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Humanisme : le Contrat social
14 juillet 2023

Histoires d'envahisseurs

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L'invasion est un élément commun de l'histoire humaine qu'elle aurait pu constituer très tôt un des thèmes principaux de la science-fiction naissante. L'hypothèse de la pluralité des mondes habités il remonte à l'Antiquité. Aussi est-il au premier abord surprenant qu'il faille attendre 1897 pour voir la publication de La Guerre des mondes par H. G. Wells. Il est permis d'y voir l'expression de la bonne conscience des sociétés industrialisées. Pour le continent européen l'invasion des quatre autres relevait d'une oeuvre de civilisation. La conquête de l'Amérique s'était parée des vertus de l'évangélisation. Puis, c'est en invoquant le progrès que les nations se désignant elles-mêmes comme les plus avancées vont tenter d'étendre leur conception de l'ordre et de la décence à toute la planète.

Puis, à l'extrême fin du XIXe siècle, la bonne conscience a reculé reculer car les nations européennes ont fini par dénoncer leurs impérialismes respectifs.

Dès lors, la réciproque devint pensable sous la forme d'une invasion punitive dont seraient victimes les nations « avancées ».

Au XIXe siècle, on croit la planète Mars habitée. En 1877, Schiaparelli croit avoir découvert des canaux artificiels sur cette planète. Mars symbolise la guerre jusque dans sa couleur rouge et ses habitants sont plus avancés que l'homme puisqu'ils ont su couvrir la face de leur planète de canaux gigantesques à côté desquels le canal de Suez fait figure de simple rigole. Mais la planète Mars voit son atmosphère raréfiée et son eau concentrée autour des pôles.

Il est donc logique que les martiens aillent chercher fortune ailleurs et en particulier sur notre Terre regorgeant d'océan et de végétation. La planète Mars était réputée comme plus ancienne que la planète Terre et la planète Vénus comme plus jeune.

Ainsi Vénus est un monde « d'avant l'homme » et Mars un monde « d'après l'homme » sans qu'aucun indice scientifique soit jamais venu renforcer ces clichés qui ont fonctionné pendant au moins un siècle. Mais c'est toujours, dans les débuts de la science-fiction, une civilisation plus ancienne qui envahit et détruit.

H. G. Wells a raconté dans son autobiographie que l'idée de La Guerre des mondes lui avait été suggérée par une remarque de son frère Frank. Son frère lui avait dit : « imagine un moment que des habitants d'une autre planète descendent tout d'un coup dans cette prairie et marchent sur nous ». On est marqué par le réalisme anticipateur de cette guerre des mondes qui annonce bien des aspects des conflits du XXe siècle : importance des tours blindées des Martiens, rayons de la mort, engins aériens d'observation, attaques aux gaz et pour finir une guerre bactériologique. Le thème des envahisseurs venus de l'espace fut pendant très longtemps sans doute le plus assidûment courtisé de toute la science-fiction. En 1938, Orson Welles rendit hommage en 1938 à l'oeuvre de son presque homonyme. La leçon d'humilité proposée par H. G. Wells n'a pas porté ses fruits bien longtemps. Dans la plupart des récits de science-fiction, les humains parviennent souvent, voire presque toujours, à chasser les envahisseurs et à retourner la situation en leur faveur.

L'envahisseur apparaît dans la panoplie des thèmes de la science-fiction comme le miroir par excellence tendu à l'humanité.

La saison du serpent de mer (C. M.Kornbluth)

Une chaleur accablante régnait dans les bureaux de l'agence de presse la World Wireless à Omaha. Le siège de New York ne cessait de harceler Mr Williams pour  réclamer de la copie. Fn été, il ne se passait jamais rien et la seule ressource des journalistes était le base-ball. Mr Williams reçut un télétype. On lui réclamait encore un article. Alors il répondit qu'il n'y avait rien pour le moment. Il fouilla dans les dépêches : il était question des cours de vacances de l'université de l'État qui sollicitaient le patronage du gouverneur pour une conférence sur les buts et les moyens d'éducation secondaire pour les adultes. Le manager d'un boxeur de cinquième catégorie envoyait le palmarès de son gars et des billets de presse pour son prochain combat. Il y avait également de la publicité. Alors il se creusa les méninges. Il finit par conclure qu'il serait obligé de fabriquer une fausse nouvelle. Il pensait ne pas pouvoir ressusciter cette vieille rengaine des soucoupes volantes que tout le monde avait oubliée. D'étranges messages interplanétaires captés par le laboratoire de l'université de l'État ? Oui, ça pourrait faire l'affaire.

À ce moment-là, une dépêche de l'informa que le commissaire de police municipale de Crawles était décédé dans des circonstances mystérieuses. Il était mort brûlé par des dômes luisants. C'était exactement ce que Mr Williams cherchait. Mr Williams rédigea son papier. Selon lui, sept objets mystérieux, de la dimension d'une maison, avaient brûlé à mort le commissaire Crawles qui était en visite dans le village. L'agent de police de Rush city et les habitants du village avaient bien essayé d'avertir le commissaire du danger mais celui-ci n'avait pas voulu les écouter.

Mr Williams se dit avec satisfaction que cette histoire occuperait New York pendant un bout de temps. Il se rappela du « secrétariat » de Benson et demanda Fort Hicks au téléphone. La standardiste demanda les renseignements de Fort Hicks uniquement pour s'entendre dire qu'un tel service n’y existait pas. Celle d'Omaha avoua finalement que Mr Williams désirait parler à Mr Edwyn C. Benson. Enfin, Mr Williams réussit à parler à Benson. Mr Williams lui passa gentiment de la pommade en lui disant qu'il lui avait envoyé une nouvelle sensationnelle et le félicita de son travail consciencieux.

Benson accepta assez sèchement et avec réserve ses compliments, ce qui était pour le moment étrange. Aussi, Mr Williams lui demanda d'où il était. Benson répondit qu'il était de Fort Hicks. Il avait été chroniqueur judiciaire à Little Rock.

Il avait également été rédacteur de l'Associated Press à la Nouvelle-Orléans mais il n'aimait pas le travail d'agences de presse. Il avait pris la direction du bureau de Washington. Il était passé au New York Times. Correspondant de guerre, il avait été blessé et était revenu à Fort Hicks.

À présent, il écrivait pour il écrivait pour des magazines. Il demanda à Mr Williams s'il souhaitait qu'ils suivent cette affaire. Mr Williams accepta. Il en profita pour le demander s'il pensait que cette affaire était un canular. Benson était allé voir la dépouille mortelle de Pink il s'était entretenu avec l'agent Allenby. Le commissaire était bien mort des suites de brûlures et Allenby n'avait pas inventé cette histoire. Il pensait que c'était une nouvelle authentique. Il continuerait à tenir Mr Williams au courant.

Benson lui avait donné un choc et il se demanda si c'était la gravité de sa blessure qui l'avait obligé de me donner une brillante carrière de journaliste pour aller s'enterrer dans un trou des Monts Ozarks.

Mr Williams reçut un coup de téléphone du président du conseil d'administration de World Wireless. Il avait capté quelques émissions de la radio transmettant la première exclusivité du Mr Williams  sur les événements de Rush City. Il désirait que Mr Williams se rende à Rush City pour s'occuper personnellement de cette information. Mr Williams accepta et commença à rallier le reste du personnel. Il commanda un aéro-taxi et exigea le meilleur pilote. Deux dépêches arrivèrent de Benson et furent immédiatement retransmises. Le deuxième article comportait un papier d'une autre agence sur les dômes. C'était une resucée de l’article de Mr Williams mais elle ne manquerait pas d'avoir ses hommes sur place. Mr Williams donna ses instructions au rédacteur de nuit et monta dans aéro-taxi. Le pilote décolla en plein milieu d'un orage en formation et lorsqu'il fut possible de redescendre à une altitude permettant le pilotage par visibilité, il avait perdu la route. Le pilote aperçut enfin le feu d'une balise portée sur ses cartes. Ils se posèrent à Fort Hicks à l'aube.

Le gardien de l'aérodrome de Fort Hicks indiqua à Mr Williams la demeure de Benson. Une femme calme le fit entrer. C'était la soeur de Benson. Mrs McHenry était veuve. Elle lui apporta du café et lui raconta qu'elle avait veillé toute la nuit pour attendre le retour de son frère qui était parti à Rush City la veille au soir. Elle était inquiète. Mr Williams essaya de la faire parler de son frère mais elle se contenta de dire que c'était lui le plus intelligent de la famille. Elle refusa de s'étendre sur son travail comme correspondant de guerre. Elle montra à Mr Williams ce que son frère écrivait pour les hebdomadaires. C'était des nouvelles d'amour pour des magazines à diffusion nationale. Finalement, Benson arriva. Mr Williams se rendit immédiatement compte de ce qui avait blessé sa carrière de journaliste. Il était aveugle. Il devait avoir dans les 45 ans.

Sa soeur lui dit qui était là. Benson expliqua que c'était son jeune chauffeur qui s'était égaré à l'aller et au retour et il avait passé plus de temps à Rush City qu'il ne pensait.

Il dit à Williams qu'il y avait certaines divergences d'opinion au sujet des dômes luisants. Allenby l'avait emmené sur place en compagnie de quelques autres citoyens de la ville. Ils lui avaient décrit exactement les dômes. Il y avait sept hémisphères d'une matière ressemblant à du verre posés dans une grande clairière. Ils réfléchissaient la lueur des phares. Mais pour Benson ces dômes ne se trouvaient pas dans la clairière. Il avait l'habitude d'entendre un léger sifflement de l'air qui signifiait pour lui qu'il était au coin d'un immeuble. Cela lui avait permis de réaliser qu'il n’y avait certainement rien dans cette carrière. Williams lui demanda quel genre de farce les habitants de Rush City étaient-ils en train de leur jouer et pour quelle raison. Benson pensait qu'il ne s'agissait pas d'une farce car son chauffeur avait également vu ces dômes. De plus, Pink les avait vus et les avait touchés. Tout ce que Benson pouvait dire c'était que les gens pouvaient voir les dômes mais que lui ne pouvait pas les sentir. S'ils existaient, ils avaient une existence qui ne pouvait être comparée à rien de ce qu'il l'avait rencontré jusqu'à présent. Williams décida d'y aller lui-même. Benson acquiesça. Il lui proposa sa voiture. Williams lui dit qu'il aurait besoin du verdict du coroner qui devait se prononcer sur les causes de la mort du commissaire de police. Williams avait aussi besoin du récit d'un témoin oculaire et le chauffeur de Benson était l'homme tout trouvé pour cela. Il lui fallait enfin quelques déclarations des personnalités officielles.

Williams visita Rush City. C'était une petite agglomération avec quelques maisonnettes en bois. Il y avait une épicerie-buvette possédant l'unique téléphone de l'endroit. Il entra et vit un milicien de la police d'État. Il se présenta à lui. Le policier lui demanda si c'était lui qui avait lancé cette histoire en première exclusivité. Williams acquiesça. Le téléphone sonna et le policier décrocha. Il parla avec le gouverneur et lui annonça qu'il n'avait rien vu même si les habitants continuaient de jurer qu'ils avaient réellement vu des dômes dans la clairière.

Le téléphone sonna de nouveau. C'était Benson qui désirait parler à Williams. Williams lui demanda d'envoyer une information à Omaha au sujet de la disparition des dômes. Puis il rencontra le policier Allenby qui le dirigea jusqu'à la clairière. Seuls quelques gamins se tenaient prudemment à l'orée de la forêt et racontaient des histoires tout à fait contradictoires au sujet de la disparition des dômes. Williams rédigea activement un article d'après les versions les plus rocambolesques. Il ramena Allenby à Rush City. Un groupe mobile de la télévision arriva. La petite agglomération commençait à grouiller de journalistes et techniciens des agences concurrentes, des grands quotidiens, des réseaux de radio et de télévision, des actualités cinématographiques. Mais pour Williams, histoire était terminée.

Benson bombarda Omaha d’articles. Williams lui conseilla d'y mettre un frein. Pendant le trajet de retour, Williams écouta la radio et n'éprouva pas la moindre surprise. Les dômes luisants étaient la sensation du jour. On en avait vu dans 12 Etats. Un de ces dômes était transparent et on pouvait distinguer à l'intérieur des hommes et des femmes de très grande taille. À Little Rock, Williams fit escale et en profita pour acheter deux journaux du soir. Ils étalaient l'histoire des dômes sur huit colonnes avec titre en manchettes. Williams put voir son article sur la disparition des engins mystérieux. Mais dans l'autre journal, il était question d'un correspondant spécial donnant d'autres informations. Le journal antigouvernemental représentait le président étendant prudemment un doigt pour toucher le dôme du Capitol reproduit sous forme d'un dôme brillant et la légende disait : « dôme luisant de l'immunité du Congrès contre une dictature du fonctionnarisme ». L'autre journal, gouvernemental, reproduisait un dôme luisant à l'effigie du président. Un groupe de petits hommes obèses portant jaquette et chapeaux à larges bords sur lesquels était écrit « trublions du congrès » rampaient sur le dôme, les mains tendues en avant comme s'ils cherchaient à étrangler le président. La légende disait : « qui sera mis à mal ? ».

Williams rentra au bureau. Ses clients avalaient avec ravissement son article sur les dômes et en redemandaient. Williams fit une incursion à la morgue pour exhumer les dossiers du Disque volant, de la tortue du lac huron et du vampire de Bayou. Il alla trouver le secrétaire de rédaction pour lui demander de freiner les articles car il ne voulait plus qu'on en fasse une information de premier plan. Il avait peur d'épuiser la crédulité du public.

Le secrétaire de rédaction lui demanda s'il y avait réellement quelque chose à Rush City. Williams lui répondit qu'il n'en savait rien et que le seul homme en qui il puisse avoir confiance dans la région n'arrivait pas à se décider pour ou contre. La presse commençait à lancer des informations sensationnelles sur cet événement. L'agence de Williams fut donc obligée de suivre le mouvement. Le bureau de son agence à Washington harcela le Pentagone et les ministères compétents pour obtenir des déclarations officielles. Il y eut une course épique entre une commission d'enquête de la marine une autre de l'aviation, à celle qui arriverait la première à Rush City. L'aviation publia son rapport la première. Des chapeaux en forme de dôme en plastique furent vendus pour les enfants. Les championnats du monde de base-ball réussirent finalement à tuer les dômes luisants. À la suite d'un accord tacite entre les agences de presse, les articles sur ce sujet cessèrent. Les dômes luisants étaient entrés dans l'histoire et bientôt de très sérieux étudiant en psychologie ne manqueraient pas de venir enquiquiner les journalistes pour leur demander de leur prêter ce dossier. Le seul résultat tangible de cette affaire était que Williams avait réussi à passer un été sans trop faire chômer son agence et s'était mis à correspondre occasionnellement avec Benson.

Quelques mois plus tard, Williams reçut une lettre déconcertante de Benson. Benson s'attendait à une reprise de la farce des dômes luisants. Il déclarait que les dômes avaient probablement trouvé leur essai concluant et qu'ils continueraient selon leurs plans. Il ajouta que si l'événement devait se reproduire, Williams éprouverait certainement un peu plus de difficultés pour le faire gober à ses lecteurs. Vers la fin du mois de juillet, un événement très semblable à l'épisode des dômes luisants se produisit pendant une vague de chaleur tropicale. Cette fois-ci, il s'agissait d'un cancer roulant dans la campagne. Elles furent aperçues dans l'Arkansas par une congrégation de Baptistes réunis dans la prairie pour prier. Ce ne fut pas l'agence de Williams qui lança cette information en première exclusivité mais Williams fut chargé d'enquêter. Il partit pour le Kansas. Les baptistes croyaient réellement avoir vu des sphères noires-tous, sauf un. C'était un vieux monsieur vénérable qui avait été le seul à ne pas s'enfuir et pourtant c'était lui qui s'était trouvé le plus près de ces sphères. Il était aveugle. M. Emerson  ne parla ni de courant d'air, ni des turbulences, comme l'avait fait Benson. Il dit que le seigneur lui avait ôté la vue et en compensation lui avait donné un autre sens. Il demanda à Williams de passer sa main devant son visage. Le vieux monsieur fut capable de dire le moment exact où la main de Williams était en face de lui.

Alors Williams écrivit un article très documenté sur la position prise par les aveugles. Mais New York ne publia pas son article. Le public ridiculisera toute cette affaire. On parla d'un coup monté par les journaux. Une note de service fut lancée dans les agences de presse pour mettre fin aux gags sur les sphères. Le public en avait plein le dos. Benson écrivit à Williams pour lui dire que cette nouvelle affaire était absolument normale. Le cynisme des Américains avait fait que les sphères noires n'avaient pas été saluées par le public avec le même enthousiasme que les dômes luisants. Il prédit que l'été suivant un nouveau mystère comparable aux dômes luisants et aux sphères noires arriverait et ne pourrait être perçu d'aucun aveugle qui pourrait se trouver dans les environs immédiats.

Un an plus tard, le nouvel événement se produisit au milieu du mois d'août. 12 futurs instituteurs témoignèrent qu'une série de puits parfaitement circulaires s'étaient brusquement ouverts dans l'herbe. Ils déclarèrent que leur professeur disparut dans un de ces puits en poussant un hurlement. Ces  puits restèrent ouverts pendant quelque 30 secondes et se refermèrent subitement sans laisser la moindre trace. Williams interviewa les témoins. Leurs histoires concordaient parfaitement. La police ne s'attendait pas à une telle concordance entre les différents témoignages. Cela changeait leurs habitudes et les policiers trouvèrent cela louche. Ils arrêtèrent les 12 témoins mais un avocat intervint. La police soupçonna ces 12 futurs instituteurs de s'être entendus pour assassiner leur professeur. Le public et la presse furent d'une prudence extrême. La plupart des journalistes considéraient cette histoire de puits comme une vaste fumisterie.

L'agence de Williams lança une circulaire pour interdire de parler de cette affaire. Williams écrivit à Benson pour lui expliquer comment se présentait toute cette affaire et pour lui demander quelles étaient ses prévisions pour l'été suivant. Benson répondit qu'il y aurait encore au moins un phénomène estival semblable aux trois derniers mais que par la suite il n'y en aurait plus.

Une nouvelle année s'écoula. La femme de Williams le quitta. Il s'en fichait complètement. Il sentait que la prochaine saison du serpent de mer aurait plus d'importance que de savoir s'il divorcerait ou non. Or en juillet, une dépêche arriva au bureau. Dans l'Oregon une centaine de capsules vertes d'environ 50 m de longueur étaient apparues. Williams reçut un coup de téléphone d'un de ses correspondants de Seattle mais la communication fut coupée. Il téléphona à Benson pour lui demander des conseils. Benson lui expliqua que c'était la répétition de la fable du gosse qui criait « Au loup ! ». Les loups venaient de se matérialiser. La communication fut brusquement coupée. Les habitants de la Terre étaient les agneaux. Les journalistes étaient le gosse qui aurait dû être prêt à donner l'alarme. Mais les loups astucieux les avaient amenés à donner l'alarme tellement de fois que les villageois en étaient fatigués et ne se dérangèrent plus lorsque le péril devint réel. C'était les martiens sous le joug et le fouet desquels les terriens désormais traînaient une existence misérable.

Les présents des dieux (Jay Williams)

 

Un grand vaisseau planait au-dessus de l'Atlantique. Montés sur les toits de la ville, les gens le regardaient en s'abritant les yeux. Le vaisseau se posa lentement dans la baie. On pouvait discerner que le navire flottait et qu'il était entouré de centaines de points argentés : des poissons morts ballottés dans l’eau sale. Le vaisseau s'ouvrit et un long cri collectif monta de la ville. Un petit esquif sortit du vaisseau et cinq hommes descendirent sur le rivage. Ils ressemblaient aux humains. Ils avaient le teint très cuivré à l'exception d'un qui avait la peau jaune pale. Ils semblaient porter une armure légère et autour de leur visage, il y avait des auréoles bleu pâle. Ils examinèrent calmement la ville, la foule et échangèrent entre eux quelques paroles à mi-voix. Un des cinq hommes ramassa l'esquif, le plia rapidement en fit un petit paquet et le fourra dans un sac qui pendait à sa ceinture. Cela dura 17 minutes au cours desquelles 17 personnes moururent en tombant des toits, d'une crise cardiaque ou piétinés dans les rues. Lentement, les hommes venus du vaisseau s'avancèrent dans South Street.

À ce moment-là, la police arriva. Les questions de protocole avaient donné lieu à de hâtives discussions : les visiteurs de l'espace devaient-ils être accueillis par le maire de New York, par un représentant du gouvernement des États-Unis ou par le secrétaire général des Nations unies. Finalement, ils étaient venus tous les trois. Le délégué américain aux Nations unies, qui était venu comme représentant du gouvernement des États-Unis, tendit la main avec un sourire plutôt forcé. Il voulut parler aux visiteurs de l'espace mais le maire de New York lui coupa la parole. Un des visiteurs précéda de quelque pas ses compagnons. Il déclara dans un parfait anglais : « je vous remercie de vos sentiments et de votre accueil. Notre désir est d'aller à votre Centre. » Il fit une pause et conféra un instant avec l'un des autres. Il ajouta : « le Centre des Nations unies ». Le secrétaire général répondit qu’il les accueillerait avec grand plaisir. Il voulut les faire entrer dans sa voiture. Mais le chef répondit que ses compagnons préféraient y aller par leurs propres moyens. Seul le chef des visiteurs entra dans la voiture. Le secrétaire général demanda au chef des visiteurs pourquoi il n'avait pas posé son vaisseau jusqu'au rivage plutôt que d'y venir en bateau. Le visiteur le regarda avec curiosité. On voyait que ses yeux n'avaient pas de blanc mais qu'ils étaient ronds et opalins. Le visiteur lui demanda s'il aurait préféré survoler cette eau splendide à sa place. Le secrétaire général était décontenancé et garda le silence.

Le secrétaire général demanda au visiteur de quelle planète il venait. Le visiteur répondit qu'il venait de la Terre. Cette Terre faisait partie d'une organisation de planètes. Le secrétaire général lui demanda s'il était venu pour leur offrir d'adhérer à sa Fédération. Le visiteur répondit que ce n'était pas le cas. Pour adhérer à la Fédération il fallait être capable de lancer un vaisseau interplanétaire. Le secrétaire général fit entrer les visiteurs dans le palais des Nations unies et les conduisit dans la salle des assemblées générales qui fut envahies par les délégués et autres badauds. Les caméras de la presse et de la télévision furent braqués sur cet instant historique. Le secrétaire de l'ONU salua les visiteurs. Les visiteurs inclinèrent légèrement la tête sans rien dire. Ils avaient été installés sur l'estrade derrière la tribune. Le délégué des États-Unis demanda que les lettres de créances des visiteurs soient présentées. Le délégué de l'Union soviétique voulut poser une question au chef des visiteurs mais celui-ci rétorqua qu'il était simplement le porte-parole de son groupe. Alors le soviétique demanda pourquoi les visiteurs s'exprimaient en anglais. Le délégué soviétique pensait que ça pouvait être une mystification montée par certaines puissances. Alors le porte-parole répliqua dans un russe impeccable. Il expliqua qu'il était capable de parler presque tous les dialectes de cette planète. Il avait simplement choisi de parler l'anglais parce que c'était la langue comprise de la majorité des membres de l'ONU. Les visiteurs avaient eu des chercheurs sur cette planète qui avaient rassemblé des renseignements depuis une vingtaine d'années. Il ajouta qu'ils n'avaient pas besoin de présenter des lettres de créances car ils n'étaient pas venus en tant que représentant auprès de l'ONU. Alors le délégué britannique demanda quel était l'objet de leur visite. Le délégué de la Bolivie annonça que si le porte-parole était venu déclarer la guerre alors il devait comprendre que les Terriens étaient prêts. Le porte-parole expliqua ses intentions. Les visiteurs avaient jugé que la planète Terre avait le statut de pré-fédérable et ils étaient venus offrir toute l'aide nécessaire pour lui permettre d'atteindre le niveau fédérable. Alors le secrétaire général de l'ONU demanda quelle forme prendrait cette aide. Le porte-parole répondit qu'il s'agirait d'améliorations technologiques à condition que les Terriens acceptent leur offre. Alors le délégué français demanda quelles étaient les conditions pré-fédérables. Le porte-parole éleva entre les doigts de sa main droite un petit objet brillant d'où sortit une voix métallique. La voix annonça quelles étaient les conditions. Il fallait que le groupe humain soit capable de s'intégrer à son milieu sans que les modifications apportées à l'écologie de son environnement le rendent impropre à d'autres êtres vivants. Les humains devaient avoir créé des arts ne dépendant pas d'une motivation économique ou politique. Les humains ne devaient pas supprimer une autre vie sauf pour la protection directe de leur espèce ou pour les besoins naturels de leur propre survivance. Les humains devaient avoir établi un ordre social dans lequel aucun individu n'était affamé ou dépourvu d'abri et dans lequel tout être humain devait être responsable du bien-être de chacun. Le délégué des États-Unis répondit que son pays avait respecté tout ce qui venait d'être dit. Il s'interrompit devant le regard grave et pénétrant du visiteur. Le délégué de l'Union soviétique affirma que les humains devaient admettre les principes. Le délégué du Pakistan déclara que les principes n'étaient pas faciles à mettre en pratique quand l'hostilité vous environnait. Alors le porte-parole des visiteurs déclara que les principes n'étaient que de bonnes intentions et que les affamés, les blessés et les morts n'avaient que faire de bonnes intentions. Le délégué des États-Unis pensait à l'augmentation du nombre de chômeurs et semblait fébrile. Le délégué de l'Union soviétique songeait au décret de son Etat sur la nature des arts et semblait lui aussi très inquiet. Enfin, le secrétaire général de l'ONU déclara que si le porte-parole des visiteurs insistait sur l'interprétation littérale de ses stipulations alors il ne trouverait pas une seule nation sur la Terre capable de remplir ses conditions.

Mais le porte-parole des visiteurs répondit avoir découvert la civilisation des Bushmen qui répondait entièrement à ses conditions. Il y eut un moment de stupéfaction dans la salle. Le délégué du Ghana s'écria que les Bushmen n'étaient que des sauvages. Le porte-parole se tourna à moitié pour parler à ses amis qui émirent des bruits bizarres qui servaient de rire chez eux.

Le délégué du Canada affirma que les Bushmen n'avaient pas progressé technologiquement depuis 500 ans. Alors le porte-parole des visiteurs lui expliqua qu'il confondait progrès avec le changement. Le progrès était pour lui le fait d'être heureux et entièrement développé intellectuellement. Le délégué des États-Unis vanta le système de libre entreprise qui permettait aux habitants de son pays de connaître la sécurité. Alors le porte-parole des visiteurs déclara que la sécurité était le dernier des besoins car vivre impliquait d'être dans l'insécurité. Il ajouta que les Indiens d'Amérique avaient été privés de leurs terres et de leurs biens et vivaient maintenant dans la maladie et la pauvreté. Il ajouta que les Noirs ne pouvaient gagner convenablement leur vie aux États-Unis et ne pouvaient donc être satisfaits et comblés. Il y avait un halo bleu pâle entourant le visage du porte-parole qui devint de plus en plus prononcé et semblait lancer des étincelles. Un de ses compagnons se pencha en avant pour lui dire quelque chose avec vivacité. Le porte-parole garda le silence une minute et la teinte de son halo s'atténua. Après quoi, le porte-parole expliqua ce qu'était le progrès. C'était ce qu'il y avait dans son coeur. À ce moment-là, un homme jaillit du fond de la salle pour se lancer dans l'allée latérale en brandissant un pistolet. Il traita le porte-parole du visiteur d’Antéchrist mais fut désarmé par la sécurité. Le porte-parole déclara avoir oublié d'évoquer la religion mais estima qu'il valait mieux ne pas en parler. Il demanda aux représentants des Bushmen de s'avancer. Mais le secrétaire général de l'ONU, embarrassé, lui apprit que ces hommes de la brousse n'étaient pas représentés dans cette assemblée.

Le porte-parole comprenait ce que cela signifiait. Les Bushmen n'étaient pas assez nombreux ni assez riches pour pouvoir siéger à l'ONU. Alors il demanda on lui envoie une délégation des Bushmen au plus vite. Le délégué de la Grande-Bretagne protesta. Le porte-parole jeta un coup d'oeil à ses compagnons. Celui qui avait la peau laiteuse se leva lentement et leva le doigt vers l'assemblée. Il y eut un craquement sourd et l'air se remplit d'une odeur âcre. Aussitôt, tous les appareils de radio et de télévisions cessèrent de fonctionner, les lumières baissèrent et chacun dans la salle fut privé de mouvement. Toute la circulation extérieure fut bloquée tandis que les gens étaient tous frappés de paralysie totale. Les avions furent suspendus dans le ciel. Le porte-parole déclare regretter de devoir employer un moyen de coercition mais tant que l'ONU refuserait de faire venir les Bushmen, les visiteurs seraient obligés de maintenir les délégués en état d'immobilité.

Les délégués de l'ONU cédèrent. Certains étaient curieux de savoir quelle serait la manne cosmique dont les heureux aborigènes allaient être gratifiés. Cependant, des cabales commencèrent assourdir dans divers endroits du palais. Le délégué soviétique discuta avec celui de la Yougoslavie et de la Hongrie estimant qu'il était nécessaire d'établir le principe du droit des petites nations à se gouverner elles-mêmes et pour les protéger contre la mainmise des puissances colonialistes. Le délégué des États-Unis en fit de même avec la Grande-Bretagne et du Brésil avec la même idée. Le délégué français s'adressa à plusieurs délégués rentraient en manque ne songeait qu'à protéger le droit des petits pays de se gouverner eux-mêmes en empêchant l'exploitation des faibles et des impuissants par les puissants et les malintentionnés. Les visiteurs avaient maintenu leur ultimatum de 48 heures à une semaine. Une immense équipe de chercheurs partis chercher les Bushmen. Le monde entier suivait les nouvelles. Finalement plus d'un millier d'aborigènes furent cernés et par le biais d'un interprète on leur expliqua qu'ils devaient choisir des représentants pour aller voir des hommes d'un autre monde dont ils recevraient de riches présents.  Les  Bushmen choisirent des chasseurs expérimentés, de bons chanteurs et musiciens, des vieux chefs sages et de jeunes danseurs. Un seul homme très âgé nommé Tk’we resta debout. 1 083 voulurent partir. On voulut leur expliquer que ce n'était pas possible et qu'ils devaient choisir un délégué. Tk’we répondit que ce n'était pas tous les jours qu'ils avaient la chance de voir un dieu de leurs propres yeux et ils voulaient tous venir. Pas un homme ne voudrait laisser derrière lui femmes et enfant sans personne pour s'occuper d’eux. Ils voulaient partir tous ensemble pour s'encourager les uns les autres. Si on leur refusait ce droit alors ils resteraient chez eux. Alors le chef de la mission repensant au pouvoir des visiteurs accepta. Selon les directives du porte-parole des visiteurs, la salle des assemblées générales des Nations unies fut évacuée à l'exception du secrétaire général et de son interprète spécialisé dans les langues africaines. Les délégués furieux furent obligés de déménager dans d'autres salles de réunion pour suivre les débats par télévision et observer les 1083 hommes de la brousse.

Le porte-parole et ses compagnons faisaient face aux Bushmen. Le porte-parole s'adressa à eux dans leurs langues. Il leur expliqua qu'ils étaient venus des étoiles pour s'entretenir avec eux. Le porte-parole savait que les Bushmen circulaient paisiblement au milieu des lions et des abeilles en ne faisant de mal à personne et en prenant seulement ce qui leur était nécessaire. Il leur promit de leur donner ce qu'ils demanderaient. Il y eu un long silence. Finalement, Tk’we lui répondit qu'ils étaient satisfaits d'avoir volé dans le ciel pour le voir avec les autres dieux. À présent il voulait rentrer chez lui avec les siens. Alors le porte-parole, lui offrit la possibilité de porter de splendides vêtements, de guérir toutes les maladies, de voler eux-mêmes dans les airs et de parler aux autres hommes de très loin. Mais Tk’we haussa les épaules. Il voulait bien pouvoir guérir les maladies mais le reste de l'intéressait pas.

Il ne voulait pas ressembler aux autres hommes et les blancs viendraient leur chercher querelle. Il pensait que les visiteurs ne pouvaient pas lui rendre sa jeunesse mais il se réjouissait de regarder les enfants jouer et de regarder danser les jeunes gens. Cela lui suffisait et celui qui désirait davantage n'était encore qu'un enfant. Le porte-parole fit un signe à ses compagnons qui allèrent ouvrir les caisses qui avaient été installées dans la salle. Les visiteurs distribuèrent des paquets de lames de rasoir, des pipes, des couteaux de chasse, des boîtes de pansements, des paquets de tabac, du savon, du thé, du sucre et du sel. Il y avait aussi de la viande. Le porte-parole et ses compagnons sortirent du de la salle après avoir demandé au secrétaire général de l'ONU de veiller à ce que les espions de tous les pays se retirent. En effet, les espions avaient essayé de franchir le champ magnétique qui protégeait le vaisseau. Il souhaita bonne chance aux humains en déclarant que peut-être un jour ils réussiraient à parvenir le niveau des Bushmen. Le secrétaire général de l'ONU lui avait répondu demanda s'il savait que les Bushmen ne  réclameraient rien d'autre que de la nourriture. Le porte-parole acquiesça. C'était justement leur comportement qui les rendait pré-fédérable. Le secrétaire général, tenta de défendre sa civilisation en disant que les occidentaux pourraient profiter de la technologie des visiteurs mais le porte-parole le regarda. À ce moment-là, il ressemblait au vieux Tk’we en lui disant : « dommage, n'est-ce pas ? ». Après tout, il n’était lui-même qu'un être humain.

Pour servir l'homme (Damon Knight).

Les nuits avaient quelque chose de l'homme et quelque chose du cochon. C'était un choc de les voir pour la première fois et un handicap pour eux. Le narrateur ne savait pas à quoi les humains espéraient que ressemblent les visiteurs de l'espace. Peut-être était-ce la raison pour laquelle ils avaient été si horrifiés et dégoûtés quand les Kanamites arrivèrent sur Terre. Les Kanamites étaient petits et très velus. Et ils avaient de petits yeux et des mains épaisses ne comportant que trois doigts.  Ils portaient des harnais de cuir et des culottes courtes. Trois Kanamites s'étaient présentés à une session de l'ONU. Leurs oreilles plates retombaient par-dessus les écouteurs. Plus tard, ils apprirent toutes les langues humaines mais à cette époque, ils ne savaient que le français et l'anglais. Le narrateur appréciait leur humour et faisait partie de la minorité qui ne pensait pas que les Kanamites cherchaient à posséder les humains. Le délégué de l'Argentine se leva pour dire que son gouvernement était intéressé par la démonstration de l'énergie à bas prix que les Kanamites avait faite lors de la session précédente. Mais comme tous les délégués de l'ONU, il ne pouvait pas aller plus avant dans sa politique future sans un examen plus approfondi.

Le docteur Lévèque, délégué de la France, comme le délégué de l'Union soviétique précédemment, voulut savoir pourquoi les Kanamites offraient des cadeaux sans précédent en ne demandant rien en retour. Alors il soumit les Kanamites à une série de tests. Ils furent soumis à un détecteur de mensonges. Un premier test permit de mesurer l'efficacité du détecteur. Alors le docteur demanda à un Kanama comment il était venu sur la Terre. Le Kanama répondit qu'il était venu à pied. Les délégués de l'assemblée se mirent à rire. Le médecin reposa sa question et le Kanama répondit qu'il était venu en astronef. Les instruments ne sursautèrent pas. Le docteur s'adressa à l'assemblée pour dire que ses collègues et lui-même étaient assurés que le mécanisme était efficace. Alors il demanda quel était le motif des Kanamites à faire de si grands dons aux Terriens. Le Kanama se leva et répondit en anglais : « sur ma planète, nous avons un proverbe : « il y a plus de mystères dans une pierre que dans le crâne d'un philosophe ». Il ajouta que sa mission sur la planète Terre était d'apporter la paix et l'abondance que les Kanamites avaient déjà apportées à d'autres espèces dans toute la galaxie.

Ils ne cherchaient comme récompense que la fin des souffrances inutiles. Les aiguilles n'avaient pas bougé du tout.

Peter, le narrateur, discuta avec Gregori qui comme lui était traducteur. Gregori lui dit qu'on ne pouvait avoir confiance à une chose qui avait l'air d'avoir dévoré un bébé.

Le lendemain, des rapports parvinrent de laboratoires partout dans le monde. L'énergie des Kanamites avait été testée. Il semblait que les petites boîtes de métal fournies par les Kanamites pouvaient donner plus d'énergie électrique qu'une pile atomique presque éternellement. Elles étaient si bons marchés à manufacturer que n'importe qui au monde pourrait en posséder une. 17 pays s'étaient déjà lancés dans la construction d'usines pour fabriquer ces boîtes.

Le lendemain, les Kanamites se présentèrent avec les plans ainsi que des spécimens d'un appareil qui pouvait accroître la fatalité de n'importe quelle terre. Le surlendemain, ils lâchèrent leur bombe. Ils offraient un troisième cadeau. Le Kanama montra devant les caméras de télévision du monde entier un appareil capable d'empêcher tout explosif de détonner. Ainsi, il n'y aurait plus de guerre. Mais cela provoqua également l'impossibilité pour les moteurs de fonctionner. Plus personne ne pensa jamais aux expériences de détecteur de mensonges ni ne demanda aux Kanamites ce qu'était leur politique. Gregori fut renvoyé. Il n'avait rien trouvé qui prouvait ce qu'il avait soupçonné. Peter quitta son travail à l'ONU quelques mois plus tard parce qu'il pensait que l'ONU allait mourir de toute manière. Il accepta une situation de traducteur à l'ambassade kanamite. Il y rencontra Gregori qui était fasciné par les Kanamites. Il voulait savoir pourquoi les Kanamites n'avaient jamais voulu donner le motif de leur présence. Il pensait qu'il n'existait rien ne pouvant ressembler à l'altruisme complètement désintéressé. Il était persuadé que les Kanamites avaient quelque chose à gagner. Il voulait donc les espionner. Il avait voulu faire partie d'un des groupes d'échange pour 10 ans sur leur planète mais le quota était déjà rempli. Il avait appris leur langue. Un an plus tard, il avait réussi à se procurer un livre des Kanamites. Ils écrivaient avec des idéogrammes plus compliqués que ceux des Chinois. Il demanda de l'aide à Peter. Ils avaient volé un dictionnaire extrêmement succinct anglais- kanamite publié à l'usage des employés. Et ils avaient réussi à traduire le titre du dictionnaire en quelques semaines. Cela signifiait « pour servir l'homme ». Il arrivait de nouveaux Kanamites tous les mois. Ils ouvraient des laboratoires de recherche, des cliniques. À présent, il n'y avait plus d'armée, plus de disette et plus de chômage. Il travaillait sur la biochimie humaine pour rendre l'espèce humaine plus grande, plus saine et plus forte. Peter prit une quinzaine de jours de vacances pour aller au Canada. À son retour, Gregori avait changé dans son attitude. Il venait d'être inscrit sur la liste des passagers pour le prochain astronef d'échange. Peter l'était aussi. Gregori lui dit que les Kanamites n'étaient pas des altruistes. Les Kanamites avait dit la vérité quand ils avaient été soumis au détecteur de mensonges. Mais seulement sur ce qu'on leur demandait. Gregori avait découvert que « Pour servir l'homme » était un livre de cuisine.

Les arriérés (Poul Anderson)

Joe Husting avait peut-être pilote de fusées quand il était enfant. Par la suite, il opta pour la psychologie et se spécialisa dans l'abus de confiance. Il entra dans un bar à la recherche d'un pigeon et regarda la télévision. L'astronef des Galactiques venaient d'arriver sur Terre. Le commandant du vaisseau était en conférence avec le secrétaire général des Nations unies. Les galactiques avaient échangé leurs cargaisons d'uranium contre quelques milliards de dollars qu’ils avaient l'intention de dépenser comme n'importe quel touriste. Les galactiques étaient civilisés depuis 1 million d'années. La Terre était devenue une planète membre de la fédération galactique. Joe était heureux de vivre en cette année où tout pouvait se produire. Il entendit des agitations provenant de la rue alors il sortit du bar pour voir. Un type mal vêtu se précipita vers la foule. Il annonça que des galactiques venaient d'arriver dans le quartier et avait dépensé pour 1 million de dollars de marchandises. Joe se fraya un chemin dans la foule. Il remarqua qu'un champ de force invisible retenait les New-Yorkais. Il y avait sept membres de l'équipage de l'astronef. Ils étaient grands, puissants, aussi beau qu'on pouvait l'imaginer. Ils avaient dû acheter tout ce qu'il y avait de plus voyant comme des bijoux et des fourrures. Ils portaient des tuniques et des brodequins bleus étincelants ainsi que des ceintures métalliques. Les galactiques souriaient aux Terriens qui grouillaient autour d'eux. Joe avait envie de leur parler. Le secrétaire général des Nations unies jouissait de certaines prérogatives et il s'en était servi pour accueillir la mission galactique. Il avait organisé une conférence privée avec le commandant Hurdgo. Le secrétaire général proposa un cigare au commandant. Le commandant accepta en précisant qu'il connaissait le tabac car les mêmes plantes poussaient sur toutes les planètes semblables à la Terre. Le secrétaire général était surpris que la même évolution se soit produite par tout l'univers. Le commandant promit au secrétaire général de lui montrer les machines qu'ils fabriquaient sur sa planète et de mettre les Terriens à la page. Le commandant ajouta que cela permettrait à son peuple de faire du commerce avec les Terriens. Le secrétaire général demanda que les conditions légales pour appartenir à la Fédération galactique soient indiquées. Le commandant expliqua que si les Terriens avaient des problèmes, ils pourraient les exposer à un groupe d'experts qui ferait payer pour le service rendu. Le commandant regarda par la fenêtre les tours arrogantes de New York. C'était la plus grande ville qu'il avait jamais vue et il ne comprenait pas comment on pouvait diriger cette ville. Le commandant expliqua au secrétaire général que son peuple avait décidé il y a bien longtemps de ne pas laisser les nouvelles planètes s'élancer à la conquête de l'espace sans prévenir qui que ce soit. Ils avaient donc placé des détecteurs dans toute la galaxie. Quand ces détecteurs envoyaient un signal alors un astronef était chargé de contacter la nouvelle race et de lui expliquer la musique. Les Terriens venaient d'inventer un moteur plus rapide que la lumière et c'était ce qui avait déclenché les détecteurs. Hurdgo était rassuré par le fait que les Terriens ne se faisaient plus la guerre. Il y avait toutefois des habitudes étranges que le commandant ne comprenait pas. Alors le secrétaire général demanda ce qui serait arrivé si la Terre n'avait pas été approuvée par la Fédération galactique. Le commandant répondit qu'un astronef de police aurait réduit en poussière la planète Terre. Il ne fallait pas laisser vivre des gens capables de provoquer une guerre.

Joe avait réussi à discuter avec un Spacien et à lui demander de couper le champ de force pour pouvoir entrer. Le Spacien qui l'avait accueilli s'appelait Gilgrath. Il était content de pouvoir parler avec un Terrien car jusqu'à présent dans toutes les autres planètes qu'ils avaient visité tout le monde s'était approché et leur avait dit bonjour, leur avait payé à boire. Sauf sur la planète Terre. Joe lui expliqua que les Terriens avaient simplement peur de parler aux extraterrestres. Joe expliqua à Gil et ses amis qu'ils ne pourraient jamais s'amuser sur Terre tant que l'on saurait qu'ils étaient des Galactiques. Il avait une idée à leur proposer.

John Joseph , O’Reilly cardinal archevêque de New York avait des amis dans les plus hautes sphères aussi bien que dans la pègre. Il n'éprouva aucun scrupule à faire agir des relations pour arranger une rencontre avec le chapelain du vaisseau spatial. Il reçut chez lui le prêtre venu des étoiles. Thyrkna était vêtu de l'uniforme traditionnel à jupe bleue et avait les cheveux blancs. Le cardinal lui offrit un verre de porto. Il lui demanda quel était le titre qu'on lui donnait sur sa planète. Thyrkna répondit qu'il n'en avait pas. Il lui expliqua que lui et  les siens avaient pu apprendre les langues terriennes en écoutant les radios de la planète Terre. Il leur suffisait d'écouter en dormant pour connaître une langue à leur réveil. Le cardinal lui dit qu'il plaçait de grands espoirs dans l'éducateur électronique des Galactiques pour élever le niveau culturel de l'homme de la rue. Thykna avait l'air étonné. Le cardinal lui dit que le fait que les Galactiques soient humains était une confirmation miraculeuse de la volonté de Dieu. Il voulait connaître la forme précise de la croyance de Thykna. Celui-ci lui répondit qu'il n'était que quartier-maître et son rôle était de tuer les latins pour nourrir les dieux et c'était tout. Ce sacrifice fit comprendre au cardinal que les Galactiques étaient encore des païens. Thykna demanda si le cardinal avait la télé car il voulait voir La Vie secrète de John.

Joe avait passé la nuit à boire avec les galactiques chez lui. Gil lui donna un remède qui élimina aussitôt sa gueule de bois. Joe se dit que ce remède pourrait lui rapporter une fortune. Mais pour cela il fallait qu'il se procure un flacon avant que les galactiques le fournissent aux autres Terriens. Gil amena les autres Galactiques et réclama un petit déjeuner. Joe les conduisit dans la rue. Il discuta avec eux dans un café. Il leur demanda s'ils étaient plus intelligents que la moyenne pour être sélectionnés parmi les explorateurs. Col le lui confirma. Le quotient intellectuel de l'humanité terrienne était d'environ de 100. Les plus grands génies de la Terre avaient un quotient intellectuel de 200. Joe pensait que les hommes préhistoriques ne devaient pas avoir plus de 60. Il pensait que ce n'était qu'un caprice de la mutation qui avait rendu le Terrien si intelligent. Si le quotient intellectuel moyen des galactiques était de 75 et que celui de leurs génies s'élevait à 150… Après le petit déjeuner, il emmena avec lui les émissaires galactiques. Un quart d'heure plus tard, il leur avait vendu le pont de Brooklyn.

Les escargots de Bételgeuse (William Tenn).

 

Un astronef s'était posé devant Baltimore. La police militaire avait établi un cordon impénétrable autour de l'endroit. Le congrès avait été convoqué d'urgence. Trowson, un professeur de sociologie avait été appelé en consultation. Les extraterrestres ressemblaient à des troncs verdâtres et visqueux en forme de cône. On aurait dit des escargots. Trowson avait convoqué des scientifiques pour essayer de comprendre cette civilisation extraterrestre. Les extraterrestres n'avaient eu besoin que de deux heures pour apprendre l'anglais alors que le docteur Warbury n'avait pas pu identifier un seul de leurs vocables en trois jours. Dick était un publicitaire de premier plan. Il avait été convoqué pour assurer le comité d'accueil pour les extraterrestres. Trowson savait qu'il faudrait convoquer un sommet mondial au niveau le plus élevé. Il fallait donc éviter que des hordes superstitieuses et une foule hystérique de journalistes s'en prennent aux extraterrestres. Il fallait leur donner l'impression que les Terriens étaient une race aimable, intelligente et avec laquelle on pouvait avoir des rapports à peu près corrects. Trowson voulait que Dick s'occupe de l'aspect relations publiques de cette affaire. Un sous-secrétaire d'État présenta Dick aux extraterrestres. Dick tendit la main à son interlocuteur extraterrestre. Il lui demanda si les extraterrestres étaient venus en ambassadeurs ou en explorateurs. Son interlocuteur lui répondit qu'ils étaient l'un et l'autre. Un second extraterrestre se présenta et dit à Dick qu'il pourrait compter sur leur totale obéissance.

Dick travailla avec les extraterrestres avec plaisir. Ils étaient dociles. Mais il ne réussit pas à obtenir des réponses claires à ses questions. Le gouvernement accorda à Dick un mois pour préparer le lancement de la campagne et préliminaire. Trowson l’aida à recruter l'équipe qui serait chargée de la rédaction des articles scientifiques. Les journaux déversèrent des études sur les escargots et il y eut un boom sur les eaux minérales et les pilules vitaminées. Mais il n'y eut aucune allusion à la réalité des faits. Un chroniqueur avait fait allusion à des soucoupes volantes mais il accepta de se laisser convaincre de renoncer à évoquer ce genre de sujet après une demi-heure de discussion animée dans une salle désaffectée d'un commissariat.

Dick travailla avec 14 des meilleurs producteurs des États-Unis pour préparer une émission de télévision. Des marionnettes escargots avaient été fabriquées. Elles portaient les noms d’Andy et Dandy. On fabriqua des poupées à leur effigie ainsi que des décalcomanies. Après quoi, la presse fut autorisée à parler des extraterrestres. Le New York Times titra les véritables Andy et Dandy sont arrivés de Bételgeuse. Les extraterrestres furent reçus par la ville de New York ainsi qu'à Chicago. Les actualités immortalisèrent leur image un peu partout. Dans le pays, c'était le délire. Mais l'assemblée générale des Nations unies avait accusé les États-Unis de négocier un traité d'alliance secrète avec des agresseurs extraterrestres. Pourtant, Trowson et son équipe n'avait pas réussi à obtenir des informations importantes au bout de quatre mois d'interrogatoire avec les extraterrestres. Trowson se demandait pourquoi les extraterrestres autorisaient les humains à examiner librement leur vaisseau et pourquoi ils répondaient sérieusement à chacune de leurs questions.

Dick resta en contact avec ses homologues dans divers autres pays. Partout, c'était la même chose. On leur décerna sur la Place rouge les décorations qui venaient d'être créées spécialement pour les extraterrestres. Les extraterrestres se lancèrent dans un long dithyrambe sur la valeur scientifique du gouvernement communiste. Ce qui leur valut des acclamations.

Quand ils furent reçus à Paris, les extraterrestres montrèrent leur admiration pour la toute dernière sculpture abstraite qu’ils achetèrent en offrant un gadget pas plus gros que le pouce capable de faire fondre le marbre, et de lui conférer par simple contact les diaprures les plus subtiles. Une demi-douzaine de chercheurs français eurent une dépression nerveuse après avoir vainement essayé pendant une semaine de comprendre les principes sur lesquels fonctionnaient cet outil. Bien que le public se soit désormais accoutumé aux extraterrestres, ils continuèrent de faire là une des quotidiens.

Les extraterrestres furent invités dans une émission de télévision. Ils évoquèrent un revitaliseur capable d'éviter toutes maladies dégénératives. Ce procédé leur permettait de multiplier par cinq leur espérance de vie. Cela eut l'effet d'une bombe. À l'ONU, on demanda aux extraterrestres pourquoi ils n'avaient pas fait allusion plutôt au revitaliseur. Ils répondirent que personne ne leur avait jamais posé la question. Mais ils expliquèrent que ces machines n'étaient pas destinées à l'exportation. On en fabriquait juste assez pour subvenir aux besoins de la population. Les Nations unies étaient prêtes à leur offrir n'importe quoi en échange du revitaliseur. Alors les visiteurs restèrent près de six jours cloîtrés dans leur vaisseau pendant que le monde devenait presque fou d'impatience. Les extraterrestres sortirent de leur conclave avec une proposition. Leur planète subissait une pénurie de minéraux radioactifs. Ils étaient prêts à offrir des revitaliseurs en échange d'éléments radioactifs. Ils voulaient la totalité des éléments radioactifs de la planète Terre.

Il n'y eut aucune protestation. Les Terriens acceptèrent la transaction. Même si quelques savants atomistes hurlèrent comme des putois, les peuples de la Terre crièrent plus fort. Les extraterrestres indiquèrent les zones où il fallait creuser, y compris dans des régions dont personne n'avait jamais soupçonné qu'elles pouvaient contenir des minéraux radioactifs. Ce Ils donnèrent également les plans fantastiques de machines destinées à extraire le minerai et ils apprirent aux humains à s'en servir. Les extraterrestres repartirent pour Bételgeuse pour honorer leur part du contrat. Pendant deux ans, les humains travaillèrent à extraire le minerai radioactif. Andy et Dandy revinrent à bord de deux gigantesques astronefs manoeuvrés par un équipage de robots. Les robots déchargèrent les revitaliseurs et embarquèrent les éléments radioactifs raffinés. Grâce aux revitaliseurs, le cancer disparut. Les maladies cardio-vasculaires furent immédiatement jugulées. Trowson se pensait capable d'étudier le mystère des revitaliseurs. Les extraterrestres s'en allèrent. Six semaines après leur départ, les revitaliseurs tombèrent en panne.

On finit par savoir quelle était la source d'énergie des revitaliseurs. C'était des éléments radioactifs. Dick comprit que c'était pour leur propre revitaliseurs que les extraterrestres avaient besoin de minerai radioactif. Les humains avaient été escroqués. Pour peu que son nom soit mêlé à cette catastrophe, Dick voyait ce qu’allaient devenir ses relations avec le public. Trowson pensait que c'était sur lui que tout allait retomber. En tant que sociologue, il aurait dû se rendre compte que le vaisseau des extraterrestres était beaucoup trop stylisé pour être le produit technologique d'une civilisation jeune et dynamique. Ce ne pouvait être le vaisseau que d'une race décadente. Il ne leur restait qu'une chose à faire : se lancer dans les travaux de recherche nécessaires. Ils réussirent à élaborer des radios-éléments artificiels pour recharger les revitaliseurs. Ils réussirent à armer un navire interstellaire. Ils avaient décidé de se venger en allant sur la planète des escargots pour leur faire croire que le stock d'éléments radioactifs qu'ils avaient volés ne seraient pas éternels. Ils espéraient pouvoir soutirer aux extraterrestres d'autres technologies. Ils avaient l'intention de venir toucher les dividendes.

Le tout et la partie (William Tenn)

Un extraterrestre envoya un message rapide à son ami Hoy. Il se plaignait des Terriens. Les Terriens étaient suffisamment avancés pour avoir presque atteint le stade de 15 (déplacement interplanétaire) mais ils étaient encore à des siècles de distance du stade généralement existant, le stade 15-A (contacts amicaux avec la civilisation galactique). Les Terriens étaient donc encore sous surveillance secrète. Le narrateur devait maintenir sur la planète Terre une équipe de quelque 200 agents enfermés dans une enveloppe protoplasmique pour empêcher les Terriens de sauter avant d'atteindre leur maturité spirituelle.

Depuis que les Terriens avaient découvert la fission de l'atome, le narrateur avait doublé le nombre de ses agents avec comme consigne rigoureuse de signaler immédiatement le moindre progrès techniques qu’ils seraient amenés à constater. Cela lui avait coûté une promotion.

Les ennuis du narrateur avaient commencé avec la planète Gtet qui venait de parvenir au stade 19 (citoyenneté interstellaire au premier degré). Les habitants de cette planète étaient d'une race amiboïde hautement individualiste et souffrant de nombreux traumatismes inhérents à la centralisation sociale. Les habitants de cette planète considéraient la loi non pas comme une règle de vie mais comme un obstacle qu'il convenait de tourner.

L’payr était l'un des pires trublions de Gtet. Il avait violé à peu près toutes les lois existantes. Il était passible de la prison à vie. Il s'était efforcé de se détourner de la vie publique et de se consacrer à la méditation et aux bonnes oeuvres mais il était trop tard. Puis, il se rendit coupable d'un nouveau crime, d'un crime majeur. C'était un tel attentat à la morale et au droit commun que la communauté tout entière se détourna de son auteur.

Il avait été surpris en train de vendre des images pornographiques à de jeunes Gtetiens. Plus son procès approchait et plus grandissait la certitude que son compte était bon. Il ne lui restait plus qu'un seul espoir : l'évasion.

Il réussit à s'enfuir de sa prison. Il monta dans un vaisseau interstellaire de la flotte marchande. Mais il ignorait que le vaisseau était muni d'un transmetteur grâce auquel la tour de contrôle était informée en permanence de sa localisation.

Une centaine de miliciens se jetèrent à sa poursuite dans des tacos démodés à propulsion classique. Après un mois de fouilles dans l'espace, ils renoncèrent et rentrèrent au port.

L’payr chercha à se réfugier en un lieu primitif et insignifiant de la galaxie. C'est ainsi qu'il se retrouva sur la planète Terre. L'atterrissage eut lieu de nuit, moteurs coupés, de sorte que personne n'en fut témoin. Il espérait obtenir l'assistance des indigènes. Il choisit un terrain vague dans les faubourgs de Chicago et se hâta de dissimuler son vaisseau. Le narrateur fut averti, en tant qu'officier responsable de la patrouille galactique. On lui indiqua la cachette de L’payr. Mais le narrateur ne pouvait procéder à son extradition car L’payr n'avait commis aucun crime de caractère interstellaire. Tant que L’payr s'abstiendrait de mettre les humains au courant de l'existence d'une civilisation extraterrestre supérieure et d'apporter quelque chose de neuf à la technologie terrienne, il ne pourrait pas être arrêté. Les Gtetiens avertirent le narrateur que tôt ou tard les tendances criminelles de L’payr se manifesteraient.

Pour pouvoir quitter la terre, il serait obligé de commettre un délit. Il serait donc extradé sur Gtet. Le narrateur avertit tous ses agents affectés sur le continent nord-américain. L’payr avait capté la conversation du narrateur grâce à son récepteur de bord et naturellement il avait débranché la balise directionnelle qui avait permis à la police de le localiser. Il s'installa dans un îlot insalubre pratiquement inhabité. Il se mit à réfléchir à son problème. L’payr était pressé par le temps et ses ressources étaient quasiment nulles. Il savait que des agents étaient à sa poursuite et attendaient qu'il commette une infraction minime. Il ne lui restait qu'un seul espoir : faire un troc. Il devait trouver un Terrien pour lui proposer quelque chose contre la quantité de carburant nécessaire pour que le vaisseau puisse rallier un coin perdu du cosmos moins surveillé par la police. Mais il ne devait fournir aucun stimulant technologique aux habitants de la Terre. Il finit par trouver la solution de son problème. Il s'agissait tout simplement de l'instrument même de son dernier crime !

En vertu du droit gtetien, les pièces à conviction demeuraient en possession de l'inculpé jusqu'au procès. L’payr était capable de pratiquer une forme extrêmement grossière de télépathie. Il entreprit avec l'énergie du désespoir de sonder l'esprit de tous les Terriens qui se trouvaient dans un rayon de trois blocs. Les jours passèrent et L’payr commençait à avoir faim.

Mais un soir, alors qu'il était presque décidé à risquer le tout pour le tout et à voler le carburant dont il avait besoin, il capta les pensées d'un passant. C'était un humain qui pouvait lui procurer le carburant. Cet humain était de plus amateur potentiel de littérature pornographique gtetienne ! Il s'appelait M. Osborne Blatch. C'était un professeur. Il avait rencontré L’Payr dans la rue après une réunion des professeurs. Il avait compris immédiatement que la créature devant lui était un extraterrestre. Mais il lui manquait des indices d'ordre technique pour étayer cette conviction. Il n'y avait donc aucune infraction punissable par la loi en ce qui concernait L’Payr. Le professeur se rappela un voyage qu'il avait effectué à Paris et où un petit français lui avait aussi fait des propositions dans la rue. L’Payr avait capté les pensées de son interlocuteur et avait immédiatement pris l'accent français. Il lui montra des photos pornos. L’Payr avait pris ces photos lui-même et le modèle était son propre frère ou sa propre soeur. Le professeur accepta d'acheter les photos. L’Payr lui demanda des produits chimiques en échange. Le professeur pouvait se les procurer dans le laboratoire du collège où il enseignait. L’Payr lui expliqua comment il voulait que ces ingrédients soient préparés et lui recommanda de ne rien dire sur leur marché. Mais le professeur espérait bien apprendre de quelle partie du système solaire son visiteur était originaire et à quoi ressemblait son monde natal. L’Payr abusa de la crédulité de son client en lui disant de revenir la nuit suivante pour discuter à loisir de l'univers. Évidemment, L’Payr s'enfuit aussi vite qu'il put.

Quand l'officier opérationnel fut informé que L’Payr avait quitté la Terre sans avoir laissé de traces technologiques de son passage il fut soulagé. Le dossier qui était classé priorité absolue glissa dans la catégorie affaire courantes.

Le narrateur cessa donc de s'occuper directement de cette affaire qu’il confia à son régent et représentant sur Terre, le caporal stellaire Pah-Chi-Luh. Le narrateur s'occupa de sa tâche principale : retarder le développement du voyage interplanétaire jusqu'au moment où les diverses sociétés humaines auraient atteint le niveau de maturité requis.

Six mois plus tard, le scandale éclata. Pah-Chi-Luh prit les choses en main. Il se résolut à faire appel au narrateur lorsque les complications étaient devenues inextricables. À ce moment-là, le narrateur et ses collaborateurs étaient préoccupés par un mystique musulman résidant en Arabie Saoudite qui avait tenté d'effacer le vieux schisme opposant les chiites aux sunnites en communion avec l'esprit du gendre de Mahomet. Il entra accidentellement en contact avec une civilisation de Ganymède. Ce fut une véritable révolution sur Ganymède comme en Arabie Saoudite. Les pèlerins affluèrent aux deux extrémités de la chaîne télépathique et des miracles prodigieux avaient lieu chaque jour.

Pah-Chi-Luh avait essayé d'interdire aux deux communautés de prendre conscience de l'existence d'êtres plus rationnels. Le travail de la Patrouille était que rien n'accélérait autant l'accession des peuples arriérés à la notion du voyage spatial que la certitude qu'ils avaient des voisins célestes intelligents. Pah-Chi-Luh avait découvert des manuels scolaires contenant de la pornographie gtetienne. Il exerçait des fonctions d'enquêteurs au titre d'une commission du Congrès des États-Unis. C'était sa couverture depuis une dizaine d'années. Cela avait permis diverses actions de retardement sur le continent nord-américain. Pah-Chi-Luh avait découvert un livre de biologie à l'usage des écoles secondaires contenant des documents pornographiques à l'usage des Terriens mineurs. Alors il déclencha le système d'alerte galactique général. La consigne était d'appréhender L’Payr. L’Payr avait commencé une vie nouvelle comme producteur d'ashkebac sur un petit monde calme à l'écart des grands axes de communication. Ses affaires prospéraient au moment de son arrestation. Il fut incarcéré sur Pluton pour y attendre l'arrivée de la commission rogatoire gtetienne chargée de procéder à son extradition. Pah-Chi-Luh lui montra les manuels scolaires avec les photos pornographiques. L’Payr répondit que les humains avaient encore une longue route à parcourir en découvrant les médiocres reproductions photographiques. Il nia être responsable de ces reproductions. L'auteur du manuel était Osborne Blatch. Pah-Chi-Luh lui dit qu'il savait parfaitement dans quelles conditions il avait effectué un marché avec Blatch. Mais L’Payr avait une brillante carrière de criminel vivant en marge de la loi ce qui l'avait préparé à ce duel avec Pah-Chi-Luh. Pah-Chi-Luh était pris au dépourvu. La police de Rugh VI avait eu maintes fois affaire avec L’payr devant les tribunaux gtetiens, n'avait rien voulu laisser au hasard et avait envoyé les juristes les plus qualifiés de la planète. Les membres de la commission étaient bien décidés à ne pas repartir les pseudopodes vides. Il leur fallait faire reconnaître la légalité de l'arrestation de L’payr . Finalement, exténué, Pah-Chi-Luh alla trouver les commissaires pour les informer que, tout bien réfléchi, il considérait que L’payr ne s'était rendu coupable d'aucun crime lors de son passage sur la Terre.

L’payr affirma que c'était Blatch le véritable auteur du crime. Alors Pah-Chi-Luh ordonna l'arrestation du professeur. Blatch fut gardé à vue à titre de témoin matériel. Mais Pah-Chi-Luh commit une nouvelle bévue en enfermant Blatch dans une cellule voisine de celle de L’payr. Lorsque que Pah-Chi-Luh fit subir à Blatch son premier interrogatoire, le professeur avait déjà été préparé par son compagnon de captivité. Il affirma que les photos qu'il avait achetées à L’payr étaient un présent des dieux sur le cycle de reproduction de l'amibe. Il pensait pouvoir instruire les élèves avec ces photos. Il assura que par un de ses étudiants n'avait éprouvé une émotion érotique en regardant les reproductions. De plus, ces reproductions avaient recueilli les éloges des autorités pédagogiques et scientifiques du pays. En désespoir de cause, Pah-Chi-Luh fit appel au narrateur. Celui-ci en avait terminé avec l'affaire de l'Arabie Saoudite et de Ganymède car les plus éminents docteurs de la foi de la région avaient rallié l'une ou l'autre thèse en présence et passaient leur temps à citer le Coran et le livre saint des sunnites. Le mystique en oublia ses projets originaux et le contact mental avec Ganymède. Le narrateur eut une conférence avec la commission gtetienne qui avait reçu des instructions de son gouvernement. Le gouvernement gtetien exigeait que le prisonnier lui soit remis. Blatch avait été instruit par L’payr de ses droits et exigea sa libération. Le narrateur accusa L’payr d’avoir violé le secret galactique mais celui-ci prétendit que ce n'était pas de sa faute mais de celle des propres services du narrateur. En effet, lui et le professeur avaient bien été obligés de préparer leur défense puisque le professeur était le seul témoin oculaire existant de son affaire. Le narrateur mit au courant le caporal Pah-Chi-Luh de ces derniers développements. Il était d'accord avec la commission : il fallait qu'un crime ait été commis. Il voulait donc extrader L’payr sur Gtet. Il ne resterait plus qu'un problème à régler celui du professeur Blatch. Il conseilla au caporal Pah-Chi-Luh d'installer son lit dans la bibliothèque juridique pour trouver de quoi pouvait être accusé L’payr. Pah-Chi-Luh retourna sur Terre déguisé en chef de fabrication. Il trouva un emploi dans la maison d'édition qui avait publié le fameux manuel de biologie. Les photographies originales étaient encore dans les archives. Il  put faire examiner les clichés. Les photos avaient été fabriquées avec un matériau employé sur Gtet mais que l'humanité ne devait pas découvrir avant au moins trois siècles. Du jour au lendemain, les Américaines se mirent à porter des combinaisons dans ce matériau. L’payr était donc responsable de cette innovation technique illégale. Il reconnut ses torts. Mais quand le narrateur voulut remettre L’payr à ses congénères, il faillit tomber à la renverse. Dans la cellule, il y avait deux L’payr. Il s'était divisé. Blatch lui avait fait passer clandestinement de lourds nécessaires à sa reproduction.

L’payr était mort en couche. Il avait donc payé ses crimes. Le narrateur devait payer son échec en se rendant dans le trou noir de la constellation du Cygne.

La guerre des mondes (Howard Koch).

La CBS présente Orson Welles et le Mercury Theatre dans une pièce radiophonique de Howard Koch inspiré du roman de H. G. Wells, la guerre des mondes.

Orson Welles prétend que dans les premières années du XXe siècle la terre était observée de près par des créatures d'une intelligence bien supérieure à ceux de l'humain. Les extraterrestres préparaient notre perte. En 1938, nous perdîmes nos illusions. Le 30 octobre 1938, 32 millions de personnes écoutaient la radio. Les programmes furent interrompus pour diffuser un communiqué spécial de l'Agence Intercontinental Radio News. À 19:40, le professeur Farell de l'observatoire de Mount Jennings à Chicago signala avoir observé plusieurs explosions de gaz incandescents sur la planète Mars. C'était de l'hydrogène qui se dirigeait vers la Terre à une vitesse extrêmement élevée. Le professeur Pierson, de l'observatoire de Princeton, confirma les observations de Farell.

Orson Welles annonça que les services météorologiques du gouvernement fédéral avaient demandé aux principaux observatoires du pays de surveiller les phénomènes se produisant sur la planète Mars. Une interview avec le professeur Pierson allait être diffusée. Le professeur Pierson était en train d'observer le ciel sans relâche. Carl Philipps lui posa des questions. Pierson expliqua au journaliste que la planète Mars se trouvait au point de son orbite le plus rapproché de la Terre. Le journaliste lui demanda si la planète Mars était habitée. Le professeur répondit qu’il y avait une chance sur 1000 pour que ce soit le cas. Mais il n'avait aucune explication à proposer à propos des émissions de gaz provenant de Mars. Le journaliste lui demanda la distance entre la Terre et Mars. Le professeur répondit qu'il y avait 60 millions de kilomètres entre les deux planètes. Le professeur reçut un message et autorisa le journaliste à en donner connaissance aux auditeurs. Le message provenait du professeur Gray, du muséum d'histoire naturelle de New York. Il annonçait que son sismographe venait d'enregistrer une secousse de forte intensité dont l'épicentre se situait dans un rayon de 30 km autour de Princeton. Le professeur Pierson pensait qu'il devait s'agir d'une météorite sans aucun rapport avec la planète Mars.

Orson Welles annonça qu'un professeur de l'université Mc Gill au Canada avait observé trois explosions sur la planète Mars. Dans le New Jersey, à 20:50, un objet incandescent de grande taille était tombé sur une ferme. La lumière émise par l'objet était visible à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde.

Le journaliste Phillips s'était rendu dans le New Jersey pour donner plus d'informations. Il ne pensait pas que l'objet était une météorite. Cela ressemblait plutôt à un immense cylindre. Il était d'un blanc jaunâtre. La police repoussa la foule autour de l'objet. M. Wilmuth, le propriétaire de la ferme, expliqua qu'il était en train d'écouter la radio quand il entendit une sorte de sifflement. Puis il vit une sorte de traînée verdâtre et quelque chose tomba dans son jardin. Phillips annonça aux auditeurs qu'un curieux bourdonnement émanait du cylindre.

Le professeur Pierson était également sur place. Il pensait que le cylindre était manifestement extraterrestre. Tout à coup, l'extrémité de l'objet commença à se détacher.

Un extraterrestre sortit de l'engin. La foule se mit à crier. Le Martien avait la taille d'un ours et son corps ressemblait à du cuir mouillé. Il avait des yeux noirs qui brillaient comme ceux d'un serpent. Sa bouche était en forme de V. Les badauds s'enfuirent.

Phillips s'éloigna puis reprit la description à l'abri. Un nouveau détachement de police venait d'arriver. Le professeur Pierson étudiait l'engin. Des policiers agitaient le drapeau blanc. Mais ils furent tués par un rayon émanant de l'engin.

Orson Welles annonça aux auditeurs qu’en raison des circonstances le programme ne pouvait être poursuivi en direct depuis la ferme de Grovers Mill. Il annonça que le professeur Indellkoffer avait déclaré au dîner de la Société d'Astronomie de Californie que les explosions observées sur Mars n'étaient rien d'autre que les manifestations d'importants phénomènes volcaniques à la surface de la planète. Puis, Orson Welles annonça que 40 personnes dont six policiers avaient été tuées à Grovers Mill. Le général de brigade Montgomery Smith du New Jersey allait faire une déclaration. Le général déclara que le gouverneur du New Jersey venait d'instaurer la loi martiale dans plusieurs comtés.

Orson Welles annonça que les Martiens avaient regagné leur engin et ne s'étaient pas opposés aux efforts des pompiers pour récupérer les corps et éteindre les flammes. Puis le professeur Pierson put prendre contact avec la radio. Il décrivit le rayon utilisé par les martiens qui lui permettait d'affirmer que ceux-ci disposaient de connaissances scientifiques bien en avance sur celle des Terriens. Orson Welles annonça que le corps de Carl Philipps avait été identifié. À présent, tout était calme aux abords du cratère et aucun signe de vie n'était visible dans le cylindre. Le vice préside Harry McDonald, chargé de coordonner les opérations annonça que la milice de Trenton réquisitionnait le réseau de radiodiffusion. Le capitaine Lansind déclara que l'armée maîtrisait la situation et que l'engin était entouré par huit bataillons d'infanterie. Mais les Martiens venaient de sortir une sorte de bouclier de leur engin.

Orson Welles annonça aux auditeurs que les observations scientifiques et les témoignages directs le contraignaient à supposer que les êtres étranges qui avaient atterri cette nuit dans la campagne du New Jersey constituaient l'avant-garde d'une armée d'invasion venue de la planète Mars. 7000 hommes armés de fusils et de mitrailleuses avaient affronté une unique machine de guerre des envahisseurs martiens. Il n'y avait que 120 survivants. Les Martiens contrôlaient actuellement tout le centre du New Jersey. Les lignes de communication entre la Pennsylvanie et l'océan Atlantique étaient coupées. Le service ferroviaire entre New York et Philadelphie été interrompu. La police et l'armée étaient incapables de contrôler un véritable exode sur les routes menant vers le Nord, le Sud et l'Ouest. La loi martiale était en vigueur sur tout le territoire du New Jersey et une partie de la Pennsylvanie. Le ministre de l'Intérieur allait intervenir. Le ministre demanda à la population de garder son calme. La nation devait rester unie pour combattre ce nouvel ennemi.

On craignait que le professeur Pierson ait perdu la vie car il ne donnait plus de nouvelles. En Virginie, des avions de reconnaissance avaient signalé trois machines martiennes et semblait prendre garde à ne pas détruire les agglomérations et les cultures mais seulement à paralyser les communications. Des machines martiennes avançaient vers le nord à une vitesse accrue. L'objectif des martiens semblait visiblement être la ville de New York. Des avions attaquèrent les machines martiennes, en vain. Les avions avaient été terrassés par des rayons calorifiques. Les martiens dégageaient une fumée noire toxique. Les masques à gaz étaient inefficaces. Les Martiens arrivaient à New York. Le tocsin avait sonné pour inviter les citoyens à quitter la ville. L'armée avait fini par être annihilée. Tout était écrasé. Il y avait cinq grandes machines extraterrestres à New York.

Un des animateurs de l'émission annonça qu'il s'agissait de la diffusion en direct par CBS d'une réalisation d'Orson Welles et du Mercury Theatre d'après une adaptation originale de La Guerre des mondes de H. G. Wells. Après un court intermède, les auditeurs allaient pouvoir écouter Orson Welles.

Les auditeurs purent entendre le professeur Pierson lire ses notes. Il affirmait avoir peur d'être le dernier homme sur Terre après s'être caché dans une maison vide aux environs de Grovers Mill. Il voulait noter les événements de sa vie quotidienne pour préserver l'histoire de l'humanité dans un petit livre dont l'objet primitif était de consigner les mouvements des étoiles. Il observait les environs par la fenêtre. Parfois, il apercevait un Martien émergeant de la fumée noire. Il avait fini par quitter son abri. Il était allé sur la route. Il n'y avait pas de circulation. Il n'y avait que des épaves de voitures et des squelettes noircis. Il se dirigea vers le nord. Il lui semblait moins dangereux d'aller vers les Martiens plutôt que de les fuir. Il avait fini par rencontrer un petit écureuil. Il continua sa route vers le nord. Un silo semblait monter la garde sur un désert inculte jonché de vaches mortes. Il arriva à Newark. Il rencontra un humain qui lui demanda dans quelle direction il allait. Pierson lui répondit qu'il cherchait des gens. L'homme lui dit que les Martiens étaient à New York. Mais le jour, on ne les voyait pas. L'homme pensait que les humains étaient tous foutus. Il avait été dans la milice, la garde nationale. Il pensait que tout ce qui était arrivé, c'était parce que les humains n'avaient pas eu assez de bon sens pour se tenir tranquilles. Mais il voulait vivre. Il n'avait pas l'intention d'être pris par les Martiens.

L’inconnu avait observé Pierson pour savoir s’il était capable de survivre. Il pensait que les bureaucrates ne s’en sortiraient pas. Pour ces gars-là, l’arrivée des Martiens était providentielle. Ils auraient de belles cages bien spacieuses, une nourriture abondante et des soins attentifs. Après une semaine ou deux à battre la campagne avec l'estomac dans les talons, ils seraient trop heureux de se faire prendre.

L'inconnu pensait que les Martiens allaient apprivoiser certains Terriens pour leur apprendre à faire des tours amusants. Peut-être même ils en dresseraient quelques-uns pour pourchasser les autres. Pierson pensait que c'était impossible. Mais l'inconnu voulut l'assurer qu'il existait des hommes qui ne demandaient que ça. En attendant, Pierson voulait savoir où il allait vivre lorsque les Martiens deviendraient les maîtres de la Terre. L'inconnu avait pensé à tout. Il fallait vivre dans les égouts, les chambres fortes et les entrepôts souterrains, les tunnels du métro. Il fallait former un groupe d'hommes forts et décidés. Il faudrait trouver des livres scientifiques et alors les scientifiques pourraient entrer en scène. Il faudrait piller les musées et espionner les Martiens. Il imaginait que des humains pourraient piloter les machines de guerre des Martiens. L'inconnu espérait ainsi devenir maître du monde. Alors Pierson s'en alla. Il ne voulait pas vivre dans le monde de cet inconnu. Il arriva court au Holland Tunnel puis il remonta Canal Street. Il atteignit la 14e rue. Il y avait des cadavres. Il monta vers les 30e et 40e rue et finit par se retrouver seul dans Time Square. Il y avait des chiens affamés. Pierson s'engagea dans Broadway. Près de Colombus Circle, il remarqua les modèles de voitures 1939 dans un hall d'exposition. Soudain, dans la direction de Central Park, il aperçut la cagoule d'une machine martienne. Alors il traversa Colombus Circle en négligeant toute prudence et entra dans le parc. Il monta sur la petite colline et observa 19 machines martiennes. Il fut attiré par l'immense troupeau d'oiseaux noirs qui planaient juste au-dessus de lui. Les oiseaux se posèrent et alors Pierson remarqua les martiens raides et sans vie. Plus tard, lorsque les corps des Martiens furent examinés, il s'avéra qu'ils avaient succombé aux bactéries pathogènes contre lesquels leur organisme n'avait pas de défense. Les machines de guerre martienne avaient été exposées dans un musée. Pierson avait écrit une chronique sur l'invasion martienne.

À la fin de l'émission, Orson Welles assura son auditoire que cette Guerre des Mondes n'était rien de plus qu'un programme spécial qui était offert à l'occasion des fêtes. Il espérait que les auditeurs seraient soulagés d'apprendre que ce n'était pas pour de bon.

Le père truqué (Philip K. Dick)

Mrs Walton demanda à son fils d'aller chercher son père car le dîner était servi. Charles avait 10 ans. Il était hésitant. Il avait surpris son père au garage en train de parler tout seul. La mère de Charles fut forcée d'insister. Il répondit qu'il ne savait pas lequel prévenir. Ils étaient tous les deux pareils. Son mari entra dans la cuisine en se frottant les mains. Mrs Walton lui demanda ce qu'il avait fait dans le garage. Il répondit qu'il avait aiguisé le sécateur. Il ordonna à son fils de s'asseoir et de manger. June Walton demanda à son mari s'il avait quelque chose en tête. Il répondit que c'était le train-train habituel. Elle était mal à l'aise et dévisagea son fils.

Charles avait écarté sa chaise le plus possible de la place de son père. Elle se pencha doucement vers lui pour lui demander ce qu'il avait. Charles répondit que c'était « l'autre » qui était venu.

Alors, à haute voix, elle lui demanda ce qu'il voulait dire. Ted sursauta. Le temps d'un éclair, le visage familier de Ted Walton avait disparu et une lueur froide l'avait illuminé d'un éclat étranger. Puis à nouveau, ce fut le bureaucrate placide qui dînait en famille. Pourtant, ce soir-là, il y avait quelque chose d'anormal, quelque chose de terrible. Brusquement, Charles quitta la table et se terra dans un coin. Il cria à Ted de s'en aller. Ted lui ordonna de revenir à table. Mais Charles s'enfuit hors de la cuisine. Il se réfugia dans sa chambre. Après le dîner, le père truqué monta l'escalier. Charles enjamba la fenêtre de sa chambre. Il sauta et courut droit devant lui pour se réfugier dans le garage. Derrière la porte du garage, il y avait un tonneau rempli de débris. Charles mit le fond du tonneau à jour en écartant les piles de journaux. Cela ne ressemblait plus que très peu à son père mais assez pour qu'il le reconnut. Au fond du tonneau se trouvaient les restes de son père, de son vrai père. Les bouts que le père truqué n'avait pas utilisés. Charles pensait que cela ressemblait à une peau de serpent après la mue. Charles pensait que le reste avait été mangé par le père truqué. Il y eu un bruit au-dehors la Charles se précipita vers la porte. Le père truqué marchait en direction du garage. Il appelait Charles. June était derrière lui et lui demanda de ne pas faire de mal à l'enfant. Ted répondit qu'il voulait juste avoir une petite discussion avec Charles. Charles se glissa hors du garage. Il traversa le jardin des voisins et déboucha dans la rue. Le père truqué ne l'avait pas suivi. Charles repartit au pas de course. Charles demanda de l'aide à Tony Peretti. Il avait 14 ans et les gosses du voisinage le craignaient. Charles lui raconta ce qui s'était passé. Tony décrocha sa carabine et le suivit nonchalamment. Ils s'introduisirent par derrière dans le jardin de la maison de Charles. June était en train de coudre et Ted lisait son journal. « Il » avait acquis beaucoup de renseignements sur les habitudes de Ted. Charles emmena Tony au garage pour lui montrer la dépouille écailleuse et sèche qui se trouvait dans le tonneau. Il expliqua à Tony que c'était « l'autre » qui avait pris tout le reste de son père. Tony rejeta la chose dans la poubelle. Charles lui expliqua qu'il les avait vus tous les deux ensemble. Il avait vu l'autre parler à son père, le tuer, et se remplir de lui. Ils retournèrent près de la fenêtre du salon. June voulait téléphoner à l'hôpital. Mais Ted voulait l'en empêcher. Alors elle partit voir si son fils était chez les voisins. Quelque chose d'atroce se passa. Tony eut un grognement de stupeur. Le père truqué s'était affaissé en arrière dans le fauteuil, le corps mou, la bouche grande ouverte et les yeux vides d'expression. Sa tête était tombée vers sa poitrine comme celle d'une poupée de chiffon. Tony comprit que le père truqué était contrôlé de l'extérieur. Il fallait trouver où. Charles pensait que Bobby Daniels pourrait les aider. Bobby était un mince garçon noir. Il les aida à chercher autour du garage. Bobby avait soulevé une énorme pierre. Il avait trouvé une bête plate pareille à une fourmi en train de creuser un tunnel. Tony courut au garage pour chercher le râteau. Il réussit à immobiliser la bête. La bête poussait des hurlements terrifiants. Le père truqué arriva et délivra la bête. Il entraîna Charles dans le garage. June voulut intervenir mais le père truqué l'en empêcha. Tony ramassa la carabine. Instantanément, le père truqué se figea. Le père truqué tenta de saisir l'arme. Mais Tony lui tira dans l'oeil. Le père truqué grogna puis il bondit sur Tony pour lui arracher la carabine. Il la brisa. Charles se réfugia dans les bambous. Il découvrit l'embryon d'une mère truquée. Un jour, lorsque sa mère s'approcherait du garage… Charles découvrit d'autres embryons qui avaient été pondus par la bête. Charles eut la nausée. Il découvrit une autre forme devenue sombre. La larve était parvenue à terme. C'était le « Charles » truqué… Charles hurla.

La main du père truqué se referma comme un étau autour de son poignet. De sa main libre, le père truqué arracha les derniers débris de cocon qui emmaillotaient l'embryon. Le père truqué lui présenta Charles. L'enfant essaya désespérément de se débattre. L'embryon se mit en marche. Charles tomba. Le père truqué hurla et se trémoussa convulsivement. Il roula par terre avec un bruit mou. Puis son agitation diminua. Charles sortit des bambous et retrouva dans l'allée Tony et Bobby. Ils avaient trouvé un baril de pétrole dans le garage. Ils avaient vidé le pétrole dans le tunnel creusé par la bête. Et ils avaient mis le feu. Le père truqué était mort en même temps que la bête. Les autres embryons étaient morts également. Ils décidèrent de brûler les embryons.

 

 

Le miroir de la mer (Gregory Benford)

Warren se demandait depuis combien de temps ils dérivaient. 37 jours, d'après les entailles régulières qu'ils avaient faites sur la grosse branche. Rosa les avaient toutes vérifiées avec lui. Chaque jour à midi, il taillait l'encoche rituelle avec son couteau de poche. Ils étaient sur un radeau. Leur bateau, le Manamix avait coulé. Ils avaient subi la lumière aveuglante, la faim, la peur et la soif. L'eau se mit à clapoter ils entendirent un choc sourd sous le radeau. Warren  alla chercher son bâton pour y ajuster une longue flèche grossière. Il était à peu près certain A présent qu'il s'agissait d'un essaimeur qui sondait le dessous du radeau à la recherche d'une faille. Soudain, un remous dans l'eau lui fit tourner la tête. Pendant ce temps, Rosa agitait sa blouse en cadence sous l'eau. L’essaimeur repassa en glissant au milieu des ombres bleues sous le radeau, puis se renversant, il revint pour la passe finale. Rosa retira le chemisier de l'eau d'un coup sec et l'essaimeur essaya de l'attraper. Warren laissa partir la flèche et la suivit automatiquement en se jetant à quatre pattes. L'essaimeur l'avait reçue sous les ouies. Warren souleva le corps de la bête et le tira en partie sur le radeau. Warren voulut l'achever mais la bête lui échappa et glissa vers l'eau. Au moment où l'essaimeur se retourna, le couteau s'abattit et s'enfonça dans les chairs tendres de son flanc. La bête mourut. Rosa ne pouvait supporter de tuer que si cela faisait partie d'un rituel. Elle rentra précipitamment sous la feuille de contreplaqué qui formait le toit de l'auvent du radeau.

Le poisson faisait approximativement 1 m 20 de long. Le front du poisson ressemblait à celui des dauphins, cependant la bouche mince, les grands yeux et la mâchoire en avant étaient étrangers à la planète. La terre n'avait jamais élaboré de semblable combinaison. Rosa montra à Warren un cylindre gris qui flottait à 10 m du radeau. Warren recueillit le jus de la bête dans des boîtes de conserve. Warren pensait que si les écumeurs lui tendaient un piège, ils mettaient du temps à le faire fonctionner. Le tube gris dansait paresseusement dans le creux d'une vague et il s'éloigna un peu plus. Warren tenta d'attraper le tube avec une branche mais celle-ci était trop courte. Warren devait tenir bon s'il ne voulait pas être entraîné dans le même dédale profond où Rosa errait. Alors il renonça et retourna sous l'auvent. Il avait déjà trouvé des tubes. Le deuxième avait marqué un véritable progrès sur le premier. Il y avait eu trois morts anglais dedans. Une silhouette bleu-noir bondit alors hors de l’eau, juste à côté du tube. Avant même que Warren n’ait eut le temps de bouger et de reconnaître l'Ecumeur, celui-ci replongea près du tube et disparut. Un instant plus tard, il rejaillit et attrapa le tube et le jeta en l'air d'un souple mouvement de la tête. Il disparut dans le relief constamment en mouvement du Pacifique sud.

Warren se précipita à quatre pattes vers le bord du radeau. Le tube n'était plus qu’à quelques mètres et il le repêcha rapidement tandis que Rosa s'était réfugiée sous l'auvent et parlait toute seule. Il ramena le cylindre au milieu du radeau. Il était lisse et fait dans une matière organique. Le tube s'ouvrit facilement. La même feuille roulée se trouvait à l'intérieur. Warren l'étala sur le pont. Pour un Ecumeur, venir si près du radeau représentait un acte d'une témérité incroyable. Ils devaient commencer à désespérer. Quelle que soit la nature de ce qu'ils voulaient lui faire savoir, il ne devait plus leur rester beaucoup de temps. Celui-ci serait le dernier message, Warren le savait. Mais le message n'était pas plus intelligible que le premier. Quand Warren se réveilla dans l'eau, le Manamix était en train de sombrer. Il se balançait régulièrement pris dans les interminables filets des Essaimeurs qui dévidaient des poches qu'ils avaient sous le ventre. Les biologistes pensaient que les cordons devaient avoir une utilité dans leur processus de reproduction. Les Essaimeurs avaient percé des trous dans la coque. Le bateau était à 800 km de la côte ouest de l'Amérique du Sud. Sa mission était de jeter des boîtes de poison pour arrêter les Essaimeurs. Les lumières du bord s'éteignaient et des gens criaient. Warren s'était rappelé tout cela. Rosa était une journaliste qu'il avait rencontrée à bord du Manamix. Elle faisait un reportage sur les Essaimeurs pour le compte d'une agence de presse. Ces créatures venues de l'espace avaient pratiquement chassé l'homme des océans depuis un an. Le Manamix était un des derniers cargos de lignes qui naviguaient encore dans le Pacifique.

Warren était ingénieur et n'en savait pas plus qu'elle et sur l'arrivée sur Terre des Essaimeurs. Ils dérivèrent toute la nuit. Ils restèrent couchés tous les deux au fond du canot en essayant de ne pas faire de bruit car si les Essaimeurs trouvaient le canot ils l’enfonceraient. Pourtant le canot sombra sans l'aide des Essaimeurs. Des arbres déracinés avaient dû être emportés et jetés à la mer par la tempête qui s'était abattue sur le cargo. Warren était allé les récupérer pour construire un radeau. Il savait que les Essaimeurs étaient cruels et dénués d'intelligence. Les Ecumeurs constituaient une minorité plus avancée. Les Essaimeurs n'avaient manifestement pas pu construire les vaisseaux qui étaient descendus dans l'atmosphère terrestre et avaient ensemencé les océans cinq ans auparavant. Pendant trois jours, Rosa et Warren avaient pagayé. Pour Rosa résista très bien, au début. Warren conclut qu'ils dérivaient pratiquement plein ouest d'après ses connaissances élémentaires de navigation. Il espérait qu'une patrouille de recherche finirait par les retrouver. Une nuit, il prit Rosa avec une force et une assurance qui le surprirent lui-même. Après différents essais, il réussit à construire un arc et une flèche pour tirer sur les poissons en surface. Leur réserve d'eau commença de s'épuiser. Au bout de sept jours, il n'y avait presque plus d'eau. Rosa avait bu nettement plus que sa part

Warren l'avait frappée. Au bout d'une heure d'abattement, il recommença à réfléchir tandis que Rosa se terrait loin de lui à l'autre bout du radeau. Il fabriqua un appareil à distiller avec des boîtes de conserve. Il y fit une petite entaille dans le bouchon en caoutchouc d'une bouteille d'eau et la descendit dans la mer au bout d'un long fil de pêche.

Il se souvenait que l'eau était plus froide vers le fond. S'il en ramenait une certaine quantité dans une boîte hermétique plongée à 6 m sous la surface et s'il la plaçait ensuite dans une deuxième boîte exposée au soleil, elle se mettrait à fumer comme un seau à champagne. La vapeur se condenserait et alors des parois de la première boîte tomberaient des gouttelettes d'humidité dépourvues de sel. Mais cela ne marcha pas. Au bout de neuf jours, ils n'eurent plus d'eau. Rosa le traita de noms répugnants et fit une crise. Le jour suivant, la mer fut plus agitée. Warren aperçut des hippocampes. Il essaya de se souvenir de ce qu’il avait appris en biologie. À force de paroles et de coups, il finit par convaincre Rosa de l'aider à ramasser une poignée de ces hippocampes. Ils purent les manger car leurs corps semblaient être moins salés que l'eau de mer. Le 11e jour fut insupportable. La tentation de boire de l'eau de mer l'envahissait. Il savait ce qu'il risquait en buvant du sel, son corps se déshydraterait. Un Essaimeur les avait retrouvés. Il attaqua leur radeau. Warren réussit à le tuer avec une flèche. Il récolta le juge de la bête dans des boîtes de conserve. Il commença à en boire mais Rosa fit tomber la boîte de ses mains. Warren lui donna un coup de poing. Elle s'assit de l'autre côté du radeau pour pleurer. Finalement Rosa s'approcha et but elle aussi le liquide précieux. Le goût était étrangement comparable à de la bière éventée.

Après cela, ils parvinrent à un accord tacite. Rosa l'aiderait à attirer les Essaimeurs mais elle ne serait pas obligée de les dépecer. Ce serait à Warren de le faire. Warren réfléchissait en examinant le corps des Essaimeurs. Les Essaimeurs semblaient ne posséder aucun des instincts cruels et méfiants de rapace qui caractérisaient les Essaims proches des côtes. Au bout de plusieurs jours, lorsque les réserves d'eau de son corps fut reconstitué, il essora des morceaux de chair et obtient pratiquement la même quantité de jus. Le 20e jour, Rosa repéra la capsule. Au loin, le premier Ecumeur s'éloignait à toute vitesse. Les Ecumeurs représentaient une énigme pour les biologistes qui étudiaient ces extraterrestres. Il n’y en avait pas beaucoup et ils agissaient indépendamment des Essaimeurs. Un ou deux d'entre eux seulement avaient été tués pendant le premier mois où les extraterrestres s'étaient reproduits à une allure vertigineuse à travers les océans. Les Ecumeurs ne commandaient pas aux Essaimeurs non plus. Au contraire, ils étaient victimes d'eux. Warren repêcha le tube gris et le tourna et le retourna entre ses mains. Il avait été manifestement fabriqué par une machine. Pourtant les Essaimeurs et les Ecumeurs ne possédaient pas d'organe préhensile. La mince feuille lisse que le tube contenait était indéchiffrable. Le message était rédigé en caractères d'imprimerie clairs et impersonnels. Rosa poussait désormais des cris de terreur chaque fois qu'un Essaimeur approchait. Les Essaimeurs venaient de plus en plus fréquemment désormais. Warren et Rosa en attrapaient deux et parfois trois par jour. Le deuxième message alimenta l'obsession de rationalité de Warren. Mais il réalisait sans l'admettre vraiment que s'absorber entièrement dans des projets, des observations et dans la beauté glacée du raisonnement, constituait pour lui une diversion aussi bienfaisante que la mélopée primitive de Rosa. Les messages étaient donc indispensables à son équilibre.

Un troisième message arriva. Rosa se mit à crier car la terre était en vue. Warren détruisit l'auvent pour construire un ensemble de supports pour fabriquer un mât. Il alla chercher un gouvernail de fortune qu’il avait bricolé des semaines auparavant et l’installa à l’arrière du radeau. Il se demanda si les Ecumeurs avaient voulu le prévenir qu'ils approchaient d'une île. Pour Rosa se mit à manger les boîtes de vivre qui restaient. Warren était en colère car elle mangeait sans respecter son tour. Il se rappela un des messages dans lequel semblaient mentionnées des coordonnées Ouest-Sud-Ouest. Il se demanda si les écumeurs étaient sur l'île. Rosa s'était accroupie à l'avant du radeau ce qui le ralentissait et elle le savait. Mais Warren ne lui dit rien. Il avait besoin de ce temps pour réfléchir. Les Ecumeurs étaient tout ce qu'il lui restait au monde et ils avaient essayé de lui faire comprendre quelque chose.

Ils étaient différents. Ils n'avaient pas d'Essaims et n'attaquaient pas. Peut-être s'agissait-il d'une lutte entre deux factions politiques. L’île grossissait à vue d'oeil et une masse sombre attira l'attention de Warren. C'étaient des récifs. Il faudrait les contourner. Il comprit un message dans lequel les Ecumeurs avaient écrit en allemand le mot rocher. Les écumeurs lui expliquaient tout et voulaient le guider. Rosa poussa un grognement et se retourna vers lui. Elle avait remarqué le changement de direction du radeau. Il fit comme s’il ne la voyait pas. Warren se rappela une autre partie du message qui signifiait : les petits jeunes nous font du mal. Les Essaimeurs représentaient-ils un stade moins avancé de leur évolution ? Les Essaimeurs étaient mauvais pour les Ecumeurs. Il regarda Rosa mais elle ne représentait rien pour lui. Elle s'approcha encore alors il la frappa. Elle se mit à geindre et s'assit sur le pont en le regardant craintivement. Il vit quelque chose remuer sur la plage. De longs corps vert remontaient lentement vers la terre ferme.  C'était des Essaimeurs. Ils apprenaient à ramper sur le sol. Ils arrivaient au stade suivant de leur évolution. Rosa le bourra de faibles coups en poussant des cris perçants. Mais il resta figé, essayant de réfléchir et de comprendre. Pour Rosa parcourut le pont à quatre pattes et essaya de soulever les planches du pont. Ils approchaient de la plage. Les Essaimeurs rampaient comme des tortues. Rosa se jeta par-dessus bord dans un grand éclaboussement. Il y avait un étroit chenal entre les récifs. Elle nagea dans cette direction. Quand le faible cri troua le crépuscule derrière lui, il ne se retourna pas.

 

Les couleurs de la peur (Terry Carr)

 

Les couleurs explosaient dans le ciel depuis cinq nuits. Jean, Karl et Stephen parlaient des envahisseurs, les Threnns. Stephen les trouvait beaux. Jean ne les trouvait pas beau, ni visuellement ni autrement. Karl estimait que les gens philosophaient pour ne pas avoir à réagir émotionnellement aux choses. C'est ce qu'il reprochait à Stephen. Stephen répondit qu'en dissociant les couleurs des Threnn de l'idée de mort alors on pouvait les  trouver vraiment beaux. Karl rétorqua que les Threnn n'étaient pas beaux, ils faisaient du mal. Jean dit que les Threnns transformaient les gens en absurdes tableaux de néon et les emmenaient dans la ville pour les faire exploser devant les humains. Stephen voulait écouter la radio de Londres. Mais Jean lui dit que ça faisait des mois qu'il n'avait plus personne de vivant là-bas. Karl demanda à Stephen de voir ce qu’il se passait à l'extérieur grâce aux caméras. Il n'y avait personne dehors. La plupart des Threnn et des autres lumières - victimes immolées qui n'avaient presque plus rien d'humain-demeuraient au-dessus de la plaine. Ils arrivaient de la plaine tous les soirs comme une aube factice après la tombée de la nuit.

Stephen ressentit pour la première fois la froide morsure de la peur. C'était comme une peur enfantine du noir.

Karl avait travaillé dans un laboratoire d'électronique. Il était devenu ami avec Jean et Stephen. Il jouait bien aux échecs. Il venait dîner une ou deux fois par semaine. La plupart du temps les conversations tournaient autour des Threnn. Karl était obsédé par eux. Il mettait en avant le fait que Moscou avait été parmi les premières grandes villes à succomber aux Threnn. Il pensait que les soviétiques étaient responsables avec leurs recherches sur l'énergie psychique. Les Threnn fondaient sur les gens pour les capturer et les transformer en boules de lumière à leur image. Les esprits mystiques virent d'abord les Threnn comme des anges de Dieu venus délivrer les humains de leurs tourments. Mais cet espoir se transforma vite en terreur lorsque un nombre croissant de gens fut pris et dévoré vivant par des boules de lumière aveuglante et sans substance. Bientôt les esprits crédules dirent que ces créatures étaient des suppôts de Satan et les rites d'exorcisme se multiplièrent. À certains endroits, on offrit même des sacrifices humains aux Threnn. On essaya les bombes, les lasers, les gaz mais rien de tout cela n'affecta un tant soit peu les Threnn. Enfin, on découvrit que les fréquences vibratoires parvenaient à les chasser. Mais les villes étaient déjà à moitié détruites. On installa rapidement des réseaux vibratoires mais les Threnn arrivèrent à se faufiler à travers la moindre brèche de ces écrans. Des villes entières furent vidées de toute vie humaine. Les vives couleurs des Threnns envahirent ville après ville et n'en repartirent qu'une fois que les rues et les bâtiments étaient déserts et silencieux comme la mort. Mais les humains bâtirent une autre ville, une dernière cité pour assurer la défense de l'humanité, adossée aux terrifiantes Rocheuses et protégée par un impénétrable réseau d'écrans. C’est là que vivaient Karl, Stephen et Jean. A l’extérieur, ils regardaient les montagnes qui s’élevaient comme des marches géantes. La ville était adossée tout contre le versant ouest des montagnes. Il faisait très sombre là-bas et apparemment aucune couleur vive ne dérivait derrière la ville. Karl crut voir quelqu’un près des marches. Stephen regarda lui aussi les ténèbres autour du chemin. Un mouvement attira son attention. Un homme était tapi dans l’escalier. C’était peut-être un adolescent. Il regardait les couleurs dans le ciel et semblait avoir abandonné la lutte. Stephen pensait que cet adolescent attendait. Karl se demandait pourquoi l’adolescent ne s’enfuyait pas. Jean se demandait pourquoi ce jeune homme était dehors. Une lumière atteignit l’adolescent. Il ne bougea pas et attendit. Il fut enveloppé par la lumière du Threnn. Il sembla se fondre en elle. Il était devenu lumière et rien d'autre ne laissant que des ombres errantes dernière lui. Karl n'y comprenait rien. L'adolescent n'avait même pas eu peur. Jean pensait que l'adolescent était fou. Karl ne comprenait pas ce que les envahisseurs voulaient. Aujourd'hui, il n'y avait plus qu'une ville encore en vie sur Terre. Rome avait été une des premières villes à succomber. Sur la place Saint-Pierre, 100 000 âmes avaient été enveloppées par les lumières et avaient fondu dans des couleurs et s'étaient évanouies dans le ciel. Toutes les villes étaient tombées de cette façon. Il n’en restait plus qu'une au bord des Rocheuses. Les écrans tenaient bon. Les Threnn ne pouvaient plus atteindre les humains. Mais certains humains venaient à eux et se faisaient prendre. Stephen pensait que l'adolescent n'avait pas eu l'air de souffrir ni d'avoir peur et c'était le cas pour beaucoup les humains tués par les Threnn.

Karl rentra chez lui. Stephen dit à Jean que ce n’était pas très bon pour eux qu’il vienne si souvent. Karl regardait les hologrammes et ça le rendait malade. Stephen pensait que Jean attrapait la peur de Karl. Elle répondit que Karl avait peur comme tout le monde. Il n'y avait plus qu'un petit millier de personnes s'efforçant à grand peine de rester en vie dans une ville qui était une vraie prison. C'était la fin du monde et Stephen pensait que Karl ne devait pas avoir peur ! Stephen pensait qu'ils devaient garder le sens de la mesure.

Elle savait que Karl n'avait pas peur des Threnn car il les trouvait beaux. Il attendit qu'elle se calme et l’embrassa dans le cou. Il lui dit qu'elle aussi était mignonne. Elle ne voulait pas qu'il plaisante avec ça. Comme Karl, elle avait peur. Le soir suivant, ils regardèrent tout seuls l’holomur. C'était la même chose que le soir précédent. Dans le ciel,  Les lumières dérivaient en jetant des éclairs de couleur. En dessous, la plaine autour de la ville était déserte et hantée par les ombres.

Tout à coup, la pièce fut inondée d'une lumière verte au moment même où un homme Threnn explosait sous leurs yeux. Cela se passait dans les escaliers qui menaient aux niveaux supérieurs. Le téléphone sonna. Jean répondit. C'était Karl. Il voulait aller dehors. Ils le virent passer la porte.  Il s'enfonça dans l'obscurité. Il se dirigea vers l'escalier. Il étendit les bras et sourit en regardant les lumières convergentes dans le ciel. Une argentée descendit au-dessus de lui. Karl leva les yeux vers le Threnn. Son visage reflétait la joie. Il fut enveloppé par la lumière d'un Threnn. Karl ria. Il devint lumière lui-même. Puis il s'éleva rapidement dans le ciel et disparut.

L'escalier retomba dans l'obscurité et les ombres redevinrent noires. Jean pleura. Stephen éteignit l’hologramme. Stephen lui expliqua que les gens qui avaient le plus peur de quelque chose étaient parfois ceux qui étaient le plus attiré par elle. Mais cela mit Jean en colère. Elle trouvait Stephen trop rationnel et lui demanda d'arrêter ça. Il aurait bien voulut pouvoir.

Le singe vert (Theodore Sturgeon)

 

Elle était infirmière qualifiée et avait pris sa retraite à 24 ans pour épouser un grand type. C’était un grand manitou dans un organisme d’Etat. Sritz Rhys ne rentrait que le week-end. Son métier était de comprendre les désaxés. Alma sortit prendre l’air un soir avec Fritz. Huit malotrus tabassaient quelqu’un et Fritz intervint. Les voyous s’enfuirent. Alma accourut pour soigner le blessé. Ils portèrent l’homme chez eux et le lavèrent. Ils soignèrent son bras. Alma demanda à Fritz pourquoi les voyous avaient fait ça et il répondit que c’était comme le singe vert que ses congénères mettent en charpie. Cet homme était différent des voyous. Le lendemain Fritz partit à son travail. Alma avait peur de rester avec l’inconnu. Fritz ne voulait pas emmener l’inconnu à l’hôpital car il voulait lui parler. L’inconnu était petit et avait à peu près l’âge d’Alma. Il se mit à parler le mardi quand ses vêtements revinrent de la teinturerie. Il aimait la musique qu’Alma mettait. Alma l’emmena chez le dentiste le mercredi. Il ne répondit pas quand elle lui demanda d’où il venait. Ils riaient beaucoup tous les deux. Elle l’emmena dîner dans un restaurant italien. Il ne connaissait pas les spaghettis. Elle appela son mari le soir. Elle avait peur de l’inconnu qui s’appelait Loulyo. Le jeudi Alma emmena Loulyo à la plage. Ils parlèrent de Fritz. Elle dit que Fritz savait pourquoi Loulyo avait été maltraité. Elle lui expliqua la théorie du singe vert. Il suffisait de peindre un singe en vert et les autres singes le frapperaient car il serait différent. Loulyo demanda ce que fritz faisait à Washington. Alma répondit qu’il était expert en réhabilitation des gens. Alma dit à Loulyo qu’elle l’aimait et il lui répondit qu’elle ne savait pas ce qu’elle disait alors elle s’en voulut.ils passèrent le vendredi ensemble mais sans se toucher. Ils allèrent au zoo. Loulyo regarda les animaux sauf les singes. La nuit, Alma alla dans la chambre de Loulyo et pleura.

Loulyo était seul quand fritz arriva. Alma était partie faire des courses. Fritz savait ce qu’était Loulyo. Fritz lui expliqua que les humains cessaient d’être humains lorsqu’ils s’assemblaient. Un groupe pensait que tout ce qui était différent était dangereux. Pour les groupes la pire anomalie était l’anomalie sexuelle. Il demanda à Loulyo s’il voulait savoir comment se comporter avec les autres  sans risquer de se faire défoncer avec son visage de fille. Il lui conseilla de traiter toujours les autres d’un air bourru et de ne pas approcher de femmes. Leur intuition le découvrirait neuf fois sur dix. Loulyo avait l’impression que fritz haïssait les humains mais Fritz rétorqua qu’il les comprenait. Loulyo lui dit qu’il n’était pas ce qu’il pensait. Mais Fritz s’en moquait. Quand Loulyo se ferait écraser la tête, il admettrait que Fritz avait raison. Loulyo était heureux que Fritz lui dise ça. C’était ce qu’il cherchait à savoir en venant ici. Alma rentra. Fritz l’embrassa. Loulyo la vit, tressaillit et sourit piteusement. Tout yeux pour Loulyo, Alma ignorait Fritz. Fritz avait compris. Il les autorisa à sortir ensemble à condition que Loulyo lui répète tout ce que Fritz lui avait dit. Dans la voiture, Loulyo répéta tout à Alma. Elle ne comprenait pas pourquoi Loulyo l’avait laissé parler comme ça. Loulyo savait que Fritz avait tout compris. Alma savait que c’était vrai. Loulyo ordonna à Alma d’arrêter la voiture. Il voulait rentrer chez lui. Il lui conseilla de revenir à son mari. Il ne se sentait pas équipé pour une relation avec elle et lui dit que ça n’aurait pas marché. Il sortit de la voiture après l’avoir embrassée et disparut. Il avait eu le temps de lui glisser quelque chose dans la main. C’était un disque transparent. Alma regarda au travers. Elle vit Loulyo accroupi dans une machine. Elle le vit s’envoler et le disque disparut. Elle rentra chez elle et Fritz l’installa sur le divan. Il était content qu’elle puisse aimer quelqu’un à ce point. Il était heureux que Loulyo soit une fille manquée. Il lui accordait 48 heures pour oublier Loulyo. Cela fit rire Alma. Elle lui dit qu’il ferait mieux de partir à la chasse aux singes verts. Elle lui expliqua qu’il venait de donner une tête de pont aux singes verts. Et le rire reprit. Fritz ne le supporta pas et repartit à Washington.

La mézon de l’orreure (Margaret Saint-Clair)

Dickson-Hawes voulait monter une chaîne de galeries des horreurs dans les kermesses et parcs d’attraction. Il rencontra Freeman qui vendait des monstres mécaniques. Freeman lui présenta un puits dans lequel se trouvait un monstre. Dickson-Hawes était intéressé mais voulait que l’attraction soit plus corsée avec une balustrade électrifiée et une soufflerie pour retrousser les robes des filles. On entendit l’eau rejaillir au fond du puits. Freeman paraissait inquiet. Freeman voulait installer lui-même chaque numéro dans la chaîne de galeries de Dickson-Hawes prétextant qu’il y avait des détails dans la machinerie qu’il était le seul à comprendre.

Dickson-Hawes souhait une attraction qui demande une plus grande participation de la part du client. Freeman lui proposa un projet sur lequel il travaillait mais demanda à Dickson-Hawes de parler à voix basse. Ils s’arrêtèrent devant une porte plus massive que celle qui permettait d’accéder au Puits. Des trous servaient à l’aération. Sur le mur opposé à la porte, quelqu’un avait écrit : mézon de l’orreure. Cela produisit sur Freeman un effet remarquable. Il changea d’avis et rangea ses clés. Dickson-Hawes trouvait les créations de Freeman extraordinaires. Freeman prétendit avoir commencé enfant à s’intéresser à la machinerie. Freeman demanda à Dickson-Hawes combien il lui offrait pour le Puits. Dickson-Hawes lui offrit 5 000 dollars et une participation aux bénéfices. La cupidité mêlée à une autre émotion vint se refléter dans les yeux de Freeman. Alors il ouvrit la porte de la mézon des orreures. Il recommanda à Dickson-Hawes de ne faire aucun bruit. Ils se retrouvèrent sur une sorte d’îlot de sécurité au bord d’une autoroute à huit pistes. Sur l’îlot se trouvait une limousine. Freeman ouvrit la portière et se mit au volant. Dickson-Hawes était ahuri. Il monta. Le moteur était très silencieux. Ils entrèrent dans la circulation. Dickson-Hawes demanda où ils se trouvaient. C’était une attraction. Tout le décor allait se désaxer petit à petit. Freeman lui conseilla de fixer une voiture noire profilée en obus. Cette voiture faillit emboutir une limousine et freina au dernier moment. De la limousine s’éleva une explosion de cris. Trois bras sortirent de la voiture noire pour s’introduire dans la limousine pour en extraire un bras humain et le jeter dans la voiture noire. Dickson-Hawes était stupéfait et Freeman était anxieux. Il parvint à la hauteur des deux voitures. Dickson-Hawes se couvrit le visage des mains. Il demanda s’il y avait d’autres voitures noires. Freeman lui répondit qu’une voiture noire s’approchait d’eux. Elle était derrière eux. Cela faisait partie du jeu. Freeman essaya de semer la voiture noire. Mais le bolide approchait. Alors Freeman coupa la route au poursuivant et la voiture noire céda du terrain. Puis la voiture noire les doubla. La voiture de Freeman oscilla. Dickson-Hawes s’attendait au choc mais ils se retrouvèrent sur l’îlot de sécurité. Le bolide noir poursuivit sa route. Freeman dit qu’il haïssait ces ordures de Vooms. Il ouvrit la portière  et obligea son compagnon à sortir. Freeman referma la porte de la mézon des orreures. Il poussa un soupir de soulagement. Il avait eu peur que Dickson-Hawes pousse des hurlements. Il lui proposa de boire un verre dans son bureau. Dickson-Hawes engloutit avidement le whisky et en accepta un second. Il demanda si ce qu'il venait de vivre avait été réel. Bien sûr que non, se hâta de répondre Freeman. C'était l'expérience la plus horrible que Dickson-Hawes avait vécue. Il voulait que Freeman adoucisse considérablement cette attraction. Freeman était d'accord à condition d'avoir une commande ferme de sa part. Dickson-Hawes, proposa de verser 50 $ par semaine pendant deux mois, le temps que Freeman fasse les transformations. Freeman exigea 65 $ par semaine. Dickson-Hawes proposa 60 $ et Freeman accepta.

Freeman était en train de préparer le contrat quand on entendit un craquement explosif et un bruit de latte et de fragments de plâtre qui s'effondraient. Freeman leva les yeux de son contrat juste à temps pour voir son dernier client  disparaître entre les longs bras noirs des Vooms.

C'était la première fois qu'ils avaient crevé les cloisons pour s'emparer d'une victime, mais ces cloisons étaient bien minces et leur chasse infructueuse sur l'autoroute les avait excités bien plus que Freeman ne l'avait pensé.

Les hurlements de Dickson-Hawes s'éteignirent. Le troisième épisode s'était terminé de façon aussi désastreuse que les deux autres. Il n'existait plus un seul directeur de parcs d'attraction sur tout le territoire des États-Unis. Il poussa un soupir tremblant. Il se dirigea vers la bibliothèque et choisit un livre dont il feuilleta quelques pages. Il en choisit un deuxième et un troisième. Une lueur de folie vengeresse brilla dans ses yeux. Il songea à effectuer quelques modifications secondaires dans les circuits. Il savait que les autres entités plus puissantes se trouvaient là. Il échafauderait les plans d'une galerie des horreurs qu'il se proposait d'édifier avec l’aide des nouvelles entités. Il voulait créer une galerie des horreurs pour Vooms pour leur faire regretter d'avoir jamais vu le jour.

 

L’œuf d’or (Theodore Sturgeon)

 

L’extraterrestre ne savait pas combien de temps il avait passé dans l’espace avant d’arriver sur Terre. Il venait d’un système solaire avec deux soleils, l’un bleu et l’autre jaune. Sa civilisation était supérieure à celle de la Terre. Mais il ne parlait guère de sa planète car il la haïssait. Il n’y avait pas de luttes, pas de maladies, pas de désagréments. Il n’y avait donc pas de buts ni de stimulants. La seule réalisation possible sur sa planète, c’était la race et ses métamorphoses éventuelles. Cela fut fait et la race devint stérile. Tout ce qui resta fut quelques milliers de brillants ovoïdes d’or, enveloppes fonctionnelles  de super esprits pleins de beauté et d’ennui. Chacun pouvait se dispenser de l’aide des autres et se refusait à les aider. C’étaient des cerveaux revêtus d’une armure. Ils restaient en petits groupes à converser. Certains demandaient qu’on les tue et on les tuait. L’un d’eux s’en alla. Il découvrit la nature du temps durant son voyage et il atteignit la Terre.

C’est une oie qui le découvrit et bequeta sa coquille avec curiosité. Il la trouva impolie et la saisit dans un lacet de radiations paralysantes. Il lui arracha les plumes de la queue pour voir sa réaction. L’oie était furieuse.

Christopher Innes découvrit l’œuf d’or. Il ramenait sa soeur du catéchisme du dimanche. Il était aigri et cynique. Il avait douze ans.  Ils virent l’oie furieuse cherchant vainement  d’échapper à des liens invisibles. Chris ramassa l’œuf d’or. Alors l’oie fut libérée  brusquement. La petite la prit dans ses bras. Elle croyait que l’oie pondait des œufs d’or. Chris lança l’œuf en l’air et fut stupéfait de voir l’œuf disparaître. Ils apprirent que l’oie était un jars et ne s’en remirent jamais tout à fait.

L’œuf d’or décida de se métamorphoser en homme. Il redescendit sur Terre et arriva entre deux hommes dont l’un braquait l’autre avec son arme. C’est l’extraterrestre qui arrêta la balle qui rebondit sur sa coquille d’or. L’homme qui aurait dû mourir continua son chemin indemne et l’autre crut que son arme était défaillante. Il chercha un prototype humain pour se transformer. Il crut d’abord que les humains les plus grands étaient les femelles et comprit son erreur en scrutant les ondes mentales d’un jeune homme. Il se focalisa sur l’esprit d’une jeune fille pour connaître les critères de l’homme idéal. Il se créa un laboratoire et assembla des appareils pour sa métamorphose. Il créa un corps humain.  L’œuf doré s’installa à l’intérieur du crâne ouvert qui se referma. L’extraterrestre contrôla les différentes sensations du corps. Il trouvait que le corps se déplaçait de façon malcommode mais était enchanté de sa nouvelle façon de s’exprimer. Ca le dégouta de s’apercevoir que l’activité violente de ce corps faisait battre son cœur plus vite et rendait sa respiration plus pénible.

Chauncey Thomas était un aristocrate désargenté qui avait été jeté en prison et avait reçu neuf contraventions pour vagabondage. L’extraterrestre le saisit sur la route et le laissa retomber. Chauncey lui demanda qui il était. L’extraterrestre sonda ses pensées pour connaître les traditions humaines. L’extraterrestre se présenta sous le nom d’Elron. Il était nu et décida d’utiliser les pensées de Chauncey pour se façonner une mise élégante en retournant dans son laboratoire. Il retrouva Chauncey et il firent du stop. Une jeune femme s’arrêta et les conduisit à Springfield. Elle voulut savoir pourquoi Elron voulait y aller mais il lui répondit sèchement que ça ne la regardait pas. Il comprit que le langage de Chauncey qu’il imitait lui apportait des ennuis alors il ordonna à la femme d’arrêter la voiture. Il sonda les pensées de la femme et comprit comment il devait lui parler. Il apprit beaucoup de choses sur la musique et sur l’argent. Il apprit que la femme s’appelait    Ariadne Drew et qu’elle était riche. Il efface le souvenir de l’incident et Ariadne remit la voiture en marche. Quand il lui parla, elle en fut choquée car il parlait comme une femme. Elle arrêta la voiture et lui dit qu’il avait oublié de se passer du vernis à ongles. Il voulut se débarrasser de Chauncey mais celui-ci voulait le suivre pour le protéger. Elron quémanda de l’argent dans la rue et loua une chambre. Il se coucha et quitta le corps pensant qu’il se reposerait mieux sans lui.

Il flotta au-dessus de la ville à la recherche d’Ariadne. Il la trouva en train de parler à Suzy Greenfield qui avait l’âme mesquine. Il émit une onde mentale en direction d’Ariadne pour l’influencer et elle raconta sa rencontre avec les deux hommes. Ariadne dit que l’homme qui était le plus grand des deux devait être une sorte de poète-aventurier. Elron s’en alla. Il était vexé d’avoir couvert de ridicule le bipède qu’il avait créé. Il se dit que dans tout l’univers il n’y avait rien d’aussi tortueux et exigeant que l’esprit d’une femme. Il était décidé à voir combien un homme pouvait en venir à ressembler à l’idéal d’une femme. Il partit pendant trois mois pour interroger des gens au courant de ce qu’il devait devenir pour accéder au statut d’homme digne d’Ariadne. Il fréquenta les usines, les universités, les bastringues. Il sonda l’esprit des directeurs de publications et des éditeurs et se créa une identité. Ariadne revit Elron dans un salon littéraire organisé par Suzy. Elron devait parler de la métempsychose et la vie moderne. Elron l’emmena dehors et renonça à son discours. Elle vit que Chauncey était le chauffeur d’Elron. Elle dit à Elron qu’il était tout ce qu’elle pensait qu’il pouvait être.

Elron se conduisit à la perfection. Il devançait les caprices d’Ariadne. Alors elle s’ennuya ; Il s’adapta et cela mit Ariadne en rage. Un jour, il la fit tomber rien que par la force de son esprit. Ariadne s’évanouit. Il la prit dans ses bras et elle l’embrassa car elle croyait qu’il l’avait frappée et elle l’en croyait incapable. Le secret des femmes était donc l’attirance pour les brutes. Elron s’en alla. Il ne voulait pas faire l’idiot pour lui faire plaisir. Il retourna dans son laboratoire pour donner une conscience à l’homme qu’il avait créé. L’œuf d’or lui dit d’épouser Ariadne et de la rendre heureuse. Il ajouta qu’il était impossible à une femme d’aimer un homme s’il n’était pas en partie un imbécile. Il ne devait pas être parfait.

Puis l’œuf d’or se sentit terriblement seul.

 

La sentinelle (Arthur C. Clarke)

Mare Crisium, la Mer des Crises, sur la Lune a 300 milles de diamètres et est presque entièrement enclose par un anneau de montagnes. Elle n’avait jamais été explorée avant que les humains y pénètrent à la fin de l’été 1996. Deux cargos lourds apportèrent les approvisionnements et le matériel de la principale base lunaire, sise dans la Mer de la Tranquillité. Il y avait également trois petites fusées destinées aux transports à courte distance. Comme il n’y avait aucune grande crevasse, les tracteurs chenilles n’auraient aucune difficulté à conduire les hommes partout où ils le souhaiteraient. Le narrateur était géologue et il était chargé du groupe d’exploration de la région sud de la Mer. Les hommes avaient déjà couvert une centaine de milles en une semaine. Quelques millions d’années auparavant, il y avait vraiment une mer sur la lune. Une demi-douzaine de fois par jour, les hommes quittaient les véhicules pour sortir dans leurs combinaisons spatiales à la recherche de minéraux intéressants ou pour planter des jalons à l’usage de voyageurs futurs. C’était un travail routinier. Le narrateur estimait que l’exploration lunaire ne présentait rien de spécialement dangereux ni même de particulièrement passionnant. Les hommes pouvaient vivre confortablement durant un mois dans leurs tracteurs pressurisés et demander du secours par radio si par hasard ils étaient en difficulté. Chaque nuit, à 22h00 précises, les hommes envoyaient le message radio final à la base et ils fermaient boutique pour la nuit. Tout était si normal et familier excepté l’impression de réduction de la pesanteur et la lenteur incroyable de la chute des objets que les hommes avaient parfois l’impression d’être sur leur propre monde. C’était au tour du narrateur de se coller au petit déjeuner dans le recoin de la cabine principale. Bien des années plus tard, Il Se Rappelait nettement cet instant parce que la radio venait de présenter une de ses mélodies préférées, le vieil air gallois «  David sur la roche blanche ». Son assistant, Louis Garnett était à l’avant aux commandes en train d’inscrire quelques notations de la veille sur le carnet de bord. Le narrateur perçut du coin de l’oeil un éclat métallique sur la crète d’un grand promontoire qui pointait dans la Mer à trente milles à l’ouest. Il est curieux de savoir de quelle nature était cette roche si bien illuminée là-haut. Alors il braqua le grand télescope vers l’ouest. Il contempla longtemps cette énigme étincelante. Ses compagnons soutenaient qu’il était certain que la lune n’avait jamais connu de forme de vie intelligente. Le narrateur savait tout cela mais il avait tout de même envie de vérifier ce qu’il avait vu. Garnett lui dit qu’il serait la risée de toute l’expédition et qu’à son retour à la base on appellerait ensuite cette montagne la « Folie de Wilson ». Le lendemain matin, Wilson grimpa la montagne avec Garnett. Le chauffeur les attendrait en bas.

Comme il n’y avait pas du tout de prise sur la face rocheuse, ils durent se servir d’un grappin. Avant d’arriver au but, Wilson était à peu près convaincu qu’il ne trouverait rien d’étrange ou d’inhabituel. A présent, il n’avait plus de doute mais la hantise ne faisait que commencer. Il était debout sur un plateau. Le nivellement avait destiné à la construction d’une structure étincelante qui avait en gros la forme d’une pyramide. Elle était deux fois haute comme un homme et sertie dans la roche comme un gigantesque diamant aux nombreuses facettes. Le cœur de Wilson se souleva de bonheur. Il y avait bien eu une civilisation lunaire qu’il était le premier à découvrir. Il se demandait s’il s’agissait d’un temple et imaginait les adeptes d’une religion inconnue priant leurs dieux de les protéger tandis que la vie se retirait de la lune. Il avait quelques notions d’archéologie et il chercha à s’imaginer le niveau culturel de la civilisation qui avait lissé cette montagne pour y dresser cette structure aux surfaces étincelantes. En raison des dimensions réduites de l’objet, il ne vint pas à l’idée de Wilson qu’il regardait peut-être l’ouvrage d’une espèce beaucoup plus avancée que la sienne. La pensée que la lune avait pu connaître une forme de vie intelligente était encore trop écrasante pour que Wilson la saisisse bien. Il remarqua une chose qui lui causa un frisson à la nuque. La poussière cosmique qui descendait toujours à la surface de lune où il n’y avait pas de vent pour la disperser était absente autour de la petite pyramide. Wilson se rendit compte que Garnett l’appelait. Alors il l’invita à le rejoindre. Wilson ramassa une pierre et la lança doucement vers la pyramide. La pierre se heurta à une surface hémisphérique lisse sur laquelle elle glissa pour retomber au sol. Il comprit que c’était bien une machine qui se défendait au moyen de forces qui défiaient l’Eternité. Il se trouvait que Wilson soit d’ores et déjà irrémédiablement condamné comme s’il s’était avancé dans l’aura silencieuse et mortelle d’une pile atomique sans écran d’isolation. Il n’avait pas deviné la vérité rapidement. Dans le premier enthousiasme de sa découverte, il avait admis sans discussion que cette construction cristalline était le fait d’une race appartenant au passé lointain de la lune. Mais soudain et avec une force implacable, il fut persuadé que cette race était tout aussi étrangère à la Lune que lui-même. Aucune civilisation lunaire n’aurait disparu sans laisser quelques vestiges de son existence passée. Il fut pris d’un rire hystérique. Il s’imagina que la pyramide de lui parlait pour lui dire : « je ne saurais vous renseigner, je ne suis pas d’ici, moi non plus ». il leur avait fallu 20 ans pour briser le bouclier invisible et atteindre la machine pour découvrir qu’elle possédait une technologie qui dépassait de loin le propre horizon des humains. Depuis, les humains avait acquis la certitude que la Terre avait été la seule à donner naissance à une forme de vie intelligente dans tout le système solaire. L’épaisseur de la couche de poussière cosmique déposée sur le plateau lunaire leur avait permis d’évaluer l’âge de la pyramide,  elle était sur cette montagne lunaire avant que la vie soit apparue sur la planète Terre. Quelque chose qui venait des étoiles avait traversé le système solaire pour laisser un témoignage de son passage sur la Lune. Puis les humains avaient détruit la pyramide et la machine qui avait rempli ses fonctions pour ses constructeurs avait cessé de fonctionner. Wilson imagina qu’une une civilisation extraterrestre avait dû examiner la terre et avait deviné qu’elle était la favorite entre les enfants du soleil. Dans un futur lointain, il y aurait de l’intelligence mais il restait des étoiles innombrables à explorer, aussi les extraterrestres n’étaient jamais revenus dans les parages. Alors ils avaient laissé une sentinelle pour surveiller tous les mondes où existait une promesse de vie. Les extraterrestres ne s’intéressaient à la planète Terre que si celle–ci démontraient la capacité de survivre en traversant l’espace. Le défi était double car il reposait sur la conquête de l’énergie atomique, dernier choix entre la vie et la mort. Maintenant que la pyramide n’envoyait plus de comptes rendus, les extraterrestres allaient reporter leur pensée vers la Terre. Wilson pensait qu’il venait de déclencher l’alerte à l’incendie et n’avait plus qu’à attendre les pompiers. Il ne pensait d’ailleurs pas qu’il avait longtemps à attendre.

La puissance (Murray Leinster)

 

Le professeur Charles avait rédigé un mémorandum pour le professeur McFarland. Il était professeur au département de latin de l’université de Haverford. Il avait découvert des documents en provenance de l’étranger qu’il avait traduit. Le premier document avait été écrit en 1482 à Padoue par un certain Carolus. Il avait écrit à son ami Johannus, licencié de philosophie résidant à Leyde aux Pays-Bas. Carolus était venu acheter des parfums et de la mandragore pour réaliser une œuvre de toute prime importance. Il avait découvert un mot est un nom au pouvoir incalculable. Il espérait être en possession de pouvoirs qu’Hermès Triségiste ne fit qu’entrevoir. Il avait découvert le mot est le nom au village de Montevecchio. Dans ce village, on lui avait parlé d’un homme mourant qui avait fait des miracles. Bien que parlant comme un paysan, cet homme était couvert de riches vêtements. Au début, cet homme semblait humble mais lorsqu’il avait payé sa viande et son vin avec une pièce d’or, les villageois lui demandèrent l’aumône. Il leur jeta à une poignée de pièces d’or et le village entier devint fou d’avidité. Il aurait tenté de s’enfuir mais les villageois s’agrippèrent à ses vêtements. Soudain, sa riche parure disparut pour laisser la place à un paysan aussi misérablement vêtu que les villageois. Sa bourse se changea en un sac de toile grossière empli de cendres. Carolus était arrivé le lendemain de ces événements. L’homme vivait toujours mais était en danger de mort car les villageois avaient crié à la sorcellerie et l’avaient traîné devant le prêtre pour qu’il soit exorcisé. Carolus parla au prêtre et put voir l’homme. Carolus convint le prêtre d’absoudre le paysan. Le paysan raconta sa vie à Carolus. Le paysan  s’était endormi au sommet d’une colline où une Puissance était apparue et lui avait proposé de l’instruire dans les mystères. Le paysan  avait demandé des richesses à la place. La Puissance lui offrit de riches vêtements et une bourse qui ne désemplirait pas tant qu’elle n’entrerait pas en contact avec un certain métal. La Puissance demande en échange au paysan un homme lettré. Carolus promit au paysan de saluer la Puissance. Le paysan lui dit le Nom et le Mot par lesquels la Puissance pouvait être invoquée ainsi que le Lieu. Le prêtre montra à Carolus une unique pièce d’or qui restait de ce que le paysan avait distribué. Elle datait d’Antonin le Pieux mais semblait neuve. Le prêtre la posa sur un crucifix de fer et la pièce disparut ne laissant qu’un fragment de charbon ardent qui devint de la cendre. Carolus acheta des parfums, de la mandragore et d’autres ingrédients nécessaires à l’œuvre pour rendre hommage à la Puissance.

Carolus envoya un autre courrier à Johannus ainsi qu’un morceau de parchemin portant d’étranges symboles. Il était en communication quotidienne avec la Puissance et réalisait des merveilles grâce à des sceaux et talismans. La Puissance l’instruisait de diverses matières sans rapport avec l’accomplissement des miracles. Carolus conseilla à son ami de déchirer le parchemin et de jeter les morceaux au sol et instantanément un jardin, des statues et un pavillon apparaîtrait. Il lui conseilla de ne jamais faire entrer du fer dans le jardin sans quoi le jardin disparaîtrait. Carolus ajouta que la Puissance se refusait à lui révéler la véritable essence du mystère, ne lui donnant que des miettes. Mais Carolus avait un plan très hardi pour obtenir le sceau nécessaire aux miracles. Après quoi il regagna Montevecchio. Le paysan qui avait fait des miracles venait de mourir. Il avait été tué par les villageois. C’était une bonne nouvelle pour Carolus car il avait peur que le paysan ne divulgue à d’autres le Mot et le Nom. Carolus annonça au prêtre qu’il s’était rendu à Padoue pour prendre l’avis de hautes autorités et qu’on l’avait spécialement chargé de trouver et d’exorciser l’esprit immonde qui avait enseigné ces merveilles au paysan. Le lendemain, Carolus aidé par le prêtre lui-même porta sur la colline les parfums, les cierges et les autres objets nécessaires à l’invocation de la Puissance. Lorsque la nuit tomba, Carolus traça le cercle magique et le pentacle avec tous les signes à leur due place. Il alluma les cierges puis commença l’Oeuvre. Il invoqua le Mot et le Nom d’une voix forte à trois reprises. Le sommet de la colline était parsemé de grosses pierres grisâtres. Une de ces pierres disparut. Une voix répondit à Carolus. Carolus se présenta comme l’homme érudit qui avait rencontré le paysan qui faisait des miracles. Il annonça à la Puissance qu’il était venu lui offrir son adoration en échange de sa sagesse. La Puissance s’avança vers Carolus sous la forme d’une ombre. Puis Carolus put distinguer son expression qui était empreinte d’une impatience sardonique. Une fumée odorante semblait accompagner la Puissance dans ses mouvements. La Puissance dit à Carolus qu’il était aussi bête que le paysan. Elle  demanda à Carolus s’il savait qui elle était. Carolus répondit qu’il devait être un principe de la race céleste. La puissance lui annonça être simplement le dernier d’un groupe d’êtres de son espèce dont la flotte était venue d’une lointaine étoile. Le cœur de la planète Terre était fait de ce métal maudit qui avait été fatal aux instruments de son peuple. Les vaisseaux extraterrestres avaient donc disparu. Il ne restait que la Puissance. Carolus crut que la Puissance cherchait à le tromper. Alors il traça dans la poussière le vrai nom de celui que le vulgaire nomme Lucifer. La Puissance répondit que cela ne voulait rien dire et que ce n’était que des légendes. Elle  avait observé les hommes pendant de nombreuses années et les avait méprisés. Maintenant elle était au terme de sa vie. Elle ne voulait pas que son savoir disparaisse. Son désir était de communiquer à l’homme la science qui autrement disparaîtrait avec elle. Cela donnerait aux hommes un semblant de civilisation. Carolus promit de garder jalousement les secrets qui lui seraient révélés. Mais la Puissance voulait au contraire que ce savoir soit répondu. La Puissance demanda à Carolus s’il avait une plume et du parchemin. Carolus n’en avait pas. Alors la Puissance lui demanda de revenir prêt à écrire. Ensuite, la Puissance parla de sa patrie et de sa race qui se trouvaient sur une planète très éloignée. Elle parla de musique qui n’était pas créé par un mystère mais par des ondes pareilles à celle de la lumière mais plus longues. Cette musique pouvait être entendue à n’importe quel endroit de sa planète. Pour Carolus, c’était une énigme. La puissance parla ensuite de la traversée du grand vide de l’Empyrée. Cela n’était pas clair pour Carolus cas pour lui les cieux étaient remplis d’innombrables étoiles. La puissance révéla à Carolus avoir commis une faute aux abords de la planète Terre mais en parla comme s’il s’agissait de mathématiques et non de rébellion contre la loi divine. C’est alors que la Puissance évoqua les vaisseaux de son peuple qui s’étaient trop rapprochés de la Terre à cause de l’attraction de cette planète. Pour Carolus il ne pouvait s’agir que d’une métaphore biblique. Carolus était persuadé que la puissance était une rebelle expulsée du paradis. Puis la puissance demanda ce qui était arrivé à son messager. Carolus lui révéla que le paysan avait été assassiné par les villageois. La puissance en fut dégoûtée. Carolus voulait être protégé mais la Puissance lui répondit qu’elle n’avait pas ce pouvoir. Carolus devait être prêts à risquer la fureur de ses compatriotes s’il voulait apprendre ce que la Puissance pouvait lui enseigner. La puissance prit un parchemin et inscrivit quelque chose puis prit un objet qu’elle portait et le jeta par terre. La puissance dit à Carolus que si des hommes l’attaquaient, il pourrait déchirer ce parchemin et le jeter dans la direction de ses attaquants. Elle lui conseilla de ne jamais porter de fer sur lui. La Puissance s’éloigna et disparut. Carolus retourna au village plongé dans ses pensées. La puissance avait évoqué sa propre mort. Pour Carolus c’était bien entendu une épreuve car les puissances des ténèbres étaient immortelles. Carolus voulait donc faire preuve de la plus grande prudence s’il voulait tirer parti de cette occasion. Il raconta au prêtre avoir affronté un esprit immonde qui l’avait supplié de ne pas l’exorciser en lui promettant de révéler la cachette de certains trésors qui avaient jadis appartenu à l’Eglise. Carolus avait eu connaissance du lieu où se trouvaient ces trésors. Carolus se procura du parchemin, une plume et de l’encre. Il remonta sur la colline le lendemain. Il déchira le parchemin et jeta les morceaux sur le sol. Aussitôt, apparut un trésor d’or et des pierreries. Il entendit un bruit et craignant pour le trésor, il courut reprendre sa dague, prèt à défendre ses richesses. Il entendit une voix lui dire : « je vois en effet que les richesses n’ont aucun attrait pour toi ! ». C’était un cruel sarcasme. La Puissance l’observait. Elle lui dit que les trésors étaient réels mais il suffisait que Carolus utilise sa dague pour les détruire. La Puissance ordonna à Carolus de toucher les trésors avec sa dague. Carolus obéit et tout le trésor disparut. Le morceau de parchemin réapparut puis se réduisit en cendres. La Puissance avait remarqué que Carolus avait fait preuve de sagesse en n’utilisant pas ses parfums. Alors elle fit preuve d’indulgence à son égard. Elle lui ordonna de prendre son parchemin et sa plume et de rengainer son poignard. La puissance toucha quelque chose à son côté et instantanément un luxueux pavillon apparut. La Puissance lui dicta des faits et des théories. Carolus fut incapable de décrypter ce qui lui avait été dicté. La Puissance avait décrit la façon de construire un générateur de champs de force. Comme Carolus paraissait se lasser d’écrire, la puissance lui offrit un sceau qui pourrait produire de nouveaux le trésor qui avait paru l’amuser. Il ajouta un sceau qui permettrait à Carolus d’avoir un bateau à moteur pour pouvoir aller partout où il voudrait sans se soucier des vents et de la marée. Carolus sentit que la Puissance était seule et prenait plaisir à parler avec lui.

Carolus aurait accepté de croire que la Puissance était un membre solitaire d’une race étrangère exilée à jamais si elle n’avait eu des pouvoirs. Carolus ne pouvait pas croire qu’il existait un autre monde. La puissance donnait également une explication de la manière dont elle vivait accoutumée à une bien plus dense que celle de la Terre, l’extraterrestre était obligé de créer autour de lui un champ de force pour maintenir une densité atmosphérique proche de celle de sa planète natale. Il portait un générateur au côté. La puissance recommandait d’éliminer le fer de tous les circuits mais des environs de tout appareils utilisant des oscillations à haute fréquence car il pouvait absorber leur énergie et entraver leur fonctionnement. Carolus avait formé un plan. Il savait que la puissance était dangereuse mais il était au désespoir.

Aux indiens du courrier, Carolus écrivait à Johannus avoir envoyé un courrier à l’attention du seigneur de Brabant. Pendant trois semaines, il s’était rendu quotidiennement au sommet de la colline pour écouter la Puissance et rédiger sa dictée. La Puissance lui avait expliqué qu’il n’y avait pas besoin de clés pour que ses mots compris et qu’il suffisait à Carolus de lire ce qu’il lui avait dicté. Alors Carolus acquit la conviction que la Puissance de lui révélerait jamais la sagesse promise. Carolus fit semblant de tomber malade pour que la Puissance le laisse partir dans une hutte au pied de la colline. Carolus se coucha dans sa hutte et le deuxième jour la Puissance vint le voir. Affectant une grande joie, Carolus s’empressa d’allumer un feu dans la cheminée rudimentaire. Carolus avait fait cela pour donner un signal. En voyant la fumée, le prêtre du village arriva sans se faire voir avec une chaîne de fer entourée de chiffons pour étouffer le bruit. Ont ensuite, le prêtre apparut à la porte en brandissant son crucifix et en chantant des exorcismes. La Puissance se tourna vers Carolus et celui–ci brandit sa dague. Il ordonna à la Puissance de lui donner les mots et les noms qui permettait de faire opérer les sceaux, des lui donner les secrets des énigmes que la Puissance lui avait fait écrire. La  puissance jeta un sceau sur le sol et lorsque le parchemin toucha terre, il fut réduit en cendres. La Puissance porta la main à son côté. Elle comprit qu’elle était entourée de cercles de fer. Elle dit à Carolus qu’elle avait essayé de lui donner la sagesse. Elle ne pouvait pas lui donner des choses qui n’existaient pas. Elle préférait mourir de la main du prêtre. Quand la Puissance s’avança vers la porte, elle enjamba la chaîne de fer et la brume qui l’entourait disparut. Le prêtre était épouvanté. La Puissance parla au prêtre. Le prêtre toucha la Puissance avec son crucifix en fer. Il y eut un monstrueux éclair de lumière bleue suivie par une boule de feu d’où sortait une épaisse fumée noire. La Puissance disparut. Carolus était à Venise et pouvait faire des prodiges grâce à ses sceaux. Il essaya de trouver la clé qui lui permettrait de déchiffrer la sagesse que la Puissance désirait faire partager aux hommes.

Le professeur McFarland demandait au professeur Charles où se trouvait la suite.

Chez les Terriens velus (R. A. Lafferty)

 

Le narrateur s’interrogeait sur le comportement des humains au cours des siècles. Pour lui, c’étaient des êtres d’une autre sorte qui nous visitèrent et qui agirent aussi glorieusement et aussi abominablement. Les Enfants avaient eu un long après-midi libre. Ils avaient eu le droit de se rendre dans une dizaine d’endroits merveilleux. Sept d’entre eux décidèrent d’aller sur Eretz. Les Mères trouvèrent cela bizarre mais les Pères les laissèrent voir l’un des derniers peuples simples. Ils pensaient qu’eux-mêmes étaient devenus un peuple calculateur et compromis. Les Enfant pourraient donc être des enfants pendant une demi-journée. Eretz était la planète du Péché et elle devait donc aussi être la planète de la Réparation. Les Enfants avaient reçu la tradition d’Eretz comme la foudre. Les Enfants avaient pris les noms d’Hobble, Michael Goodring, Ralpha Lonnie, Laurie, Bea et Joan lorsqu’ils descendirent sur Eretz. Sur Eretz, tout n’était que pays désolés les villes délabrées. Et les villes ! Florence, Prague, Venise, Londres, Cologne, Rome… ce n’était que des villes faites de pierre et de bois ! Les Enfants entrèrent en action à la manière d’une bombe. Ils firent les fous sur des continents entiers et se dispersèrent. Ils prirent les formes qui leur vinrent à l’esprit. Hobble était pareil à Vulcain, l’estropié. Michael Goodrind était un taureau au nez cassé. Ralpha était comme un jeune Mercure et Lonnie un grand géant à la barbe dorée. Laurie était le feu, Bea la lumière et Johann les ténèbres de la lune. Mais on voyait toujours qu’ils étaient cousins ou frères et sœurs. Lonnie devint purement gothique. Il avait dit au peuple qu’il était l’Empereur et chassa l’empereur Wenceslas. Il se fit appeler Sigismund. Il s’empara de la femme et de tous les châteaux de Wenceslas. Il souleva des armées eretzi pour faire la guerre. Il construisit de nouveaux châteaux. Le vrai Wenceslas qui avait été détrôné revint doté d’un nouveau pouvoir. Les deux empereurs détruisirent chacun les ponts et les villes de l’autre et se volèrent leurs grandes dames. Lonnie qui était Sigismund apprit que le Wenceslas contre lequel il luttait était Michael Goodgrind. Alors ils combattirent de plus belle. Jobst arriva. Il était issu d’une vieille souche royale. Il combattit les deux empereurs. C’était Ralpha qui prenait part au jeu comme troisième empereur. Les deux autres s’allièrent contre lui et le défirent à Constance. Ils écrasèrent l’Allemagne, la France et l’Italie. Les Eretzi étaient stupéfiés. Les histoires des Eretzi ou Terriens ne révèlent pas exactement tous les détails. Michael Goodrind devint roi d’Aragon et Loonie duc de Flandres. Laurie prétendit être treize reines différentes. Elle se mêlait aux Eretzi et était la plus dévergondée du groupe. Bea aimait le rôle de Grande Dame et de Personne libérale puis elle prit le rôle de cinq saintes différentes. Joan fut celle qui profita le plus de cet après-midi. Laurie composa un mélodrame : Lucrèce Borgia et la bague à poison. Lonnie composa un Prêteur sur gage et le Pape. Ca concernait la famille des Médicis. Lonnie joua le rôle des Médicis de cinq générations successives. Le drame laissa beaucoup de cadavres. Ralpha fit une œuvre intitulée Un, deux, trois… l’Infini. Dans sa représentation, il mit tous les autres Enfants à rôtir en Enfer et remplit le Purgatoire d’un peuple de type eretzi : les Balourds et pour le Paradis, il fit une parodie de chez Eux. Les Eretzi utilisent toujours une version écourtée de la pièce de Ralpha et l’appellent La Divine Comédie en excluant des parties très amusantes. Bea fit est une histoire intitulée le Feu de joie de la sorcière. Tous les enfants passèrent plus d’une joyeuse soirée avec cette histoire et ils brûlèrent 20 000 sorcières. Hobble qui était Vulcain jouait avec ses jouets morbides. Il jouait à l’atelier et aux fournaises, aux forges et aux carrousels. Les autres Enfants venaient souvent le voir travailler. Ils jouaient avec le verre des fours et faisaient des gobelets aux couleurs d’or, des poèmes de verre irisé, des têtes de gargouilles, des chevaliers chargeant des dragons et des figurines d’amoureux. Les Eretzi découvrirent certaines de ces choses que les Enfants avaient mises au rebut. Ils les étudièrent et les imitèrent. Les Enfants se firent des costumes de laine, de lin et de soie. Les Enfants fabriquèrent des manteaux, des capes et toutes ces choses dont ils avaient besoin pour leurs grandes mascarades. Ils fabriquèrent des tapisseries où étaient dessinées toutes sortes de scènes, des paysages Chez Eux et d’Eretz. Puis les Enfants quittèrent Hobble pour retourner à leurs jeux plus vivants.

Ils se construisirent des Châteaux en Espagne et des Gardes dans le Languedoc. Les filles jouaient pour toujours aux Intrigues pour fournir des causes aux guerres. Les garçons se lassaient rarement des guerres. Ils trouvaient cela drôle de jouer à la guerre avec des soldats vivants et les Eretzi étaient vivants, en un sens… les Eretzi avaient eu des guerres et des armées longtemps avant tout cela mais c’était alors des choses sans but. Les Enfants conçurent des batailles : Gallipoli, le sac de Rome, Lépante… Les Enfants découvrirent alors en eux-mêmes de nouvelles émotions. Les Enfants abandonnèrent le jeu et se rappelèrent alors qu’il leur était interdit de jouer à la guerre avec des soldats vivants. Les Eretzi, de nouveau livrés à eux-mêmes continuèrent de mener leurs batailles comme des affaires mornes et sans passion.

Les Enfants jouaient souvent aux jalousies et aux immoralités car il y a un sens du mal latent chez tous les enfants. Ralpha prit le corps d’un autre, descendit une vallée en jouant du luth. Il enchanta les oiseaux et ensorcela toute la campagne. Mais il se produit une chose singulière : le prélude devint plus important que le jeu et Ralpha tomba amoureux de son propre chant et oublia Laurie qui l’avait inspiré. Il composa une centaine de sonnets avec des mots eretzi italiens et du Languedoc. Il découvrit alors que la poésie et le chant sont de la passion différée. Il ne remarqua jamais que Laurie l’avait quitté.

Michael Goodgrind inventa un nouveau moyen de jouer aux corps : il en faisait avec du marbre et il en peignait sur de la toile. Il fit les Gens de chez Eux et les Eretzi. Il voulait faire des anges mais Joan lui dit qu’il ne pouvait pas.  Il affirma que les Eretzi ne savaient pas qu’il ne pouvait pas alors il voulait faire des anges pour eux. Les autres Enfants l’imitèrent et se représentèrent eux-mêmes. Puis les Enfants se consacrèrent à un autre jeu. Ils jouèrent aux royaumes et aux Constitutions, aux banques et aux bateaux et aux provinces. Puis ils se mirent à jouer aux livres car à Hooble est venait d’inventer la machine à imprimer. Hooble était celui qui avait le moins d’imagination et ne faisait pas les choses en grand comme les autres. Les Enfants avaient une profonde influence sur les Eretzi. Les Eretzi se mirent à les copier. Est ainsi que les Eretzi découvrirent l’astrolabe le, le chariotage, le roulement à billes, les goujons, la fraiseuse, le baromètre, la scie mécanique, le marteau-pilon et l’imprimerie, la soudure, la clef à molette, le télescope, le microscope, la fabrication du papier, la boussole, les planisphères, la porcelaine, les cartes à jouer, le tabac, le whisky et l’horloge mécanique.

Ils déclenchèrent quelque chose d’irréversible en montrant aux Eretzi la voie. Ils avaient tout submergé par le nombre même de leurs inventions nouvelles et rien ne serait plus jamais aussi simple sur Eretz. Il y eut un grand nombre des milliers de jours et des nuits eretzi dans ce Long Après-Midi. Les Enfants ont commencé à en avoir assez. Ils arpentaient un grand chemin du Levant arborant les corps des rois et de leurs dames. Ils aperçurent un Pèlerin avec son bâton qui leur barrait le chemin. Ralpha qui était roi de Bulgarie, ce jour-là ordonna de renverser le pèlerin. Mais le pèlerin savait se servir de son bâton et c’est lui qui étendit les Enfants sur le chemin. Il leur administra ce que leurs Pères avaient oublié de leur donner. Il leur dit qu’ils étaient des Enfants ignorants qui avaient abusé de l’après-midi qui leur était imparti sur Terre. Il les accusa d’avoir détruit et perverti tout ce qu’ils avaient touché. Ralpha rétorqua qu’ils les avaient fait progresser d’un millier d’années eretzi en un seul de leurs Après-midi. Le pèlerin leur reprocha d’avoir rompu l’enchaînement logique de l’humanité et l’avoir fait régresser dans plus de domaines qu’ils l’avaient fait progresser. Joan se vanta d’avoir apporté des machines aux humains. Grâce à elle les humains ne seraient plus jamais pareils. Le pèlerin répondit qu’ils avaient souillé les humains en leur enseignant les immoralités. De plus, ils avaient tué plusieurs milliers d’humains dans leurs batailles. Michael prétendit faire partie d’une race supérieure. Le pèlerin rétorqua qu’ils étaient des enfants pervers et sans compassion. Lonnie ne comprenait pas pourquoi elle devrait avoir à la compassion pour les Eretzi. Ralpha demanda au pèlerin s’il éprouvait de la compassion pour les souris. Il acquiesça. Ralpha pensait que le pèlerin n’était pas un Eretzi mais un Père de chez eux déguisé en pèlerin. Il savait qu’un événement avait eu lieu en Coélie-Syrie et il pensait que le Père était venu enquêter. Mais le pèlerin affirma être de la Terre. Il leur ordonna de rentrer chez eux.

Alors les Enfants jouèrent au Saints. Ils ne se repentirent de tout le mal qu’ils avaient fait qu’après en avoir profité tout au long du long Après-midi. Et finalement ils se réunirent et repartirent de cette haute colline en Italie qui sépare Prato de Florence. Il existe toutefois une théorie selon laquelle l’un des deux Hooble serait resté et se trouverait encore parmi nous. Il était impossible de distinguer Hooble de sa créature alors les Enfants jouèrent à pile ou face pour savoir lequel s’en irait et lequel resterait. Les auteurs de la monographie considéraient comme évident que les Enfants avaient passé de courtes vacances sur Terre plus d’une fois et qu’ils avaient empiété sur notre présent. Les auteurs se demandaient si les humains n’étaient pas devenus des Enfants.

Culbute dans le temps (Chad Oliver)

Grand-père Erskine avait quelque chose qui n’allait pas et tout Pryorville le savait. Il travaillait et cela en dépit de sa ferme conviction hautement proclamée que l’application laborieuse était la marque infaillible d’un esprit faible. Ses  remarques d’ordinaire acides avaient perdu beaucoup de leur mordant. Le signe le plus inquiétant était que Grand-père Erskine avait été surpris exprimant son enthousiasme à propos du prochain pèlerinage annuel de Pryorville. Auparavant, on se rappelait l’avoir entrevu déclarer péremptoirement que le pèlerinage représentait l’institution la plus ennuyeuse que l’humanité ait jamais connue. Deux jours avant le pèlerinage, tous ces symptômes étaient manifestes et l'on sentait qu'une crise approchait. Il se réveilla aux premières lueurs de l'aube sans prendre la peine de canarder avec sa carabine le geai bleu qui logeait dans l'arbre en face de sa fenêtre. Il se savonna le visage et se rasa puis il s'aspergea d'une bonne dose de lotion du cerf sauvage que sa cousine Bess avait en horreur. Une surface de 2 m² de murs était occupée par une galerie de portraits des membres de la famille du Grand-père Erskine. Bon nombre de ces hommes portaient l'uniforme des Etats confédérés tandis que les femmes portaient des robes à col montant. Les enfants étaient guindés et propres comme des sous neufs. Grand-père s'habilla avec un soin digne d'un maniaque. Il choisit un livre dans sa bibliothèque : le général Sherman, un héros américain. Puis il entra dans le living-room, enleva son chapeau et fit une magnifique révérence pour saluer les dames. Il réussit à se fâcher avec sa cousine Bess et Mrs Jackson. Il partit en direction de la ville. Il allait s'offrir un bon petit déjeuner puis il pourrait attaquer son travail de la journée. Son seul problème était qu'il ne savait pas encore exactement où il volerait le poste de télévision.

Loin au-dessus de la ville, le grand astronef attendait. Sa mission était presque terminée. Il était d'usage d'agir par l'entremise d'un indigène disposé à violer les tabous de sa culture contre une récompense appropriée. Mais le mode de paiement choisi par le vieux bonhomme était d'une étrangeté déconcertante. La ville était nettement moins morte que d'habitude. Le vieil hôtel avait été repeint à neuf, chaque femme en ville était occupée à mettre la dernière main à son costume du XIXe siècle. Une fenêtre sur deux était pavoisée aux couleurs des Etats confédérés. Grand-père traversa toute cette splendeur fanée en chantant l'Hymne de combat de la République. Il aimait ennuyer le monde. Il ne supportait pas l'hypocrisie de cette ville et il chantait l'hymne Yankee par provocation. Il rencontra le maire déguisé en cow-boy. Le maire fit de son mieux pour ignorer grand-père. Mais grand-père s'arrangea pour placer quelques allusions perfides au sujet d'opérations véreuses sur le pétrole. Puis il coinça Mrs Audrey Busby devant l'hôtel. Il fit son entrée dans la salle à manger de l'hôtel où il fut enchanté d'apercevoir Allan Garner, un avocat du pays qui était convaincu que la souveraineté absolue des Etats sécessionnistes. Grand-père s'assit à côté de lui. Il fit remarquer la supériorité du générale Grant sur le général Lee et disserta abondamment sur le rôle de la Cour suprême dans la société américaine. Mais Allan lui répondit qu'on menait une vie douce et distinguée dans les plantations des Etats du Sud. Il prétendit ne pas être favorable à l'esclavage. Grand-père lui dit qu'il voulait simplement de la main-d'oeuvre gratuite pour pouvoir voir de l'alcool tranquille. Garner rétorqua qu'il ne buvait pas. Cela fit rire grand-père. Et Garner quitta l'hôtel en fureur. Grand-père décida que l'endroit idéal où voler un poste de télévision serait sa propre maison. Il rentra chez lui. La cousine Bess était dans la cuisine en train de préparer des sandwiches avec sa sœur May. Il se rendit dans le salon de musique où se trouvait la télévision. Grand-père emporta la télé sans faire de bruit jusque dans le garage. Puis il mit le poste dans le coffre de sa voiture. Il loua un bateau et rama pendant presque une heure. Il arriva sur un îlot désolé où il déposa la télévision. Il restait un jour et demi à attendre. Depuis le premier contact, l'astronef était demeuré invisible ; il faisait simplement descendre une petite sphère la nuit pour prendre le butin que grand-père apportait dans l'île. Les extraterrestres récupèrent la télévision et ils la démontèrent puis ils la rangèrent avec le reste des spécimens ethnologiques provenant de la Terre. Le jour du pèlerinage arriva. Les touristes affluaient en masse à Pryorville. La ville périclitait après avoir connu une ère de rapide développement. Les fondateurs de la ville avaient refusé le chemin de fer. Chaque année, au printemps, les vieilles maisons où s'entassaient les antiquités étaient ouvertes au public et une pièce de théâtre rappelait le meurtre de Saphir Sadie qui avait été célèbre au XIXe siècle. La cousine Bess apportait les dernières retouches à sa robe et à sa capeline de femme de pionnier. Elle ne se sentait réellement vivre que lors du pèlerinage. Le maire chevauchait un splendide étalon bai. Il était déguisé en ce qu'il se représentait comme la tenue classique du cow-boy. Cela lui fournissait une bonne excuse pour avoir un revolver. Il tirait sur les touristes des balles à blanc. Il était fermement convaincu d'être un tireur né dont l'oeil restait de glace en toutes circonstances. Quant à Mrs Audrey Busby, elle n'avait pas seulement l'aspect extérieur d'une Indienne ; dans sa propre pensée, elle était une Indienne. Allan Garner était à l'hôtel, regardant par la fenêtre. Pryorville était pour lui le symbole de la décadence du Sud. Il considérait le pèlerinage comme une pâle imitation de ce qui avait existé réellement, mais cela valait mieux que rien. Le défilé devait commencer à dix heures. Grand-père Erskine se glissa en ricanant dans le grenier de la maison qu'il partageait avec la cousine Bess et alla directement à une curieuse machine qu'il avait cachée dans des caisses d'emballage. Il abaissa un interrupteur qui brillait dans la pénombre. Dans l'astronef, les lumières baissèrent momentanément quand un énorme flot d'énergie fut tiré de l'installation atomique et dirigé vers la machine que grand-père avait mise en marche dans son grenier. Presque tous les occupants de l'astronef se groupèrent en souriant autour des écrans de vision. Le défilé commença et au début, les spectateurs ne remarquèrent rien d'anormal. Un homme habillé comme un joueur professionnel tira de sa poche un petit pistolet qu'il déchargea en l'air. La foule regarda de plus près et le silence se fit soudain. La dernière chose qu'on eût attendue d'un Indien participant à un défilé, c'était bien qu’il fût un authentique Indien. Il y avait là cinq Indiens armés d’une lance, d’un arc ou d’une masse. Deux Indiennes suivaient les hommes. Un morceau d'étoffe leur ceignait la taille en guise de jupe et elles ne portaient pour toute autre parure qu'un collier de coquillages. Il est évident que Mrs Audrey ne se fait jamais montrée en public dans une telle tenue. Une des femmes de la ville s'évanouit sur le trottoir à leur passage. Grand-père Erskine riait, bien installé dans son fauteuil à bascule, regardant l'histoire authentique de Pryorville défiler devant lui.

Un chariot fatigué et boueux passa, il était conduit par une femme aux cheveux gris qui excitait les bœufs avec des jurons tandis qu'un garçon posté à l'arrière du chariot utilisait la grand-rue comme un urinoir. Un homme grisonnant à cheval précédait le chariot. Quand un chien s'élança en aboyant dans la rue, l'homme le tua avec son fusil. Les cow-boys et les Indiens du passé étaient tous là ainsi que les soldats confédérés et Saphir Sadie en personne. Elle était loin de ressembler à la délicate dame en robe blanche qui jouait son rôle dans la pièce. Sa profession ne faisait pas le moindre doute. Longtemps avant la fin du défilé, les spectateurs s'éclipsèrent. Mais le spectacle continua. Le whisky se mit à couler en abondance. Les Indiens établirent leur camp dans un terrain vague et les squaws rôtirent le chien abattu. Saphir Sadie établit son commerce à l'Hôtel du Bayou. Les cow-boys et les chasseurs se mirent à prospecter les maisons pour en déloger les jolies filles du Sud. Deux excellentes batailles se déroulèrent dont la plus meurtrière eut lieu avec des fusils de chasse. Grand-père se frottait les mains de joie. Il n'avait qu'un regret : ne pas pouvoir observer l'autre extrémité de la grande opération de basculement dans le Temps. Les occupants de l'astronef, eux, ne s'en privèrent pas. Certaines personnes avaient été arrachées au passé par le Dislocateur Temporel Sélectif mais certains contemporains avaient dû alors être expédiés pour les remplacer. Le dispositif cesserait de fonctionner quand la source d'énergie de l'astronef ne serait plus présente ce qui signifiait que ce voyage temporel serait sans retour pour les intéressés. La cousine Bess avait été envoyée dans le passé. Elle se retrouva dans une cabane avec un homme hostile. L'homme avait confondu Bess avec sa femme Lucy puis s'était rendu compte de sa méprise. Il s'appelait Amos Carrico et proposa à Bess de devenir sa femme en attendant que Lucy revienne au bercail. Il lui ordonna d'aller écorcher le cochon qu'il venait de tuer. Elle baissa la tête avec soumission. Audrey Busby avait l'impression d'avoir été battue comme plâtre. Elle s'était retrouvée avec un Indien. Puis l'Indien avait abandonnée au milieu d'un horrible désert. Elle reprit confiance en apercevant un village indien. Le maire de Pryorville se trouva soudain au bout d'une longue rue poussiéreuse. Il fut surpris de découvrir des saloons à Pryorville. Un homme vint vers lui. C'était Doc Holliday. L'homme était impressionné par le revolver du maire. Le maire répondit qu'il n'était chargé qu'avec des balles à blanc. Puis il détacha la ceinture à laquelle pendait son arme. Il proposa un verre à Doc qui accepta. Allan Garner crut qu'il était mort en voyant devant lui une magnifique demeure blanche. Il savait qu'il se trouvait enfin dans son cher vieux Sud. En voyant sa maison, il comprit qu'il était devenu un métayer. Il éclata en sanglots. Il comprit que c'était grand-père Erskine le responsable. Pendant ce temps, grand-père se payait du bon temps en jouant au poker avec Saphir et un chasseur de buffles. L'astronef avait accompli sa mission et disparut dans l'espace.

L'homme qui aima une Faïoli (Roger Zelazny)

John Auden rencontra la Faïoli sur un rocher près de la Vallée des Morts. Il sembla à John que c'était une jeune fille humaine alors qu'elle avait des ailes lumineuses. Il posa sa main droite sur l'épaule de la jeune fille et lui adressa quelques mots de réconfort. La jeune fille continua à pleurer. Alors il comprit que ce qu'on disait des Faïoli était vrai. Elles ne voyaient que les vivants. Elles avaient l'aspect des femmes les plus belles de tout l'univers. John envisagea de devenir un homme vivant. Le mois précédant sa mort, un de ses rares hommes qui mouraient encore avaient reçu la visite d'une Faïoli. Elle avait vécu avec lui pendant l'ultime mois de son existence en lui prodiguant tous les plaisirs pour qu'il accepte plus facilement le baiser de la mort. Il mit en marche le mécanisme placé sous son aisselle gauche destiné à lui redonner la vie. Il sentit la chaire féminine de la Faïoli. Il comprit alors que son sens du toucher était redevenu celui d'un homme. Elle lui demanda d'où il venait et il répondit qu'il venait de la Vallée des Morts. Elle voulut toucher son visage et il accepta. Il lui demanda son nom. Elle s'appelait Sythia. Elle lui annonça qu'elle était venue vivre auprès de lui pour lui apporter plaisirs et réconfort. Il comprit que le rituel commençait. Il lui demanda pourquoi elle pleurait. Elle pleurait parce qu'il n'y avait rien de vivant dans ce monde et elle était  lasse de voyager. Elle voulait savoir où John habitait. C'était pas loin du tout. Elle le suivit dans la Vallée des Morts où il avait établi sa demeure. Elle garda les yeux fixés sur le visage de John et la main posée sur son bras. Elle ne voyait pas les morts et ne comprenait pas le nom de cet endroit. Ils traversèrent la Vallée des ossements où des millions de morts appartenant à des mondes divers étaient entassés. Elle ne se rendait pas compte qu'elle avait traversé le cimetière où s'assemblaient les morts de tous les mondes. Elle avait rencontré le gardien de ce cimetière mais ignorait qui était celui qui marchait à ses côtés. John actionna d'anciens dispositifs placés à l'intérieur du bâtiment construit dans la montagne. Et la lumière jaillit des murs, une lumière dont il ne s'était encore jamais servi mais qui lui serait nécessaire à présent. La porte se referma et la température s'éleva pour atteindre un de chaleur normal. John était heureux de retrouver la sensation de respirer. Pour la première fois depuis une éternité, il prépara un repas. La jeune fille dînait avec lui. Ils burent du vin et se sentirent heureux. Puis la jeune fille entraîna John vers le lit pour lui faire goûter les plaisirs des sens. Le lendemain, elle lui dit qu'elle le trouvait différent des autres hommes car il paraissait prendre de la vie tout de ce qu'il pouvait en tirer pour en jouir. Il répondit qu'il aspirait à goûter ce que ces jours pouvaient lui apporter de bon sachant qu'ils touchaient à leur fin. Il voulait savoir si elle lui avait donné du plaisir et il répondit qu'il en avait reçu plus qu’il n’en avait jamais connu. Après le petit déjeuner, ils allèrent se promener dans la Vallée des ossements elle ne pouvait voir ce que John lui écrivait. Alors il désigna de la main l'avion-fusée qui descendait du ciel et lui montra les robots occupés à sortir de l'engin les restes des morts. Elle s'efforça de voir ce dont il parlait mais sans y parvenir. Même lorsqu'un des robots se dirigea vers John pour lui tendre la table sur laquelle il devait signer un récépissé, elle ne comprit rien de ce qui se passait. Les jours suivants, John avait l'impression de vivre un rêve traversé cependant de quelques souffrances. Sythia l'interrogea à ce sujet et il lui répondait que le plaisir et la douleur étaient proches l'un de l'autre. Les Faïoli savaient toujours reconnaître le moment où la mort d'un homme approchait et elles donnaient toujours plus qu'elles ne recevaient. La vie s'enfuyait et Sythia en rehaussait la valeur avant de l'emporter pour s'en repaître sans doute. John savait que Sythia n'avait jamais rencontré un homme tel que lui. Il ressentait de l'amour pour elle. Il savait qu'elle le désirait pour se servir de lui en fin de compte mais il était le seul homme de tout l'univers capable de duper quelqu'un de son espèce. Cette créature venue de par-delà les étoiles lui avait prodigué tout ce qu'un homme pouvait désirer. Il est un mal nommé souffrance qui atteint tous les êtres vivants et John l'avait ressenti plus que n'importe quel autre homme. Mais Sythia qui n'avait jamais connu que la vie ne pouvait le comprendre. Le jour devait venir… Et il vint. Il comprit qu'il avait été envoûté par la Faïoli. Par sa fragilité, elle suscitait chez les hommes le désir de plaire. John était devenu plus faible. Il en était venu à envier le robot qui s'avançait, chaque jour car il était dépourvu de sexe et ignorait la passion. John lui avait demandé ce qu'il ferait s'il pouvait éprouver des désirs et qu'il rencontre une chose capable de lui apporter tout ce qu’il pourrait désirer au monde et le robot lui répondit qu'il tacherait de la garder. Le 31e jour, John et Sythia retournèrent à l'endroit où John avait vécu pendant un mois il sentit la peur de la mort s'appesantir sur lui. Il lui dit qu'il l'aimait car c'était une chose qu’il n'avait jamais encore dite. Elle l'embrassa avant de lui répondre qu'elle le savait et que le moment était presque venu pour lui de l'aimer complètement. Elle lui demanda et ce qui le rendait différent des autres et comment pouvait-il en savoir autant sur ce que ne devait en connaître aucun mortel. Et comment avait-il pu l’approcher sans qu'elle s'en rende compte. Il répondit que c'était parce qu'il était déjà mort. Elle voulait savoir comment il avait réussi à demeurer conscient sans être vivant. Il répondit qu’à l'intérieur de son corps des commandes étaient installées. Il avait offert ses services comme gardien du cimetière car personne ne pouvait le regarder avec répulsion. Alors elle toucha la commande sous son aisselle et il disparut à ses yeux. Elle sanglota et son corps disparut progressivement. John se mit à la recherche de Sythia. La morale de l'histoire est sans doute que la vie (peut-être en est-il de même pour l'amour) est plus forte que ce qu'elle renferme, mais jamais que ce qui la renferme.

 

L'homme et les dieux (Arthur C. Clarke)

 

C'étaient les derniers temps de l'Empire. Les savants du Service d'Exploration Galactique poursuivaient inlassablement leur tâche sans fin. La nef n'avait que trois occupants qui avaient passé la moitié de leur vie dans l'espace. Ils s'approchaient d'une étoile. Puis ils découvrirent une première planète. Mais elle était trop froide pour une vie protoplasmique. Ils reprirent donc les recherches en se dirigeant vers le soleil et ne tardèrent pas à en être récompensés. Puis ils découvrirent une planète avec deux masses de terres émergées qui flottaient dans des mers bleues et vertes, couronnées de glace aux deux pôles. La majeure partie de la planète était visiblement fertile. Ils se posèrent dans une zone sub-tropicale. Le capitaine Altman quitta son siège avec un soupir de soulagement. Bertrond annonça au capitaine que la planète était géologiquement stabilisée et qu'il n'y avait pas trace de villes. Clindar leur rappela qu'ils disposaient de peu de temps pour explorer la planète. Ils envoyèrent un robot pour explorer la surface de la planète. Le robot capta la présence d'un oiseau et transmit l'image à l'équipage. Les trois hommes n'avaient jamais pu s'habituer à cette exploration par machine interposée alors que tous leurs instincts les incitaient à quitter le bord pour courir dans l'herbe et sentir le souffle du vent sur leurs visages. Mais ils savaient que les pires ennemis étaient invisibles : bactéries et virus. Un robot était en mesure d’affronter tous les dangers et même s'il rencontrait un animal assez puissant pour le démolir, il serait toujours remplaçable. C'était un travail épuisant que d'empêcher le robot de se heurter aux obstacles pendant sa progression dans la forêt. Puis le robot chancela et tomba. Clindar ramena le robot en position assise et lui fit pivoter la tête. Un grand quadrupède l'avait attaqué par derrière. Clindar déclencha la sirène du robot et le robot marcha sur son adversaire en battant des bras. L'animal effrayé s'enfuit. Altman était surpris. Il estimait que les animaux s'attaquaient à quelque chose qui leur était inconnu. Et l'animal aurait pu prendre le robot pour un bipède plus comestible. Clindar voulait faire sortir le robot de la jungle pour s'assurer que celle-ci n'était pas ouverte par un sentier. Tout à coup, le robot envoya des images d'un village constitué de fragiles cabanes. Le village était entouré d'une palissade. Clindar observa que ce village aurait pu être leur planète 100 000 ans  plus tôt. Ils avaient découvert une centaine de planètes où la vie était du même type que sur la leur. Bertrond estima qu'il fallait mettre au point une procédure de contact avec les villageois. Ils ne pouvaient pas envoyer le robot car cela risquait de déclencher la panique. Trois jours s'écoulèrent avant que les tests biologiques prouvent que l'on pouvait débarquer sans danger. Néanmoins Bertrond insista pour être le seul à sortir avec le robot. Les de chez eux empiraient. Cela les écrasait par moments d'une impression de futilité. Ils savaient qu'à tout moment ils risquaient de recevoir le signal de rappel quand l'Empire rassemblerait ses ultimes ressources. Une semaine après leur arrivée, ils connaissaient les sentiers empruntés par les villageois pour aller à la chasse et Bertrond avait choisi l'un des sentiers les moins fréquentés pour y installer solidement une chaise au milieu du passage et pour y lire un livre. Au pied de Bertrand gisait la carcasse d'une petite bête dans l'espoir que tout chasseur qui passerait par là la considérerait comme un présent acceptable. Un sauvage s'avança avec assez d'assurance. Il était armé d'un javelot. En voyant Bertrond, il adopta une démarche plus prudente. Le sauvage s'est rendu compte qu'il n'avait rien à craindre car l'étranger était de petite taille et n'avait visiblement pas d'arme. Bertrond lui adressa un sourire encourageant et se leva doucement. Il ramassa la carcasse de la bête et la présenta comme une offrande. Le sauvage accepta le cadeau. Puis il fit demi-tour et repartit vers le village. Il se retourna pour voir si Bertrond le suivait et Bertrand lui adressa un geste rassurant. Cela sembla trop beau pour être vrai selon Altman. Bertrond revint lentement vers l'astronef. Le robot monta la garde à quelques pas derrière lui. Il pensait que cette planète était peu peuplé et que les villageois n’avaient pas d'ennemis. Clindar se demandait pourquoi les villageois avaient installé une palissade autour du village s'ils n'avaient pas d'ennemis. Bertrond pensait que le sauvage reviendrait motivé par la curiosité et l'avidité.

Tous les matins, le robot partait à la chasse sous la direction de Clindar. Ensuite Bertrond attendait que Yaan, c'était le nom de l'indigène, arrive. Il venait tous les jours seul, à la même heure. Il s'était vite laissé persuader de s'attarder un moment par l'exhibition de tissus et de cristaux aux couleurs bigarrées. Bertrond réussit à engager avec lui de longues conversations enregistrées par les yeux du robot caché. Bertrond avait réussi à apprendre quelques verbes et substantifs élémentaires de la langue de Yaan. Entre ces rencontres quotidiennes, l'astronef voyageait au loin pour explorer d'en haut la planète. Ils avaient observé plusieurs autres collectivités humaines sans entrer en contact avec elles car leur niveau de civilisation était à peu près égal à celui de Yaan. Cependant, la civilisation de Bertrond était trop harassée pour s'inquiéter du sort de ces cousins sauvages se trouvant à l'aube de l'histoire. Une fois persuadé d'être devenu partie de la vie quotidienne de Yaan, Bertrond se décide décida à lui présenter le robot. Pour la première fois, Yaan montra de la peur et se détendit en entendant les mots apaisants que lui prodiguait Bertrond. Le robot apporta une bête morte à Bertrond qui l'offrit à Yaan. La voix de Clindar sortit du haut-parleur du robot. Ce dernier était surpris de la placidité avec laquelle Yaan acceptait leur présence. Bertrond pensait qu'à présent rien ne pourrait plus effrayer Yaan car il avait su lui prouver sa confiance. Altman lui aussi utilisa le robot pour émettre une opinion et Yaan fut surpris d'entendre le robot avec deux voix différentes. Le lendemain matin, Yaan entendit retentir dans la jungle la voix puissante et il la reconnut malgré son ampleur surhumaine c'était la voix de Bertrond qui l'appelait. Le géant étincelant qui lui parlait avec tant de voix diverses le rencontra à quelque distance du village et lui fit signe de le suivre. Bertrond n'était nulle part en vue. Il le retrouva près de la rive du fleuve. Bertrond renvoya le robot qui se retira assez loin. Bertrond prit la parole, allant et venant à petits pas rapides, et une trace de colère perçait dans sa voix. Il annonça à Yaan que tout était fini. Bertrond devenait revenir dans son monde. Il lui laissa des outils bien qu'il y avait des chances pour que ces objets soient oubliés dans une génération. Il aurait voulu prévenir Yaan contre les erreurs que son peuple avait commises et allait à présent leur coûter tout ce qu'ils avaient gagné. Il adressa un geste d'adieu à Yaan et repartit dans son vaisseau. Yaan comprit que les dieux étaient partis pour ne plus jamais revenir. Dans son âme s'éveilla  un sentiment de perte qu’il ne devait jamais plus oublier et qu’il ne comprendrait jamais. Il rentra dans son village avec les outils offerts. Un millier de siècles plus tard, les descendants de Yaan construiraient la grande ville de Babylone.

 

 

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