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Humanisme : le Contrat social
28 juin 2008

Coluche par Franck Tenaille

Coluche par Franck Tenaille Le film de sa vie Toute vie a son triangle des Bermudes où se noient, au fil des ans, les souvenirs. Pour Coluche, c’était Montrouge, banlieue ouvrière. Il y est né le 28 octobre 1944 au 5 de l’avenue Emile Boutroux, dans un immeuble de briques noires. Son père, Honoré Colucci était maçon et peintre en bâtiment. Sa mère, Mathilde (dite Monette) était fleuriste. L’aisance fruste de la famille de l’immigré italien doit compter avec le destin abrupt. En 1947, Honoré meurt, laissant une veuve de 27 ans et deux enfants à nourrir, Michel et sa soeur Danièle. Monette économisera et fera des heures supplémentaires. L’appartement est petit, une pièce sombre, une cuisine et les toilettes sur le palier. Parfois, des voisins donnent des vêtements pour les petits. Coluche dit plus tard : « Elle voulait qu’on soit habillés impeccables » alors elle dépensait ses sous dans les magasins. Michel est à l’école maternelle et à l’école primaire, 57 rue de Bagneux où, nostalgique il viendra se faire photographier adulte. Il a des prédispositions pour les « conneries ». Il est dissipé, joue les animateurs de classe et fréquente « la Solo », la cité Solidarité où il vivait. Il fréquente aussi les deux salles de ciné du quartier. « Gégé » un camarade de classe affirme qu’il avait déjà de l’humour. Le bal de la mairie de Montrouge se terminait souvent chez les flics à cause des luttes de bandes. Il a la passion de la course grâce aux stock-cars du dimanche et René Metge (vainqueur du Dakar) épouse sa soeur. Il écoute du rock. « Love me tender » de Presley est sa chanson préférée. Il échoue au certificat d’études même s’il s’était appliqué à la dictée pour contredire ses profs qui le trouvaient nul en orthographe. Il sèche une partie des épreuves pour aller au cinéma voir Marylin Monroe. Monette en est chagrinée. Alors il entre à la poste comme télégraphiste mais son comportement de rigolo ne plaît pas à son chef et il est licencié. Tout à tour, il sera graveur de plaques funéraires, photographe, barman, livreur, marchand de légumes, préparateur en pharmacie. Mais Coluche attriste toujours sa mère à cause de ses frasques qui le conduisent au commissariat. Michel devance l’appel pour revenir plus vite du service militaire. Puis il veut parler « arts » pour impressionner ses copains. Il avait demandé à une ouvreuse la méthode pour réussir au cinéma et lui avait répondu : « Avec ta tête, mon p’tit gars, ça risque pas ! ». Michel est dans la misère et il se cherche. Pour apaiser sa mère, il va s’inscrire aux cours gratuits de l’école de dessin industriel du boulevard Montparnasse mais doit vite abandonner. Il reste 18 mois sous les drapeaux. Il en parlera peu mais si le service a dû lui inspirer des personnages, il devient un antimilitariste pur et dur. En 1965, il est de retour à Montrouge et tente sa chance comme fleuriste avec son solex à l’île de la cité chez Michel Morin. Il a le sens de la clientèle allant jusqu’à passer une heure à composer un bouquet quand le client a une bonne tête. Il pouvait être tendre et brutal avec une vieille collègue mais il laissera sa place à la dame quand le patron devra licencier plusieurs employés. Après quoi, il zone au quartier latin, à Mouffetard. Muni d’une guitare, il fréquente les terrasses chantant des chansons réalistes de Bruant, de Prévert mais ses recettes sont maigres. Les cabarets où il postule ne s’intéressent pas à son talent. Il loge dans une chambre de bonne du quartier latin. Pourtant, un jour, il est embauché « Chez Bernadette » rue des Bernardins. Il y chante du Bruant. Il rencontre Boby Lapointe et Georges Moustaki. Voyant qu’il a plus de succès en faisant rire qu’en chantant, il change de registre. Il découvre Jean Yanne, Fernand Raynaud et Fernandel et espère « la moitié de leur carrière » pour être content. Il s’aperçoit qu’il faut piquer des trucs aux célébrités pour réussir et va voir les films de Liz Taylor pour s’inspirer de son regard. Puis il fait le sourd, le gai. Il dit que comédien c’est juste un métier fondé sur l’égocentrisme. En 1968, il assiste aux réunions de comédiens à la Sorbonne. Mais sa filiation avec l’esprit de Mai s’est faite a posteriori. Il n’est que spectateur pendant l’ère des barricades. Il a fait son deuil de la politique après avoir été aux jeunesses communistes. Il a de la sympathie pour les ouvriers et les étudiants mais se sent extérieur au conflit. Il entre à « La Méthode » et joue des sketches avec Alain Pelé et Frantz. Il chante des couplets anarchistes. Son mentor sera Romain Bouteille. Il aura toujours une dette envers lui au point de lui témoigner sa reconnaissance en appelant son premier fils Romain. Bouteille est un excellent pédagogue. Il va apprendre le métier à Coluche. Il a déjà connu le succès à « La vieille grille » où se produisait Higelin et Brigitte Fontaine. Coluche apprend à emmagasiner, digérer et restituer à sa manière tout ce qu’il capte dans le monde environnant. Il appelle cela la technique de l’éponge. Bouteille apprendra à Coluche un truc essentiel : avoir un crayon et du papier en permanence. Coluche se servira d’un magnétophone de poche. Il veut un local et entraîne Bouteille dans son projet. Avec 2 500 francs, ils louent un ancien atelier de réparation de ventilateurs au 15 de la rue d’Odessa qu’ils baptisent le « café de la gare » puisqu’il est près de la gare Montparnasse. C’est Miou Miou qui a trouvé le nom. Par manque d’argent, ils ne peuvent décorer alors ils font la quête. Devos, Brel, Escudero, Perret donnent. Il y aura Patrick Dewaere se faisant photographier devant une fleur que Coluche a peinte sur un mur. La bande travaille sous le régime de la communauté. Le café de la gare est composé de Romain Bouteille, Sotha, Miou Miou, Dewaere, Coluche, Catherine Mitry, Gérard Lefebvre, Henry Guybet, Jean-Michel Haas. C’est Coluche qui baptise Sylvette Herry, Miou Miou car il la trouve gnan-gnan. D’autres futures vedette les rejoindront : Depardieu, Renaud, Rufus. La devise inscrite en façade du café de la gare est : « C’est moche, c’est sale, c’est dans le vent ». Trois pièces verront le jour : « Un nombre insensé de choses vues, jouées, dansées par le café de la gare », « Allume, j’étouffe » et « Robin des quoi ». Au cours de la quatrième pièce « Des boulons dans mon yaourt », Coluche s’en va. Il avoue être devenu chiant par problème d’égo. Bouteille était plus connu que lui et Coluche le vivait mal. A partir du moment où Coluche a pu faire cavalier seul, il ne se fâchait plus avec Bouteille et l’aidait même financièrement. Coluche a tourné dans « Le pistonné » de Claude Berri et a pu donner de l’argent à Bouteille pour qu’il tourne son film « Au long de la rivière Fango ». L’ego démesuré de Coluche, son affirmation outré cachait en fait une nature inquiète et un doute perpétuel. Mais cela est compensé par une extrême fidélité à ses amis et à une volonté de leur renvoyer l’ascenseur. Sa générosité dispendieuse ne connut pas de limites. Le premier épisode du café de la gare se termine en 1972. L’équipe tourne « Themroc » de Claude Faraldo. Coluche s’y mue en cannibale. Bouteille s’installe 41 rue du Temple et Coluche conserve le local de la rue d’Odessa pour son nouveau théâtre « Le vrai chic parisien, théâtre vulgaire ». Avec le café-théâtre, Coluche a réoxygéné l’art du spectacle. Il crée « Thérèse est triste » qu’il va jouer au théâtre de la rue Bruyère et à la Taverne de l’Olympia. Dans le Vrai chic parisien se trouvaient Coluche, Auguste Geronimi,; Christine Dejoux, Alain Chevestrier (dit Bouboule), Martin Lamotte, Jacques Delaporte, Michel Putterflam, Jacques Rousselot, Claire Nadaud, Alain Pelé, Xavier Thibault (le fils de Jean-Marc). Coluche monte un orchestre appelé « Bobby Bouillon et ses déments ». La deuxième pièce est intitulée « Ginette Lacaze, 1960 » qui raconte l’odyssée mélancolique d’une bande de jeunes. Cette pièce sera jouée en première partie de Dick Rivers à l’Olympia. Puis c’est « Introduction à l’esthétique » avec Philippe Bruneau (qui travaillera ensuite avec Collaro). Il s’agit d’une pièce sur des membres de la haute société pris dans une orgie qui se termine en tuerie. La pièce connut un succès des plus mitigés en même temps qu’un retour des dissensions entre les comédiens. Coluche s’en va en laissant le théâtre à ses copains car il est trop individualiste pour travailler avec un groupe. Il rencontre Paul Lederman, ancien vendeur à « Symphonie » le grand magasin du passage du Lido à Paris puis aussi aux « Grands magasins Réaumur ». Son sens du marketing lui fait rencontrer Lucky Blondo et Claude François. Il rencontre Coluche lors de l’inauguration des nouveaux locaux de la régie de RTL. Coluche était avec sa troupe mais Lederman en le voyant s’est tout de suite dit « c’est lui ». A la même époque il découvre Le Luron. Coluche rencontre Véronique Kantor qu’il «épouse en octobre 1975. Journaliste à Combat, elle devait écrire un article sur le café de la gare et a eu le coup de foudre pour Coluche. Plus tard Coluche déclarera : « La période où je suis devenu vedette de music-hall m’intéresse plus que celle où je suis resté » probablement à cause de Véronique. Lederman lance Coluche en 1974. Coluche, en conséquence, doit refuser le rôle que Claude Berri lui proposait dans « Le mâle du siècle ». Lederman transforme un restaurant de la rue de Berri en café théâtre, le « caf’ conc’ » et avec son associé Claude Martinez, il lance une grande compagnie d’affichage à Paris. Le bouche à oreille va bien fonctionner. Coluche enregistre son premier album au « Vrai chic parisien », il se vend à 300 000 exemplaires, il s’intitule ironiquement « Mes adieux au music-hall ». En février 1975, il est à l’Olympia. Il divise les Parisiens. Son personnage de gros Français moyen ne plaît pas à tout le monde. Son personnage est réactionnaire, lâche, raciste, anti-jeune, misogyne, beauf. Il se rapproche du « gros dégueulasse » de Reiser dont Coluche est l’ami. Ils ont collaboré dans « L’écho des savanes ». L’humour de Coluche est ambigu. Au 1er degré, il passe pour raciste, bête et méchant mais au second, il passe pour un redresseur de torts. Pourtant l’écrit n’était pas son fort et il ne lisait guère. Son élément naturel était la parole d’où sa prédilection pour la radio. La langue de Coluche était celle du monde du travail, des quartiers, de la rue, interdite de cité publique. Il brise des tabous. A l’été 75, le sketch « Le Schmilblik » assoit sa popularité, plus d’un million de 45 tours vendus ! Il est à Bobino en décembre. Dès lors, il y a un avant et un après Coluche tant son humour est inédit. Le Point fait sa une sur Coluche titrant : « Coluche, le nouveau rire ». Coluche parlant de cinéma disait que ce n’était pas dur contrairement au music-hall car le long travail pour fignoler ses sketches lui pesait. Coluche travaillait en direct, il lui fallait un va-et-vient avec l’extérieur, chose que ne lui apportait pas le cinéma. Il avait tourné dans Le Pistonné en 1969 puis dans Laisse aller, c’est une valse et Elle court la banlieue, en 1972, il joue dans Salut l’artiste, en 1973 dans Themroc et le Grand bazar. La réussite viendra avec le film de Patrice Lecomte « Les vécés étaient fermés de l’intérieur en 1975. En 1976, c’est le carton avec « L’aile ou la cuisse » avec plus d’un million d’entrées. Il rêvait de tourner avec De Funès et le respect fut mutuel et De Funès déclara : « Coluche est un grand ». Coluche passe derrière la caméra en 1977 pour « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine » qui devait s’appeler « Les ours suisses ne se ressemblent pas ». La musique est de son ami Gainsbourg et le jeune premier est Gérard Lanvin que Coluche a rencontré quand Lanvin travaillait aux puces de Clignancourt. Le film fut un échec et Coluche arrêta la réalisation. Il joue la même année dans « Drôles de zèbre », le film de Guy Lux, également un échec. Fin 77; Coluche s’installe au Gymnase pour un an et demi à guichets fermés ! Il est un révélateur de la société des années 70 grâce à son pouvoir d’imprégnation. Il s’appuie sur le réel. En parlant des cons et des Français moyens, il parle de lui mais dans la salle, tout le monde pense à son voisin. A propos de son apparence, il déclare dans le Nouvel Observateur : « Je suis un petit gros, alors j’ai toujours porté une salopette. L’idée du nez rouge m’est venue après une balade à mobylette avec Bouteille. C’était le plein hiver. Il faisait froid et Romain était blanc, blanc glacé, et il avait le nez rouge. Et j’ai trouvé que c’était vraiment un beau truc pour le spectacle. » Il devient riche et dans sa maison, rue Gazan les amis et les pique-assiettes défilent. Coluche est trop généreux.
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