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Humanisme : le Contrat social
10 juin 2019

Histoires de l'an 2000

 

ldp3817-1985

Depuis la fin du XIXe siècle, l'an 2000 apparaît comme le seuil d'un monde différent et en même temps comme un avenir assez proche. Il abrite des horreurs ou des merveilles qui ne sont pas encore réalisées mais dont on croit pouvoir dire qu'elles seront presque certainement réalisées. L'an 2000 était perçu de façon optimiste au XIXe siècle et véhiculait des images imprégnées de progressisme puis la vision de l'an 2000 est devenue de plus en plus pessimiste avec le temps. Dès le XVIIIe siècle, Restif de la Bretonne intitula l'une de ses oeuvres « L'An 2000 ou la régénération ». En 1815, Jules Verne décrit une ville idéale : Amiens en l'an 2000. Vers 1900, une marque de chocolat émet une série de 78 vignettes différentes portant toute l'inscription en l'an 2000 et une illustration de la vie en cette année mécanique.

Le premier rapport du Club de Rome envisageait l'an 2000 de façon inquiète en mettant l'accent sur les demandes croissantes imposées à l'environnement et sur les graves risques de rupture qui en découlaient. Avec la crise pétrolière de 1973, la confiance excessive dans les possibilités de l'avenir proche se mua tout aussi excessivement en une méfiance à l'endroit de toute réflexion sur l'avenir.

Il y a une contradiction évidente entre l'inertie considérable avec laquelle évoluent les sociétés développées et les comportements sociaux d'une part, et d'autre part la portée purement conjoncturelle, de l'ordre de l'année, de la plupart des politiques économiques et sociales et en particulier de celles de la France.

Il y a trois raisons pour que la futurologie soit impraticable et qui ne parviennent pas à dépasser le niveau d'un simple exercice idéologique. La première est l'extrême complexité de la situation initiale (présent et tendances passées) qui exclut sa description complète et suffisante. De plus, les mathématiques de l'aléatoire qui se consacrent notamment à la météorologie indiquent que des phénomènes très petits peuvent avoir très rapidement des effets tout à fait considérables. On voit mal comment détecter ces phénomènes eux-mêmes et les prévenir.

La deuxième raison est qu'une prévision certaine est destinée à servir un projet, celui du renforcement ou de l'évitement de ce futur. Alors, la prévision change les conditions initiales et s'annule d'elle-même.

La troisième tient à ce que, même s'il était possible de donner du futur un tableau raisonnablement validé par l'événement, les éclairages retenus dans le présent ne seraient pas forcément pertinents. Les anticipations venues du passé étonnent souvent plus par leur manque de pertinence que par leurs inexactitudes.

A contrario de la futurologie, la prospective renonce à donner de l'avenir un tableau empirique et global. Elle ne considère pas le futur comme un pays déjà formé que l'on puisse visiter et décrire. Elle se veut au contraire problématique. La prospective tente donc de repérer dans l'histoire et dans le présent, des lignes de force, de grandes tendances explicatives, dans la foulée de géants comme Tocqueville ou comme Marx. Et parce qu’elle permet précisément l'accent sur la pluralité des possibles, elle s'efforce d'explorer des éventualités dont quelques-unes apparaissent très probables mais dont d'autres, si improbables qu'elles semblent, sont importantes ou graves.

La prospective est une absolue nécessité. Les décideurs doivent se persuader que l'avenir sera radicalement différent du présent, que ce ne sera pas nécessairement pour le pire et que l'adaptation et la maîtrise sont les conditions de la survie. Les conséquences des innovations doivent être estimées au moyen d'expériences conceptuelles avant d'être subies, sous peine d'incommensurables catastrophes. L'histoire ne nous laisse plus le temps de l'essai et de l'erreur.

Jules Verne qui extrapole les techniques de son présent et considèrent leurs effets sociaux, est bien un des ancêtres de la futurologie. Une bonne partie de l'oeuvre de HG Welles revêt la forme de l'essai prospectif.

Une partie impressionnante de la littérature de science-fiction convoie une réflexion authentique, souvent inquiète, parfois fine, constructive et originale sur l'avenir proche.

Le souci d'une description riche et problématique de l'avenir proche culmine probablement avec l'étonnante trilogie de John Brunner qui vaut mieux que bien des rapports pédants. Son premier volet, Tous à Zanzibar, décrit une terre surpeuplée. Le second, Le Troupeau aveugle, dresse un tableau dramatique des conséquences de la pollution. Le troisième, Sur l'onde de choc, expose les effets de l'informatisation.

Ce volume de la Grande anthologie de la science-fiction est sans doute le plus pessimiste de toute la série. L'avenir y est carrément noir. Mais plus qu'un espoir sans appel, il faut y lire l'appel au sursaut.

Meurtre au jeu de boules par William Harrison.

Le narrateur est devenu célèbre grâce au jeu de boules. Il fait partie d'une équipe. Le jeu consiste à patiner sur un anneau ovale de bois sur laquelle des canons tirent de terrifiantes sphères de 10 kg. Il y a 10 patineurs, cinq motards, cinq coureurs (ou cinq matraqueurs). 80 000 spectateurs les observent tandis que deux milliards de gens sont devant leur poste de multivision. Les coureurs enfilent leurs gros gants de cuir et empoignent leur battes en forme de crosse dont ils se servent pour détourner les balles ou pour essayer de frapper les patineurs. Les motards roulent tout en haut de la piste et piquent vers le bas pour aider les coureurs aux moments cruciaux. Le rôle des patineurs est de bloquer le passage, de tenter d'empêcher les coureurs de les dépasser et de marquer des points. Les patineurs sont de la véritable chair à canon. Il y a deux équipes de 40 joueurs au total. Le principe du jeu consiste pour les coureurs à dépasser tous les patineurs de l'équipe adverse, à s'emparer d'une balle et à la passer à un motard pour marquer un point. Le narrateur s'appelle Jonathan E. Il est le pivot de l'équipe de Houston et pendant les 2 heures  de la partie il n'y a plus ni règles, ni sanctions, une fois la première premier tir de balle lancé. Une moto de l'équipe adverse, celle de Londres, reçoit une balle de plein fouet et explose dans un jet de flammes. Les spectateurs hurlent de joie.

La partie se termine sur le score de 7 à 2 en faveur de Houston.

Les années passent et les règles changent, toujours dans le sens de la satisfaction du public, donc d'un carnage accru. Jonathan joue depuis plus de 15 ans et par miracle, il n'a jamais souffert que de fractures aux bras et aux clavicules. Les règles seront modifiées jusqu'à ce que les joueurs finissent par patiner sur des mares de sang. Ils le savent tous.

Avant la Grande guerre asiatique des années 90, avant que les sociétés privées ne remplacent les nations et que les forces de police des sociétés ne supplantent les armées, au dernier jour du football américain et de la cour du monde en Europe, Jonathan était un jeunot.

Il a eu toutes les femmes qu'il voulait et l'argent ensuite. Sa photo s'étalait en première page des magazines. Il était le survivant du sport le plus sanglant du monde. Au début, il portait les couleurs des sociétés pétrolières. Ensuite, elles sont devenues tout simplement l'Energie. Bartholomew est le grand patron d'Energie, l'un des hommes les plus puissants de la terre. Il parle à Jonathan comme si c'était son propre fils. Il lui apprend que la multuvision voudrait lui consacrer une émission spéciale retraçant toute sa carrière avec des extraits de ses plus beaux matchs. Mais Jonathan se sent fatigué, il se sent seul et sa femme lui manque. Il y a comme une cassure dans son esprit. Jonathan reçoit chez lui un vieux copain, Jim Cletus. Cletus est juge. Il enregistre les points marqués dans le jeu de boules et il appartient au comité international de ce sport. Il apprend à Jonathan que de nouveaux changements sont envisagés dans les règles du jeu. Un joueur qui prendrait un tour de retard sur son équipe serait sanctionné. On lui ôterait son casque. Les primes seraient augmentées pour les meilleures attaques. Le comité envisageait aussi de supprimer la limitation de temps de chaque partie. Jim était partisan de conserver la limitation de temps mais il avait le sentiment d'être complètement dépassé par les exigences du comité.

Le 4 décembre 2012, la partie entre l'équipe de Rome et l'équipe de Chicago connut le plus grand nombre de morts : 9. Les spectateurs étaient fascinés par les statistiques du jeu de boules. Des millions de supporters ne regardaient jamais directement l'action mais se contentaient d'étudier les panneaux de statistiques.

Jonathan partit pour Paris, il se promena sur les bords de la Seine. Des admirateurs français intercalaires. Jonathan prit conscience de sa taille, de ses vêtements, de la façon dont il marchait. Il avait 34 ans et croyait qu'en vieillissant il ressemblerait beaucoup au poète Robert Graves.

Les hommes les plus puissants de la terre étaient les cadres. Il dirigeait les grandes sociétés qui fixaient les prix, les salaires et qui régissaient l'économie générale. C'étaient des escrocs qui avaient des pouvoirs pratiquement illimités et de l'argent à volonté. Jonathan avait lui aussi du pouvoir et de l'argent, pourtant il se sentait inquiet.

Il manquait un peu de culture. Mais les gens avaient peu de connaissances historiques. La seule histoire dont les gens se souvenaient étaient la façon dont les guerres de sociétés s'étaient terminées pour parvenir au regroupement des Six grandes : Energie, Transport, Alimentation, Logement, Services et Luxe. Les universités étaient administrées par les grandes et formaient les joueurs du jeu de boules. Jonathan voulait se cultiver auprès de M. Bartolomew. Lors du match de Mexico apparut une nouveauté ne. On avait changé la forme de la balle. Elle n'était plus tout à fait ronde de sorte que sa trajectoire sur la piste devenait irrégulière et imprévisible.

Jonathan a quitté Mackie et l’a remplacée par une nouvelle, Daphné, une Anglaise. Mais la seule femme qu'il a aimée, c'était Ella. Jonathan donne des cours de jeu de boules à des jeunes. Il leur dit qu'ils ne pourront vraiment commencer à comprendre qu'après avoir reçu quelques bonnes raclées sur la piste.

Quand Jonathan revit Bartholomew, celui-ci avait été démis de ses fonctions de responsable d'Energie. Jonathan décida de lui parler de ses problèmes. Il voulait se cultiver. Alors Bartholomew lui demanda ce qui l'intéressait. Jonathan avait commencé à étudier à l'université 17 ans plus tôt. À cette époque, il y avait encore des livres et il en avait lu beaucoup. Il pensait alors pouvoir devenir cadre. À présent, tous les livres étaient sur bandes. Seules les spécialistes en informatique pouvaient déchiffrer ces bandes. Jonathan savait que Bartholomew comprenait ce qu'il cherchait. Bartholomew était un homme de 60 ans, extrêmement riche, un puissant parmi les puissants. Bartholomew dit à Jonathan que le savoir conduisait soit au pouvoir, soit à la mélancolie. Jonathan avait déjà le pouvoir grâce à sa célébrité. Et au jeu de boules, il n'y avait pas place pour la mélancolie.

Mais Bartolomew accepta quand même de procurer à Jonathan quelques autorisations pour voir des films et apprendre un peu à déchiffrer les bandes.

Jonathan avait une nouvelle compagne après le départ de Daphné. Mais les images d'Ella hantaient toujours ses rêves. Jonathan pensait être le bâtard de quelque cadre. Il avait été élevé dans le quartier Galveston de la ville. Il avait été un gosse grand et fort. Il tenait pour acquis qu'un corps sain donne un esprit sain.

Il s'était marié à l'âge de 15 ans alors qu'il travaillait sur les docks pour les Sociétés pétrolières. Ella était secrétaire. Elle était mince, avec de longs cheveux bruns. Ils avaient obtenu le permis pour se marier et entrer ensemble à l'université. Elle suivait des cours d'électronique générale pendant que Jonathan suivait une préparation à la carrière de cadre et des cours de jeu de boules.

Elle l'avait quitté pour un cadre et était partie avec ce cadre en Europe.

Jonathan pensait être intelligent mais il avait l'impression de ne rien savoir.

C'était parce qu'il n'y avait plus de livres que Jonathan se sentait si creux. Il se rendait compte que s'il n'avait pas le souvenir de sa femme, il ne chercherait même pas à se rappeler parce que c'était l'amour seulement dont il se rappelait. Il avait lu beaucoup de livres pendant sa vie avec sa femme et après aussi avant de devenir joueur de boules. Il avait lu tous les volumes concernant le monde des affaires, l'histoire des rois d'Angleterre, tous les romans oubliés, un peu de Jean-Jacques Rousseau, une biographie de Thomas Jefferson. Tout cela était maintenant sur bandes, en train de s'effacer dans quelque sous-sol humide.

Les règles du jeu de boules avaient encore changé. Trois balles ovales seraient en jeu en même temps. Même les joueurs les plus expérimentés avaient peur d'entrer sur la piste. Alors ils feignaient de blessures et détalaient sur la pelouse du stade comme des lapins. Jonathan jouait avec encore plus de désinvolture et il en donnait au public pour son argent.

La mort était présente à chaque partie. Jonathan n'avait aucun scrupule à tuer des joueurs. Son ami Moonpie fut tué devant lui. Un joueur adverse ôta le casque de Moonpie et un patineur lui ouvrit la bouche du bout de sa botte. Ensuite plusieurs joueurs le frappèrent à mort. Les caméras ne manquèrent pas d'enregistrer son dernier soupir.

Avant la partie qui devait désigner le champion du monde, Cletus apprit à Jonathan que ce match devait se dérouler à New York devant toutes les caméras de la multivision et sans limitation de temps. Les motos seraient plus puissantes et il y aurait quatre balles simultanément en jeu et les arbitres sanctionneraient les joueurs trop timorés en leur ôtant leurs casques.

Jonathan pensait qu'il ne survivrait pas à ce match alors il demanda à Cletus de le faire incinérer et que ses cendres soient éparpillées dans son ranch de Houston. Il voulait aussi qu'Ella soit présente quand ses cendres seraient dispersées.

Jonathan put revoir Ella dans sa villa près de Lyon, une semaine avant le match de New York.

Ils se racontèrent leur vie. Puis au bout de quelques jours elle s'en alla et toute trace de douceur avait disparu de sa voix.

Le soir du match, la foule essayait de toucher Jonathan comme s'il était une ancienne figure religieuse. Avant que le match commence, Jonathan avait une trace de doute. Il chanta l’hymne de son équipe.

Dis-moi tout de toi (F. M. Busby).

 

Charlie, Vance et Dale avaient ramené un gros cargo sain et sauf à Hong Kong après avoir traversé un petit typhon. Ils fêtèrent cela avec de l'alcool et de la drogue. Ils passèrent devant un bordel nécro. Ils y entrèrent. Charlie avait l'habitude de fréquenter les necs. À Marseille, il avait dégoté une nana sourde-muette et salut avait plus. Au Nec, c'était encore mieux parce que les femmes ne bougeaient plus. Une Eurasienne les accueillit et leur proposa la catégorie A. Elle leur montra une série de photos de femmes mortes. Certaines étaient maintenues à la température normale du corps et d'autres étaient réfrigérées afin de pouvoir servir plus longtemps.

Un homme entra, c'était M. Hollstrom qui venait chercher un chèque pour avoir laissé le corps de sa femme morte dans le Nec. Charlie choisit la femme de Hollstrom. L'Eurasienne proposa à Dale le cadavre d'une petite fille tuée dans un accident malheureux. L'Eurasienne prétendit que la morte était encore vierge. Dale accepta la proposition. Il pénétra corps de la jeune fille morte et lui demanda si elle aimait ça. Il y avait un sourire sur le visage de la morte. Cela perturbait Dale. Il était désolé qu'elle ne parle pas. Il lui dit au revoir. Mais il ne pouvait pas partir. Il savait qu'à présent elle ferait partie de la catégorie A. Il ne voulait pas que Charlie, Vance ou n'importe qui puisse profiter d'elle. Il ne pouvait pas supporter cette pensée. Certains hommes la brutalisaient. Alors il vêtit le cadavre et l'emporta jusqu'à la chambre de son hôtel et lui fit l'amour encore une fois. Le lendemain, l'effet de la drogue avait cessé et Dale comprit ce qu'allait devenir le corps qu'il avait ramené. Alors il l'emmena sur un radeau et la brûla. Il n'en parla pas à ses amis. Il aurait tellement aimé que la jeune fille lui réponde mais elle n'avait pas voulu.

Le syndrome de la Marie-Céleste (Frank Herbert).

 

L'automobile de Martin Fisk, une Buick 1997 fila comme une flèche et s'engouffra sur la première des huit files de droite, juste à temps pour prendre la bretelle marquée « nouveau pentagone seulement-vitesse maximale autorisée : 120 km/h ».

Arrivé à destination il descendit de sa voiture qui fit un bond en avant et plongea dans une cage d'ascenseur qui la descendrait au sous-sol où elle serait rangée dans un casier programmé.

Fisk avait rendez-vous avec William Merill, l'officier de liaison du Président du Bureau de Contrôle Intérieur, patron de Fisk. Il fut accueilli par une secrétaire du Corps Auxiliaire des Femmes. Elle lui dit qu'il avait une minute d'avance et qu'ainsi il pourrait avoir neuf minutes pour parler à Merill. Elle lui demanda si ce ne serait pas merveilleux si on pouvait inventer des journées de 48 heures.

Fisk venait présenter un rapport à Merill. Il avait voyagé pendant 10 jours. Il avait effectué 65 000 km pour entreprendre 18 entretiens particuliers et 51 entrevues. Les gens se déplaçaient hardiment d'un bout du pays à l'autre, en quantité plus importante que la normale, depuis des points de départ auxquels les autorités n'auraient jamais pensé, pour rallier les destinations auxquelles les pouvoirs publics s'attendaient le moins. Et ces gens se révélaient être les individus les plus timides qui soient.

Fisk avait découvert que certains de ces gens avaient vendu à perte des affaires florissantes pour s'adonner à des carrières différentes sur les lieux de leur nouveau domicile. D'autres avaient accepté un nouvel emploi à un salaire inférieur. Il avait aussi découvert une chute vertigineuse du nombre de propriétaires de voitures. Les gens s'en allaient dans des zones où la construction des autoroutes ralentissait la circulation. Notamment à New York, San Francisco, Seattle, Los Angeles.

fisk avait constaté que les gens qui partaient étaient tous d'un âge certain il conduisait des voitures anciennes. Ils avaient peur de prendre l'avion, ils étaient conservateurs et timides.

Merill avait peur que cette situation entraîne des répercussions politiques. La représentation au Congrès changerait dans ces régions pour se conformer au nouvel état de fait.

Tous les gens qui partaient étaient des conducteurs à faible risque et comme ils sortaient du marché, les charges supportées par les autres conducteurs augmentaient d'autant. Fisk avait également remarqué que les femmes avaient refusé de rejoindre leur mari lors de ses déplacements. Il était arrivé quelquefois que ce soit la femme qui s'en aille et refuse de revenir. Les gens qui partaient abandonnaient leurs animaux dans leurs anciennes maisons et parfois les déménageurs trouvaient des dîners qu'on avait laissé mijoter. Il y avait un nom pour ça dans l'industrie du déménagement : ils appelaient ça les déménagements à la Marie Céleste, d'après l'histoire du bateau à voile.

Merill pensait que ces gens-là s'en allaient pour la promenade du samedi ou du dimanche et se trompaient de chemin, prenaient par erreur une bretelle d'accès à sens unique et se retrouvaient coincés sur une voie express à grande vitesse. Ils n'avaient jamais roulé à plus de 240 de toute leur vie et le rayon porteur de la voie express les forçait à rouler à plus de 450, alors ils paniquaient, ils passaient sur automatique et ils n'osaient plus toucher à rien jusqu'à ce que les automatismes les fassent ralentir pour bifurquer. Alors ils vendaient leur voiture et s'en tenaient au métro local et aux moyens de transport de surface.

En sortant du bureau de Merill, Fisk se fit bousculer par un homme. Il n'avait pas envie de s'engager dans le couloir envahi par les multitudes grouillantes qui passaient dans un sifflement.

Alors il se demanda si lui aussi déménagerait et si sa femme le suivrait..

Masque à gaz (James D. Houston).

Charlie Bates n'attachait pas une grande importance aux autoroutes. Il les classait parmi ces commodités à obstacles dont le monde était si inévitablement encombré. Il ne fut donc pas surpris lorsqu'un après-midi d'été, sur les huit voies autour de lui, la circulation se mit à ralentir puis finalement s'arrêta complètement. Il ne commença à s'inquiéter que lorsque le mouvement reprit une demi-heure plus tard. Son moteur était arrêté portant la voiture se mit à avancer lentement comme si une autre voiture la poussait. Un hélicoptère survola les conducteurs et un haut-parleur annonça que l'embouteillage serait résorbé mais qu'il faudrait au moins 24 heures pour cela. Les automobilistes pouvaient laisser leur voiture sur l'autoroute car la municipalité assurerait la protection par la police des véhicules. Charlie ne voulait abandonner sa voiture et il se mit à discuter avec un autre automobiliste Arvin Brainbridge. Charlie voulait téléphoner à sa femme alors Arvin lui prêta une corde de remorquage et Charlie l'utilisa pour passer par-dessus la barrière et ainsi descendre jusqu'au second niveau. Il entra dans un bar et apprit que chaque sortie, chaque entrée, chaque voie dans le complexe autoroutier étaient embouteillées. Il fallut 2 heures à Charlie pour rentrer chez lui à pied. Quand il arriva, sa femme, Fay, elle était au bord de la crise de nerfs. Alors il lui raconta toute l'histoire. Alors elle lui demanda ce qu'il allait faire pour la voiture. Charlie comptait retourner la chercher dans l'embouteillage serait terminé.

Le lendemain matin, Charlie emprunta le tandem de ses amis Don et Louise et il partit avec sa femme. L'embouteillage n'était toujours pas résorbé. Alors Charlie et sa femme décidèrent de monter tout en haut d'un immeuble qui dominait l'autoroute pour surveiller le long serpent de voitures silencieuses. Ils virent qu'un hélicoptère de la Croix-Rouge lançait des sandwiches aux automobilistes immobilisés. Les prédictions de la police pour résorber l'embouteillage étaient dorénavant de trois jours de plus

Charlie et sa femme décidèrent de louer un appartement dans l'immeuble au-dessus d’eux. Ils convinrent que Charlie pédalerait jusqu'à la maison, le lendemain, pour prendre quelques objets de première nécessité pendant que Fay garderait un oeil sur la voiture.

Charlie et sa femme surveillèrent donc l'autoroute tous les jours. Charlie retourna sur l'autoroute pour mettre le moteur de sa voiture en marche pendant quelques minutes. Il proposa à Arvin de lui présenter Fay. Mais Arvin ne voulait pas abandonner sa voiture car il n'avait pas fini de la payer. Au bout du sixième jour, la circulation pouvait reprendre, d'après le bruit des moteurs. Charlie voulut retourner vers sa voiture mais il avançait à l'aveuglette en titubant, assourdi par le tonnerre des cylindres longtemps refroidis, secoué de nausée par les fumées. Il retrouva Arvin qui lui dit qu'aucun signal n'avait été donné par la police mais tout le monde dans la file d'attente avait mis son moteur en route alors Charlie fit de même.

Mais à cause de la fumée, du lundi connaissance. Lorsqu'il revint à lui, il se rendit compte que la jauge à essence de sa voiture était presque vide. La police ordonna aux automobilistes d'arrêter les moteurs. L'embouteillage ne serait pas terminé avant au moins trois jours. Alors Charlie proposa à Arvin son appartement pour qu'il se repose mais Arvin refusa. Charlie voyait des gens étalés, accroupis, allongés sur le terre-plein central, pliés en deux par-dessus la rambarde, pliés en deux sur les portières, vitre baissée, haletants, sonnés. Charlie décida d'acheter un masque à gaz pour Arvin et un autre pour lui-même.

Banlieue rouge (Richard E. Peck).

Jack Brens était conducteur de train occasionnel et ce jour-là il en était responsable. S'il ne corrigeait pas les défauts qu'il remarquait, il risquait d'en souffrir. Les voyageurs le saluèrent. Seul Karras vint s'asseoir au premier rang. Les vitres du train étaient à l'épreuve des balles. Le train appartenait à la Coop. Brens remarqua deux places vides à l'avant. Il fallait un motif grave pour ne pas prendre le train qui vous était assigné et encourir l'amende un jour entier de salaire. Alors il pensa que les deux hommes absents étaient malades. Brens devait s'assurer que le train dépasse sain et sauf le troisième cercle, la Limite-de-la-Ville, Air-Libre, la zone industrielle. Et après cela, ce serait un parcours facile d'une cinquantaine de kilomètres pour arriver chez lui. La ville s'étendait sur 30 pâtés de maisons depuis le centre et s'arrêtait au mur de défenses la séparant d'Air-libre. Le cercle d'Air-libre avec ses incroyables multitudes d'habitants s'étendait tout autour de la ville qu'il tenait sous sa menace perpétuelle. 20 ans auparavant, Brens il avait été un des derniers heureux que la direction de la Sécurité Sociale avait jugés « récupérables ». Maintenant, personne ne quittait Air-libre. Et personne ayant un grain de bon sens n'y entrait.

Brens se souvenait y avoir vu des maisons réservées à une seule famille et des premiers colporteurs d'oxygène qui venaient vendre de l'air pur à des asthmatiques. Cela se passait avant que chaque famille ait son ballon personnel branché directement sur le distributeur de la ville.

Brens ne connaissait d’Air-libre que ce qu'il pouvait en déduire à partir des statistiques qui transitaient par son bureau à la direction de la Sécurité Sociale.

La direction de la Sécurité Sociale avait récemment dissous toutes les brigades antiémeutes et avait affecté les hommes à la garde du mur ; l'objectif désormais n'était plus de réprimer mais de contenir. Ce qui se passait dans l'Air-libre ne regardait que les Aérés, pour autant qu'ils n'essayaient pas d'entrer dans la ville.

Les Aérés maintenaient ronflants les hauts-fourneaux et vivante l'industrie de la ville.

Chaque année, la Sécurité Sociale installait un nombre croissant de centres de loisirs et les écoles publiques étaient ouvertes à n'importe qui au-dessous de 50 ans à condition de ne pas avoir un casier judiciaire trop chargé.

Au-delà de la zone industrielle commençait le quartier résidentiel. Brens renvoyait la ligne de banlieue comme un baromètre de la valeur sociale : plus on était précieux pour la vie, plus on avait les moyens d'en vivre éloigner. brens et sa femme vivaient à une cinquantaine de kilomètres de la ville.

Par trois fois le mois dernier des Aérés avaient tenté de faire une percée à travers les protections de la ville en passant par le tunnel. Brens fit jouer la manette d'armement des mitrailleuses montées sur le toit du train et s'assurera du bon fonctionnement de l'inverseur de courant pour alimenter les lasers placés à l'avant.

Brens aperçut une masse indécise de corps qui se précipitaient à l'intérieur du tunnel en direction de la ville. Alors il mit en marche les aérofreinssur les trois dernières voitures pour éjecter les Aérés.

La Coop avait déposé son bilan et les dirigeants de l'État aussi bien que la municipalité avaient refusé de se substituer à elle. Pourtant sans la Coop, la ville serait morte.

Des aérés attaquèrent le train. Les passagers eurent peur. Karras dit à Brens qu'un train avait été attaqué cinq mois plus tôt. Des aérés avaient attaché des fils de fer pendus à un arbre. Quand le train avait heurté les fils, le pare-brise du train explosa.

À l'extrémité du pont, un groupe d'enfants dégagea précipitamment la voie et se suspendit à la paroi. Brens vit une barricade devant lui et freina. Il fit tirer une rafale par les mitrailleuses mais les silhouettes aux aguets demeuraient figées comme des statuts.

Un Aéré fut abattu. Mais les autres guetteurs ne bronchèrent pas. C'était les Aérés de la zone industrielle en tablier de cuir. Quand les secours arrivèrent, les Aérés s'enfuirent. L'équipe de secours enleva les pièces de fonte qui encombrait la voie.

Brens était quitte pour 20 nouvelles semaines avant de reprendre la responsabilité du train. Il fut content de rentrer chez lui pour rejoindre sa femme.

Une journée en banlieue (Évelyn E.Smith).

Margie Skinner et sa mère furent attaquées alors qu'elles roulaient en voiture. Heureusement pour elles, les vitres étaient à l'épreuve des balles. Margie avait vu qui avait tiré. C'était Helen Kempf. Margie voulait la tuer. Mais sa mère lui rappela que l'école était un terrain neutre.

Il y avait plusieurs communautés dans la ville. Il y avait les Toits-Plats et aussi les Résidents du Manoir du Vieux Moulin à vent.

Mrs Pascal attaqua elle aussi Margie et sa mère. Elle leur envoya un énorme caillou. Maggie demanda à sa mère si elle comptait coincer Mrs Pascal à la prochaine réunion des parents d'élèves.

Margie et sa mère se rendirent au marché central. Les Toits-plats et les Toits-Pointus fréquentaient la partie du supermarché réservée aux détenteurs de revenus allant de 15 990 à 17 990 $. Le supermarché était un terrain neutre et le directeur demanda aux Skinner de déposer leurs armes à l'entrée. Les Skinner faisaient partie de la communauté des toits pointus. Au supermarché, elles furent mises au courant des derniers potins par les Toits-Pointus qu'elles rencontrèrent.

Un hélicoptère qui rodait au-dessus du supermarché les arrosa de balles tandis qu'elles gagnaient en courant le parking.

Puis quand elles reprirent la voiture elles furent attaquées par des Toits-Plats. Elles se retrouvèrent dans un fossé. Après avoir ramené la voiture sur la route, les Skinner découvrirent que le pont devant elle avait sauté. Les Toits-Plats qui les avaient attaquées avaient été tués.

Elles s'arrêtèrent devant le petit Cap Cod. Cela se trouvait roc, le frère aîné de Margie. Quand il vit l'état de la voiture il dit que son père ne serait pas content. Mais Mrs Skinner lui ordonna de cacher les traces de balles avec de la peinture à séchage immédiat. Il voulut désobéir à sa mère mais elle avait des arguments pour le contraindre. Elle savait qu'il avait une relation secrète. Son rêve était de partir habiter une maison à toit plat dans la banlieue. Margie savait que son frère quitterait bientôt le foyer.

Mr Skinner rentra tout joyeux chez lui car son patron était content de lui et allait lui donner une prime. Il n'avait aucune idée de ce que sa femme et sa fille vivaient au quotidien. Il pensait que leur vie devait être bien monotone et les encouragea à aller en ville le lendemain. Mais pour aller en ville qu'il fallait traverser beaucoup de zones dangereuses alors Mrs Skinner répondit que cela ne l'enchantait pas de conduire dans tous ces encombrements.

À présent, elle pouvait se détendre. La rue était sans danger. De 5:30 de l'après-midi à 8:30 du matin, de même que les week-ends et jours fériés, il n'y avait aucun risque. Mr Skinner espérait obtenir d'autres primes et envisageait même d'aller habiter au Manoir du Vieux Moulin à Vent. Cela fit frémir sa femme car elle savait que cela signifiait changer de statut et abandonner toutes ses amies. Mais elle reconnut que ça sera beaucoup mieux pour les enfants et plus sûr. Elle pensait pouvoir s'adapter.

Compagnons de chambre (Harry Harrison).

L’été

 

Lundi 9 août 1999, Andrew Rusch se réveilla à 7:00 du matin et c'était déjà la fournaise à New York. Il avait 30 ans et déjà des rides autour des yeux. Il alla voir son voisin Solomon Kahn. Celui-ci était en train de pédaler sur un vélo d'appartement. Il avait 75 ans et voulait s'entretenir. Andrew lui demanda des glaçons et Solomon accepta. Ils mangèrent ensemble. Des biscuits rouges. Solomon avait entendu le bulletin d'information. Il avait appris que les Anciens organisaient une marche de protestation contre le Bureau de l'Assistance.

Solomon se plaignait de la mauvaise qualité de la margarine. Andrew lui expliqua que toutes les graisses synthétisées à partir des pétrochimiques n'avaient quasiment pas de goût. Un messager vint apporter à Andrew un ordre du lieutenant de police. Les Anciens encombraient déjà Union Square et le commissariat avait besoin de renforts. Andrew était inspecteur et il devrait se rendre sur place pour repérer les provocateurs connus. Andrew voulut aller chercher de l'eau dehors mais la police avait donné l'ordre de boucher toutes les prises pour 24 heures car le niveau des réservoirs avait baissé en raison de la sécheresse et il fallait économiser le l’eau. C'est un policier qui apprit cela à Andrew mais comme c'était un collègue de son propre commissariat, il accepta de remplir un des bidons qu'Andrew avait amenés. À New York il y avait 35 millions de personnes qui crevaient de soif. Andrew retourna voir Solomon et ensemble ils purent boire.

Andrew put se laver avec l'eau qu'il avait apportée et il se rasa avec son rasoir ébréché. Il espérait pouvoir se procurer une nouvelle lame de rasoir d'ici l'automne. Avant de partir il prit des menottes et un tube de plastique souple bourré de plombs de chasse.

Andrew se rendit compte qu'une fois de plus il n'avait pas réussi à parler de Shirl à Solomon.

L'automne.

C'était le mois d'octobre le plus froid qu'on ait jamais connu. Shirl faisait la queue pour aller chercher de l'eau. Elle discuta avec une femme qui faisait aussi la queue. Shirl présenta à l'agent les trois cartes de l'Assistance : la sienne, celle d'Andrew et celle de Solomon. Ainsi, elle put recevoir 6 l d'eau. Elle rentra chez elle accompagnée par la femme qu'elle avait rencontrée dans la file d'attente. Cette femme avait réussi à obtenir 15 l d'eau. Elles furent attaquées par de jeunes garçons. Mais la femme se servit de son gros bidon d'eau pour frapper le garçon qui était armé d'un couteau. Alors les deux garçons s'enfuirent. La femme réussit à récupérer le couteau du garçon. Ensuite elle raccompagna Shirl  jusqu'à sa porte. Elle put dîner avec Andrew et Solomon. Elle leur avait fait une surprise. Elle leur avait acheté des hamburgers fabriqués avec du soja et des lentilles. Mais Andrew lui reprocha cette dépense car l'impôt municipal sur le revenu avait été porté à 80 %, à cause des versements plus élevés à la Sécurité Sociale. Shirl demanda à Solomon ce que était l'un kwash car l'enfant de la femme qu'elle avait rencontrée dans la file d'attente souffrait de cette maladie. Solomon lui répondit que c'était l'abréviation de kwashiorkor. Ce n'était pas contagieux. C'était une maladie de sous-alimentation. Ça provenait d'une insuffisance de protéines. En un temps, on me la trouvait qu'en Afrique, mais maintenant cette maladie était répandue dans tous les États-Unis.

Le repas leur avait fait du bien et ils bavardèrent un moment. Après quoi, Andrew dut utiliser une langue de poche pour rédiger un rapport car il n'y avait plus d'électricité le soir depuis une semaine. Shirl pleurait. Elle repensait à sa vie d'avant. Avant qu'elle vienne s'installer chez Andrew, elle avait eu la vie facile, une bonne nourriture, une chambre chaude et, quand elle sortait, son garde du corps personnel, Tab. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était de coucher avec lui deux fois par semaine. Elle avait eu la chose en horreur mais au moins cela ne durait pas trop longtemps. Avec Andrew auprès d'elle, c'était tout autre, c'était bon.

L'hiver.

La ville de New York vacillait au bord du désastre. Chacun des entrepôts fermés était un noyau de discorde, encerclé de foules affamées et apeurées qui cherchaient un bouc émissaire. La colère les poussait à l'émeute. La police luttait mais elle n'était plus qu'une mince barrière entre les protestations furieuses et le chaos sanglant.

Le peu d'eau disponible était plus qu'indispensable pour combattre les incendies qui se déclenchaient dans toute la ville. Le 21 décembre, un garde de l'Assistance sociale tua un homme qui avait brisé une fenêtre du dépôt alimentaire pour tenter de s'y introduire. Ce fut la première balle mais pas la dernière. Andrew dut affronter la violence et l'appliquer pour rétablir la loi et l'ordre dans une cité déchirée par les combats. Il n’eut de repos qu'après avoir été victime de son propre gaz et s'être fait emmener à l'ambulance du service des hôpitaux pour y recevoir des soins. Quand il reprit le travail, c'était pour découvrir des cadavres dans les rues. Les premiers troglodytes sortaient d'une bouche de métro. Durant l'été, tout le monde s'était moqué des troglodytes qui avaient été logés dans les stations silencieuses de chemin de fer souterrain par l'Assistance. Mais quand l'hiver était venu, l'envie avait remplacé les rires car sous la surface il y avait tout de même quelques réchauds électriques. Quand il rentra chez lui, Andrew apprit les dernières nouvelles par Solomon. Shirl était partie la veille et n'était toujours pas rentrée. Andrew voulut partir la chercher mais Solomon voulut le persuader que ça ne servait à rien. Shirl était sortie avec une robe et elle s'était maquillée. Elle était sortie comme si elle allait voir quelqu'un. Elle s'était disputée avec Andrew peu de temps avant de partir. Andrew avait peur que ce soit la raison de son départ. Solomon apprit à Andrew que le Sénat avait fait passer un décret de crise. Pour Solomon ne le vrai problème était la surpopulation. Les cliniques d'avortement n'avaient été rendues légales que depuis peu de temps.

Shirl rentra. Elle était partie dans un restaurant clandestin où il y avait de la viande. Elle y avait rencontré des gens de connaissance avec qui elle avait bavardé. Andrew lui en voulait et ils se couchèrent comme deux étrangers dans la chambre minuscule.

Le printemps.

Solomon mourut d'une pneumonie. Andrew et Shirl avaient oublié leurs griefs pendant la maladie de Solomon. L'enterrement les rapprocha comme rien n'avait pu le faire dans les froides profondeurs de l'hiver.

Tab vint voir Shirl. Elle le présenta à Andrew. Il était toujours en garde du corps et des hommes se cachaient derrière lui. Mais il entra chez Andrew et Shirl seul. Tab était venu leur annoncer que le tribunal avait donné un commandement d'occupation, c'était comme un mandat de perquisition. Tab avait été engagé par un type qui s'appelait Belicher et avait obtenu gain de cause de la part du tribunal pour trouver un logement. Il voulait occuper la chambre de Solomon. Andrew fut obligé d’accepet que Belicher vienne avec sa femme et ses sept enfants. C'étaient les allocations familiales qui les faisaient vivre. Les gosses semèrent la pagaille dans l'appartement. Andrew ne put rien faire pour empêcher cela.

Thérapie 2000 (Keith Roberts).

 

C'étaient les boules Quies ou plutôt leur absence qui avait déclenché le problème. Travers avait rencontré des difficultés pour acheter un de ces objets désuets et potentiellement antisocial. Alors il cultiva l'habitude répréhensible de se bourrer les oreilles de bouts de papier. Puis il essaya de la cire chaude mais ce fut un échec poisseux. Il essaya la céramique et le bois taillé à la main et bien graissé. C'était la vie de Travers. À l'aube, obéissant, il se levait au son de l'émission de Dicky Dobson et 2 heures plus tard il écoutait «Keeling Cocos Walker » que le métro inter-bloc déversait à l'endroit de son travail. Son plaisir consistait à monter un flot interminable de petites annonces et à jongler avec des objets aussi disparates que la crème aux hormones et les harmonicas et à les harmoniser soit avec des mots en caractères gras, soit avec une étoile, soit encore avec le symbole du dollar, signes qui depuis des temps immémoriaux servaient à proclamer leur excellence.

Il devait subir le vacarme des haut-parleurs qui diffusaient des slogans et les mini transistors de ses collègues qui écoutaient du jazz ou du Puccini.

Travers rentrait chez lui à 18:00. Les wagons étaient maintenant tous pourvus de Trivid. C'était l'avis de Travers, le soir. Le métro le laissait au pied de son propre bloc d'habitation. Il traversait des étages pleins de hurlements. Les murs de son appartement étaient souples et translucides de plastique bouton de rose derrière lesquels des ombres électroniques brillaient et se pavanaient toute la sainte journée et toute la sainte nuit, excepté un court moment. Mais comme ce moment de silence était précieux ! Travers se sentait encerclé par les appareils de Trivid. Travers vivait ce qui faisait sa vie pendant les 3 heures de silence entre l'émission « La fin des fins » et le choeur de l'aube de l'inimitable Dicky Dobson. Naguère, l'interruption des émissions durait 4 heures. Travers avait observé son rétrécissement impitoyable avec terreur et consternation. Une fois, Travers avait entendu l'annonce de la secte Marche dans la lumière. Le président de cette secte annonçait fièrement que sa corporation avait acheté 1 heure de silence par jour destinée à la méditation et à la prière. Par gratitude et par curiosité, Travers leur avait demandé une brochure. En lisant cette brochure, Travers fut intrigué par les chapelles insonorisées de l'ordre où on pouvait acheter du temps pour méditer mais l'entrée et l'inscription étaient trop chères pour lui qui ne gagnait que 200 $ par semaine.

Travers avait un autre rêve qui s'appelait Deidre. Elle était souriante et dorée, secouait ses cheveux d'or. Elle était son seul vice, son seul espoir, sa seule évasion.

Il ne se souvenait pas de quelle manière elle s'était mise à exister. Elle était réelle et vivante autant que n'importe quelle femme. Elle avait ses moments de calme et ses moments de réflexion. Parfois elle l'énervait même s'il savait qu'elle ne voulait pas être méchante mais dans ces moments-là ils se querellaient. Et alors, le lendemain, c'était l'enfer. L'enfer, au bureau, l'enfer dans le projecteur ou des images de Deidre flottaient, tâches insupportables devant ses yeux. L'enfer le jour et la nuit qui suivait, jusqu'à l'arrêt de de la dernière Trivid. Les dernières images de la Trivid, dans ces moments-là, c'était une petite fille surgie de l'aube ou du crépuscule qui lui disait que ça avait été long, tellement long.

Deidre lui demandait de raconter sa journée et elle le consolait en le prenant dans ses bras et elle lui faisait tout oublier en chantonnant et en riant. L'idée que Deidre était réelle était la conclusion personnelle de Travers. Mais les choses que Deidre lui montrait, les endroits dans lesquels ils flânaient ne pouvaient exister, pas maintenant, plus maintenant.

Travers pensait que Deidre inventait ces endroits pour lui faire plaisir. Elle parlait avec sérénité et assurance, on ne pouvait douter d'elle. Elle lui avait dit que Dieu existait vraiment.

Travers lui offrit des cadeaux pendant des mois. L'accepter tout avec le même plaisir naïf. Malgré tout, il avait peur de la perdre. Ils allaient sur une plage. Ils faisaient l'amour dans une villa. Quand elle disparaissait, Travers ne savait pas comment. Les murs couleurs de crème de sa cellule s'animaient soudain, pleins de lumière, et derrière eux résonnaient les voix familières si haïes.

Et alors commençaient les journées insipides et remplies de Son.

Il lui semblait que les heures s'étiraient interminablement avant qu'il puisse la retrouver. Il ne pouvait pas dormir dans ce vacarme et les tranquillisants lui étaient interdis eux aussi.

Une fois drogué, il avait essayé de faire venir Deidre et elle n'avait pas pu ou pas voulu se montrer. Elle était restée une ombre qui pleurait dans l'obscurité. Depuis ce jour-là, il n'avait plus touché à la drogue.

Alors il avait voulu se procurer des boules Quies mais Deidre était contre. Elle n'avait pas voulu lui car pourquoi. Travers comprit sa blessure et son inquiétude. Après cela, il ne lui dit plus rien. Mais trois jours plus tard, il comprit partiellement pourquoi elle avait été blessée et il en fit un abcès. Il fut obligé d'aller voir un médecin. Le docteur Rees était ennuyé car il avait trouvé des corps étrangers dans les oreilles de Travers. Il pensait que c'était la cause des souffrances de Travers. Le docteur avait une Trivid fixée à son bureau et pendant qu'il examinait Travers et donnait son diagnostic des rayons de lumière de couleur jouaient sur le dessus du bureau il y avait du bruit. Travers fut envoyé vers des spécialistes qui le guérirent.

Il avait peur d'avoir des problèmes. Il en parla à Deidre, cette nuit-là. Elle lui posa des questions sur le docteur sur ce qu'il avait dit et ce qu'il avait fait.

Travers avait entendu parler d'un nouveau travail chez Mascler. Un meilleur poste. Il en avait parlé à son chef de studio qui n'avait pas dit non. Travers aurait pu gagner 50 $ de plus par semaine et la possibilité d'une chambre donnant sur l'extérieur. Tout un côté de son existence serait libéré du vacarme !

On lui avait interdit d'exercer son vice secret. Et il resta chez lui à ruminer dans la lumière et le brouhaha. Il se demanda s'il y avait eu une époque où il y avait eu du silence et s'il existait encore un endroit où la tranquillité régnait.

À sa grande surprise, il se vit en train d'utiliser contre sa volonté et sa raison, son vidéophone. Il décrocha son téléphone et déposa sa plainte contre la Poste. L'homme qui lui répondit lui assura que tout citoyen était contrôlé de manière très stricte, chacun avait droit à une certaine quantité de décibels en fonction de son statut exact. L'employé lui annonça qu'une action serait entreprise. Travers s'imagina le patriarche d'une nouvelle religion qui répandrait comme nouvelle foi, le silence.

Deux techniciens arrivèrent chez lui avec des appareils et des compteurs, des détecteurs et un micro. Les techniciens avaient découvert une cause de réclamation. Un voisin de Travers ne respectait pas la législation et reçut une amende de 80 $. Le voisin s'appelait Lupchech et conduisait une grue au supermarché local. Un jour, il avait frappé un consommateur qui lui avait crié quelque chose. Travers avait vu cela et il avait pris peur. Maintenant Lupcheck devait payer une amende à cause de lui. Travers passa une nuit agitée et ne put invoquer Deidre. Le lendemain Lupchech attrapa Travers dans l'ascenseur. Il le frappa et Travers ne se défendit pas. Il se fit hospitaliser. Dans son bloc, le vacarme était pire qu'ailleurs. Il fut admis mécaniquement dans une antichambre sans caractère mais avec de la moquette. Une Trivid solitaire fonctionnait, le Son coupé. On le fit attendre. Alors Travers pria pour Deidre. En d'autres crises de sa vie, cette technique avait marché.

Un spécialiste le reçu. Il lui dit qu’il devait comprendre le problème considérable que lui et ses semblables posaient à une société moderne organisée en fonction de grands principes historiques pour le bien du plus grand nombre de ses membres. Le spécialiste lui posa des questions sur son enfance. Il lui proposa une solution. Travers acquiesça et signa des formulaires. Une infirmière conduisit Travers dans une nouvelle pièce. Elle avait un écouteur dans l'oreille.

Travers fut anesthésié et on le conduisit vers un siège et on fixa un tissu sur ses yeux. Le tissu fut enlevé et Travers regarda autour de lui hébété. Le cauchemar était terminé. Quand il sortit la ville était devenue silencieuse. Travers rentra chez lui. Il s'endormit presque instantanément. La plage surgit. Et dessus, Deidre courait comme elle n'avait jamais couru. Il essaya de l'enlacer mais elle le repoussa. Elle tomba à genoux, se tenant la gorge et se balançant, figure de la détresse. Elle pleurait. Travers comprit enfin. Deidre était muette.

 

Personne n'habite Burton street (Grégory Benford).

 

Joe Murphy et le narrateur étaient agents de la Force. Ils assistèrent au premier acte des Troubles Domestiques. Scott arriva en renfort avec le diagnostic du QG. La foule fonçait sur eux. Elle était constituée de Troubles Psy et de Préjugés Raciaux sans compter un bon nombre de Chômeurs. La foule attaquait des magasins alors Murphy lança les premiers Polauts, une sorte de robot muni d'un fusil. La majeure partie de Burton street était maintenant en feu. Les pompiers arrivèrent en courant. Ils amenaient une simple lance d'incendie. La foule n'était pas assez importante pour que ça vaille la peine d'engager une voiture et tout le reste mais ils portaient l'uniforme rouge réglementaire. De loin, on a pu les prendre pour des vrais pompiers. Un gars arriva en brandissant une cognée et il l'abattit sur les pompiers Scott commanda de nouveaux policiers et pompiers pour l'équipe de l'après-midi. Un camion s'arrêta au milieu de la rue. Deux hommes en combinaison de travail en descendirent et commencèrent à charger les androïdes, tout en éteignant les foyers d'incendie au passage. D'ici une heure, tout allait être remis en place. Les policiers et les pompiers étaient des androïdes. Ils servaient à calmer la foule. Pendant des semaines, les gens qui avaient démoli Burton street et cru avoir tué des policiers et des pompiers allaient se tenir tranquilles en racontant à leurs amis comment il avait mis le feu à la rue ou descendu un flic.

Le narrateur écoutait son collègue Joe se plaindre sans cesse de manquer d'argent et d'espérer une promotion. Mais un gars comme Joe qui n'avait pas fait d'études n'avait guère de débouchés dans l'informatique et donc aucune chance de promotion. Le narrateur était censé veiller à l'état mental de ses hommes et il avait compris que le problème n'était pas du côté de Joe. Joe était marié et le narrateur pris note de faire examiner la femme de Joe par un psycho. Le narrateur se demandait pourquoi on avait installé une boîte aux lettres à Burton street car personne n'habitait cette rue.

L'homme qui avait disparu (Katherine MacLean).

Les gens vivaient dans leur micro-société régie par ses propres lois. Ils pratiquaient les rites du culte sadique aztèques ou bien la simple pauvreté et l'amitié des communes de la Fraternité d'Amour. Ils n'étaient pas seuls.

Les non-conformistes qui ne parvenaient pas à trouver de cellules pour les accueillir vivaient dans les zones publiques libres et se rendaient à des réunions libres pour rencontrer leurs semblables. Partout dans les rues on voyait des enseignes qui brillaient : « vous n'êtes pas seuls. Trouvez vos âmes soeurs. Trouvez votre distraction favorite. Trouvez votre compagnon, votre compagne. Utilisez les services d'« Harmonie », diagnostics de la personnalité et conseils en union ».

Carl Hodges était seul. Il errait dans un quartier en ruine de New York. Il savait ce que proclamaient les néons « vous n'êtes pas seul ».

Il ferma les yeux et pleura. Maudit soit le jour où il avait appris à parcourir le temps. Il avait la faculté de se souvenir de Suzanne. Il savait comment, pour son plaisir, revenir aux événements passés. Mais il n'arrivait pas à s'empêcher de penser à la fin de Suzanne. Quelqu'un lui offrit des pilules du bonheur et Carl les accepta. Il les avala. Autour de lui, se tenaient des enfants fugitifs vêtus d'étranges costumes provenant de nombreuses communes éparpillées sur tout le territoire des États-Unis. Ils avaient fui les royaumes et les coutumes bizarres de leurs parents car ils haïssaient la Fraternité, le conformisme des adultes. La loi obligeait les villages-sociétés à éduquer les enfants à l'intérieur de leurs murs.

Carl pensait que ce n'était que des enfants traversant une phase momentanée de révolte. Les pilules commencèrent à produire leur effet et Carl se rappela des trucs drôles. Il raconta aux enfants une partie de futurologie qu'il avait faite avec un ami. Cette partie avait terminé par un massacre. Heureusement que Carl et Ronnie ne jouaient pas pour de vrai car à la fin d'une bonne partie il ne restait plus personne.

Un gamin blond qui semble être le chef de la bande demanda à Carl des précisions sur ce jeu. Il avait envie d'étudier la prédiction de maintenance pour en faire son métier.

Carl Hodges était l'homme qui avait disparu et qui en savait trop. Il savait que le simple fait d'intervertir les fils d'un appareil à air conditionné pouvait détruire tout un îlot d'habitation.

Depuis le 3 juin, toutes les forces de police disponible recherchaient un informaticien qui racontait comment détruire la ville de New York.

Judd Oslow, chef de la brigade de secours était à la recherche de Carl. Hodges été assistant coordinateur de l'automation informatisée des services municipaux de New York. Son travail consistait à éviter les ennuis graves. D'après son dossier il ne faisait pas partie d'une commune et avait peu d'amis. Sa fiancée était morte dans un accident pendant qu'ils étaient en voyage amoureux le mois dernier.

Oslow envoya George, un de ses hommes, à la recherche de Carl. George se rendit au club de rencontre pour étrangers ou Carl avait été vu quelques jours plus tôt. Il fut attaqué par une bande d'adolescents. George éprouvait une impression bizarre ; il était seul. Les adolescents l'avaient abandonné sur le trottoir, les mains et les pieds attachés ensemble mais il avait réussi à se libérer et avait marché jusqu'à la commune de Fraternité d'Amour de sa petite amie pour y dormir. Mais les frères l'avaient mis dehors avec son sac de couchage car ils estimaient qu'il dégageait de mauvaises vibrations.

Il avait dormi dehors. Le lendemain il se réveillait en se sentant triste. Il n'avait pas trouvé Carl. Il téléphona à Oslow qui lui recommanda de faire son rapport à la brigade de secours du centre où il pourrait rencontrer une fille qui lui plairait.

Ahmed Kosavakats, le supérieur de George et son ami d'enfance, était prêt à admettre sa défaite. Sa raison l'avait poussé à essayer de retrouver Carl. Il pensait pouvoir retrouver Carl en utilisant la logique. Il estimait que ceux qui avaient pu faire prisonnier Carl avaient exploité ses capacités. Mais Ahmed n'avait pas trouvé le moindre signe d'une brillante manipulation destinée à détourner les services urbains. Alors Ahmed avait pensé que George Sanford pourrait probablement se brancher sur les ravisseurs de Carl si ceux-ci pensaient sur un plan émotionnel.

Les intuitions de George étaient dignes de confiance.

George était très costaud et ne se souciait apparemment pas de manger, de boire ou de dormir. Son seul but dans l'existence était d'avoir des amis et de les aider. Sous son modeste de Q.I. se dissimulaient des facultés inexploitées n'apparaissant qu'au moment où l'on demandait le maximum de George et qu'on l'appelait au secours. Ahmed pensait qu'il fallait garder George sous pression et le noyer de travail. Ahmed vit que George avait des ecchymoses et il lui demanda pourquoi mais George ne voulait pas répondre. Ahmed comprit que George avait été attaqué et n'avait pas eu le dessus. Ils assistèrent à l'effondrement du Brooklyn dôme. George perçut l'interruption des émissions de milliers d'esprits. George percevait les pensées d'un homme qui avait ressenti le choc de la lointaine explosion et avait su immédiatement ce que cela signifiait pas.

Carl était encore prisonnier de la bande de jeunes. C'étaient les jeunes qui avaient fait exploser Brooklyn dôme. Ils voulaient anéantir les techs car c'étaient les techs qui avaient décidé de stériliser les femmes. Seuls les hommes disposant de 500 $ pouvaient faire opérer les femmes pour qu'elles deviennent à nouveau fertiles. C'était une façon d'éliminer les pauvres de la société. Alors les jeunes avaient l'impression de se défendre en détruisant les techs à leur tour. La bande de jeunes avait exploité les talents de Carl.

L'explosion du Brooklyn dôme avait été diffusée à la télévision. Les gens regardaient ce spectacle avec fascination. Tout autour de George, les voyageurs des sièges-métro, visages inexpressifs, scrutaient l'écran avec l'espoir de plus d'horreur encore. Les amoureux de la vie sont également des amoureux de la mort. George et Ahmed arrivait à Jersey dôme. Il y avait 10 000 habitants. Des fonctionnaires et leurs familles.

Ils allèrent voir le maire. Ahmed lui expliqua que lui et George étaient de la Brigade de secours métropolitaine et qu'ils étaient spécialisés dans la recherche des gens par prédiction du comportement. Ils étaient à la recherche d'un éventuel psychopathe qui aurait pu saboter Brooklyn dôme et qui aurait l'intention de faire de même avec Jersey dôme. Mais le maire ne se montra pas coopératif. Au contraire il les menaça d'un pistolet. Il ne supportait pas qu'on puisse évoquer la possible explosion de Jersey dôme. Ahmed réussit à le rassurer. Il lui expliqua que lui et George voulaient simplement visiter Jersey dôme.

Ils croisèrent un technicien qui vérifiait des cables. Ils lui demandèrent ses papiers et il obtempéra. Ahmed et George étaient à la recherche d'un plastiqueur et le technicien avait compris. George sentait la pression de l'eau qui, loin au-dessus de la ville, semblait comprimer l'atmosphère et lui conférer une certaine densité.

Ils entrèrent dans la salle des compresseurs. Elle n'était pas fermée à clé. Ça aurait dû être fermé remarqua Ahmed. Un intérieur, il y avait deux ingénieurs. George leur demanda leurs papiers. Un des deux ingénieurs expliqua à George le fonctionnement des compresseurs qui servaient à pomper l'air et à refouler l'eau.

George avait peur et voulait quitter le dôme. Ahmed lui demanda de se ressaisir car George Sanford n’avait jamais peur.

Ahmed demande à George de localiser ce sentiment de défaite. George pensait qu'ils allaient mourir. Ils prirent l'ascenseur. Mais l'impression de malheur persistait et ne faisait qu'empirer. George sentait qu'on allait faire sauter le dôme depuis la plate-forme d'observation. George demanda à Ahmed qu'il fasse venir un hélicoptère et des patrouilleurs. Ahmed et George montèrent dans l'hélicoptère. George sut enfin qui étaient les saboteurs. Tous les gosses avec des tournevis, les individus serviables doués de talents de techniciens et qui faisaient accélérer les ascenseurs, tous ceux qui ne comprenaient rien à la mécanique et laissaient ouvertes les portes des toilettes payantes pour ceux qui suivaient. Ils voulaient se montrer serviables. Ils passaient les sas en bloquant grandes ouvertes les portes derrière eux. Plus rien pour retenir l'énorme pression atmosphérique qui pesait sur la cité pressurisée et s'engouffrait derrière l'ascenseur quand il montait. George ne savait pas comment il pourrait expliquer aux policiers qu'il n'y avait pas de plastiqueur mais que c'étaient les habitants de la ville qui, dans leur désir de fuir, détruisaient leur propre système protégé par des sas.

Le Jersey dôme explosa.

Le maire avait survécu et diffusait des informations. Il dit que la voûte du dôme n'avait pas craqué et qu'elle s'était juste affaissée. Les survivants enfilaient des scaphandres et cherchaient à se mettre à l'abri au cas où la conduite serait à nouveau débloquée. Il voulait qu'on colmate le puits d'aérations par en haut. George et Ahmed recherchèrent les survivants. Ils tirèrent de l'eau une jeune femme nue. Mais elle était morte. Le commandant des garde-côtes ordonna à George et Ahmed de quitter la zone sinistrée.

La bande de jeunes diffusa un message pour annoncer sa responsabilité dans la destruction de Brooklyn dôme et la détention de Carl. Ils exigeaient 15 000 $ pour les services qu'ils proposaient. Si une commune avait des ennemis, elle pourrait en toute logique poser la question de savoir qui ou quoi pouvait détruire la commune et comment prévenir cette attaque.

Les jeunes avaient envoyé une copie de ce message à chaque commune située dans les limites de la ville et deux seulement avaient fait parvenir l'enregistrement à la police.

Oslow ordonna à George de lui trouver Carl dans les plus brefs délais. George était censé aider les gens. Chaque fois qu'il essayait d'aider Carl, il arrivait quelque chose de mal.

Mais il arriva à capter l'esprit de Carl. Ahmed se dit qu'il y avait de fortes probabilités pour que ce fut Carl qui s'exprimait par la bouche de George quand celui-ci était pessimiste. Le vocabulaire utilisé par George ces derniers temps n'était pas le sien mais celui de Carl. Ahmed avait compris cela. Alors il parla à George comme s'il parlait à Carl. Et Carl lui répondit. Carl demanda à Ahmed de le détruire avant qu'il ne le fasse lui-même. Ahmed demanda à Carl où il se trouvait. Carl répondit qu'il était entre East avenue et la 5è rue. George et Ahmed partirent chercher Carl.

George atteignit le milieu d'une cour et fut rapidement rattrapé par la bande de jeunes. Il leur raconta avoir perdu une montre le soir où il avait déjà été tabassé par la bande de jeunes. Le chef de la bande lui dit qu'il devait être complètement idiot. George s'approcha près d'une porte et la bande de jeunes l'en empêcha. George se dit que Carl devait être derrière cette porte. Alors George dit aux jeunes que s’ils trouvaient sa montre et qu'ils la lui rendaient, il leur apprendrait quelque chose qui devait les intéresser. Mais les jeunes le frappèrent avec une chaîne. Ils ne voulaient pas que quiconque entrent dans leur territoire. George savait que le pilote de l'hélicoptère était à l'écoute mais celui-ci ne pouvait pas savoir que Georges était en danger. Alors George leur dit qu'il savait qui il cachait, l'informaticien qui avait disparu. L'homme qui avait fait sauter Brooklyn dôme. George leur dit qu'il y avait une récompense pour celui qui le retrouverait. Puis, George s'empara de la chaîne d'un des jeunes et s'en servit contre eux. Alors ils s'enfuirent. George hurla à Carl de sortir maintenant qu'il avait libéré le chemin.

Carl se libéra en défonçant la porte de la cave où il avait été enfermé. George lui tendit une matraque qu'il avait ramassée. Carl pensait que George était aussi informaticien. Il avait le sentiment de contempler son image dans un miroir en regardant George. Mais George lui répondit qu'il n'était pas comme lui. George lui dit qu'ils avaient simplement une certaine communion d'idées. George ne faisait que sentir ce que Carl sentait. Les jeunes attaquèrent George et Carl. Ils se défendirent puis l'hélicoptère arriva et envoya du gaz sur le groupe. George inspira une profonde bouffée d'air pur avant que le nuage ne fut sur lui. Carl fut surpris et respira du gaz. Il s'écroula. George continua de retenir sa respiration et il vit quelque chose bougeait dans le brouillard blanc alors il se lance à la poursuite de cette silhouette. La silhouette alla se réfugier dans un placard et George la suivit. C'était un des adolescents qui était armé d'un pistolet. George leva les mains en l'air. Il vit que l'adolescent avait un masque à gaz. George se demanda quelle était la signification de cette journée. Pourquoi de tels événements survenaient-ils. George échappe à son corps et survolait la ville. Il aperçut une vaste entité spirituelle d'une logique froide et complexe qui menaçait l'agglomération et qui existait également dans son futur. L'entité parla et se présenta comme le Destin. Elle prétendait qu'il n'y avait pas de place pour le changement dans la logique. Mais George lui objecta que le passé pouvait changer donc tout ce qui venait du passé pouvait changer.

Alors l'entité disparut. George se retrouva allongé sur le sol d'une petite pièce. L'adolescent était assis sur un lit et braquait une arme sur lui. Il lui apprit que Carl avait été repris par la police. George lui répondit qu'il avait fait un rêve étrange. Il avait parlé au destin de New York jusqu'à ce que celui-ci disparaisse. L'adolescent lui demanda ce que cela signifiait. George répondit que nous ne savons pas ce qui est exactement arrivé dans le passé et que de toute façon le passé n'est plus réel. Nous pouvons par conséquent affirmer qu'il est arrivé tout ce que nous souhaitons qu'il soit arrivé. Si un passé doit amener des ennuis, on peut le changer simplement en se taisant et tout rentrera dans l'ordre. L'adolescent fut surpris et ravi. Il se présenta, il s'appelait Larry. Ils eurent une longue discussion philosophique pendant que Larry attendait que la police ait fini de fouiller les environs et s'en aille. Larry s'efforça de convaincre George que le monde possédait trop de techniciens. Larry pensait que les techniciens étaient en train de supprimer les gens véritables.

George essaya de réfuter les convictions de Larry en expliquant qu'un type qui voulait vraiment des enfants pouvait gagner suffisamment d'argent afin d'obtenir un permis d'accouplement pour lui et une opération pour sa femme. Mais Larry pensait que les techniciens voulaient stériliser tout le monde sauf les pousseurs de boutons. Alors George lui dit qu'il n'était pas stérilisé et pourtant il se considérait comme un véritable crétin. Pour toucher des allocations il fallait accepter d'être stérilisé. Larry ne se laisserait jamais stériliser. George était en colère contre Larry parce qu'il avait vu les victimes de Jersey dôme. Alors Larry reprit son revolver et le pointa sur George. Puis il mit son masque à gaz et il s'en alla. À ce moment-là, Ahmed arriva. Il signala à ses collègues la fuite de l'adolescent armé. George demanda à Ahmed comment se faisait-il que tout ce que Larry avait dit semblait logique. Ahmed répondit que les techs ne tuaient pas les gens qu'ils stérilisaient alors que les adolescents tuaient leurs ennemis. Larry fut tué. Ahmed avait entendu le discours philosophique de George et il pensait que celui-ci avait inventé une nouvelle métaphysique. Peut-être que George venait tout simplement d'abolir le Destin. Ahmed regarda partir George. Il se sentait trahi. Où était tout le respect que George avait l'habitude de lui témoigner. George n'était plus le petit gamin grassouillet qui traitait Ahmed comme son patron.

Nulle part chez soi (Norman Spinrad).

Richardson et Goldberg discutaient de drogues. Goldberg regrettait de n'avoir pas breveté une drogue qu'il avait inventée avec Richardson. Il existait des entreprises comme American Marijuana & Psychedelic Inc. qui pouvaient payer les avocats et graisser la patte à l'administration pour breveter des drogues. Richardson pensait avoir une mission sacrée. Il pensait que lui et son collègue étaient les serviteurs du processus de l'évolution. Chaque fois qu'ils sortaient un nouveau psychédélique, ils faisaient progresser la conscience humaine. Ils créaient un produit et pouvaient en vivre un certain temps puis l'industrie de la drogue réussissait la synthèse de leur produit et en lancer la production à grande échelle. Alors ils étaient obligés de sortir une nouvelle drogue s'ils voulaient continuer à vivre avec un minimum de style. S'il n'y avait pas l'industrie et les lois sur la drogue, Richardson et son ami pourraient devenir des ploutocrates pourris de fric rien qu'en vendant la même vieille drogue pendant des années.

Le docteur Taller discutait avec le général Carlyle à propos des effets secondaires imprévus de l’eucomorfamine. Le général estimait qu'un soldat devait avoir au moins un vice mineur dangereux. L’eucomorfamine était censée aider les hommes dans les conditions claustrophobiques de la base lunaire Marmotte. Mais cette nouvelle drogue avait pour effet secondaire d'augmenter les pulsions sexuelles. Cela provoquait des comportements homosexuels violents chez les hommes de la base lunaire. La seule solution était de donner une drogue aux hommes de la base Marmotte pour empêcher les effets secondaires de l’eucomorfamine. Cela tombait bien, Psychedelic Inc avait effectivement travaillé sur un calmant sexuel. Le nouveau produit s'appelait nadabrine et transformait les pulsions sexuelles en état de fugue mystique. Le général venait de finir sa pipe imbibée de drogue alors il prit 5 mg de lébémil. Il ne voulait pas d'une drogue qui rendrait ses hommes psychotiques. Taller le rassura en lui expliquant que la nadabrine ne produisait une expérience mythique ne durant que quatre  heures et leur niveau de pulsions sexuelles resterait très bas pendant une semaine environ. Taller avait essayé cette nouvelle drogue sur lui. Il prétendait qu'on ne gardait aucun souvenir de ce qui se passait pendant les 4 heures de fugue mystique. Le général allait donner un avis favorable pour un essai.

1:30 avant son rendez-vous avec le cardinal Rillo, le cardinal McGavin prit un combi de peyotadrène-mescamil et 5 mg de metadrène. Il avait décidé de traiter avec Rome à un niveau mystique plutôt que politique et il se sentait plus profondément chrétien lorsqu'il prenait ce mélange. Et Dieu savait combien il était difficile de se sentir profondément chrétien lorsqu'on négociait avec un représentant du pape. Le cardinal Rillo était au premier rang de l'opposition qui avait conduit le pape à retarder, depuis un nombre ridicule d'années, la publication de son encyclique sur la marijuana. Le souverain pontife avait envoyé le cardinal Rillo rapporter au cardinal McGavin son inquiétude devant l'addition de psychédéliques à l'hostie dans l'archidiocèse de New York.

McGavin demanda au cardinal Rillo de supprimer le peyotadrène de ses hosties. Il y allait du salut de son âme immortelle. McGavin comprit l'abîme théologique qui le séparait du Cardinal Rillo. Rillo lui dit qu'il n'était pas exclu qu'une encyclique contre la position de l'archidiocèse de New York soit envoyée aux évêques. Et alors McGavin risquait l'excommunication. Mais McGavin lui rétorqua que dans la communion psychédélique, on faisait l'expérience directe de l'amour divin.

Pour McGavin, partager la position du pape sur la communion « chimique », c'était accepter la notion que le souverain pontife avait le pouvoir de priver un homme de la grâce divine. Alors qu'accepter le caractère sacré et la validité de la communion psychédélique, c'était nier la validité de l'excommunication. Alors il répondit à Rillo que si le pape l'excommuniait, cela ne nuirait en rien à son âme.  Rillo était outré, pour lui c'était un blasphème. McGavin lui expliqua que l'excommunication ne pouvait plus avoir de signification puisque Dieu avait jugé bon, par le biais de la science psychédélique, d’accorder une expérience directe de sa nature. Mais pour Rillo, la communion psychédélique était un coup de maître de Satan. Il dit à McGavin qu'ils ne pouvaient avoir raison tous les deux. Alors McGavin eut l'intuition que cela pouvait signifier que rien ne s'opposait à ce qu'ils eussent tous les deux tort.

Le docteur Braden offrit une sucette à la mangue à Johnny. Le docteur pensait que pendant les quatre premières années de sa vie, la sphère sensorielle d'un enfant devait s'habituer à accepter un spectre de stimulations sensuelles aussi large que possible. La mère de Johnny s'inquiétait pour son enfant car son spectre sensuel excédait légèrement la norme. La mère de Johnny avait été effrayée par le médecin scolaire de son enfant. Celui-ci avait dit que le traitement que suivait Johnny donnait à la personnalité du garçon une structure ne convenant pas à un enfant d'âge scolaire. Braden aller changer le traitement de Johnny pour qu'il soit prêt pour l'école. Il fallait diminuer l'intensité sensorielle de l'enfant et augmenter son intérêt pour les abstractions. La mère de Johnny avait peur que le médecin supprime le paxum dans le traitement de son enfant. Ce médicament permettait de sentir l'amour universel. Braden lui répondit que non seulement il ne le supprimerait pas mais au contraire il augmenterait légèrement la dose. Ainsi Johnny se soumettrait à la nécessaire autorité de ses professeurs dans un esprit de confiance et d'amour, et non par peur. Braden avait réussi à rassurer la mère de Johnny. Elle avait confiance en lui. Elle remettait la conscience de son enfant entre ses mains. Il était fier et reconnaissant d'être un pédiatre psychédélique. Cela lui permettait d'accroître le bonheur humain.

Bill Watney était designer psychédélique mais cela lui donnait parfois la nausée et il voulait abandonner ce métier. Leonard Spiegelman pensait que son ami perdait la tête. Bill enviait son ami car celui-ci croyait en ce qu'il faisait et il prenait plaisir. Bill lui expliqua qu'il avait de profonds éclairs de conscience. Dans ces moments il avait honte de ce qu'il faisait. Leonard devinait ce qui dérangeait-il. Il pensait que son ami estimait moralement condamnable de concevoir de nouveaux styles de conscience à l'intention d'autrui et qu'il jouait au bon Dieu. Alors Bill lui demanda comment il pouvait continuer à aimer le design psychédélique alors qu'il comprenait tout cela. Mais pour Leonard, la mauvaise conscience était une connerie. Pour lui les designers psychédéliques étaient des artistes. Il préférait que ce soit eux les concepteurs de styles de conscience plutôt que les politiciens assoiffés de pouvoir.

En tant qu'artistes, leur but n'était pas de contrôler les gens. Ils créaient la beauté à partir du vide. Ils cherchaient à enrichir la vie des hommes. Mais pour Bill, les designers ne pouvaient pas s'accrocher à une certitude puisqu'ils modifiaient leur propre réalité grâce à un vaste spectre de drogues avant de concevoir des psychédéliques destinés à modifier la réalité des autres. Pour Leonard, il n'y avait pas de réalité fondamentale. Mais pour Bill la réalité existait car le style de conscience s'était formé naturellement au fil des millénaires avant l'existence du design psychédélique. Mais pour son ami cette conscience pré-psychédélique évoluait au hasard sans le contrôle de l'esprit. Leonard avait été comme Bill dans sa jeunesse. Mais il s'était repris en mains grâce à la méthaline et à la peyotadrène.

Kip ne regrettait pas que Jonesy n'ait pas essayé de le convaincre de tripper avec lui. Jonesy avait vraiment une sale mine. Il flottait à coup sûr aux abords de l'abîme. Jonesy voyait la réalité telle qu'elle était vraiment et pour lui c'était horrible. Il comprenait qu'il n'existerait jamais dans l'espace et le temps autre chose que des mécanismes d'horlogerie s'épuisant rapidement pour retourner au vide froid et au noir. Jonesy n'avait rien pris depuis 12 heures et c'était ça son trip. Il découvrait l'état naturel, la réalité toute nue et il trouvait cela horrible. Alors il accepta les drogues que lui donna son ami. Après quoi il se demanda comment faisaient les gens pour supporter le monde avant les psychédéliques. Kip lui répondit que les gens avaient peut-être trouvé un moyen de ne pas y penser.

Le test (Richard Matheson).

 

La veille du test, Leslie aida son père à étudier dans la salle à manger. Tom Parker avait 81 ans et il en était à son quatrième test. Leslie lui fit répéter des séries de nombres. Leslie savait que son père échouerait mais il n'avait pas le courage de lui dire car il ne voulait pas lui briser le coeur. Ensuite Leslie prit un crayon auquel était attaché une ficelle et traça un cercle d'un peu plus d'un cm de diamètre sur une feuille de papier blanc et tendit le crayon à son père.

Tom devait tenir la pointe du crayon suspendue au-dessus du cercle pendant trois minutes. Mais la main de Tom tremblait tandis que son crayon passait nettement en dehors du cercle. Leslie se rendait parfaitement compte de la vanité de cette comédie et songeait avec amertume qu'aucun effort de leur part ne pourrait sauver la vie de son père.

Encore heureux se disait Leslie que les examinateurs ne fussent pas les fils et les filles qui avaient voté la loi.

Après cela, Leslie demanda à son père de lui lire l'heure mais Tom se trompa. Tom ouvrit sa montre gousset et regarda le portrait de sa femme quand elle avait 30 ans. Elle était morte à 57 ans, avant l'introduction des tests. Tom n'aurait jamais cru qu'il pourrait en arriver à considérer un jour comme heureuse la mort accidentelle de Mary.

Ce qui est horrible c'était que la vie poursuivait son cours habituel. Personne ne parlait de mourir. Le gouvernement adressait aux vieillards des convocations aux tests et ceux qui échouaient étaient invités à se présenter au Centre médical officiel pour y subir l'injection réglementaire.

La loi fonctionnait, le taux de mortalité était stable, la population maintenue dans les limites fixées, le tout officiellement, impersonnellement, sans un cri ni une protestation. Mais c'étaient ceux qu'on aimait que l'État supprimait. Leslie avait encore des questions à poser, des questions psychologiques mais il ne pouvait pas les poser car elles étaient sur le problème sexuel et son père était rigoriste. Alors il dit à son père qu'il ne ne paraissait plus rien y avoir dans la brochure. Tom devait aussi passer des tests physiques mais il espérait que le docteur Trask lui délivrerait un bulletin de santé comme il l'avait fait pour les trois tests précédents.

La nuit, Leslie discuta avec sa femme Terry. Il lui dit que dorénavant il n'y avait plus qu'à attendre. Elle lui répondit que Tom avait peut-être une chance mais Leslie il ne le croyait pas. Soudain, Tom regretta de n'avoir pas signé la demande de Séparation des années auparavant. Ils avaient absolument besoin d'être débarrassés de Tom pour le bien de leurs enfants et pour le leur propre. Mais Tom ne voulait avoir le sentiment d'être un assassin. Tom se rappela que la loi avait été votée par référendum parce que les gens voulaient être tranquilles et vivre à leur guise. Terry avait peur que Tom réussisse car cela signifierait qu'ils devraient encore le supporter pendant cinq ans.

Tom éprouva de la haine pour lui-même car il se forçait à convaincre sa femme que Tom était condamné d'avance. Il lui était difficile d'oublier combien il avait aimé et respecté son père et d'oublier les randonnées dans la campagne, les parties de pêche, les longues conversations le soir et toutes les choses que son père et lui avaient partagées.

C'était pour cela qu'il n'avait jamais eu le courage de signer la demande. Malgré les principes chrétiens qui leur avaient été inculqués toute leur vie, Leslie et sa femme avait une crainte terrible que le vieux Tom fut admis à son test et vive encore cinq ans avec eux.

Le lendemain matin Leslie se leva à 6:00 en entendant le réveil de son père. Terry se réveilla aussi et elle voulut préparer le petit déjeuner mais Leslie refusa. Elle pleura sans comprendre pourquoi. Leslie voulut prendre le petit déjeuner avec son père mais celui-ci lui dit que ce n'était pas nécessaire. La veille, Tom avait brisé le verre de la montre de son fils et il lui demanda de la lui apporter pour qu'il la fasse réparer. Leslie regretta de s'être levé si tôt car son père était désagréable avec lui pendant le petit déjeuner. Tom refusa que son fils l’accompagne jusqu'au test. Il préférait y aller seul en métro.

Leslie savait que même si son père échouait au test il y aurait encore de longues semaines avant son exécution. Ce serait l'horrible et longue attente pendant laquelle on emballerait les affaires dont on voulait se débarrasser. Ce serait la longue suite de repas pris ensemble et de conversations gênées. Quand Tom décida de partir, Leslie voulut lui dire qu'il l'aimait et voulut l'embrasser mais il en fut incapable. Il resta assis, paralysée par la peur, quand la porte se referma, l'air effleura les joues de Leslie et le glaça jusqu'au coeur.

Alors il sortit pour aller voir son père et lui souhaiter bonne chance. Dès qu'il fut rentré chez lui, il pleura.

Il se sentit incapable d'aller travailler et resta chez lui. Il passa la journée à bricoler dans son atelier mais sans trouver d'intérêt à ce qu'il faisait. Le soir, Leslie remarqua que Terry avait mis un couvert pour Tom. Il se demanda si elle l'avait mis par habitude.

Son fils Jim lui demanda si on donnerait un mois à son grand-père au cas où il ne réussirait pas le test. Et Tommy, le frère de Jim dit que la grand-mère d'un de ses copains avait reçu une lettre au bout de deux semaines seulement. Leslie leur interdit de parler de ce sujet. Leslie pensait que la mort de leur grand-père ne les affectait pas. Tom rentra à 18:10. Leslie se leva de table brusquement alors Terry l'empêcha de se précipiter à la rencontre de son père pour le presser de questions.

Leslie ne voulut pas attendre la fin du repas pour aller voir son père mais sa femme l'en empêcha. Elle pensait qu'il fallait laisser Tom tranquille. Mais Leslie n'écouta pas sa femme et monta voir son père dans sa chambre. Tom dit à son fils qu'il n'était pas allé faire le test. Alors Leslie lui demanda ce qu'il comptait faire. Tom lui répondit qu'il ne devait pas se tourmenter pour son père car il était assez grand pour s'occuper de lui. Tom prit la main de son fils pour le rassurer et il lui souhaita une bonne nuit. Leslie remarqua un sac de drugstore dans le coin de la chambre où il paraissait avoir été jeté. Terry attendait Leslie au bas de l'escalier pour lui demander comment Tom allait. Leslie lui dit que Tom n'était pas allé faire le test mais qu'il était allé en drugstore probablement pour s'acheter des médicaments. Terry voulut savoir ce qu'ils devaient faire et Leslie répondit qu'il n'y avait rien à faire.

Toute la soirée, Leslie et sa femme restèrent dans la cuisine à boire du café et à parler tristement à voix basse. Leslie remarqua que son père avait laissé sur la table de la salle à manger la montre de son fils qu'il avait fait réparer. Leslie et sa femme parvinrent à s'endormir. Toute la nuit ce fut le silence dans la chambre du vieillard. Et le lendemain, toujours le silence.

La mort de Socrate (Thomas M. Disch).

1

Le professeur Ohrengold donnait un cours sur Dante. Birdie Ludd s'ennuyait durant ce cours. Il pensait à Milly, la fille dont il était amoureux. Il aurait voulu dire au professeur que la vie de Dante ne le concernait pas. Mais le professeur n'était pas vraiment présent. Son cours était diffusé sur un écran de télé. L'appariteur avait même dit que le professeur était mort depuis longtemps.

Birdie était seul et sans emploi. Pocahontas, un élève, posa une question sur le cours et plus précisément sur les juifs. Il demanda si, d'après Dante, les gens qui n'étaient pas baptisés devaient aller en enfer et l'appariteur répondit oui. Alors Pocahontas répondit que si c'était la faute de quelqu'un que ces gens soient nés d'une certaine façon et pas d'une autre, c'était bien à Dieu. Et l'appariteur trouva la remarque judicieuse.

L'appariteur annonça une interrogation écrite. Birdie ressentit un malaise. Comme c'était mon questionnaire à choix multiples, Birdie cocha sur C à chaque question.

Birdie habitait le numéro 334 de la 11è rue une unité qui avait été construite dans le cadre du premier projet fédéral Modicum pendant le boom des années 80, juste avant les restrictions. Il était un temporaire installé sur le palier du 16e étage. Avant de rencontrer Milly, Birdie n'avait jamais soupçonné que l'amour pouvait être quelque chose de plus compliqué ou de plus redoutable que faire joujou à deux. Mais maintenant, il lui suffisait d'entendre la moindre chanson cucul à la radio pour se trouver au bord des larmes.

Dans l'escalier de son immeuble il croisa une vieille qui se plaignait de la panne d'ascenseur. Birdie détestait les vieillards. C'était parce que les vieillards étaient tellement nombreux que Birdie ne pouvait pas épouser la fille qu'il aimait et avoir une famille à lui.

Il pleura. Il avait la certitude que Milly le trompait. C'était la première fois qu'il pleurait de toute sa vie d'adulte.

2

Birdie n'avait pas toujours été un raseur, loin de là. Il y avait eu un temps où son caractère amical, décontracté, où sa joie de vivre faisaient plaisir à voir. Son esprit compétitif avait reçu une note médiocre à l'école communale 141 et une note encore moins bonne au centre où il avait été transféré après le divorce de ses parents.

Et puis un jour, pendant l'été qui avait suivi son examen de fin d'études secondaires, au moment où ça commençait à devenir vraiment sérieux avec Milly, il avait été convoqué dans le bureau de M. Mack et en l'espace de quelques minutes sa vie avait été réduite en miettes. Birdie pensait que Mack était juif. Il avait la sensation désagréable que Mack jouait avec lui et que tous ses conseils si raisonnables étaient un piège. Mack avait reçu une lettre d'Albany, des services centraux de la Sélection génétique qui disait que Birdie avait été recalé. Le père de Birdie était diabétique et cela comptait dans la sélection. Mack dit à Birdie qu'il n'y avait pas de quoi avoir honte. 2,5 % de la population totalisaient moins de 25 points, Le score nécessaire pour être sélectionné. Birdie n'aurait donc pas le droit d'avoir des enfants.

La loi révisée sur l'évaluation génétique avait finalement été votée par le Sénat en 2011 à la suite de ce qu'on avait appelé le Compromis Jim Crow. Ce compromis avait pratiquement volé à la rescousse de Birdie puisque ces cinq points qu'il avait perdus à cause de la tendance au chômage qui se manifestait chez son père, il les avait avait regagnés du seul fait qu'il était noir. M. Mack encouragea Birdie à repasser les tests mentaux de la Sélection mais pas le test physique. Mais, hormis les facteurs héréditaires et les tests du Centre de sélection génétique qui mesuraient tous deux les potentialités, il existait un autre groupe d'éléments déterminant la performance individuelle. Tout service exceptionnel rendu au pays ou à où l'économie donnait automatiquement 25 points. De même, une manifestation d'aptitudes physique, intellectuelle ou créative nettement au-dessus de la moyenne indiquée. M. Mack était vraiment désolé et il espérait que Birdie apprendrait à considérer sa reclassification comme un accident de parcours plutôt qu'un échec définitif. M. Mack invita Birdie  à envisager la question de la contraception et de la génétique avec une ouverture d'esprit aussi large que possible. Déjà les ressources disponibles ne suffisaient plus à nourrir la population de la planète. M. Mack espérait que Birdie ren viendrait un jour ou l'autre à voir que la sélection génétique était souhaitable et nécessaire. Birdie promit de considérer la chose sous cet angle moyennant quoi il put partir.

Birdie avait reçu une enveloppe grise dans laquelle il trouva un livret intitulé «  votre test d'aptitude génétique » publiée par le Conseil National de l'Education. Dans ce livret, il était expliqué que la seule façon efficace de se préparer à son examen était de l'aborder avec un esprit ouvert et confiant. Un mois plus tard, Birdie se rendit à Center street dans un état d'esprit ouvert et confiant. Mais il s'aperçut qu'on était un vendredi 13. Il n'avait pas besoin d'attendre la lettre recommandée pour savoir que sa note allait être gratinée.

Pourtant quand il reçut les résultats, ce fut comme un coup de massue : son QI avait baissé d'un point ; sur l'échelle de créativité de Skinner-Waxman il était tombé à 4, une note de débile mental. Son nouveau total était 21.

Ce ne fut qu'après avoir été recalé à ses tests que Birdie annonça son reclassement à Milly. Elle se montra héroïque et déploya des trésors de tendresse, de sollicitude et de ferme résolution. Elle prétendit l'aimer davantage maintenant. Elle jura de rester à ses côtés pour l'aider à traverser cette épreuve. Si Birdie acceptait de suivre les cours à la SENS de Barnard, Milly se déclarait prête à l'attendre aussi longtemps qu'il le faudrait.

Cela prendrait quatre ans à Birdie pour gagner les quatre points que représentait le diplôme.

3

Le matin du jour où il devait passer son examen d'histoire de l'art, Birdie se prélassait au lit dans le dortoir vide du SENS. Il se leva, fit des pompes et se masturba en pensant à Milly. Il s'habilla tout en blanc et alla manger dans l'immeuble du ferry où il y avait un restaurant Pan Am où les serveuses portaient le même uniforme que Milly. La semaine précédente, Milly lui avait dit qu'elle l’aimerait toujours. Brusquement, Birdie réalisa qu'il avait un quart d'heure de retard pour son test. Pourtant il poussa un soupir de soulagement et s'assit pour regarder l'océan.

M. Mack mts au point un projet d'article pour Birdie, ce serait la dernière chance de Birdie. Au mois de juin, il en parla à son père. M. Mack avait offert à Birdie un exemplaire de « A la force des poignets ». Ce livre avait été écrit par Lucille Mortimer Randolph Clapp, l'architecte du système de sélection génétique. Birdie lut à son père des articles qui avaient été acceptés par la Sélection. Le père de Birdie conseilla à son fils d'utiliser un peu de l'argent que la Sélection lui avait donné pour payer une grosse tête qui lui écrirait son article.

Mais Birdie lui répondit que c'était impossible car la Sélection avait des ordinateurs qui repéraient ce genre de trucs.

Le lendemain, Birdie fit sa première visite seul à la Bibliothèque nationale. À l'intérieur, il y avait un véritable nid d'abeilles d'alvéoles destinées à recevoir les chercheurs. Un appariteur qui ne devait pas être beaucoup plus âgé que Birdie lui montra comment taper ses questions sur le clavier à touches. Il demanda à consulter les cinq meilleurs livres écrits sur Socrate à un niveau de fin d'études secondaires et commença à y piocher au hasard. Tard dans la nuit, Birdie finit de lire le passage de la République de Platon qui contient le célèbre mythe de la caverne. Après quoi, il déambula dans la féerie de Wall Street. Il se demanda si, parmi la foule, il y avait quelqu'un qui soupçonnait la vérité. Où étaient-ils, comme les pauvres prisonniers de la caverne, tournés vers la paroi rocheuse à regarder des ombres sans se douter que dehors il y avait un soleil, un ciel, tout un monde d'une éclatante beauté.

Il comprit que la beauté était dans les choses mêmes dans les stupides distributeurs automatiques. Il se souvint que Socrate avait été condamné par le Sénat athénien pour corruption de la jeunesse. Il y avait quelque chose de plus que la simple beauté derrière tout ça. Quelque chose qui, inexplicablement, lui faisait froid dans le dos. Il comprit que la créativité était la clé de tous ses problèmes. Il poursuivit ses recherches à la bibliothèque. L'avenir était chargé d'ineffables promesses.

4

Birdie intitula son article « Problèmes de créativité ».

Birdie y écrivait que toute beauté doit respecter trois conditions : 1° le sujet sera de format littéraire ; 2° toutes les parties seront comprises dans le tout ; 3° la signification sera libre de toute équivoque. La véritable créativité n'est présente que dans l'oeuvre d'art. C'est aussi la philosophie d'Aristote qui est valable de nos jours. Un autre critère de créativité fut avancé par Socrate : « ne rien savoir est la condition première de tout savoir ». La créativité est l'aptitude à voir des rapports là où il n'y en a pas.

5

Birdie avait des rapports amicaux avec sa voisine Frances qui était prostituée. La note génétique de Frances était de 20. C'était la première fois que Birdie rencontrait quelqu'un ayant une note inférieure à la sienne. Frances avait écouté religieusement chaque version successive de l'article de Birdie. Sans ses applaudissements, Birdie n'aurait jamais été jusqu'au bout de son essai. Frances lui avait dit que l'aider avait été sa façon à elle de lutter contre le système.

Frances avait acheté des pilules anti-contraceptives et elle voulait avoir un enfant avec Birdie. Mais il lui dit que ce n'était pas possible car la Sélection la ferait avorter. Alors elle lui répondit qu'ils pourraient partir au Mexique. Il lui demanda, indigné, si elle ne lisait que des bandes dessinées. Birdie comprit que la lettre qu'il attendait était arrivée. Mais Frances l'avait lue et l'avait jetée. La lettre disait que Birdie avait gagné trois points. Frances sortit la lettre de la poubelle et la montra à Birdie. Pour que Birdie obtienne le point qui lui manquait-il devait s'engager dans l'armée. Alors Frances lui proposa à nouveau d'avoir un enfant avec lui. Il la traita de débile. Mais elle lui répondit qu'elle l'aimait. Il voulut la frapper et la déshabilla. Il vit que son corps était couvert de bleus et d'ecchymoses. C'était pour ça qu'on la payait. Pas pour la baiser. Il la cogna jusqu'à ce qu’il se soit vidé de tout sentiment. L'après-midi, il se rendit à Times Square et s'engagea comme volontaire dans les marines pour aller défendre la démocratie en Birmanie.

Les possédants (John Brunner).

Ils possédaient la richesse absolue. Ils pouvaient s'offrir une existence totalement discrète.

Ils ont gagné le gros lot du simple fait de leur naissance. Si par un hasard rarissime les projecteurs viennent à être braqués sur eux, ils achètent celui qui les manie et lui ordonnent de les éteindre. Dereck pensait que les possédants étaient une centaine. Il en avait rencontré un. Dans l'ensemble, les possédants avaient des habitudes nocturnes. Les lieux où les possédants vivaient devenaient des espaces blancs dans les atlas. Ils ne figuraient pas dans le Who's Who ni dans le Bottin mondain. Leurs noms ne figuraient nulle part. Mais ce n'était pas des monarques absolus. Ils ne gouvernaient rien qui ne les concernait directement.

Dereck venait de finir un travail commencé un an et un mois plus tôt. Il leva sa bière à Santadora, le plus bel endroit sur terre, sans lequel une telle concentration eût été impossible. Naomi se trouvait pour la première fois seule avec Dereck. Elle lui offrit du champagne. Elle lui apprit que tout le monde était parti et avait quitté le village depuis 1 heure.

Elle n'était pas certaine que Dereck réussirait mais elle voulait essayer. Elle apprit à Dereck que Santadora avait été construit un an et demi plus tôt et serait rasé le mois prochain. Les gens ne quittaient donc pas leur village natal.

Dereck apprit que les pêcheurs n'étaient donc pas des pêcheurs et le père Francisco n'était pas un vrai prêtre. Naomi n'était pas non plus son vrai nom. Naomi demanda à Dereck de se rappeler de Roger Gurney. Dereck s'était dit que la rencontre avec cet homme avait été l'un des deux événements cruciaux qui avaient transformé sa vie.

Dereck l'avait emmené à Londres par une assez vilaine nuit de novembre car la voiture de Roger était en panne. Il avait passé la nuit avec lui à discuter. Il est l'avait trouvé très sympathique. Ils avaient parlé de l'effet Cooper. Dereck avait dit à Gurney qu'il voyait un seul moyen de parvenir à faire les expériences nécessaires : trouver un village sans distractions, sans journaux ni téléphone, sans même un poste de radio et où la vie serait si bon marché qu'il pourrait se consacrer à son travail pendant deux ou trois ans sans avoir à se soucier de gagner sa vie.

Dereck avait revu Gurney une dernière fois le jour où il célébrait son petit gain au tiercé de 2104 livres. À cette occasion, Gurney lui parla d'un petit village espagnol nommé Santadora où toutes les conditions nécessaires à ses recherches seraient réunies. Il lui raconta qu'il avait été y voir des amis, Conrad et Ella Williams. Direct voulut savoir qui était Naomi et à quel jeu elle jouait avec lui. Naomi était la seule personne au monde qui voulait obtenir et utiliser l'effet Cooper. Même pas lui, Dereck Cooper. Naomi voulait louer l'effet Cooper après quoi il serait à Dereck à jamais. Naomi proposa à Dereck de le payer suffisamment pour que pendant tout le reste de sa vie il puisse obtenir tout ce dont il aurait envie. Elle lui donna un portefeuille avec des cartes de crédit et un chéquier à son nom. Chaque carte possédait un détail que Dereck n'avait encore jamais vu, un seul mot imprimé en travers, en rouge : illimité. Naomi ne voulait pas dire à Dereck qui elle était. Pourtant Dereck était la seule personne au monde qui pouvait comprendre pourquoi Naomi voulait obtenir l'effet Cooper. Naomi voulait que la machine (l'effet Cooper) lui rende un homme qui était mort depuis trois ans. Pour Dereck, il était évident que Naomi ne savait pas ce qu'elle venait d'obtenir.

Il lui expliqua que l'argent n'était pas la solution à tous les problèmes car il y avait aussi une notion qui comptait : le temps. Naomi pleura. Dereck regretta sa légèreté. Elle lui demanda ce que son prototype pouvait faire. Dereck dit à Naomi que s’il avait une dette de reconnaissance envers elle ce n'était pas parce qu'elle l’avait aidé matériellement mais parce qu'elle lui avait envoyé le charmant et persuasif Roger Gurney. Dereck n'avait jamais rencontré une personne prête à prendre ses idées au sérieux. La théorie de Dereck était qu'il devait exister une relation mutuelle intégrale entre l'organisme et son environnement, tout particulièrement avec les autres organismes de la même espèce.

Naomi voulut essayer la machine. Elle insèra un disque à l'intérieur. À partir de l'empreinte digitale laissée sur le disque, la machine put décrire physiquement et psychologiquement Naomi. Mais Dereck pensait que la machine s'était trompée sur l'âge de Naomi. Parce que la machine avait signalé que Naomi avait entre 48 et 50 ans. Mais Naomi avoua qu'elle avait 50 ans. Elle s'était entretenue pour avoir à donner à celui qu'elle aimait la seule chose qu'elle pouvait donner à quelqu'un : sa beauté. Dereck voulut savoir ce qui était arrivé à l'homme qu'elle aimait mais elle ne voulut pas lui répondre.

Le but final de la recherche de Dereck était de reconstituer l'individu à partir des traces qu'il avait laissées. À partir de la machine que Dereck avait fabriquée, Naomi pourrait reconstituer l'homme qu'elle avait aimé. Dereck avait travaillé sur la personnalité globale. Mais d'autres scientifiques travaillaient sur la possibilité de fabriquer artificiellement un homme. Naomi demanda à Dereck combien de temps il faudrait pour qu'elle puisse avoir ce qu'elle voulait.

Dereck ne pouvait pas répondre avec précision. Cela prendra du temps d'analyser tout ce que le compagnon de Naomi avait touché. Alors Naomi avoua à Dereck qu'elle possédait encore le corps de son compagnon. Malgré cela Dereck ne voulait pas se montrer malhonnête en lui donnant un délai. Naomi fut désolée de se montrer aussi égoïste. C'était à cause de l'amour qu'elle avait éprouvé pour son compagnon décédé. Dereck voulut en savoir plus sur Naomi alors elle lui dit qu'il y avait deux femmes qui lui ressemblaient parfaitement et qui existaient pour elle et lorsqu'elle en avait envie elle prenait leur place en Suisse, en Suède ou en Amérique du Sud.

Dereck regrettait que le village de Santadora soit démonté mais Naomi lui montra qu'il partait en miettes à cause de l'usure du temps. Le tic-tac d'une horloge dans une maison obsédait Naomi. Cela lui faisait mal comme si elle était enterrée vivante alors Dereck défonça la porte de la maison dans laquelle se trouve l'horloge et arrêta le tic-tac. À ce moment-là, Dereck réalisa qu'il n'avait jamais vu Naomi porter une montre à son poignet.

Dereck démonta le mouvement de l'horloge et le donna à Naomi qui le balança dans la mer. Dereck jeta le corps de l'horloge également dans la mer. Dereck eut l’impression que c'était un cercueil qui flottait.

Il eut la certitude qu'il venait d'accomplir un acte d'une signification symbolique impossible à traduire en mots. Ensuite Naomi se déshabilla. Elle demanda à Dereck s’il la trouvait belle et il répondit oui. Alors elle lui demanda de le lui prouver. Alors ils firent l'amour et à ce moment-là l'esprit de Dereck s'éveilla à un état de conscience suraigu et il dit à Naomi que de sa première machine en naîtrait une deuxième puis une troisième et que cette dernière suffirait à la tâche. Il pensait à des gens qu'il connaissait et qui pourraient créer dans leur domaine respectif des techniques nouvelles.

Alors il sut combien de temps il faudrait pour réussir ce que Naomi lui demandait. Il ne lui faudrait pas plus de trois ans. Mais il réalisa qu'elle n'était plus dans le lit. En sortant de la maison, Dereck vit Roger Gurney qui lui fit signe de venir. Gurney lui annonça que Naomi s'était jetée dans la mer alors qu'elle ne savait pas nager. Dereck comprit que Naomi voulait que son compagnon revienne de la mort pendant qu'elle était encore belle et personne au monde ne pouvait lui promettre que ce serait avant plus de trois ans. Après cela, disaient les docteurs, elle se serait effritée. Alors elle s'était suicidée. Dereck décida de recréer Naomi. Mais Gurney lui dit que l'argent n'était plus à Naomi. Il appartenait à quelqu'un d'autre. Maintenant que Naomi était morte, elle ne contrôlait plus les ressources qui auraient pu la ramener à la vie. Dereck détruisit les cartes de crédit et le chéquier. Gurney lui dit qu'il était stupide car cet argent aurait pu lui servir à réaliser ses rêves. Gurney pensait aimer Naomi mais il réalisa que Dereck l'aimait encore plus alors il souhaita que le diable l'emporte. Des hommes aidèrent Dereck à prendre ses affaires et à partir. Arrivé à Barcelone, Dereck vit qu'il restait 35 000 pesetas dans le portefeuille. Dereck comprit que ce n'était pas le temps qui avait vaincu Naomi. Elle voulait que son compagnon revienne parce qu'il l'aimait. Et sans lui, elle avait peur. Il ne fallait pas trois ans pour la recréer. Ni même 3 heures. Il suffisait de trois mots. Et ce salaud de Gurney aurait pu les prononcer. Il aurait pu dire : « je vous aime ».

Ils possèdent la richesse absolue. Pourtant, petit à petit, ils se muent en une espèce différente parce qu'il n'y a plus d'humain en eux. Ils mènent une existence à part. Cela ne vous soulage-t-il pas ?

 

 

 

 

 

 

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