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Humanisme : le Contrat social
13 septembre 2008

Rêve de fer I

Rêve de fer (Norman Spinrad)

   Si Norman Spinrad n’est pas un baby-boomer, il est incontestablement l’un des premiers porte-parole de cette génération, et sans doute le premier dans le domaine de la science-fiction, où il introduit le rock en 1969 dans le « Le grand flash ». Il a vécu son adolescence dans les années 60 lors de la « révolution sexuelle » et des drogues psychédéliques. Il est donc bien conscient, en tant qu’écrivain, que les années 60, où la musique en générale et le rock en particulier constituent un vecteur pour des idées politiques ou de critique sociale. Le comble pour un auteur juif comme Spinrad est d’écrire un roman signé Adolf Hitler. Il s’agit d’une parodie noire, et d’une violence qui dépasse tout ce que Spinrad a pu écrire auparavant. Le seigneur du Svastika (censé écrit par Hitler dans le roman de Spinrad) a obtenu dans son uchronie le prix Hugo (prix de SF) en 1954. Le livre de Spinrad est donc un livre dans un livre puisque sur la page première se trouve écrit « Adolf Hitler, Le seigneur su svastika ». Dans cette uchronie, le nazisme ne s’est pas imposé en Allemagne en 1933 et Hitler est un écrivain de SF. On apprend qu’Hitler a émigré à New-York en 1919 après une brève incursion dans les milieux radicaux munichois donc aucun putsch raté en 1923. Il mène une existence précaire d’artiste, apprend l’anglais et devient traducteur occasionnel à Greenwich village. Après cela, il devient illustrateur dans des magazines et des revues de bd. Son premier dessin paraît en 1930 dans Amazing, une revue de SF. Spinrad raconte qu’Hitler édite nombre d’anthologies, écrit de savoureuses critiques et publie pendant dix ans une fanzine intitulé Storm. Il meurt en 1953 et reçoit le prix Hugo à titre posthume en 1954. Des conventions de fans s’organisent et les costumes qu’il a imaginés dans ses romans et nouvelles sont les thèmes favoris des bals masqués. Spinrad imagine même une préface au « roman » d’Hitler dans laquelle il écrit « les amateurs de SF du monde entier considèrent « Le seigneur du svastika » comme le plus percutant et le mieux réussi des romans d’Hitler ».

I

   Dès le premier chapitre de son « roman » Hitler montre la dichotomie entre les « Borgraviens » (les non aryens) « approximativement humanoïdes » et Feric, l’aryen blond aux yeux bleus, qui apparaît, de la tête aux pieds, comme l’humain « génétiquement pur ». Hitler décrit un paysage nauséabond que Feric doit traverser dont la description ressemble à celle des ghettos dans les pamphlets d’Edouard Drumont. Les Borgraviens « piaillent » selon Hitler, pour lui il sont donc des animaux. Drumont avait utilisé le même terme dans « La France juive ». Dans la capitale du pays imaginé par Hitler, Gormand, « Les épidermes de la populace composent une palette démente de mutations et de métissage ». Spinrad dénonce dans les premières pages du « roman » d’Hitler la démence raciste de celui-ci. Parmi les Borgraviens, mélanges de toutes races métissées se trouvent les « dominateurs » ce sont les Juifs. Quand Feric en rencontre un, il éprouve « un flottement », une « émanation psychique ». Il s’agit donc bien du rejet inhérent à Hitler pour les Juifs. Hitler parlant des Dominateurs dans la ville utilise le mot « contamination ». Le lexique de la maladie pour décrire les Juifs avait également été utilisé par Drumont et consorts. Le pays des Aryens est dénommé « La Grande République de Heldon » où même les chênes majestueux sont « génétiquement purs ». Heldon est la vision démente de l’Allemagne décrite par Hitler dans Mein Kampf. « Une forêt d’hommes génétiquement purs ». Evidemment les couleurs de la République de Heldon sont celles du drapeau nazi, noir, rouge et blanc. On apprend qu’il existe des lois sur la pureté raciale comme les lois de Nuremberg de 1935. Hitler raconte qu’un Borgravien tente de passer les tests raciaux pour être admis à Heldon mais son apparence humaine ne suffit pas car son « vernis génétique est gâté par l’âcre odeur chimique qu’exhale sa peau ». On en revient aux stéréotypes antisémites d’Hitler et de Drumont sur la prétendue odeur des Juifs. Hitler évoque le traité de Karmak qui a obligé Heldon à ouvrir ses frontières, mais uniquement aux humains certifiables. A la douane, il y a une sélection (comme dans les camps de concentration) entre ceux qui pourront entrer à Heldon et les autres qui seront refoulés. Feric, né en Borgravie, où son père a été banni pour de prétendus crimes de guerre. Hitler prétend que la proximité de la Borgravie a déteint sur la pureté raciale des douaniers helders qui montrent un certain laisser aller, ce qui déçoit Feric. Feric est obligé d’effectuer les démarches pour entrer à Heldon. Il apprend au douanier que son père Heermaak Jaggar occupa le poste de sous-secrétaire d’Etat à l’évolution génétique pendant la grande-guerre. (On pense que Spinrad a créé un Hitler romancier influencé et inspiré par la 1ère guerre mondiale). Feric est obligé de passer les tests et parmi les hommes qui se chargent de son cas il est révulsé en découvrant un secrétaire qu’il prend pour un Dom (Dominateur). Il le croit car l’homme à une « certaine lueur corrosive dans l’oeil, une subtile fortuité dans l’attitude ». La Grande République d’Heldon n’aurait donc pas été entièrement « épurée » dans la fiction d’Hitler ? Feric a donc la capacité de détecter un Dom et peu importait les subtilités de sa méthode. Tout devient clair, pour Feric, les douaniers sont prisonniers du champ du champ de dominance du secrétaire ! Feric doit souffler dans un ballon bleu traité chimiquement pour devenir vert si le candidat est bien un humain. Il doit ensuite expectorer dans une fiole de verre pour que sa salive soit analysée chimiquement. La salive est déclarée positive à 100% Puis Feric prend dans sa paume deux électrodes d’un psychomètre qui doit détecter les Doms. Mais il est impossible de savoir avec certitude si les Doms ne contrôlent pas consciemment leur décharges psychiques pour réussir le test (on pense à la « malignité des Juifs » dénoncée par Drumont au début de « La France Juive ». Feric réussit également ce test. Le secrétaire dominateur lui délivre son certificat de citoyen de la Grande République d’Heldon. Feric est outré par la pauvreté des tests et pense que la canaille pourrait les réussir. Alors il dénoncé aux médecins qui l’ont testé le secrétaire comme un Dom mais il n’est pas cru. Enfin Feric reçoit le certificat des mains d’un ancien militaire de la Grande guerre qui lui dit que sans le certificat il ne pourra se marier et que des commerçants pourront refuser sa clientèle. Malgré cela, Feric ne pourra se marier ou procréer sans la permission écrite du ministère de la Pureté génétique sous peine de mort. Sur son certificat, Feric découvre des svastikas rouge et noir, il s’agit donc bien d’une République nazie pour Hitler.

II

   Pour Feric, le spectacle de Heldon était en somme tout ce qui comptait réellement sur terre : la Grande République de Heldon, où se jouait l’avenir de l’humanité pure, en admettant que le pur génotype humain eût un avenir car les pays frontaliers comportent une majorité de métis et de mutants et détiennent le pouvoir politique (c’est le fameux complot judéo-maçonnique international auquel Spinrad doit penser). Si le monde devait un jour redevenir génétiquement pur, il faudrait que ce soit par la force des armes Helder (on pense au concept de guerre totale lancée par Hitler en 1943).

   Adolescent en Borgravie, Feric est devenu expert en mécanismes de motivation, science des slogans, technique de design extérieur et intérieur et intérieur et l’art du pamphlet. Feric a une vision d’horreur, il découvre des piétons mutants à Heldon. Les mutants ont des laissez-passer pour effectuer des travaux indignes pour les hommes purs. Feric pense que cette doctrine insidieuse universaliste est le fait des Doms. Les universalistes prônent l’élevage d’esclave abêtis chargés des basses besognes. Feric arrive dans la ville d’Ulmgarn. Il voit une ville bâtie par des hommes purs pour la première fois de sa vie. Il fait la comparaison avec Gormand dans une sorte d’hyperbole : d’un côté une aura de santé génétique et somatique, de l’autre la crasse et la puanteur. Feric se rend dans une grande taverne, « Le Nid d’aigle » (référence de Spinrad à la résidence d’Hitler dans les montagnes dans les années 1930/40). L’attention des hommes est fixée sur un mince et vif personnage vêtu d’une tunique verte, perché sur le bord d’une table en train d’harranguer un petit groupe (là encore Spinrad joue avec l’histoire en décrivant le Hitler de Munich en 1923). Feric commande une salade car il s’abstient de viande aussi souvent que possible (on se souvient qu’Hitler était végétarien). Le petit homme qui s’exclame sur la table s’appelle Bogel. Il est décrit comme un « intellectuel sarcastique ». Bogel parle du Parti de la Renaissance Humaine. Pourtant Hitler (version Spinrad) affirme : « De toute évidence, ce Bogel, pourtant doté d’un esprit vif, n’avait pas l’art d’entraîner les hommes par le seul jeu de son éloquence ». C’est donc un aveu de l’Hitler romancier uchronique de son échec en tant que politicien en Allemagne. Il est question d’extermination dans l’esprit de l’Hitler uchronique puisqu’il fait dire à Bogel : « Des hommes purs tels que nous ne pourront jamais se faire entière confiance tant qu’un seul misérable Dom vivra sur le territoire de Heldon ». Bogel et son Parti de la Renaissance Humaine qui insulte le gouvernement helder ressemble bien à l’Hitler réel et son NSDAP de 1923. Spinrad n’est jamais ambigu. Feric se lève et affirme à Bogel que lui n’est pas un flemmard prêt à laisser les sales besognes aux mutants, il est prêt à éventrer les Doms. Il est plus violent que Bogel. Il est acclamé par les hommes qui l’entourent. Alors Feric dénonce le secrétaire de la douane comme Dom et incite les hommes à le tuer. Alors Feric, Bogel et tous les hommes excités sortent de la taverne. Feric réalise que les hommes l’écoutent et lui obéissent même Bogel est fasciné. Feric serait donc le vrai Hitler et Bogel serait plutôt Dietrich Ecardt le fondateur du NSDAP. Feric et ses hommes se rendent au poste-frontière et il saisit Mork (le secrétaire). Celui-ci avoue sa qualité de Dom en traitant les Helders d’animaux. Alors il est lynché et tué par les hommes de Feric. Les douaniers se sentent libérés de l’emprise de Mork et remercient Feric. Les Doms, selon l’Hitler uchronique ont donc des pouvoirs psychiques sur les Helders. Spinrad s’est sans doute inspiré de la propagande antisémite de Goebbels pour inventer ce pouvoir. Incontestablement, Feric a le discours du vrai Hitler quand il harangue ses hommes : « Noyons tous les Dominateurs et les métis dans un océan de sang ! ».

III

   Bogel invite Feric à l’Auberge de la Forêt. Il lui demande de se présenter et ce qu’il souhaite. Feric est habité par la certitude d’avoir été choisi entre tous par le destin afin de réaliser le triomphe final d’Heldom. Bogel lui propose le poste de secrétaire général de son parti. Il avoue que son parti ne contient que trois cents membres. Feric accepte de devenir le chef du parti de Bogel et décide de se rendre à Walder, le deuxième ville du pays.

   Dans le paquebus qui les conduits à Walder, Bogel montre à Feric une voiture qui roule sur la route à pleine vitesse. Feric n’en avait jamais vu mais il sait qu’elle roule avec un carburant cher que les Helders doivent acheter aux immondes habitants de Zind. Feric rêve d’envahir Zind pour pouvoir offrir du pétrole et des voitures à tous les Helders (allusion de Spinrad aux fameuses volkswagen promises aux Allemands par Hitler). Les deux hommes parcourent la forêt d’émeraude, la légende dit que le royaume d’Heldom y est né (la nature était exaltée par les nazis et leurs prédécesseurs les volkish et les aryosophistes). On apprend qu’un guerre appelée « Le Feu » a au lieu. En quelques journées d’holocauste, des siècles auparavant, avaient provoqué les principaux maux qui dévastaient toujours le monde : la contamination génétique de la race humaine, les vastes déserts radioactifs, l’existence des Doms fétides. La voiture que Feric et Bogel avaient vue a été attaquée par des voleurs d’essence : les vengeurs noirs qui roulent à moto. Les motos des vengeurs noirs sont couvertes de svastikas. Eux-mêmes portent une cape brodée de svastika et des vêtements de cuir noir et brun (on pense aux SS ou à la gestapo). Alors le paquebus est obligé de s’arrêter. Les vengeurs entrent dans le vapeur et Feric les admire surtout leur chef, Stopa dont il voudrait bien pour meneur d’hommes. Stopa affirme haïr et tuer les mutants et les Doms par patriotisme. Bogel est blanc comme un linge mais Feric défie Stopa, il le domine psychologiquement puis se présente. Stopa lui ordonne pourtant de lui laisser son argent mais Feric le défie au combat. Alors Stopa lui propose d’être initié parmi les vengeurs.

IV

Stoppa et ses hommes emmènent Feric et Bogel avec eux jusqu’à leur camp dans la forêt. Bogel est terrorisé et Feric lui décoche un regard noir. Il pense qu’il a besoin de davantage de plomb dans la cervelle. Les vengeurs préparent un rituel d’initiation. Ils ornent le camp de multiples torches hautes de trois mètres. Ainsi le centre du camp des vengeurs n’est plus qu’un cercle incandescent qui lancent des langues de flammes dans les profondeurs de la forêt. Pour être initiés Feric et Bogel doivent survivre à l’épreuve de l’eau, l’épreuve du feu et l’épreuve du fer. Feric et Bogel doivent d’abord réussir à boire entièrement un récipient énorme empli de bière sans reprendre leur souffle sinon Stopa leur tire une balle dans la tête. Feric défie Stoppa en lui demandant de subir à son tour l’épreuve de la bière et il y arrive. Feric doit ensuite subir l’épreuve du feu. Il doit traverser à moto deux rangées de flammes séparées seulement d’un mètre. Il émerge roussi mais indemne après cette épreuve. Il défie encore Stopa en lui demandant de repasser le parcours de flamme avec lui, ils réussissent tous les deux. Feric subit la dernière épreuve, celle du fer. Il doit se battre jusqu’à la mort contre Stopa avec une massue. La massue de Feric ne peut rivaliser ni en taille ni en poids avec celle de son adversaire donc le combat semble inégal. Des vengeurs apportent la Grande Massue de Held, le sceptre perdu du pouvoir royal, le Commandeur d’acier. Elle comprend l’emblème du svastika, noir sur fond blanc autour d’un cercle cramoisi. Feric comprend que cette arme n’était pas une légende mais le reste des temps anciens. Stal Held avait fait forger cette arme par une communauté de sorciers captifs, selon la légende, avec laquelle il avait assassiné les créatures ennemies de l’homme. L’alliage dans lequel l’arme avait été forgée lui donnait le poids d’un taureau géant : aucun homme ordinaire ne pouvait la remuer, encore moins la porter. Comme la légende de la lance de Longinus (sensée donner le pouvoir absolu à celui qui la possédait) soulever la grande massue signifiait conquérir, au sens premier du terme, le droit historique à régenter tout Heldon. Au cours du combat entre Stopa et Feric, Stopa arrive à briser en deux la massue de Feric. Il parvient à désarmer son adversaire après lui avoir fait perdre l’équilibre. Mais Feric arrive à rouler jusqu’à la massue légendaire, le commandeur d’acier, s’en empare et brise la massue de Stopa. Alors, Stopa tombe à genoux, les yeux baissés, la tête inclinée et les autres vengeurs l’imitent. Feric trouve la légendaire massue aussi légère qu’une badine et en lui revivent les gènes de la maison royale de Heldon. Dès lors, il pense être de plein droit le chef de Heldon. Il pense que son destin est d’éliminer les Doms et d’exiger ensuite jusqu’au dernier pouce de terre habitable pour le vrai génotype humain. Feric voit Stopa lui faire allégeance en baisant le svastika de la massue légendaire et tous les autres l’imitent. Bogel est exempté du rituel d’initiation. Les vengeurs sont comparés par Spinrad aux SA de Hitler. Les SA sont dans « Rêve de fer » baptisés les « Chevaliers su svastika ». Feric lève son bras à l’horizontal reproduisant ainsi le salut de la Maison royale et crie « vive la victoire » (ce qui n’est autre que le Zieg Heil d’Hitler).

 

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