse en profita pour fouiller les tiroirs de bureau de M. Valadier. Elle y trouva des cartes de visite mais l’adresse indiquée n’était pas celle de Neuilly. Thérèse entendit Vera se disputer avec un inconnu. Elle lui demanda de l’aider à ranger sa chambre. Le lit était défait et il y avait une bouteille de champagne. Elles firent le lit. Juste après, M. Valadier revint de voyage. Il dit à Thérèse que la petite pourrait rentrer toute seule. L’enfant voulait un chien. Vera souhaitait que Thérèse lui explique que ce n’était pas possible. Thérèse alla chercher la petite à l’école. L’enfant ne voulait pas rentrer tout de suite. Thérèse était comme la petite quand elle était enfant. Elle ne voulait pas rentrer chez elle car elle trouvait que c’était trop grand et elle pensait qu’elle et sa mère n’avaient pas le droit d’occuper ce lieu. Thérèse sut par Frédérique que cet appartement n’était pas celui de sa mère. Elles y vivaient en l’absence de son propriétaire. Thérèse parla du chien à l’enfant qui avait déjà compris que ses parents n’en voulaient pas. Thérèse lui dit qu’elle allait essayer de leur parler. Mais elle ne se faisait pas d’illusion, les Valadier étaient coriaces. Quand elles rentrèrent, les Valadier se disputaient. L’enfant avait peur mais était habituée à cette peur. M. Valadier sortit, il avait des traces d’ongles sur les joues. Les parents dirent à l’enfant qu’elle pourrait avoir un chien quand elle serait grande. Michel Valadier prétendit que les chiens avaient des maladies et mordaient. Thérèse ne voulait pas que la conversation s’envenime alors elle ne prit pas la défense de l’enfant. Mais elle demanda si Michel avait mal à la joue. Il bredouilla non mais Thérèse lui dit que ses griffures pouvaient lui faire attraper la rage et qu’il devait désinfecter. C’était comme la morsure des chiens. Les Valadier perdirent pied. Ils dirent à leur fille qu’elle devait manger et se coucher seule. Thérèse fut obligée de partir. Ils étaient un mystère pour elle. Elle n’eut pas la force d’aller voir la petite. Elle se sentait trop mal pour aider quelqu’un. Elle pensa à son enfance au pensionnait. Une brune tatouée au bras volait du chocolat pour elle. Les autres avaient peur de cette fille mais elle avait toujours été gentille avec Thérèse. Un jour sa mère était venue la chercher en voiture avec un chien à l’arrière. Elle lui annonça qu’elle n’irait plus au pensionnat. Le chien était un caniche noir. Sa mère ne s’occupait jamais de lui. Elle ne lui avait même pas donné de nom. C’était Thérèse qui lui donnait ses repas. A cette époque sa mère l’avait inscrite au cours Saint André. Elle y allait toute seule. Un jour sa mère lui dit qu’elle avait perdu le chien dans le bois de Boulogne. Thérèse ne pourrait plus dormir avec le chien et ce serait encore pire qu’au pensionnat. Elle dut dormir avec la lumière. Elle pensait qu’après le chien viendrait son tour. Un matin, avant de rencontrer Mme Boré, Thérèse pensait qu’il fallait tuer la Boche (sa mère) pour venger le chien. Thérèse n’avait pas le courage d’attendre le retour de la pharmacienne qui était partie en province. Alors elle appela Badmaev. Elle alla chez lui. Il écoutait un récital de poèmes à la radio. Elle n’avait pas l’ai bien. Badmaev lui demanda pourquoi alors elle parla des Valadier et de son chien perdu il y avait 12 ans. Elle avoua qu’elle n’avait pas vu sa mère depuis cette époque. Elle lui révéla que quand elle avait sept ans on l’appelait la Petite Bijou. C’était son nom d’artiste. Il n’avait pas suffis à sa mère d’avoir perdu un chien, il lui en fallait un autre qu’elle puisse exhiber comme un bijou et voilà pourquoi sans doute elle avait donné ce surnom à sa fille. Thérèse lui parla du Carrefour des archers. Elle jouait la fille du personnage joué par sa mère. Sa mère avait dû être tendre envers elle dans le film alors qu’elle ne l’avait jamais été dans la vie courante Badmaev voulait voir le film avec Thérèse. Mais Thérèse n’en avait pas envie. Alors il l’emmena dîner au café le Babel en face de la cité universitaire. Elle but un whisky. Elle demanda à Badmaev quelles études il avait faites. Il avait le bac et avait étudié à l’école des langues orientales. Thérèse lui demanda si elle pourrait s’y inscrire. Il lui demanda si elle avait son bac. Elle dit non. Pour la consoler il lui affirma qu’il y avait des tas de gens formidables qui n’avaient pas leur bac. Elle n’avait pas faim mais avoua qu’elle avait pris un whisky pour se donner le courage de parler. Elle lui montrerait la photo du film Le Carrefour des archers qu’elle avait gardée. Badmaev voulut savoir pourquoi sa mère l’avait laissée pour partir au Maroc. Thérèse ne savait pas. Elle pensait qu’un homme l’avait emmenée. Frédérique lui parla d’un homme qui avait installé sa mère dans le grand appartement. Badmaev invita Thérèse chez lui devinant qu’elle ne voulait pas rester seule cette nuit. Elle s’allongea sur le lit et il lui apporta du thé. Il l’aida à enlever ses chaussures et son manteau. Il lui dit qu’il avait l’impression que ses souvenirs d’enfance la préoccupaient beaucoup. Elle se souvenait du trésor de sa mère. Une fois elle avait donné une liasse de billets à Jean Bori. Quand elle l’abandonna, elle lui laissa plusieurs liasses pour que Frédérique s’occupe d’elle. Thérèse n’avait jamais su d’où venait l’argent de sa mère. Elle pensait qu’il venait peut-être de son père. C’était peut-être le même type qui avait payé sa mère pour jouer dans le film. Badmaev alluma la radio pour transcrire une émission. Il voulut savoir où se situait le grand appartement de la mère de Thérèse. c’était au 129, avenue de Malakoff à Paris. Un jour Frédérique avait voulu y aller pour récupérer les affaires de Thérèse mais il y avait les scellés sur la porte. Thérèse se souvenait du numéro de téléphone du grand appartement. Badmaev le composa mais personne ne répondit. Alors Thérèse se dit que l’appartement était habité par des fantômes. Thérèse se souvint de Madeleine-Louis et Simone Bouquerau qui venaient voir sa mère. Elle les avait revues chez Frédérique mais elles l’évitaient. Peut-être s’étaient-elles reprochées quelque chose. Frédérique lui expliqua que sa mère prenait de la morphine depuis son accident et c’était Simone qui lui en fournissait. Le numéro de téléphone du 129 avenue Malakoff n’était plus attribué mais Thérèse entendit quand même des voix. Les gens se servaient du numéro pour faire connaissance et prendre rendez-vous. Ca s’appelait le Réseau. Alors Thérèse raccrocha. Elle finit par s’endormir près de Badmaev qui écoutait toujours la radio. Le mercredi Thérèse invita la pharmacienne dans le café de la place Blanche. Elle se souvint d’un jour où sa mère lui avait donné un gros billet pour qu’elle aille s’amuser toute seule à Luna Park. Elle y vit des garçons pauvres à qui elle donna son argent et s’enfuit en courant. Thérèse n’avait pas envie d’aller chez les Valadier alors elle les prévint qu’elle était souffrante par pneumatique. En attendant la pharmacienne, elle livre que Badamaev lui avait prêté. Elle arriva au café avec une demi-heure d’avance. Le pharmacienne était à l’heure et l’embrassa sur le front. Elle lui donna du sirop pour la toux et des cachets pour dormir. Le silence s’installa. La pharmacienne avait l’air timide. Alors Thérèse lui demanda si elle avait été danseuse. Cela fit rire la pharmacienne. Mais elle avait pris des cours de danse jusqu’à 12 ans. Thérèse n’avait pas faim alors elle ne commanda rien. La pharmacienne la força à manger la moitié de son plat. La pharmacienne avait travaillé dans ce quartier quand elle commencé son métier mais elle n’aimait pas trop l’endroit. Thérèse lui dit qu’il y avait beaucoup de danseuses en ce temps-là dans le quartier. La pharmacienne fronça les sourcils. Elle n’aimait pas parler du passé. Elle conseilla à Thérèse de déménager près de l’Ecole des langues orientales. Thérèse continua de mentir en disant qu’elle y allait en métro mais la pharmacienne avait un sourire ironique comme si elle n’était pas dupe de ce mensonge. Alors Thérèse dit qu’elle resterait encore quelque temps dans le quartier et après ce serait fini. Et c’était vrai. Elle avait voulu remonter une dernière fois le cours des années pour essayer de comprendre. Mais elle n’en parla pas à la pharmacienne. La pharmacienne lui demanda si elle n’avait pas quitté Paris. Depuis l’âge de 16 ans elle était partie de Paris deux ou trois fois avec Wurlitzer au bord de la mer du Nord. La pharmacienne l’invita à Bar-Sur-Aube où elle avait une maison. Thérèse accepta. La pharmacienne la raccompagna chez elle. Thérèse alla chez les Valadier mais ils n’étaient plus là. Alors Thérèse alla acheter une bouteille d’eau et du chocolat au lait au Monoprix. Elle rentra chez elle et avala les cachets pour dormir. Ca passait mieux avec le chocolat. Elle se réveilla à l’hôpital. Comme il n’y avait plus de place on l’avait mise dans la salle des bébés prématurés. Thérèse comprit qu’à partir de ce jour-là c’était le début de la vie.

 

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