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Humanisme : le Contrat social
28 avril 2020

Le trésor des alchimistes (Jacques Sadoul).

 

sadoul

En avant-propos, Jacques Sadoul évoque une anecdote. Un apothicaire nommé Starkey qui avait émigré d'Angleterre en Amérique, au début du XVIIe siècle, avait pour locataire un certain John Smith, un nom d'emprunt assurément. Ce locataire demanda à l'apothicaire la permission de pénétrer dans son laboratoire. Starkey accepta mais demanda à son fils, George, de jeter un coup d'oeil sur l'opération exécutée par John Smith. Georges vit Smith transformer du plomb en or. John Smith fit cadeau à ses hôtes d'une partie du produit de sa transmutation mais il refusa catégoriquement de les initier à son art en expliquant que les alchimistes étaient strictement tenus par des voeux sévères de ne jamais procurer la connaissance de leur art à quiconque apporterait la confusion dans le monde, s'il en disposait, et de tous les maux qui en résulteraient car l'adepte qui en aurait indirectement été l'instigateur devrait répondre devant Dieu. John Smith s'appelait en réalité Eyrénée Philalèthe.

Livre I : l'art hermétique.

 

1

Premier contact avec l'alchimie.

Jacques Sadoul raconte son premier contact avec l'alchimie durant l'hiver 1956. Pris dans une tempête de neige, il fut obligé de se réfugier dans une librairie de la rue Saint-Jacques. C'était une librairie occultiste. Il tomba sur un livre étrange intitulé « Les Douze clefs de la philosophie ». Mais le livre lui parut d'une érudition dépassant largement les possibilités du néophyte qu'il était. L'auteur du livre était le frère Basile Valentin de l'ordre de Saint-Benoît.

Néanmoins, les étrangetés de Basile Valentin se mirent peu à peu à exercer sur Sadoul une véritable fascination. Alors il retourna dans la librairie de la rue Saint-Jacques pour acheter des ouvrages accessibles aux débutants. Le libraire lui expliqua avec une certaine condescendance que les deux derniers livres de la sorte étaient pas respectivement en 1860 et 1891 et qu'ils étaient pratiquement épuisés depuis lors. Le libraire ajouta qu'on ne pouvait trouver que deux sortes d'ouvrages, les uns étant des rééditions de traités alchimiques des siècles passés, les autres des études modernes analysant les causes psychologiques, voire psychanalytiques du phénomène alchimique. Mais le libraire trouvait que ces livres étaient écrits par des gens qui allient l'incompétence à la fatuité. Le libraire proposa à Sadoul un livre écrit par Claude d'Ygé dont le titre était « Nouvel assemblée des philosophes chymiques » paru en 1954. Le libraire expliqua qu'on appelait les alchimistes des philosophes hermétiques ou chymiques avec un y ; c'était une dénomination traditionnelle. Sadoul commença aussitôt l'étude du livre.

L'ouvrage avait été rendu suffisamment accessible aux lecteurs attentifs. Il fallut plus d'un an à Sadoul pour se procurer la vingtaine d'ouvrages de base nécessaire à l'étude de l'alchimie. Au début, comme tout le monde, Sadoul pensait que l'alchimie était tout entière contenue dans sa définition de Louis Figuier : « l'objet de l'alchimie c'est, comme personne ne l'ignore, la transmutation des métaux ; changer les métaux vils en métaux nobles, faire de l'or ou de l'argent par des moyens artificiels, tel fut le but de cette singulière science, qui ne compte pas moins de 15 siècles de durée » (L’alchimie et les alchimistes, 1856).

Sadoul apprit que le travail pratique de l'alchimiste, appelé le magistère, tendait à réaliser une substance extraordinaire, la Pierre philosophale, qui avait la propriété de transmuter en or n'importe quel métal en fusion. Roger Bacon écrivit dans son « Miroir d'alquimie : « l'alchimie est la science qui enseigne à préparer une certaine médecine ou élixir, lequel étant projeté sur les métaux imparfaits leur communique la perfection dans le moment même de la projection. »

Sadoul trouva une première mise en garde dans l'ouvrage de Grillot de Givry « Le Musée des sorciers, mages et alchimistes » : « pour bien des gens qui ne l'ont pas étudiée, l'alchimie n'est qu'un amas de rêveries et de divagations, résultant d'une vaine tentative des hommes pour faire de l'or artificiel, à laquelle ils étaient poussés, soit par une cupidité sordide, soit par une folie orgueilleuse de vouloir s'égaler au Créateur. Cependant, ceux qui étudient l'alchimie, en dehors de ces préoccupations inférieures, ne tardent pas à y découvrir un charme dont la suavité ne saurait être décrite ; et dans l'édifice ténébreux des sciences du Moyen Âge, celle-ci irradie ses roses géantes, silencieuses et immobiles qui, loin des vulgarités de la vie, baignent d'une lumière ineffable le transept des cathédrales endormies. »

Sadoul se demanda si cet accent mis sur la transmutation des métaux en or n'était pas une sorte de poudre jetée aux yeux des non-initiés pour mieux les tenir à l'écart des réalités secrètes de l'alchimie.

À côté des alchimistes proprement dits, il y eut deux autres catégories de personnages qui tentèrent de transmuter les métaux ; d'abord les souffleurs puis les archimistes. En marge du Grand Art, les souffleurs constituaient une secte inférieure où abondaient charlatans, marchands d'orviétan, fous, sorciers, jeteurs de sorts, envoûteurs, noueurs d'aiguillettes, truands et surtout ces stupides valets d'officine ayant cru dérober aux « laborants » une partie de leurs secrets ou une étincelle de leur génie. La préparation des poisons constituait les sources impures de leurs maigres revenus.

Les souffleurs, gens sans vergogne, poussés par l'exécrable soif de l'or ne pouvaient se résigner aux longs délais exigés par l'alchimie. Ils prétendaient remplacer la lente action du temps par l'ardeur de leurs foyers.

Il y a trois éléments secrets nécessaires à l'élaboration de la Pierre philosophale : la matière première, corps unique sur lequel l'alchimiste travaille et qu'il soumet à l'action du feu secret (encore appelé premier agent), puis du mercure philosophique. Les souffleurs, ignorant à quoi correspondaient ces appellations symboliques, mettaient donc n'importe quoi dans leurs creusets ou dans leurs cornues. Certaines de leurs découvertes leur furent fatales.

La carrière de maintes souffleurs se termina par une énorme explosion.

Un grand nombre de réactions chimiques, et aussi des corps nouveaux, furent découverts par ces pseudo alchimistes.

Les archimistes, chercheurs indépendants opérant à la fin XIXe siècle et au début du XXe siècle prétendait que la transmutation des métaux en or était parfaitement possible par des voies chimiques ordinaires. Mais la science officielle ne reconnut jamais pour valables les transmutations que les archimistes prétendirent avoir effectuées. En 1931, en Allemagne, le professeur Hans Miethe affirma avoir transmuté du mercure en or. Une analyse de ses manipulations révéla que les traces d'or trouvées dans le mercure à la fin de l'expérience provenaient tout simplement des branches des lunettes du professeur qui avaient été attaquées par les vapeurs du mercure !

Les expériences de Jolivet-Castelot après la guerre de 1914 n'étaient pas reconnues comme alchimiques par les adeptes contemporains. Jolivet-Castelot réclamait uniquement le contrôle des chimistes ce qui prouvait que les transmutations qu'il affirmait obtenir étaient effectuées par voie chimique.

En alchimie, l'expression « matière première » désigne indifféremment, dans les traitées d'alchimie, les trois états bien différenciés : matière éloignée, matière prochaine et rebis (du latin res-bis qui signifie la substance double). Sadoul souligne l'incroyable obscurité des textes alchimiques et en particulier de la terminologie. Ainsi un même corps peut porter plus de 12 noms différents !

Buffon pensait qu'il ne fallait rien tirer des livres d'alchimie qu'il avait pris la peine de lire et même d'étudier. Il n'y avait trouvé que des obscurités, des procédés inintelligibles dont il n'avait rien pu conclure sinon que tous ces chercheurs de Pierre philosophale avaient regardé le mercure comme la base commune des métaux et surtout de l'or et de l'argent.

Selon l'écrivain scientifique Louis Figuier, oour adopter un langage obscur et inaccessible, les alchimistes avaient un excellent motif. Ils n'avaient rien à dire sur l'art de faire de l'or car tous leurs efforts pour y parvenir étaient demeurés inutiles.

Persuadés de la réalité de leur Oeuvre, les adeptes s'estimaient responsables des pouvoirs occultes qu'ils détenaient et, par suite, se réservaient la possibilité d'interdire le magistère à ceux qui en seraient indignes.

Les traités d'alchimie ne doivent par conséquent être considérés ni comme des manuels d'initiation ni comme des communications scientifiques destinées aux autres philosophes. Ils sont réservés à une troisième catégorie de lecteurs, celle des initiables, selon l'heureuse expression de René Alleau dans son livre Aspects de l'alchimie traditionnelle dans lequel il met en lumière l'existence de personnes pouvant accéder à l'art hermétique par elles-mêmes sans le secours d'un guide.

L'alchimie peut nous paraître incompréhensible à l'heure actuelle, tout simplement parce que certaines notions courantes lors de la formation de cette science sont aujourd'hui oubliées.

Sadoul pense que les alchimistes avaient à cacher quelque chose de plus important que le secret du métal précieux.

2

Hermès et l'histoire de l'alchimie.

La Chine, l'Égypte, le Moyen-Orient et la Grèce peuvent prétendre avoir donné le jour à l'alchimie. La tradition fait remonter l'art hermétique à Hermès lui-même. On lui attribue plusieurs traités alchimiques, entre autres la fameuse Table d'émeraude qui est certainement le plus court résumé existant du Grand Œuvre. Une légende veut que ce texte ait été trouvé par les soldats d'Alexandre le Grand dans les profondeurs de la grande pyramide de Gizeh, qui ne serait autre que le tombeau d'Hermès.

Hermès aurait lui-même gravé les quelques lignes qui composent la Table d'émeraude avec une pointe de diamant sur une lame d'émeraude, d'où son nom.

Voici le texte de la Table d'émeraude :

« il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable :

« ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut et comme ce qui est en bas ; par ces choses se font le miracle d'une seule chose. Et comme toutes les choses sont et proviennent d'UN, par la médiation d'UN, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation.

« Le Soleil en est le père, la Lune la mère. Le vent l'a porté dans son ventre. La terre est sa nourrice et son réceptacle. Le père de tout, le Thélème du monde universel est ici. Sa force puissance reste entière, si elle est convertie en terre.

Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l'épais, doucement, avec grande industrie. Il monte de la terre et descend du ciel, et reçoit la force des choses supérieures et des choses inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire du monde, et toute obscurité s'enfuira de toi.

« C'est la force, forte de toute force, car elle vaincra toute choses subtile et pénétrera toute chose solide. Ainsi, le monde a été créé. De cela sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen est ici donné.

« C'est pourquoi j'ai été appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie universelle.

« Ce que j'ai dit de l'Oeuvre solaire est complet. »

Les plus anciens textes chinois, le Tsai-y-Chi et le Tao font déjà état de spéculations sur la matière et sur les possibilités de transmutations métalliques. Néanmoins, le berceau concret de l'alchimie semble devoir être recherché chez des Grecs, les Arabes et à Byzance. La principale école grecque d'art hermétique fut fondée à Alexandrie par Zozime le Panapolitain vers le début du quatrième siècle après Jésus-Christ. L'un de ses disciples, Démocrite, affirme l'existence de deux poudres de projection, l'une blanche et l'autre rouge.

La fameuse femme alchimistes, Marie la Juive vécut à la même époque. C'est elle qui découvrit le « bain-marie ». Elle inventa aussi le kerotakis qui est un récipient fermé où l'on exposait à l'action de vapeurs des métaux réduits en minces feuilles et l'aéromètre.

D'Alexandrie, l'alchimie émigra à Byzance au Vè siècle. Puis elle passa aux Arabes du VIIè au XIe siècle, l'alchimie fut ainsi introduite dans tous les pays que les Arabes avaient réduits par la force de leurs armes et en particulier en Espagne qui devint ainsi un des plus grands centres hermétiques de l'Europe. Le mot « alchimie » lui-même vient de l'Égyptien  kêmeia et de l'article arabe  el. L'influence arabe sur l'art hermétique conservait encore tout son poids à l'époque d'Albert le Grand et de Thomas d'Aquin. De nombreux mots d'alchimie arabe sont d'ailleurs passés dans le langage courant, élixir, alcool, alambic, etc. Le plus grand adepte arabe fut sans conteste Geber auteur de la Somme des perfections du magistère.

Il vécut au VIIIè siècle après Jésus-Christ et fut l'élève d'un célèbre maître de l'islam, l'imam Djafar. Il explique, dans ses ouvrages, la préparation de l'acide nitrique et d'autres corps chimiques totalement inconnus des savants occidentaux. Il existe tout de même un doute sur la Somme des perfections puisque ce texte a été perdu et que sa première version connue est une traduction datant de la fin du XIIIe siècle. Le traducteur a pu, pour asseoir davantage l'autorité de l'alchimiste arabe, introduire dans le texte des découvertes datant des XIe et XIIe siècle.

Pratiquement tous les grands adeptes ont vu la paternité des ouvrages qui portent leur nom mise en doute. S'il faut en croire les historiens, Albert Le Grand n'a jamais écrit une ligne sur l'alchimie pas plus que son élève Thomas d'Aquin. Les traités attribués à Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle, le pape Jean XXII et tant d'autres seraient des faux. Toutes les oeuvres alchimiques de Raymond Lulle sont qualifiées d'apocryphes. Essentiellement parce qu'elles furent publiées après sa mort. La paternité de ses ouvrages ne lui a été contestée qu'après qu'il eut reçu de l'Eglise catholique la qualité de « bienheureux ».

La plupart des vieux philosophes placent les vertus médicinales de la Pierre philosophale bien avant ses qualités transmutatoires.

3

Les  principes de l'alchimie.

L'art des alchimistes est avant tout fait de rapports personnels entre la nature et eux-mêmes. Le premier principe des alchimistes est l'affirmation de l'unité de la matière. Dans son Char de triomphe de l'antimoine, Basile Valentin écrit : « toutes choses viennent d'une même semence, elles ont toute été, à l'origine, enfantées par la même mère ».

Il ne faut pas oublier que l'alchimie est avant tout une science traditionnelle et l'enseignement platonicien était parvenu sans discontinuité aux adeptes de toutes les périodes de l'histoire.

Tous les alchimistes savaient qu'une maxime attribuée à Platon avait été gravée sur l'une des stèles du temple de Saïs : « je suis tout ce qui a été, ce qui est, ce qui sera. Nul d'entre les mortels n'a soulevé le voile qui me couvre. »

Ensuite, les alchimistes posaient en principe que les métaux, loin d'être des corps simples, étaient bien au contraire composés et renfermaient tous trois éléments dont seules les proportions variaient, à savoir le mercure des philosophes, le soufre des philosophes et le sel ou arsenic. Le mercure des philosophes n'a rien de commun avec le mercure. Quant aux soufre et au sel, ils ne correspondent pas davantage au corps chimiques qui portent ces noms, il s'agit seulement d'appellations symboliques.

Les alchimistes estimaient que le cuivre était composé de parts égales de soufre et de mercure avec seulement un peu de sel en doses infinitésimales.

Geber estimait que l'or est formé d'un mercure très subtil et d'un peu de soufre très pur, fixe et clair, qui a une rougeur nette. Roger Bacon déclara dans son Miroir d'alquimie : « nature de l'or : l'or est un corps parfait composé d'un mercure pur, fixe, brillant, rouge et d'un soufre pur, fixe, rouge, non combustible. L'or est parfait ».

Pour les alchimistes, le mercure, ou élément femelle, symbolisait l'élément proprement métallique, la cause de l'éclat, de la ductilité et de la malléabilité des métaux. Le soufre, ou élément mâle, indiquait leur degré de combustibilité et leur couleur ; le sel (ou arsenic), plutôt qu'un troisième élément, représentait le moyen d'union entre le soufre et le mercure.

Dès l'instant où tous les métaux étaient composés d'éléments rigoureusement identiques, mais en proportions différentes, il devenait logique de penser qu'on pouvait modifier ces proportions par l'action d'un agent catalyseur, la Pierre philosophale. C'est Geber qui, le premier, exposa cette théorie.

Les alchimistes étaient conduits à admettre l'existence dans la nature d'une matière première unique. Ils estimaient que la formation des minéraux et des métaux, à partir de cette matière première, était tout à fait comparable à celle du foetus dans la matrice des êtres animés. La théorie des quatre éléments, héritée de l'Antiquité, avait été adaptée par les alchimistes.

Pour un alchimiste, tout liquide est une Eau, tout solide est Terre en dernière analyse, toute vapeur est Air. L'alchimie a toujours entretenu des rapports avec l'astrologie. Dès le début de l'art hermétique, une relation étroite avait lié métaux et planètes puisque le système de correspondance suivant avait été établi :

soleil-or, Lune-argent.

Vénus-cuivre, Mars-fer.

Jupiter-étain, Saturne-plomb.

Mercure-vif-argent (aujourd'hui appelée mercure).

La Pierre philosophale a été décrite par l'alchimiste du XXe siècle Fulcanelli : « la Pierre philosophale s'offre à nous sous la forme d'un corps cristallin, diaphane, rouge en masse, jaune après pulvérisation, lequel est dense et très fusible, quoi que fixe à toute température, et dont les qualités propres le rendent incisif, ardent, pénétrant, irréductible et incalcinable. ».

Cette Pierre philosophale n'a, par elle-même, aucun pouvoir transmutatoire: elle permet de préparer la poudre de projection qui sert à réaliser les fameuses transmutations.

On faisait fermenter la Pierre philosophale, sous forme solide, avec de l'or ou de l'argent purifiés, par fusion directe. La poudre servant à réaliser la transmutation d'un métal en or, c'est-à-dire la chrysopée, était rouge, celle obtenue avec l'argent était blanche.

La Pierre philosophale servait également à préparer la médecine universelle ou élixir de longue vie. Pour Sadoul, les alchimistes ne cherchaient nullement à transmuter les métaux pour fabriquer de l'or, ils avaient seulement besoin de réaliser une transmutation pour s'assurer de la qualité de leur Pierre philosophale. C'est pourquoi on voyait fort rarement des alchimistes devenir fortunés. Leur but, après avoir transmuté un métal, était de se transmuter eux-mêmes grâce à l'ingestion bisannuelle d'une dilution homéopathique de Pierre philosophale.

L'influence de la Pierre philosophale ne s'exerce pas seulement sur le corps, elle décuple également les facultés intellectuelles, spirituelles et permet d'accéder à la Connaissance.

4

La conduite de l'oeuvre.

Eyrénée Philalèthe écrivit « Les principes de Philalèthe » vers la moitié du XVIIe siècle. Dans ce traité, il livra 20 règles à suivre pour être un bon adepte de l'alchimie. L'or et l'argent devaient être les uniques objets sur lequel l'adepte devait travailler par le moyen de la fontaine mercurielle.

Pour Philalèthe, l'or est le corps qui tient lieu de mâle dans l'oeuvre et l'esprit, l'âme ou la femelle est le mercure. Ce traité livre la recette pour accomplir l'Oeuvre. Il y est question de l’athanor, le fourneau des alchimistes.

Sadoul affirme que le texte de Philalèthe est un texte trompeur. Mais il considère son traité comme précieux sur certains points pratiques de la technique opératoire.

5

L'alchimie est la science moderne.

L'alchimie a toujours été considérée avec méfiance par les milieux scientifiques. Il s'agit d'une discipline essentiellement secrète, traditionnelle et initiatique.

Mais aujourd'hui la science reconnaît la transmutation des métaux. L'isotope 189 du mercure se désintègre en or avec capture électronique. On obtient des isotopes de l'or radioactif par bombardement du mercure avec les neutrons rapides.

Mais la position de la science reste inchangée en ce qui concerne l'alchimie. Seules les découvertes de chimie minérale ou organique faites par les alchimistes sont à prendre en considération dans leurs oeuvres. Jacques Sadoul pense que les découvertes de Basile Valentin, Paracelse et ceux de leurs confrères qui enrichirent la nomenclature chimique de nombreux corps sont à l'origine d'une oeuvre qui doit être tenue en égale considération.

Albert le Grand fut le premier à préparer la potasse caustique. Basile Valentin découvrit l'antimoine, l'acide chlorhydrique et l'acide sulfurique. Paracelse reconnut l'existence du zinc.

Les découvertes du biologiste Kervran ont montré que le phénomène de transmutation spontanée était chose courante dans la matière organique. Il existe des méthodes totalement différentes de transmutation et les alchimistes ont très bien pu en réaliser au niveau de l'atome et des électrons périphériques, sans avoir à bombarder les noyaux avec des énergies considérables.

Si la théorie alchimique selon laquelle les métaux précieux pouvaient être obtenus à partir de trois éléments seulement nommés sel, soufre et mercure, n'a aucun sens en chimie. En physique, il n'en est pas de même, si l'on en croit la toute moderne théorie des quarks. Toutes les particules sont le fruit de la combinaison de trois choses. Nous voilà donc revenus à la trinité alchimique. Les trois objets consécutifs de toute la matière sont provisoirement appelés des quarks.

Livre 2 : les alchimistes.

1

Trois diplômes de l'université de Montpellier au XIIIe siècle.

Cette université eut pour élèves des hommes aussi éminents qu’Albert le Grand, Roger Bacon, Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle, au XIIIe siècle, Michel de Notre-Dame (plus connu sous le pseudonyme de Nostradamus), Rabelais et Érasme par la suite. L'enseignement et est fortement influencé par des médecins arabes et juifs pétris de philosophie hermétique. Ils devinrent tous des philosophes hermétiques. On le sait moins mais Rabelais a transposé des allégories du Grand Œuvre alchimique dans Pantagruel. Il est donc évident qu'il y avait un ferment alchimique au sein de cette université.

Maître Albert naquit en 1193 au sein d'une famille riche. Ses premières études, assez médiocres, ne laissaient nullement prévoir qu'il allait devenir le plus grand savant de son temps. On il entra dans l'ordre des dominicains. La vierge Marie serait apparue au jeune Albert et lui aurait demandé en quel science il désirait se singulariser. Il aurait choisi la philosophie et l'apparition aurait exaucé son voeu en ajoutant qu'elle était chagrinée qu'il n'ait pas choisi la théologie. Par conséquent, à la fin de ses jours, il serait puni de ce choix impie en retournant à sa stupidité initiale. Albert mena une vie d'étudiant riche à Pavie puis entra dans l'ordre de Saint-Dominique. On lui permit de continuer de jouir de sa fortune jusqu'à sa mort, ce qui était très exceptionnel pour l'époque chez les dominicains.

Albert le Grand partit pour Paris en 1245. Son but était de conquérir le titre envié de magister que conférait l'université de Paris. Mais il fallait professer à la Sorbonne pendant trois ans avec succès. Il recueillit un franc succès à tel point qu'aucune salle n’était assez grande pour contenir son auditoire et il en fut réduit à donner ses cours en plein air, sur une place publique. Cette place a gardé son nom puisqu'il s'agit de la place Maubert, c'est-à-dire la place de maître Albert. En plus de la philosophie, il a laissé des travaux de chimie minérale extrêmement en avance sur son époque. Il s'intéressa à l'alchimie. Il rédigea cinq traités d'alchimie dont le plus connu est De Alchimia. On lui attribue deux recueils de magie : Les Admirables secrets du grand et du petit Albert. Mais ces deux recueils furent jugés apocryphes par la suite. Au début du XXe siècle, lors de la canonisation de maître Albert, on prétendit que tous les traités hermétiques qu'on lui attribuait étaient des faux. À part De Alchimia , il est pratiquement certain qu'il n'a jamais écrit aucun des autres traités qui lui sont attribués. Selon des professeurs d'une grande université américaine, une partie au moins des Admirables secrets du grand Albert sont bien de lui. Selon Sadoul, les écrits magiques d'Albert le Grand sont des traités d'alchimie mais écrits sous une forme symbolique encore plus compliquée que tous les autres ouvrages du même genre.

À partir de 1244, Thomas d'Aquin devint l'élève particulier d'Albert le Grand. Albert le Grand l'initia aux sciences qu'il enseignait ouvertement mais aussi à l'alchimie. Tous deux s'intéressaient aussi à la construction des automates.

En 1249, lors d'un festin offert à l'empereur Guillaume par Albert dans son monastère de Cologne un fait merveilleux arriva. Le roi Guillaume vint à Cologne accomplir en ce lieu une dévotion solennelle en l'honneur des trois rois mages. Albert le Grand y enseignait. Il fut invité par le roi et mangea à sa table. Albert demanda au roi de lui faire l'honneur de venir déjeuner dans son monastère le jour de l'épiphanie. Le roi y consenti volontiers. Après la messe solennelle, le roi entra avec sa suite dans le réfectoire des prêcheurs où Albert l'accueillit. Albert si déjeuner le roi dans le jardin recouvert de neige. Subitement, le tapis de neige disparut et un soleil caniculaire suscita l'apparition d'une herbe verte et de très belles fleurs. des fruits apparurent sur les arbres. Une multitude d'oiseaux de diverses espèces vint à tire-d'ailes enchantant les convives. On se serait cru en juin. La chaleur fut telle que quelques convives furent obligés de se dépouiller d'une partie de leurs vêtements et de se mettre à l'ombre. Tous admiraient les serviteurs, jeunes gens d'une beauté incroyable. Le festin durera plus d'une heure, après quoi la verdure des arbres et du gazon se dessécha et le chant des oiseaux cessa. La couche de neige réapparut avec la morsure du froid. Le roi Guillaume reconnut ouvertement qu'Albert était le plus grand des savants et lui accorda un terrain franc d'allégeance et d'impôt sur le territoire de la ville d’Utrecht.

En 1260, Albert fut nommé évêque de Ratisbonne puis s'acquitta de diverses missions en Bavière.

En 1276, il fut nommé nonce apostolique en Pologne. En 1279, Albert perdit la mémoire et se retira dans sa cellule monacale. Il mourut en 1280. Il fut officiellement proclamé bienheureux par Rome en 1637 et canonisé en 1931. Pie XII, en 1941, l'institua patron des sciences des scientifiques chrétiens.

Arnaud de Villeneuve a laissé de nombreuses oeuvres alchimiques dont le célèbre Grand Rosaire reste le plus beau fleuron. Arnaud de Villeneuve naquit entre 1235 et 1245. Il fit d'abord des études classiques à la faculté d'Aix-en-Provence puis alla étudier la médecine à Montpellier avant de terminer ses études à la Sorbonne. C'est par l'intermédiaire de Roger Bacon qu'il put faire la connaissance d'Albert le Grand. Arnaud de Villeneuve pratiqua la médecine à travers toute l'Europe. Ces façons de faire mon non orthodoxes et son franc-parler lui valurent souvent des difficultés avec les autorités religieuses. Maître Arnaud annonçait déjà Paracelse et le charlatan Cagliostro.

Il déclara publiquement que le mérite de la charité était supérieur à celui de la prière et que les bulles du pape n'étaient que des oeuvres humaines nullement infaillibles. Il dut quitter au plus vite la France et reprit ses voyages à travers l'Europe.

Sa mort ne calma pas le tribunal de l'Inquisition qui décida de lui faire un procès posthume et, en 1317, quatre ans après son décès, il fut condamné et la plupart de ses ouvrages saisis et détruits en autodafé. Les adversaires de l'alchimie estiment que la totalité des traités d'Arnaud de Villeneuve sont apocryphes.

Du point de vue strictement alchimique, Arnaud de Villeneuve passe pour un Adepte qui fut en possession de la Pierre philosophale. L'étude de son Grand Rosaire permet de le supposer mais aucun fait historique précis ne permet d'en être certain.

Raymond Lulle est tenu pour un des plus grands alchimistes de tous les temps par la tradition. Les historiens contemporains contestent à Raymond Lulle la paternité de ses ouvrages d'alchimie. C'est dans le milieu ecclésiastique que s'affirma ce doute, il était difficile, en effet, de concilier l'activité d'alchimiste de Lulle avec l'admiration qu'on devait avoir pour un martyr de la foi. Raymond Lulle naquit en 1233 ou 1235 à Palma de Mallorca au sein d'une noble et riche famille. Une fois marié et père de famille, il n’en continua pas moins de poursuivre les jolies filles de ses assiduités. Il s'éprit réellement d'une Génoise, Ambrosia de Castello. Mais celle-ci était atteinte d'un cancer et elle lui demanda s'il n'aurait pas mieux fait de mettre son amour en Jésus-Christ. C'est alors que Lulle resta plus ou moins cloîtré pendant quelques jours et eut une vision du Christ sur la croix. Il se précipita à confesse et jura au prêtre de consacrer désormais sa vie à la gloire de Dieu et à la conversion des infidèles.

Puis il s'installa sur une des plus hautes montagnes de Majorque, le mont Randa. Après de nombreux jours de jeûne et de contemplation, une illumination soudaine lui révéla son grand art, l'Ars Magna, qui devait lui permettre de confondre les infidèles et d'affirmer la vérité de la voie chrétienne.

Il étudia l'arabe pour évangéliser les peuples d'Afrique du Nord. Il étudia le français avant de se rendre à la Sorbonne. Il enseigna la Sorbonne alors qu'il ne possédait aucun titre universitaire. Puis il partit pour Montpellier pour suivre l'enseignement d'Arnaud de Villeneuve qui l'initia à l'alchimie. Il s'embarqua pour Tunis dans l'espoir d'évangéliser le monde arabe ce qui lui valut une condamnation à mort prononcée par le bey. Il fut expulsé et regagna alors Naples où il retrouva Arnaud de Villeneuve. Ensuite, il reprit ses voyages à travers l'Europe, la Palestine, Alger, Vienne et enfin l'Angleterre.

Après ce séjour à Londres, Lulle revint en Afrique et mourut sur un bateau génois.

2

Nicolas Flamel, écrivain public.

Il reste encore de nos jours, à Paris, gravées dans la pierre, des traces visibles de la prodigieuse fortune de Nicolas Flamel. Il naquit aux environs de 1330 au sein d'une famille assez pauvre mais il reçut cependant une éducation de lettré. Très jeune, il serait allé à Paris afin de s'y établir comme écrivain public. Il s'établit sous les piliers de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie. Il se maria avec une femme déjà deux fois veuve qui lui apporta une certaine aisance. Il avait deux échoppes, une pour lui-même et l'autre pour ses copieurs de livres et ses apprentis. Au bout de quelques années, il put se faire construire une maisonnette en face de son échoppe. La philosophie hermétique ne le préoccupait nullement. C'est l'extension de son commerce à la librairie qui avait désormais tous ses soins. Cette nouvelle activité le mit en contact avec des ouvrages alchimiques et on peut découvrir là l'origine du rêve célèbre qui fut le point de départ de sa carrière d'Adepte. Ce rêve, il le raconta lui-même bien plus tard. Un ange lui apparut tenant à la main un gros livre à la couverture de cuivre dont il lui montra distinctement la page de garde en disant : « Flamel, regarde bien ce livre, tu n'y comprends rien, ni toi ni bien d'autres, mais tu y verras un jour ce que nul n'y saurait voir ».

Beaucoup plus tard, il fut mis en présence de l'ouvrage. Il raconte la chose dans Explication des figures hiéroglyphiques. L'ouvrage en question comportait une couverture de cuivre et à l'intérieur une écriture en caractères que Flamel ne comprenait pas. Il contenait trois fois sept feuillets et des dessins de serpents s'engloutissant, des déserts au milieu desquels s'écoulaient plusieurs belles fontaines dont sortaient plusieurs serpents. Au premier des feuillets, il y avait écrit en lettres grosses capitales dorées : Abraham le juif, prince, prêtre, lévite, astrologue et philosophe à la gent des juifs ou par l’ire de Dieu dispersé aux Gaules, salut D. I. Après cela, le livre était rempli de grandes exécrations et malédictions contre toute personne qui y jetterait les yeux s'il n'était sacrificateur ou scribe.

Le premier feuillet contenait seulement le titre qui vient d'être cité, le second était occupé par une adresse aux juifs, enfin le troisième avait trait à la transmutation métallique suggérée comme moyen de payer le tribut prélevé par les empereurs romains. Le texte relatif à la fabrication de la Pierre philosophale était relativement clair mais ne faisait nullement mention de la matière première employée comme il est de tradition dans toute oeuvre hermétique.

Cette matière première devait découler de la compréhension des quatrième et cinquième feuillets qui étaient uniquement occupés par de très belles figures enluminées sans aucun texte écrit. Flamel se mit à étudier textes et figures d'Abraham le juif pendant des années. Dame Perennelle avait compris que son mari cachait désormais une sorte de secret et avait été associée par son époux à sa recherche.

Flamel avait voulu garder le secret car l'alchimie n'était plus en odeur de sainteté. En 1317, le pape Jean XXII avait fulminé la bulle Spondent pariter contre les alchimistes.

Nicolas Flamel montra certaines figures recopiées par lui à un licencié en médecine, Maître Anseaulme. Mais il ne comprit pas davantage le symbole d'Abraham le juif. Cependant il chercha tout de même à les expliquer. Les explications n'eurent pour effet que d'embrouiller davantage le malheureux Flamel. Flamel se rendant compte qu'il n'arriverait jamais à rien par lui-même résolut de partir muni d'une copie du livre pour un pays où il pourrait rencontrer de savants membres de la nation d'Abraham. Alors il se rendit à Saint-Jacques-de-Compostelle où il y avait plusieurs synagogues.

Raymond Lulle et Basile Valentin effectuèrent également le pèlerinage à Saint-Jacques.

D'après la légende de ce voyage en Galice, c'est au retour de ses dévotions à Saint-Jacques-de-Compostelle que Nicolas Flamel, pris d'un malaise, se serait arrêté dans la ville Léon. Sur les conseils d'un marchand de Bologne, il aurait consulté un médecin juif, maître Canches. Ce dernier, au cours de la conversation, aurait manifesté des connaissances en kabbale juive telle que Flamel lui aurait montré les figures de son livre. Le médecin se serait alors exclamé l'il s'agissait de l'oeuvre perdue du rabbin Abraham, l'Asch Mesareph, qu'on croyait définitivement détruite. Il aurait aussitôt proposé à Flamel de le raccompagner jusqu'à Paris. Mais le médecin serait mort à Orléans.

Jacques Sadoul rapporte que l'alchimiste du XXe siècle Fulcanelli pensait que le voyage de Flamel à Saint-Jacques-de-Compostelle était simplement une métaphore du Grand Oeuvre et qu'en réalité il n'aurait jamais quitté ses fourneaux. La mort du médecin juif serait la métaphore de la mort de la matière première qui est le point de départ indispensable du magistère philosophal.

Nicolas Flamel enfin en possession des connaissances qui lui manquaient et surtout de l'identité réelle de la fameuse première put reprendre son ouvrage. Il mit encore trois ans avant de pouvoir le terminer. Trois ans est en effet la durée normale du magistère si l'on procède par la voie humide. Cette même année 1382 vit débuter la fortune matérielle de Flamel. Il devint propriétaire de plus de 30 maisons à Paris puis il fit construire plusieurs chapelles et hôpitaux. Il consentit une considérable dotation à l'établissement des Quinze-Vingt. Enfin, il fit élever de nombreuses constructions au Charnier des Innocents qui était un cimetière alors fort à la mode puisqu'il était également un lieu de promenade très recherché. Flamel fit peindre sur la quatrième arche du Charnier des Innocents les figures hiéroglyphiques qui ornaient son livre d'Abraham le juif. La connaissance de sa fortune subite parvint jusqu'aux oreilles du roi Charles VI, ce qui montre bien qu'elle dut paraître fabuleuse à ses contemporains. Le roi envoya chez Flamel son maître des requêtes, le sire de Cramoisy. Sadoul pense que Flamel avait acheté Cramoisy. Flamel put ainsi continuer sa petite existence calmement jusqu'à l'âge de 80 ans.

Nicolas Flamel mourut en 1418 sans avoir cessé d'accroître sa renommée et sa fortune. Il légua à Saint-Jacques-la-Boucherie la généralité de ses biens. Plusieurs auteurs qui ne pouvaient accepter le fait alchimique ont essayé de montrer que la fortune de Flamel était une légende mais d'après Sadoul les actes notariés des diverses possessions de Flamel apportent la preuve absolue de sa fortune colossale.

D'après Sadoul, il existe de nombreux témoignages ou récits faisant état de la survie de Flamel. Le philosophe et sa femme se seraient retirés aux Indes.

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Le  moine d'Erfurt et le bon Trévisan.

Le nom de Basile Valentin est fréquemment cité dans les ouvrages scientifiques et dans les dictionnaires à propos de nombreuses découvertes chimiques qu'il a faites.

Une légende affirme que, plusieurs dizaines d'années après sa mort, une colonne de la cathédrale d'Erfurt se fendit brusquement. On y trouva alors les traités d'alchimie du bénédictin dont seule une vague tradition orale subsistait. Mais les détracteurs de l'alchimie prétendent que Basile Valentin non seulement n'a jamais écrit les traités qu'on lui attribue, mais n'a même jamais existé.

Mais Sadoul pense qu'on peut considérer qu'il exista réellement un moine bénédictin, de nom inconnu, qui prit le pseudonyme de Basile Valentin et écrivit au XIVe siècle les traités que nous connaissons aujourd'hui. Mais il pense qu'il ne faut certainement pas considérer comme réel son voyage à Saint-Jacques-de-Compostelle évoqué dans l'ouvrage le Char de triomphe de l'antimoine.

Une légende tenace s'attache à la découverte par Basile Valentin de l'antimoine, qui est réel, mais dont il aurait reconnu les propriétés nocives en faisant absorber cette substance à ses collègues bénédictins qui en seraient morts, d'où l'antimoine. Mais tous les traités de Basile Valentin ont été écrits en allemand et le grossier jeu de mots invoqué pour justifier cette légende est intraduisible dans cette langue.

Le grand mérite de Basile Valentin du point de vue de la philosophie alchimique est d'avoir nommément mis en lumière le troisième principe, à savoir le sel. D'après Sadoul, Basile Valentin serait l'auteur de cette célèbre maxime : « visitez les entrailles de la terre, en rectifiant, vous trouverez la pierre cachée, véritable médecine » formule dont les premières lettres de chaque mot forme le vocable V.I.T.R.I.O.L.U.M., le vitriol, non que l'Adepte donnait au sel secret et dissolvant du magistère.

Bernard le Trévisan.

Bernard commença ses travaux à l'âge de 14 ans et il semble avoir trouvé la Pierre philosophale à 82 ans, après une vie entière faite d'échecs répétés. Le comte Bernard naquit donc en 1406 dans la ville de Padoue. Son père, dès sa 14e année, l'initia à l'étude des maîtres alchimistes du passé. Tout ce que la ville contenait de souffleurs et faux alchimistes étaient venus «aider » le bon Trévisan à dépenser son argent. Tous ses premiers travaux lui prirent 15 ans de sa vie et une grande partie de ses richesses sans aucun succès.

Un bailli du pays lui raconta que la matière première de l'oeuvre était le sel marin puis lui indiqua une autre recette consistait à faire dissoudre de l'argent et du mercure dans de l'eau froide. Le Trévisan attendit patiemment pendant cinq ans la formation des cristaux qui devaient être produits dans une cornue par l'exposition aux rayons solaires. Rien ne se produisit. Bernard continua avec d'autres procédés et d'autres faux traités sans aucun résultat.

Toujours pas décourager, Bernard parti pour l'Allemagne ou le confesseur de l'empereur était réputé en possession du secret. Mais sa recette fut également sans résultat.

Bernard se mit alors à parcourir plusieurs pays d'Europe afin de chercher un véritable Adepte qui puisse l'initier. Après quoi il voyagea en Perse, en Palestine et en Égypte. Au retour, il resta assez longtemps en Grèce où il travailla à la recherche du secret hermétique dans plusieurs monastères.

À l'âge de 62 ans, il se retrouva à Rhodes sans argent, toujours persuadé qu'il découvrirait le fabuleux secret. À Rhodes, un religieux de notoriété publique prétendait posséder la Pierre philosophale. Bernard emprunta 8000 florins pour rencontrer ce religieux. Le religieux le fit travailler sous sa direction pendant trois ans. La méthode à base d'or et d'argent mélangés à du mercure se révéla totalement improductive.

Bernard retourna alors chez lui complètement mini ignoré par tous les membres de sa famille qui le tenaient pour un dément. À l'âge de 80 ans, il décida de tout reprendre au début et de réétudier Geber. Il retourna une dernière fois à Rhodes qu'il ne devait plus quitter jusqu'à sa mort en 1490. À 82 ans, il réussit enfin à trouver la Pierre philosophale. Dans la conclusion de ses écrits il affirma que l'homme doit savoir se contenter de ce qu'il a.

Des ouvrages alchimiques que Bernard rédigea, les plus connus sont le Traité de la philosophie naturelle des métaux et la Parole délaissée. Il y expose de façon symbolique les opérations relatives à une des trois parties du magistère.

Le médecin et le gentilhomme.

Paracelse.

Paracelse naquit en 1493 à Einsiedeln en Suisse. Il se nommait Auréole-Philippe Théophraste Bombast ab Hoheneim Paracelse. Jamais homme n’eut tant de d'adversaires et ne fut si vivement censuré ; jamais homme n’eut tant de sectateurs et ne fut tant admiré.

Son père était médecin et pratiquait l'occultisme. Il initia très tôt son fils à l'étude des plantes et des herbes de la montagne suisse tout en lui enseignant la philosophie d'Aristote.

Plus tard, le docteur s'établit en Carinthie où il professa à l'école de chimie. Paracelse compléta son éducation à l'université de Bâle mais supporta difficilement l'enseignement scolastique.

Paracelse suivit les cours de l'abbé Trithème, cabaliste très renommé. Il partit ensuite faire son tour des universités européennes. De retour en Suisse, il commença la pratique de la médecine à Zurich puis à Bâle. Il subit un procès après avoir guéri un chanoine car ce dernier trouvait qu'on avait guéri trop tôt. Paracelse fut donc obligé de quitter précipitamment la ville et se retira à Strasbourg puis à Salzburg. C'est là qu'il mourut en 1541, âgé de 48 ans.

Aujourd'hui les partisans de l'alchimie se réclament de lui. Sadoul pense qu'il ne peut pas être considérée comme impure alchimistes. Mais il se serait consacré aux applications médicales pratiques de certains procédés particuliers de l'oeuvre alchimique. Sadoul suppose que Paracelse fut un initié de la Rose-Croix. Mais aussi un ivrogne, un hâbleur un peu charlatan lorsqu'il parlait d'occultisme. Sadoul juge vraisemblable que Paracelse ne fut jamais un Adepte.

Denis Zachaire.

Le véritable nom de Denis Zachaire est ignoré. Il serait né en 1510 au sein d'une noble famille de la Guyenne. Il partit à Bordeaux pour y étudier la philosophie. Son précepteur se trouvait justement être un étudiant en science hermétique. Denis fut initié aux recherches alchimiques. Ensuite il partit pour Toulouse, toujours accompagné de son précepteur. Il étudia le droit. Il dilapida l'argent que lui avait donné sa famille pour ses études dans ses recherches alchimiques infructueuses. Il rédigea son autobiographie dans son traité intitulé Opuscule de la philosophie naturelle des métaux.

Dans son autobiographie, il raconta ses expériences infructueuses réalisées à Toulouse et à Paris. Il resta trois ans à Paris sans recueillir le moindre succès. Il resta longtemps avec un gentilhomme étranger qui lui révèle un secret mais ce n'était qu'une tromperie plus ingénieuse que celles des autres. Il avait dépensé presque tout son argent lorsque l'abbé de Toulouse lui demanda de tout quitter pour le rejoindre. L'abbé lui conseilla d'aller trouver le roi de Navarre, aïeul d'Henri IV qui lui avait écrit. Ce prince était grand amateur de la philosophie et voulait récompenser Denis de trois ou 4000 écus si Denis était capable de lui révéler le secret qu'il avait su du gentilhomme étranger rencontré à Paris. Mais le roi fut détourné par les seigneurs de sa cour et ne put récompenser Denis que partiellement. Denis rencontra un religieux très habile dans la philosophie naturelle qui lui conseilla de lire les bons livres des anciens philosophes.

Denis retourna à Paris en 1546 et étudia assidûment les grands auteurs alchimistes. Ses parents le menacèrent de faire venir la justice chez lui pour faire rompre ses recherches alchimiques. Il affirma avoir réussi à transformer de l'argent-vif en or en 1550. En retournant à Toulouse, il apprit la mort de l'abbé et du sage religieux. Il vendit tout ce qu'il pouvait procéder pour payer ses dettes. Il se retira à Lausanne avec un parent. Il se maria est partie en Allemagne. À Cologne, en 1556, il trouva une femme misérable, assassiné par son cousin en qui il avait placé sa confiance. Sadoul conclut que rien dans la vie de ce philosophe guyennois ne permet de conclure à une réalité de la transmutation métallique..

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Le roman d'un souffleur.

 

Edward Kelly, de son vrai nom Talbot, naquit en 1555 à Worcester, en Angleterre. Il étudia le droit et l'ancien d'anglais pour déchiffrer les écritures et les actes notariés. Il devint copiste puis faussaire. Il forgeait de toutes pièces de vieux actes de propriété qu'il vendait fort cher à des gens sans scrupules. Il fut jugé. Les magistrats le condamnèrent au bannissement et à avoir les oreilles coupées. Il s'exila après avoir changé son nom de Talbot en Kelly. Il cachait l'absence de ses oreilles en portant jour et nuit une sorte de bonnet. Il partit pour le pays de Galles. Il s'arrêta par hasard dans une auberge isolée. Il avait déclaré aux patrons être expert dans la lecture des langues anciennes et en particulier du gay élite. Le patron alla chercher aussitôt un vieux manuscrit que nul dans le pays n'avait pu déchiffrer. Kelly compris qu'il était question d'or et de transmutations métalliques. L'aubergiste lui raconta que, quelques années auparavant, il y avait eu un évêque catholique qui passait pour extrêmement riche. L'évêque avait été enterré près de son église et l'aubergiste protestant n'avait vu aucun péché à violer la tombe du prélat dans l'espoir de retrouver de l'or ou d'autres richesses. Il n’y découvrit que le manuscrit accompagné de deux petites boules dont l'une se brisa malencontreusement laissant échapper une poudre rouge très lourde et l'autre contenant une poudre blanche. Kelly offrit une livre sterling pour le manuscrit, la boule blanche et le reste de poudre rouge. L'aubergiste accepta le marché.

Kelly étudia le manuscrit et s'aperçut bientôt qu'il était incapable de comprendre les termes employés. Il retourna à Londres en secret et écrivit à son ancien voisin, John Dee pour lui demander de venir le rejoindre discrètement pour une affaire de la plus haute importance.

John Dee naquit à Londres en 1527 et s’adonna aux études avec acharnement. À l'université de Cambridge, il travaillait 18 heures par jour. Il s'intéressa à l'astrologie, l'alchimie et la magie. Sa notoriété dans les sciences occultes vint aux oreilles des autorités de Cambridge qui lui firent savoir que sa présence n'était plus souhaitée dans leur établissement.

Il fut alors obligé de se retirer à l'université de Louvain. Il y rencontra un certain nombre de personnes qui avaient connu le fameux occultiste Henri Cornelius Agrippa. John Dee fut absolument enthousiasmé et se mit à étudier avec encore plus d'ardeur la science hermétique et les rituels de magie.

En 1551, il retourna en Angleterre où il fut reçu à la cour du roi Édouard VI. Le roi lui offrit une pension de 100 couronnes pour ses services. Sa bonne fortune prit fin avec le règne de la reine Mary. On l'accusa d'avoir attenté à la vie de la reine en lui jetant des sorts et on l'emprisonna sous le chef d'hérésie.

Il échappa au bûcher en prétextant de sa parfaite orthodoxie religieuse et il fut remis en liberté en 1555. On attribua à ses connaissances magiques le fait qu'il réussit à convaincre l'archevêque. Il rentra dans les faveurs de la cour sous le règne de la reine Élisabeth. Il créa un musée de curiosité et d'objets étranges à Mortlake que la reine visita.

En novembre 1582, il fut témoin de l'apparition d'un ange qui déclara se nommer Uriel. L'ange lui fit cadeau d'une pierre noire de forme convexe et lui déclara que cette pierre permettait de converser avec des êtres se trouvant dans un autre plan d'existence à condition de la fixer intensément. Ces êtres dévoilaient tous les secrets de l'avenir.

Kelly remit à Dee le manuscrit alchimique trouvait dans la tombe de l'évêque. Dee voulut s'assurer de la qualité de la poudre transmutatoire. Il conduisit Kelly chez un orfèvre de ses amis. Ils essayèrent la poudre et réussirent à transformer une livre de métal en un poids égal de l'or le plus fin.

Dee décida de s'associer avec Kelly et lui révéla l'apparition de l'ange Uriel. Il lui promit de le faire participer à une séance où il évoquerait grâce à sa pierre noire les êtres de l'au-delà. Il se révéla un médium meilleur encore que Dee car les esprits conversaient uniquement avec lui. La relation de cette étrange conversation existe encore dans un manuscrit du British Museum mais le sens du texte est totalement inintelligible. Il y devint bientôt indispensable au Dr Dee comme trait d'union entre lui et les puissances de l'au-delà.

Albert Laski, compe palatin se rendit à la cour de la reine Élisabeth. Le comte avait entendu parler de la réputation alchimique du docteur Dee et ne croyez en possession du secret de la transmutation. Depuis sa rencontre avec Kelly, John Dee se disait en possession de l'élixir de longue vie. Laski rencontra Dee. Habituellement honnête homme, John Dee se laissa entraîner par Kelly pour duper le comte. En réalité, leurs recherches alchimiques n'étaient toujours pas plus avancées et il voulait que le comte leur serve de mécène. Ils lui racontèrent leurs entretiens avec l'ange Uriel tout en refusant de le faire assister à une évocation, sous prétexte qu'un étranger empêcherait la manifestation angélique.

Enfin, ils concédèrent à le laisser assister à une séance le 25 mai 1583. Laski se déclara stupéfait et enchanté de sa vision et il crut dans les pouvoirs magiques du docteur Dee. Dans les prophéties obtenues, le Polonais apprit qu'il deviendrait l'heureux possesseur de la Pierre philosophale, qu'il ceindrait la couronne de Pologne et enfin qu'il accéderait à l'immortalité !

Mais pour que les prophéties se réalisent, le Polonais devait emmener les deux Anglais chez lui afin qu'ils puissent travailler à leurs recherches hermétiques. Le comte accepta.

Ils arrivèrent aux environs de Cracovie. Dee et Kelly avaient emmené avec eux leur famille.

Le Polonais leur monta un laboratoire parfaitement équipé et ils se mirent au travail. Bien évidemment, aucun résultat tangible ne fut obtenu sinon que de précipiter la ruine d'une noble polonais. Le comte leur conseilla d'aller continuer leurs travaux à Prague auprès de l'empereur Rodolphe. Les deux amis acceptaient immédiatement et se retrouvèrent en 1585 à Prague. Le docteur Dee n'avait jamais voulu utiliser les restes de la poudre de projection trouvée dans la tombe de l'évêque puisqu'il se savait incapable d’en renouveler la provision. Mais à Prague il ne pouvait compter sur la libéralité de l'empereur comme cela avait été le cas à Londres ou à Cracovie. Mais il était tombé sous l'emprise de Kelly. Celui-ci était désormais le seul honoré des visites de l'ange. C'est alors que Kelly se livra publiquement à une série de transmutations qui stupéfia la ville entière. La société l'invita à des réceptions organisées en son honneur ou il faisait des projections au vu et au su de toute l'assemblée. Il distribua l'or et l'argent ainsi obtenus.

Il  fut alors invité à la cour de l'empereur Maximilien II d'Allemagne. Kelly fit une projection publique qui se révéla un grand succès et l'empereur lui conféra le titre de maréchal de Bohême.

Kelly agit tout comme si sa réserve de poudre était inépuisable mais cette forfanterie allait précipiter sa perte. Les courtisans de l'empereur l'encouragèrent à obliger Kelly de révéler son secret pour renflouer le trésor public. Mais le malheureux Kelly ne put évidemment que refuser et il fut aussitôt enfermé dans le château de Zobeslau.

Le docteur Dee promit à l'empereur de travailler avec Kelly à la fabrication de la poudre. Les deux amis furent emprisonnés dans un laboratoire à Prague. Mais ils se révélèrent incapables d'élaborer la moindre Pierre philosophale. Kelly devint fou de rage et finit par tuer un des gardiens chargés de le surveiller ce qui provoqua son internement au château de Zerner.

Kelly occupa ses loisirs forcés à écrire un traité d'alchimie, la Pierre des sages, qu'il envoya à l'empereur en lui promettant de dévoiler enfin son secret si on lui rendait la liberté. Il suggéra au Dr Dee de retourner en Angleterre pour essayer d'intéresser la reine Élisabeth à son sort. La reine Élisabeth intercepta en faveur de Kelly mais on lui répondit qu'il était retenu pour un crime de droit commun et ne pouvait donc être libéré. Il essaya de se libérer mais se brisa les deux jambes en essayant de se laisser glisser le long du donjon avec les couvertures de son lit. Il mourut des suites de ses blessures en 1597. Le docteur Dee découvrit que la foule avait mis le feu à sa librairie le tenant pour un sorcier. Il obtint une maigre pension et termina sa vie dans sa maison de Mortlake ou il mourut à l'âge de 81 ans en 1608.

Pour Sadoul, nous ne devons pas oublier qu'Édouard Kelly était un faussaire et un gredin. Par suite, il n'est pas absolument impossible que, par quelque tour de passe-passe, il ait pu faire croire qu'il avait effectivement transmuté des métaux alors qu'il n'en avait rien été. Sadoul pense qu'il avait pu fabriquer des bronzes dorés qui pouvaient passer à l'époque pour de l'or.

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Le cosmopolite.

L'Adepte connu sous le surnom du cosmopolite et auteur du remarquable traité La Nouvelle lumière chymique, s'appelait Michel  Sendivogius comme on le crut pendant longtemps. Mais l'étude de l'abbé Lenglet du Fresnoy lui consacra en 1742 permis de penser qu'il s'agissait d'un Écossais, probablement appelé Alexandre Sethon. À sa mort il aurait légué un peu de sa poudre de projection à ce même Sendivogius.

Sous le surnom du cosmopolite, il passa pour Adepte alors qu'il n'était qu'un souffleur heureux.

Sethon recueillit un pilote hollandais Jacques Hauffen qui avait fait naufrage dans la mer d'Allemagne et fut rejeté sur la côte d'Écosse. En 1602, Sethon arriva en Hollande et fut accueilli par Hauffen. Sethon voulut démontrer à son ami ses connaissances en science hermétique et il fit donc devant lui la transmutation d'un métal imparfait en or. Hauffen raconta ce prodige aux médecins de la ville, Van der Linden.

Sethon offrait de l'or et de l'argent à ceux qui doutaient de ses capacités d'alchimiste. Au XVIIe siècle, l'Adepte avait cessé d'être un chercheur isolé. Il s'était transformé en une sorte de représentant en art hermétique pour le bénéfice des savants de l'époque. Ils se livraient à une sorte de prosélytisme constant qui souvent se retournait contre eux et causait leur perte.

Sethon se rendit en Allemagne où il fit la connaissance d'un professeur de Fribourg, Wolfgang Dienheim, adversaire acharné de l'alchimie. Ce professeur si un compte rendu d'une projection que le cosmopolite fit à Bâle devant lui. Le cosmopolite était accompagné de son domestique qui était Sethonius. Dienheim fut stupéfait par la réussite de l'expérience et garda un morceau d'or qui lui avait été offert.

Jacob Zwinger fut le deuxième témoin de cette étonnante démonstration. Il s'agissait d'un médecin et professeur de Bâle. Le type même du témoin irréprochable qui confirma totalement le récit de Dienheim. Le cosmopolite fit une autre projection dans la maison de l'orfèvre André Bletz devant témoins avec du plomb apporté par l'un des participants. Pour Sadoul il s'agit du premier cas de transmutation métallique historiquement prouvé. Au cours de l'été 1603, le cosmopolite se présenta à Strasbourg dans l'échoppe de l'orfèvre allemand Gustenhover. Il voulait utiliser les fourneaux et le creuset de l'artisan pour un certain travail. Gustenhover accepta et reçut un peu de poudre rouge en remerciement.

L'orfèvre essaya la poudre et réussit à transmuter une livre de plomb en or. Il essaya de se faire passer pour un Adepte et prétendit avoir lui-même élaboré la Pierre philosophale. Bientôt toute la ville fut au courant. Le conseil de Strasbourg envoya trois députés pour demander à l'orfèvre des explications. L'orfèvre donna à chacun un peu de poudre rouge et leur fit faire une projection sur le champ. L'un d’eux, Glaser, conseiller de Strasbourg se rendit ensuite à Paris et montra un morceau de cet or hermétique au Dr Jacob Heilman qui laissa une relation de l'événement.

La renommée de Gustenhover parvint même jusqu'à l'empereur Rodolphe II. Il envoya quelques commissaires pour s'assurer du sérieux de Gustenhover. Mais devant l'empereur, Gustenhover fut contraint d'avouer qu'il n'avait pas préparé lui-même la poudre miraculeuse. Alors l'empereur ne vit là qu'un refus déguisé et ordonna qu'ont mit l'orfèvre en prison. Gustenhover offrit le reste de sa poudre à l'empereur dans l'espoir de se sauver. Mais l'empereur ordonna à l'orfèvre de renouveler sa provision de poudre sur le champ. L'orfèvre prit la fuite mais fut bientôt rattrapé par la police impériale et enfermé dans la Tour blanche, à Prague jusqu'à la fin de ses jours.

Le cosmopolite vécu quelque temps en Allemagne sous divers nom d'emprunt. À Cologne, il rechercha discrètement des personnes de qualité s'intéressant à l'alchimie. Il s'installa chez un distillateur, Anton Bordermann. Mais Cologne était peu réceptive à l'alchimie. La plus haute autorité scientifique de la ville était le chirurgien Meister George, adversaire déclaré de l'alchimie. Le 5 août 1603, le cosmopolite se présenta chez un apothicaire en demandant à acheter des lapis-lazuli. Il fit semblant de ne pas trouver les pierres à son goût et le marchand lui promit de lui en présenter de plus belle le lendemain. Le cosmopolite avait discuté de l'art hermétique avec un ecclésiastique et un autre apothicaire qui étaient présents dans la boutique. Le cosmopolite, sans dévoiler sa propre qualité, affirma qu'à sa connaissance de vraies transmutations avaient été effectuées et qu'il ne fallait pas les mettre en doute. Le lendemain, il acheta quelques-uns des lapis-lazuli qu'on lui présenta et demanda du verre d'antimoine. Il exigea de soumettre l'antimoine à l'essai d'un feu violent. L'apothicaire accepta et l'emmena le cosmopolite chez un orfèvre voisin, Jean Lohndorf. L'orfèvre plaça alors le verre d'antimoine dans un creuset sous lequel il alluma du feu. Le cosmopolite avait sorti d'une de ses poches une petite boîte contenant une poudre rougeâtre dont il préleva un grain qu'il donna à l'orfèvre en lui demandant de le jeter sur le verre d'antimoine fondu. L'orfèvre y consentit. Il fut stupéfait de retirer une petite masse d'or du fond du creuset à la place de l'antimoine. Deux ouvriers de l'atelier et un voisin avaient assisté à l'opération mais l'orfèvre refusa d'admettre le témoignage de ses sens et exigea que le cosmopolite fasse une nouvelle transmutation sur le champ. Le cosmopolite y consenti volontiers. L'orfèvre remplaça l'antimoine part du plomb. Et sans se faire voir de l'adepte, il introduisit un morceau de zinc dans le creuset au-dessous du plomb. Il croyait savoir que les alchimistes ne pouvaient transmuter que le mercure, le plomb et l'antimoine, et que le zinc ferait échouer toute l'opération. Mais Lohndorf fut obligé de constater que toute la masse métallique avait bien été transmutée en or.

Ce fait merveilleux fut bientôt connu de toute la ville. Meister George n'était toujours pas convaincu alors Alexandre Sethon demanda à le rencontrer. Le cosmopolite se venta de connaître un moyen de mortifier la viande sauvage sans déranger les nerfs. Le chirurgien demanda à assisté à une telle opération. Alors le cosmopolite demanda au chirurgien de lui donner seulement du plomb, du soufre et un creuset. Il demanda également un fourneau et on décida d'aller opérer chez un orfèvre voisin, maître Hans de Kempen.

En l'absence de l'orfèvre, ce fut son fils qui reçut dans le laboratoire le petit groupe composé de Meister George et de ses serviteurs, accompagné du cosmopolite. Le cosmopolite réussit encore une fois à transmuter du métal en or. Le chirurgien en fut tout décontenancé. Meister George lui dit qu'il était bien imprudent car si des princes entendaient parler de ses opérations, ils le feraient rechercher et le retiendraient captif pour s'emparer de son secret.

Mais le cosmopolite répondit qu'il souffrirait 1000 morts plutôt que de révéler son secret. Mais il accepterait de fabriquer des masses d'or si on lui demandait des preuves de son art.

Sethon se rendit ensuite à Hambourg où il fit également plusieurs projections réussies. À Munich, il ne se livrera à aucune activité alchimique. Il tomba amoureux d'une jeune fille. Son père, gros bourgeois du pays, lui en refusant la main, il décida de l'enlever. Il l’épousa puis reprit ses pérégrinations en sa compagnie. En 1803, le duc de sax l'invita à venir faire une projection chez lui. Mais le cosmopolite se contenta d'envoyer son domestique pour faire la projection à sa place. Ce fut tout de même une réussite. Hamilton, le serviteur du cosmopolite, décida alors de se séparer de lui et de retourner en Angleterre. Il devait sentir que la position de son maître allait devenir dangereuse. C'est bien ce qui arriva. Christian II, électeur de Saxe invita le cosmopolite à la cour et affecta de lui être favorable. Sethon lui remit une petite quantité de Pierre philosophale pour le satisfaire. Christian II voulait le secret de sa préparation par tous les moyens. Le cosmopolite se résolut de souffrir toutes sortes de tortures plutôt que de donner à un hérétique un si grand moyen de faire la guerre à l'Eglise. Michel Sendivogius, très curieux et savant dans la chimie, avait une très grande envie de voir le cosmopolite. Il se rendit à la cour et réussit à se faire des amis. Grâce à eux il entra dans la prison et vit le cosmopolite. Il lui demanda qu'est-ce qu’il lui donnerait s'il trouvait le moyen de le libérer. Le cosmopolite lui répondit qu'il lui donnerait de quoi vivre content toute sa vie avec sa famille. Alors Sendivogius prit congé de ses amis et se rendit à Cracovie où il vendit une maison qu'il possédait puis retourna en Saxe pour faire bonne chère à ses amis et par leur moyen aux gardes du cosmopolite. Un jour qu'il les vit tous bien ivres, il put prendre l'Anglais et le mit dans un chariot parce que celui-ci ne pouvait plus marcher. Le cosmopolite demanda à passer nécessairement au logis ou il avait laissé sa femme. Il envoya sa femme chercher la poudre à l'endroit où elle était cachée. Ils partirent en Pologne. À Cracovie, Sendivogius ordonna au cosmopolite de remplir sa promesse. Le cosmopolite lui donna une once de sa poudre. Sendivogius lui en demanda le secret mais le cosmopolite refusa. Le cosmopolite mourut peu après des suites de la torture. Sendivogius se marier avec la femme du cosmopolite. Elle lui donna Les Douze traités ou le cosmopolite. Sendivogius l'étudia et commença à travailler pour multiplier sa poudre mais en vain. Alors il se rendit à Prague pour rencontrer l'empereur Rodolphe. Il fit faire à l'empereur la transmutation en lui donnant de la poudre. Après quoi, il se rendit en Moravie ou un comte du pays l'arrêta et le fit prisonnier dans l'espoir d’obtenir son secret. Mais Sendivogius réussi à se libérer et demanda justice auprès de l'empereur qui condamna le comte à donner un village à Sendivogius.

Temps que sa poudre dura, Sendivogius fit bonne chère. Il perdit une partie de sa poudre en voulant la multiplier et une autre en faisant des transmutations. Avec le reste de la poudre, il produisit un élixir qui le rendit célèbre. Il demanda au grand maréchal du royaume nommé Wolski de l'argent pour continuer son travail. Wolski lui offrit 6000 fr.

Mais Sendivogius dépensa l'argent et ne fit rien pour le maréchal. Il devint un charlatan. Il mourut en 1646, fort pauvre.

 

7

Transmutations effectuées par des savants.

Jacques Sadoul cite le témoignage de Jean-Baptiste Van Helmont, médecin et chimiste belge né à Bruxelles en 1577. Il reconnut d'abord la présence de l'acide carbonique et par déduction s'aperçut qu'il s'agissait là d'un corps chimique nouveau. Il reconnut aussi l'existence de l'hydrogène sulfuré dans le gros intestin de l'homme et constata la présence d'un suc acide émis par l'estomac. Il prépara l'acide chlorhydrique, l'huile de soufre, l'acétate d'ammoniac.

En 1618, Van Helmont reçut la visite d'un inconnu qui voulait l'entretenir les intéressants tous deux. Il aborda l'art hermétique mais Van Helmont lui dit qu'il considérait l'alchimie comme une superstition dénuée de toute réalité scientifique. Alors l'inconnu lui offrit un morceau de Pierre philosophale et lui demanda d'opérer par lui-même. Van Helmont accepta mais seulement s'il pouvait opérer seul et dans les conditions choisies par lui. Son visiteur accepta aussitôt et lui offrit une espèce de poudre lourde et brillante comme le verre en morceaux.

L'inconnu voulait le convaincre car il était un illustre savant dont les travaux honoraient son pays. Van Helmont fit préparer par ses aides de laboratoire un creuset et y plaça huit onces de mercure. Une fois le métal fondu, il y précipita la petite quantité de poudre. Il obtint ainsi un morceau d'or d'un poids égal à celui du mercure qu'il y avait placé initialement.

Il rédigea une relation de son expérience et reconnut publiquement son erreur sur l'alchimie.

En souvenir de cette expérience, il nomma un de ses fils Mercurius, et ce dernier, à son tour, devint un fervent défenseur de l'alchimie.

Jacques Sadoul évoque Helvétius, médecin du prince d'Orange. De son vrai nom Johann Friederich Schweitzer, il était né en 1625. Il devint rapidement un médecin extrêmement  célèbre. Il était un adversaire déclaré de l'art hermétique. Le 27 décembre 1666, un inconnu demanda à être reçu par le médecin. Il lui demanda s'il existait dans la nature une médication universelle capable de guérir tous les maux. Helvétius lui répondit qu'il connaissait la prétention des alchimistes à posséder un tel médicament, appelé or potable mais il considérait que c'était un leurre. Finalement, l'étranger demanda à Helvétius s'il serait capable de reconnaître la Pierre philosophale si on la lui présentait. Helvétius répondit non.

L'étranger lui montra alors une petite boîte en ivoire et l'ouvrit. Elle contenait une poudre couleur de soufre pâle. C'était assez de Pierre philosophale pour transmuter 40 000 livres de plomb en or.

Helvétius lui demanda de lui faire cadeau de quelques parcelles de cette poudre afin d'en faire l'essai et l'étranger refusa. Alors Helvétius demanda une démonstration et l'étranger refusa, se retranchant toujours derrière une autorité supérieure. Finalement, l'étranger affirma qu'il allait demander l'autorisation à l'Adepte qu'il connaissait et alors il pourrait revenir trois semaines plus tard pour effectuer des transmutations sous les yeux du médecin. Trois semaines plus tard, l'étranger revint et accepta de donner à Helvétius une portion de la poudre. C'est alors qu'Helvétius fit un aveu à son visiteur. Lors de leur première rencontre, quand il avait tenu en main quelques instants la boîte contenant la poudre de projection, il en avait fait glisser quelques particules sous son ongle qu’il avait recueillies après le départ de l'étranger. Ensuite, il avait fait fondre du plomb dans un creuset et il avait précipité les quelques grains de poudre ainsi dérobés. Aucune transmutation ne s'était produite. L'étranger se mit à rire et lui expliqua qu'une précaution indispensable devait être prise pour réaliser une transmutation : il fallait enrober la poudre dans une boulette de cire ou l'envelopper dans un peu de papier, afin de la protéger des vapeurs du plomb ou du mercure. L'étranger expliqua à Helvétius que la Pierre philosophale était peu coûteuse et n'exigeait pas un délai extrêmement important. La matière première se retirait des minéraux ; quant au mercure philosophique, il s'agissait d'un certain sel de céleste vertu qui dissolvait les corps métalliques. Aucune des matières nécessaires à l'oeuvre n'était d'un grand prix. Il lui expliqua enfin que tout le magistère pouvait être réalisé en quatre jours si on utilisait la voix brève. L'étranger promit de revenir le lendemain, promesse qu'en fait il ne devait pas tenir.

Helvétius voulait attendre le retour de l'étranger mais sa femme était trop impatiente de tenter une projection alors il ordonna à ses serviteurs d'allumer du feu sous un creuset. Il mit un tuyau de vieux plomb dans le creuset. Sa femme y jeta la poudre de projection qu'elle avait au préalable entourée de cire. Au bout d'un quart d'heure, la totalité du plomb s'était transmutée en or. Helvétius montra cet or à ses nombreuses connaissances. Le fait fut bientôt connu de toute La Haye au point que le maître des essais, contrôleur de monnaie de la Hollande, Maître Povélius pour contrôler cet or hermétique. Il fut bien obligé d'admettre que c'était bien là de l'or. Helvétius, voulant encore une preuve supplémentaire, se rendit chez un orfèvre célèbre, Maître Brechtel. Celui-ci lui confirma que le métal était bien de l'or.

Jacques Sadoul évoque le philosophe Spinoza qui vérifia personnellement l'expérience d'Helvétius. Il s'était rendu chez Brechtel qui lui avait assuré que l'or d'Helvétius était tout à fait réel.

Spinoza se rendit ensuite chez Helvétius lui montra l'or et le creuset contenant encore un peu d'or attaché à ses parois. Les expériences alchimiques restèrent uniques dans la vie de Van Helmont et d'Helvétius, qui-quoique convaincus désormais de la valeur de l'art hermétique-ne cherchèrent jamais à aller au-delà dans leurs connaissances alchimiques.

Le philosophe italien Bérigard de Pise se vit également gratifié par un Adepte inconnu un morceau de Pierre philosophale. Il rédigea un rapport circonstancié de la transmutation qu'il put ainsi effectuer. Pour détruire tout soupçon de fraude, il acheta lui-même le creuset, le charbon et le mercure chez divers marchands, afin de n'avoir pas à craindre qu'il n'y eût de l'or dans aucune de ces matières, ce que font si souvent les charlatans alchimiques. Il réussit à transformer du mercure en or reconnu comme très pur par des orfèvres.

Jacques Sadoul se moque de la mauvaise foi de Figuier qui a cherché à discréditer les témoignages de Helvétius, Van Helmont et Bérigard de Pise. Il évoque la transmutation effectuée par le célèbre physicien et chimiste irlandais Robert Boyle, qui laissa un nom important dans l'histoire de la science en énonçant la loi de la compressibilité des gaz et en découvrant le rôle de l'oxygène dans les combustions.

Boyle, lui aussi, se contacter par un étranger, lequel transforma diverses substances métalliques en or devant lui. Mais Boyle ne fut pas convaincu par cette transmutation.

8

Le véritable Philalèthe.

 

Philalèthe serait né en Angleterre en 1612. On croit qu'il s'appelait Thomas de Vaughan. Il écrivit Entrée ouverte au palais fermé du roi, publié en 1645 dans lequel il affirmait avoir 33 ans. Dans ce livre, il se présenta comme un philosophe Adepte. Son pseudonyme signifiait amateur de vérité. Il affirmait avoir eu connaissance des secrets de la médecine, de l'alchimie et de la physique. Jacques Sadoul pense que Philalèthe était beaucoup plus âgé qu'on ne le dit au moment de publier son traité.

Philalèthe était un mystique. Son livre montre qu'il était une espèce d'illuminé. D'après Jacques Sadoul, Philalèthe aurait porté plusieurs pseudonymes afin d'échapper aux persécutions toujours à craindre. C'est ainsi qu'il s'appela successivement Childe, Dr Zeil, M. Carnobe. Pour en revenir à Thomas de Vaughan, c'était le nom d'un représentant d'une vieille et noble famille du pays de Galles dont le chef était pair et lord du royaume.Vaughan fut lui-même un scientifique réputé. Il était ami du chimiste Robert Boyle. Comme il voyageait beaucoup et affirmait la réalité de l’art alchimique, on a supposé que les trous de sa biographie pouvaient correspondre aux apparitions de l'Adepte connu sous le nom de Philalèthe. On possède le manuscrit d'un ouvrage d'alchimie de la main même de Thomas de Vaughan et signé du pseudonyme de Philalèthe. Il est exact que Vaughan signa du pseudonyme Eugènius Philalèthe et non Eyrénée Philalèthe. Le contenu de l'ouvrage alchimique de Thomas de Vaughan est complètement différent des enseignements du traité de Philalèthe. De plus, Vaughan naquit en 1622 et mourut en 1666, soit bien avant la disparition de Philalèthe.

Jacques Sadoul conclut que l'identité de Philalèthe reste un mystère.

On possède très peu de renseignements quant à la jeunesse de l'alchimiste. L'écrivain britannique Urbiger rapporte une confidence orale du roi Charles Ier qui déclara que Philalèthe aurait fait un jour une projection dans son laboratoire, en sa présence. On sait, de source certaine, que Philalèthe vécu en Amérique du Nord un certain temps. Il se lia avec un apothicaire nommé Starkey. Philalèthe emprunta fréquemment son laboratoire où il fabriqua des quantités considérables d'or et d'argent en présence de l'apothicaire. Le fils de Starkey publié un livre où il raconta sa rencontre avec Philalèthe et les transmutations qu'il effectuera sous ses yeux.

Isaac Newton eut pour livre de chevet l'Entrée ouverte au palais fermé du roi. Il en annota chaque page. Isaac Newton était si persuadé de la réalité alchimique qu’il demanda, avec Boyle, au Parlement de voter une loi interdisant la divulgation des procédés de transmutation par crainte de l'effondrement du cours de l'or.

Après son séjour en Amérique, Philalèthe se serait rendu en Inde oriental ou il aurait fait plusieurs projections publiques mais Sadoul n'a pas pu vérifier cette assertion de Georges Morhoff.

Sa réapparition en Europe est connue avec certitude puisque c'est en 1666, à Amsterdam, qu'il donna l'original de son livre. Or, 1666 est précisément l'année de la visite d'un Adepte inconnu à Helvétius, à La Haye.

Jacques Sadoul suppose que ces Philalèthe qui avait rendu visite à Van Helmont puis à Helvétius avant d'avoir l'occasion de convertir le philosophe Bérigard de Pise. Jacques Sadoul va plus loin. Il pense que si Philalèthe voyageait très souvent, c'est parce qu'il était un haut missionné des frères de la Rose-Croix. Il se réfère aux écrits et Philalèthe qu'il compare à ceux de la Rose-Croix pour justifier cette affirmation.

Un jour, Philalèthe disparut et l'on n’en entendit plus jamais parler.

9

L'apostolat de Lascaris.

Lascaris avait plusieurs pseudonymes et se faisait passer pour grec. Il naquit à la fin du XVIIe siècle et poursuivit l'apostolat entrepris par le cosmopolite puis par Philalèthe. Il ne semble avoir eu qu'un seul but : propager et faire admettre la vérité de la science hermétique. Il a toujours été décrit comme un homme entre deux âges. Quant à sa physionomie, elle est peut-être encore plus mystérieuse puisque aucune des descriptions que l'on faites ne concorde entre elles. Seule une certaine faconde méridionale, un enjouement, un plaisir de parler et éblouir l'assistance permettait de conclure que l'on avait bien affaire au même homme. Il se donnait pour archimandrite d'un couvent de l'île de Mytilène. Il parlait couramment plusieurs langues avec un léger accent indéfinissable. Par prudence, cet adepte adopta le principe des opérations menées par personne interposée, ce qui était tout à fait inhabituel. Le sort réservé à son premier envoyé ne put que le convaincre davantage, s'il en était besoin, de rester dans l'ombre. En effet, à l'aube du XVIIIe siècle, un gentilhomme prussien se présenta au roi Frédéric Ier en affirmant qu'il possédait le secret de la transmutation des métaux et qu'il désirait convertir son prince. Frédéric Ier accepta mais demanda qu'une projection fût immédiatement effectuée. Le Prussien opéra avec la poudre qui lui avait été remise par Lascaris et réussit à transmuter une livre de plomb en or. Malheureusement, ce succès lui tourna la tête et il laissa entendre à son suzerain qu'il était lui-même adepte et parfaitement capable de réaliser la Pierre philosophale. Mais Frédéric Ier lui ordonna de préparer une grosse quantité de poudre de projection afin de renflouer les finances publiques. Le gentilhomme en fut incapable. Le roi lui fit couper la tête.

C'est en 1701 que Lascaris eut l'occasion de rencontrer, à Berlin, celui qui allait devenir son principal disciple. Jean Frédéric Böttger travaillait pour un apothicaire et il était âgé de 19 ans.

Lascaris se mit à entretenir le jeune Jean Frédéric de sujets touchant à l'art hermétique. Il eut la surprise de constater que ce garçon apothicaire était lui-même passionné d'alchimie et connaissait par coeur tous les ouvrages de Basile Valentin. Lascaris lui fit savoir qu'il était lui-même un Adepte et lui prodigua quelques conseils.

En gage d'amitié, il lui offrit deux onces de poudre de projection. Mais il lui demanda de ne jamais révéler comment cette poudre avait été obtenue et ensuite de l'utiliser seulement à des fins démonstratives et non dans un but lucratif et attendre assez longtemps après son départ pour effectuer une transmutation. Le jeune homme attendit avec une grande impatience l'expiration du délai fixé puis il procéda enfin à l'essai de sa Pierre philosophale devant un groupe de jeunes élèves apothicaires qui s'étaient moqués de ses lectures alchimiques. Il réussit à transmuter du mercure en or devant eux. Böttger donna congé à son patron et décida de partir pour Halle afin d'étudier la médecine. Un ancien ami de Böttger, Siebert qui dirigeait un laboratoire de pharmacie entendit parler de la transmutation effectuée par son ancien condisciple. Il vint le voir et demanda s'il pourrait être à tout témoin de ce fait prodigieux. Böttger accepta. Böttger réussit à transmuter du plomb en or et sa réputation grandit immédiatement dans la ville de Berlin au point que Frédéric Guillaume Ier fut mis au courant. Heureusement pour Böttger, maître Zorn fut averti par un membre de la suite du roi que le roi allait enquêter sur son compte. Böttger eut le temps de quitter la vie en direction de Wittenberg. Mais le roi de Prusse demanda l'extradition de son sujet à la ville de Wittenberg.

Böttger était né en Saxe et Auguste II, roi de Pologne, le réclama à tour comme un de ses sujets. Alors il se rendit en Saxe, trop heureux de mettre une grande distance entre lui et la cour de Berlin.

L'électeur de Saxe lui demanda d'effectuer une projection sous son contrôle. Böttger accepta. Auguste II, enchanté par le résultat, le nomma baron sur-le-champ. Böttger oublia complètement les études médicales qu'il avait songé entreprendre et ne pensa plus qu'à boire et s'amuser en utilisant l'or qu'il pouvait obtenir grâce à la réserve de poudre de Lascaris.

Il se fit bâtir une maison splendide où il tenait table ouverte. Cela dura deux ans. L'apostolat dont l'avait chargé Lascaris était mené à bien puisque les extravagances de Böttger accréditaient partout la vérité, à savoir que la poudre de projection permettait bien obtenir tout l'or que l'on désirait. Böttger se mit en devoir de renouveler sa provision de poudre, persuadé qu'il y parviendrait lui-même. Mais ce fut un échec. Il fut alors obligé d'interrompre ses réceptions fastueuses et de réduire ses dépenses. La noblesse de cour lui tourna le dos. L'électeur donna des ordres pour que Böttger soit assigné à résidence.

Lascaris avait suivi les aventures de son jeune protégé et il avait appris sa fuite précipitée de Berlin, son arrivée à Dresde, son anoblissement et sa position difficile. Il se sentit moralement responsable de la folie du jeune homme et de ses conséquences. Alors il retourna à Berlin en 1703. Lascaris alla voir le médecin Pasch, seul camarade que Böttger avait jugé droit. Il lui demanda d'expliquer à Auguste II que Böttger n'avait jamais été en possession du secret hermétique mais qu'il tenait sa provision de poudre d'un Adepte itinérant. Pour achever de convaincre le médecin, Lascaris effectuera une transmutation parfaitement réussie sur un livre de mercure. Lascaris conseilla à Pasch de promettre à Auguste II une récompense de 800 000 ducats en échange de la liberté de Böttger. Mais le docteur Pasch demanda conseil à ses cousins qui lui dirent d'utiliser l'argent pour acheter la garde qui retenait prisonnier Böttger. Mais un des gardes achetés fit tout échouer et l'électeur fit arrêter Pasch.

Böttger fut incarcéré dans le château de que Koenigstein. Il connut un retournement de fortune imprévu. Son sort se modifia sous l'influence du compte de Tschirnhaus commandant de la forteresse où il était enfermé. Le compte s'intéressait à la fabrication de la porcelaine. La réputation d'alchimiste de Böttger était si grande qu'il décida de l'associer à ses propres travaux.

En 1704, Böttger découvrit une méthode pour obtenir la porcelaine rouge puis, en 1709, le moyen de fabriquer enfin de la porcelaine blanche, le secret le plus recherché à l'époque.

L'électeur fut ravi car la possession de ce secret valait presque autant pour lui que celui de la Pierre philosophale. Böttger profita de ces bonnes dispositions pour lui avouer qu'il n'avait jamais possédé le secret de la Pierre et lui raconta son entrevue avec Lascaris. L'électeur ne lui en tint plus rigueur et le libéra. Il le nomma directeur de la première manufacture de porcelaine de Saxe.

Jacques Sadoul fait mention d'une étude sur Böttger par l'archiviste Charles Auguste Engelhardt parue en 1837. Dans cet ouvrage, il est dit que Böttger ne transmuta jamais une once d'un quelconque métal en or. Lascaris n'aurait été qu'un mendiant ayant dupé Böttger en lui donnant une fausse Pierre philosophale. Lascaris serait mort dans un asile pour indigents de Dantzig. Mais Sadoul affirme que seule la poudre de Lascaris rend son aventure non seulement vraisemblable mais même possible.

Lascaris choisit deux jeunes préparateurs en pharmacie comme nouveaux émissaires. Le premier s'appelait Herrmann Braun et habité Francfort. Après sa rencontre avec Lascaris, il raconta tout autour de lui qu'un de ses parents lui avait fait cadeau d'une petite provision de teinture transmutatoire. Il avait mélangé le produit donné par Lascaris avec du baume de Copahu. Son patron, le docteur Eberhar lui demanda de procéder à un essai. Braun accepta et la transmutation réussie. Il dut recommencer l'expérience devant la plus haute autorité scientifique locale, le docteur Holacher. Horacher pris toutes les précautions possibles pour éviter une supercherie. L'expérience eut lieu dans son propre laboratoire. Le mercure fut transformé en or. Le même résultat fut obtenu avec du plomb.

Braun prétendit que sa teinture était obtenue à partir du phosphore. Mais une fois la provision de poudre donnée par Lascaris achevée, Braun rentra dans l'ombre.

Le second apothicaire, nommé Martin, perdit une partie de sa poudre en la mélangeant stupidement à d'autres corps puis dépensa le reste à faire des projections pour éblouir quelques jeunes filles et négligea de faire des démonstrations devant les notabilités scientifiques de sa ville.

Lascaris se rendit en Bohême pour rencontrer le conseiller Liebknech. Il lui parla de l'alchimie. Le conseiller se révéla en être un adversaire farouche. Alors Lascaris proposa au conseiller de l'amener chez le forgeron voisin pour lui montrer une expérience intéressante. Lascaris mit alors du mercure dans un creuset et ne transmuta rapidement en or. Il recommença l'expérience en demandant au forgeron de mettre du mercure dans le creuset et la transmutation réussit encore. Il offrit l'or au conseiller absolument sidéré.

Lascaris partit ensuite pour la France.

Jusqu'en 1715, Lascaris resta insaisissable. Il réapparut à Hambourg, dans la demeure du baron de Creuz lequel avait consacré 30 ans de sa vie à la recherche de la Pierre philosophale sans jamais y parvenir. Lascaris lui offrit un peu de poudre rouge et un bijou. Le bijou était une boucle d'argent dans une des branches avait été transmutée en or.

Le baron ne doute pas un seul instant qu'il y avait bien la fameuse teinture des philosophes. Il rassembla tous ses parents et amis pour leur faire une démonstration de la transmutation. Il réussit au-delà de ses espérances plongeant tous les assistants dans la stupéfaction la plus profonde. Mais il reconnut qu'il n'était pas l'auteur de la poudre miraculeuse.

Lascaris arriva à Vienne en 1716. Il réunit une assemblée de personnes de qualité comprenant les principaux docteurs de la région afin de prouver à tous la réalité de l'alchimie. Un procès-verbal détaillé de la séance fut dressé par le conseiller Pantzer de Hesse.

Bien plus tard, Lascaris rencontra le lieutenant-colonel Schmolz de Diebach qui se trouvait au service du roi de Pologne. Son père avait été un grand défenseur de l'alchimie. Mais un jour, ses camarades se moquèrent de lui quand il évoqua la mémoire de son père. C'est alors que Lascaris qui avait écouté la conversation s'approcha de lui et lui proposa un entretien. L'officier accepta. Lascaris lui fit part de son indignation devant les propos tenus par les autres militaires et lui affirma qu'il l'avait le moyen de les confondre et ainsi de rehausser la mémoire du père de l'officier. Il donna alors une petite provision de Pierre philosophale à l'officier en le priant toutefois de ne pas essayer d'en fabriquer plus de richesses que l'équivalent de trois ducats par semaine. Lascaris lui demanda aussi de convertir le plus grand nombre de personnes possibles à l'alchimie. L'officier y consenti volontiers. Schmolz Dierbach quitta l'armée et étonna ses amis par des transmutations réussies et répétées.

La nouvelle en parvint jusqu'aux oreilles du vieux conseiller Dippel.

Dippel se rendit alors à Francfort où résidait Dierbach. Il voulut examiner sa poudre. Ils échangèrent aussi leur description du personnage mystérieux qui en était le dispensateur. Ils comprirent qu'ils avaient eu affaire au même homme.

Après avoir examiné la poudre, Dippel conclut qu'une partie de cette poudre transmutait en or 600 parties d'un autre métal.

Dierbach fut un parfait missionnaire qui multiplia les projections pour toutes les personnes qui voulaient être convaincues. Il leur donnait chaque fois le produit de la transmutation. Au bout de sept ans, sa provision de poudre fut épuisée. Il devint alors député et rentra dans l'ombre, son rôle terminé.

Malgré sa grande prudence, Lascaris finit par attirer l'attention de l'électeur palatin qui envoya ses hommes pour s'assurer de sa personne. Lascaris s'enfuit et se rendit au château de la comtesse Anne-Sophie d'Erbach pour demander asile. Pour la remercier, il lui offrit de changer toute sa vaisselle d'argent en or. Elle se contenta de lui faire remettre une vieille bassine d'argent et à son vif soulagement et aussi à sa stupéfaction, la bassine fût transmutée en or le plus pur. La comtesse consentit à livrer la totalité de sa vaisselle d'argent à Lascaris et la transmutation réussit parfaitement.

Lascaris disparut comme par enchantement entre 1730 et 1740.

10

Histoire de Sehfeld.

Sehfeld était un alchimiste de la moitié du XVIIIe siècle. Johann von Justi, minéralogiste allemand, conseiller des mines en Autriche et membre de l'académie de Gottingen évoqua Sehfeld dans son Histoire de l'alchimie. Né en Haute-Autriche dans la première moitié du XVIIIe siècle, Sehfeld fut très tôt attiré par les études chimiques et la recherche de la Pierre philosophale. Sa première tentative se solde par un échec complet et il dut quitter le pays sous les quolibets et le mécontentement de certains riches habitants qui avaient financé ses premiers travaux. Il ne revint dans son pays qu'après une dizaine d'années pour se fixer dans la petite station thermale de Rodaun. Il se lia d'amitié avec son hôte Friedrich et transmuta pour lui un livre d'étain en or. Il lui demanda d'écouler pour lui de temps en temps quelques lingots à l'hôtel des monnaies. Malheureusement, la femme de Friedrich et ses filles ne surent pas tenir leur langue et bientôt tout le village fut au courant des activités alchimiques de Sehfeld.

Par l'intermédiaire d'un ami, il demanda un sauf-conduit à l'empereur, prétextant qu'il travaillait à préparer des colorants artificiels qui lui rapportaient de gros revenus, et expliquant ainsi que ces travaux étaient à l'origine des rumeurs stupides courant sur son compte.

Pour obtenir la protection des autorités, il offrit une redevance annuelle assez considérable. Il obtint un sauf-conduit. Cette existence tranquille n'allait pas durer. Une nuit, l'établissement de bains fut cerné par un détachement de gendarmerie venu de Vienne. Sehfeld fut arrêté car il avait attiré l'attention sur lui par les quantités d'or qu'il vendait à l'hôtel des monnaies. Les anciens bailleurs de fonds de Sehfeld avaient porté plainte et on l'accusa d'escroquerie et d'abus de confiance.

Il fut condamné à la détention perpétuelle. La forteresse de Temesvar. Il fut accusé de charlatanerie. Mais le commandant de la forteresse, le baron von Engelshofen eut quelques entretiens approfondis avec son nouveau prisonnier et se lia d'amitié avec lui. Il fit alors effectuer une contre-enquête à Vienne car il estimait que Sehfeld avait été victime d'une cabale. Il accorda au prisonnier toutes les libertés envisageables dans les limites du règlement. Il alla même jusqu'à rencontrer l'empereur pour lui exposer en détail le cas du prisonnier. L'empereur fit mander Friedrich. Friedrich décrivit les moindres circonstances des multiples occasions au cours desquelles il avait assisté, ainsi que sa famille, aux transmutations opérées par son hôte. Mais l'empereur ne voulut pas croire Friedrich. Mais la conviction de Friedrich qui respirait la sincérité inclina sans doute l'empereur à concevoir une meilleure opinion de Sehfeld. L'empereur fit libérer Sehfeld et lui demanda de reprendre ses recherches alchimiques pour son propre compte. Sehfeld accepta et effectuant compagnie de ses gardiens plusieurs voyages avant de venir retrouver l'empereur et d'effectuer devant lui certaines expériences chimiques.

Mais un jour, Sehfeld disparut et s'efforça par la suite de conserver l'anonymat le plus complet.

Karl Christof Schmider, directeur du lycée de Kassel parvint à retrouver trace de Sehfeld, sous les traits d'un Adepte itinérant qui se manifeste une première fois à Amsterdam et ensuite à Halle. Il était un client assidu de pharmacie de la ville. Un dimanche, il trouva le préparateur plongé dans un traité d'alchimie. Le préparateur avoua ne pas comprendre ce qu'il lisait. Alors Sehfeld prit la défense des traités hermétiques qu'il qualifia de très véritables et tout à fait dignes de respect. Il proposa de l'inviter chez lui pour lui montrer quelques expériences. Le préparateur accepta et le soir même il se rendit chez son client. Sehfeld donna de la poudre au préparateur et lui demanda de mettre de l'argent à fondre puis de verser la poudre dedans. Le préparateur retourna à son logis et se prêta à l'expérience. La transmutation avait réussi et le pharmacien retourna chez Sehfeld avec précipitation. Mais personne ne lui répondit.

Le préparateur s'appelait Reussing quelques années après cet événement, il s'installa comme pharmacien à Löbgune. Il confia son aventure à son gendre.

Sadoul pense que Sehfeld avait obtenu une provision de poudre de la part de Lascaris mais qu'il n'avait pas réussi la transmutation de lui-même.

11

Le comte de Saint-Germain.

L'existence historique du compte de Saint-Germain commence en 1743 à Londres. En 1745, il eut maille à partir avec la justice qui le soupçonnait d'être un espion de l'étranger. Il était décrit comme un homme de taille moyenne, âgé de 45 ans environ, fort aimable et grand parleur. Il est certain que Saint-Germain n'était pas son nom puisqu'il déclara un jour à son bienfaiteur le nom landgrave de Hesse : « je me nomme Sanctus Germanus, le saint frère ». Il passa quelques années en Allemagne puis vint la cour de Louis XV en 1758. Mme de Pompadour a laissé une description de Saint-Germain. Elle le trouvait fin, spirituel, portant de très beaux diamants aux doigts et à sa montre. Saint-Germain sut se faire admettre dans l'intimité de Louis XV. Cet ascendant irrita fortement le ministre Choiseul. Cela fut la cause de sa disgrâce et de son exil. Il plaça les derniers temps de sa vie dans le château de Hesse. Il mourut le 27 février 1784. Il prétendit avoir des activités alchimiques. Il prétendit savoir augmenter la taille des diamants et transmuter des pièces d'argent en or. Il prétendait posséder l'élixir de longue vie. Il disait être beaucoup plus âgé qu'il ne le paraissait. Ils prétendaient avoir connu Ponce Pilate ou Jules César. En fait, il raconta seulement des faits historiques des siècles passés comme un témoin oculaire aurait pu le faire, c'est-à-dire en s'attachant aux petits détails. Pour Jacques Sadoul, il s'agissait là d'une sorte de jeu. Jacques Sadoul affirme que les fameux mémoires de la comtesse Adhémar sont apocryphes puisqu'elle est née en 1760 et que le comte de Saint-Germain quitta Paris en 1759. Mais Sadoul cité la femme de chambre de Mme de Pompadour, Mme du Hausset qui relate une anecdote. Le comte de Saint-Germain avait prétendu être capable de débarrasser des diamants de leur tâche. Louis XV lui envoya aussitôt une pierre de grosseur moyenne mais abîmée par un crapaud. Le comte de Saint-Germain demanda un mois pour ce faire. Un mois plus tard, selon Mme du Hausset, le comte de Saint-Germain rapporta le diamant dans une toile d'amiante. La tache avait disparu. Le roi garda le diamant par curiosité. Jacques Sadoul se demande si Saint-Germain avait envoyé à Amsterdam le diamant pour faire tailler un autre pierre à peu près vraisemblable mais sans la tache.

Grâce à ses ressources occultes, la différence de prix était pour lui peu de chose. Le comte de Saint-Germain affirma savoir faire grossir les perles et leur donner la plus belle eau. Il prétendit aussi connaître la façon de provoquer la maladie de l'huître causant la perle.

Il est parfaitement établi que le comte de Saint-Germain ne jouissait d'aucun revenu fixe. Pourtant il n'est pas moins certain que le comte de Saint-Germain fut d'une prodigalité inouïe aussi bien en or qu'en bijoux de toute nature. Pour Sadoul, l'hypothèse d'une origine hermétique à ses richesses toujours renouvelées n'est donc nullement absurde.

Il existe deux récits de transmutations effectuées par le comte. Le récit du chevalier de Casanova, violemment hostile à Saint-Germain, est considér comme authentique par Sadoul. L'autre récit est un ouï-dire figurant dans les mémoires de la comtesse d'Adhémar. Le comte de Saint-Germain résidait à Tournai où se trouvait précisément le chevalier de Casanova. Le chevalier l'interrogea sur les pouvoirs d'une substance que le comte avait laissée dans une petite bouteille. C'était une liqueur blanche. Le comte de Saint-Germain prétendit que c'était l'esprit universel de la nature et que cet esprit sortirait à l'instant de la fiole si on piquait le plus légèrement possible la cire avec une épingle. Casanova demanda à en faire l'expérience ce que le comte accepta. La fiole se vida entièrement. Saint-Germain demanda à Casanova de la monnaie. Casanova lui donna quelques pièces. Saint-Germain prit un charbon ardent qu'il mit sur une plaque de métal. Puis il demanda à Casanova une pièce de 12 sols. Il mit dessus un petit grain noir et plaça la pièce sur le charbon qu'il souffle avec un chalumeau de verre et en moins de deux minutes la pièce avait été transmutée en or. Mais Casanova n'était pas dupe. Il pensait que le comte de Saint-Germain avait simplement escamoté la pièce initiale pour mettre la sienne à la place. Saint-Germain lui répondit que ceux qui pouvaient douter de sa science n'étaient pas dignes de lui parler.

Mais Jacques Sadoul pense que le comte de Saint-Germain n'était pas un prestidigitateur. Il pense que le comte possédait vraiment une teinture philosophale. Jacques Sadoul évoque la légendaire immortalité du comte. Les témoignages existent de personnes dignes de foi qui auraient connu le comte de Saint-Germain avant 1743 et après 1784. La comtesse de Gergy qui fut ambassadrice de France auprès de l'État vénitien avait rencontré Saint-Germain chez Mme de Pompadour. Elle déclara se souvenir avoir connu à Venise, en 1700, un homme étranger qui ressemblait étonnamment au comte, quoi que portant alors un autre nom. Le comte de Saint-Germain lui avait répondu qu'il était demeuré à Venise à la fin du XVIIe siècle. Alors la marquise lui avait dit que c'était impossible car cela aurait signifié qu'il avait 100 ans. Il lui répondit que ce n'était pas impossible.

Il lui raconta une foule de détails se rattachant au séjour qu'ils avaient fait ensemble dans l'État vénitien. Après 1784, Jacques Sadoul a trouvé une intervention du comte qui semble pour lui faire peu de doute. Le comte de Saint-Germain aurait assisté à la convention maçonnique de Paris le 15 février 1785. Les archives de la franc-maçonnerie prouvent que le comte y avait assisté en compagnie de Mesmer, Lavater et Saint-Martin.

Sa douleur relate que le comte ne mangeait jamais au cours des repas auquel il assistait. Il se contentait d'éblouir l'assistance par ses relations historiques. Jacques Sadoul veut croire que c'est là aussi l'influence de l'élixir philosophal qui permet à l'Adepte de vivre débarrassé des contingences matérielles. Sadoul ajoute que Saint-Germain menait une vie remarquable de chasteté.

Sadoul pense qu'il est probable que Saint-Germain possédait une réserve de Pierre philosophale qui utilisa pour ses besoins financiers et pour se maintenir en bonne santé puisqu'il est mort à 86 ans, âge très supérieur à la moyenne de vie du XVIIIe siècle.

Par ailleurs, les rapports de Saint-Germain avec la société des Rose-Croix ne font guère de doute. D'aucuns prétendent même que Saint-Germain n'était autre que Christian Rosenkreutz, le fondateur de la confrérie de la Rose-Croix qui, après avoir découvert le secret hermétique, aurait acquis l'immortalité. Mais Sadoul ne veut pas aller aussi loin. Mais Saint-Germain aurait pu recevoir l'initiation hermétique par la Rose-Croix.

12

Les adeptes du XXe siècle.

L'alchimie sombra dans le discrédit à la fin du XVIIIe siècle sous l'influence du chimiste français Lavoisier. La science qualifia de supercherie toutes les relations de transmutation des siècles précédents les Adeptes décidèrent d'abandonner tout esprit de prosélytisme et de travailler désormais pour eux seuls. On ne connaît que quelques rares représentants de l'art hermétique au XIXe et au XXe siècles.

Jacques Sadoul évoque Cyliani auteur de Hermès dévoilé qui prétendit avoir réussi la transmutation le jeudi saint 1831. Jamais on n'a pu savoir qui il était.

Fulcanelli.

En 1926, paraissait chez l'éditeur parisien Schemit un livre signé du pseudonyme Fulcanelli et appelé Le Mystère des cathédrales et l'interprétation ésotérique des symboles hermétiques du Grand Oeuvre. Cet ouvrage passa inaperçu lors de sa parution. Quatre ans plus tard, parut une seconde oeuvre, Les Demeures philosophales et le symbolisme hermétique dans ses rapports avec l'art sacré et l'ésotérisme du Grand Oeuvre. Fulcanelli est resté mystérieux.

Les deux livres de Fulcanelli furent préfacées par Eugène Canseliet. Canseliet prétendit être le disciple de Fulcanelli. Il affirma que si Fulcanelli avait jugé nécessaire de garder l'anonymat c'était par inclination de caractère. Fulcanelli aurait découvert la Pierre philosophale entre 1922 et 1926 et se serait retiré du monde comme tout véritable Adepte est amené à le faire ; ce qui ne signifie pas qu'il mourut.

Parmi les hypothèses, derrière Fulcanelli se cacheraient l'écrivain J. H. Rosny aîné, le libraire érudit Pierre Dujols, où le peintre Jean-Julien Champagne, illustrateurs des oeuvres de Fulcanelli, ou, enfin, M. Canseliet lui-même.

Aucun commencement de preuve n'a pu être apporté que l'énigmatique alchimiste fut Rosny aîné ou le libraire Dujols qui écrivait des études chimiques sous le nom de Magophon et n'avait donc aucun besoin de se cacher sous le pseudonyme de Fulcanelli.

Les raisons qui ont abouti à l'identification Fulcanelli-Canseliet sont que M. Canseliet possédait les manuscrits des demeures philosophales du mystère des cathédrales et les fit éditer. Il en perçut les droits d'auteur. Il était lui-même alchimiste et professait des opinions identiques à celles de Fulcanelli. Mais il se décrivait seulement comme le disciple et l'exécuteur du testament spirituel de son maître. Mais Jacques Sadoul pense que Canseliet n'aurait eu intérêt à dissimuler son nom sous un pseudonyme que s'il avait voulu laisser ignorer sa qualité d'alchimiste. Or, il avait écrit plusieurs ouvrages sur l'art hermétique. Jacques Sadoul pense que Canseliet ne peut pas être Fulcanelli car le style d'écriture des deux hommes est différent. Selon lui, le style précieux, empreint du classicisme des siècles passés de Canseliet n'a aucun rapport avec la langue beaucoup plus simple et directe de Fulcanelli.

Canseliet fut voisin de Jean-Julien Champagne durant 7 ans au 59 de la rue Rochechouart. Mais ce fut toujours Canseliet seul qui fréquenta la Bibliothèque nationale alors que la double et mystérieuse édition se plaça durant cet intervalle. Champagne ne quitta pas sa chambre où le retenaient sans doute de plus importantes préoccupations.

D'après Pierre Geyraud, dans son ouvrage L'occultisme à Paris, Champagne avait des dons de guérisseurs et menait des recherches alchimiques dans un laboratoire. Il s'occupa aussi de sociétés secrètes. Il fonda la fraternité d'Héliopolis. Selon Sadoul, cette société secrète n'a jamais en réalité compté que quelques membres dont Canseliet. Or, les livres de Fulcanelli sont dédiés à la fraternité d'Héliopolis. Il contribua à constituer dans les parages de l'église Saint-Merry une société luciférienne. Champagne mourut en 1932. D'après Pierre Geyraud, Champagne aurait trahi la secte et ce serait raisons de sa mort. Canseliet entretint avec piété l'humble sépulture de son ami. Jean-Julien Champagne aurait déclaré à plusieurs personnes qu'il était bien Fulcanelli. Jacques Sadoul pense que Champagne, en réalité, est mort des excès de l'absinthe. Il ne le croit pas capable d'avoir écrit les oeuvres de Fulcanelli car il n'en avait pas l'érudition. Enfin, selon Sadoul, il y a une raison absolument définitive pour que Champagne, Dujols et Rosny aîné n'ait pu être Fulcanelli : c'est que tous trois sont très réellement morts.

Jacques Sadoul avait écrit à Canseliet pour lui demander quelle expérience avait réalisé Fulcanelli dans une usine à gaz. Canseliet avait répondu que cette expérience avait eu lieu à Sarcelles dans une usine disparue depuis. L'expérience consista en une transmutation du plomb en or. C'est Canseliet qui réalisa cette expérience avec la poudre de Fulcanelli et suivant ses instructions. Champagne était présent ainsi que Gaston Sauvage, chimiste.

Sadoul évoque Jacques Bergier qui avait prétendu recevoir, en juin 1937, la visite d'un inconnu qui s'était présenté comme l'auteur des deux ouvrages de Fulcanelli. Bergier aurait rencontré Fulcanelli dans un laboratoire d'essai de la société du gaz de Paris. Fulcanelli aurait mis en garde le Bergier car il travaillait sur l'énergie nucléaire. Il lui aurait dit que la libération nucléaire était plus facile que Bergier ne pouvait le penser et la radioactivité artificielle produite pouvait empoisonner l'atmosphère de la planète en quelques années. Fulcanelli avait affirmé que les alchimistes savaient cela depuis longtemps. Fulcanelli avait cité un ouvrage écrit par Frédéric Soddy L'interprétation du radium. Fulcanelli avait cité cette phrase : « je pense qu'il a existé dans le passé des civilisations qui ont connu l'énergie de l'atome et qu'un mauvais usage de cette énergie a totalement détruites ».

Alors Bergier lui demanda en quoi consistaient ses recherches. Fulcanelli lui aurait répondu qu'il existait un moyen de manipuler la matière et l'énergie de façon à produire ce que les scientifiques nomment un champ de force. Ce champ de force agit sur l'observateur et le met en situation privilégiée en face de l'univers. De ce point privilégié, il a accès à des réalités que l'espace et le temps, la matière et l'énergie, nous masques d'habitude. C'est ce que les alchimistes appellent le Grand Œuvre.

Il expliqua à Bergier que la Pierre philosophale n'était qu'une application car l'essentiel n'était pas la transmutation des métaux mais celle de l'expérimentateur lui-même.

Louis Pauwels avait prétendu dans le Matin des magiciens que Fulcanelli avait survécus à la seconde guerre mondiale mais qu'il avait complètement disparu après la Libération et que la CIA avait reçu des consignes très strictes de retrouver tous ceux qui touchaient à la science atomique en Europe. Fulcanelli aurait donc été recherché par la CIA. Bergier aurait été appelé à témoigner mais n'aurait pu apporter aucun éclaircissement au major qui enquêtait.

Armand Barbault.

Sadoul évoque le cas de cet alchimiste du XXe siècle. Cet alchimiste appliquait strictement les enseignements des ouvrages hermétiques du Moyen Âge comme le Mutus Liber et la Table d'émeraude.

Le but avoué de Barbault était de découvrir, par des procédés purement alchimiques et en s'appuyant sur l'astrologie, une médecine nouvelle comparable à l'or potable. Il choisit d'employer la terre comme matière première. Il employait aussi le suc des plantes et la rosée du matin. Il travailla pendant 22 ans. L'élixir qu'il obtint fut essayé par des laboratoires pharmaceutiques allemands qui auraient conclu à son efficacité selon Sadoul. Armand Barbault avait écrit un livre, L'Or du millième matin. Dans ce livre qui révélait tout de ses méthodes et des matières premières employées. D'après Sadoul, Barbault avait recherché la Pierre philosophale.

Pour Jacques Sadoul, l'alchimiste n'est pas un savant mais un paysan qui sait mener jusqu'à la couleur or le mûrissement de ses blés. Sadoul pensait que la Pierre philosophale existait et que l'étude des philosophes alchimistes le démontrait.

Livre 3.

La Pierre philosophale.

1

Envieux ou charitable ?

On appelle « envieux » un alchimiste qui donne sciemment de faux renseignements sur son art et, par opposition, « charitable » celui qui révèle quelque chose d'exact sur le magistère.

Pour Jacques Sadoul, il y a deux sortes d'ouvrages sur l'alchimie. Ceux oùl'écrivain se déclare convaincu de la vanité des prétentions des philosophes hermétiques et que la réalisation de la Pierre philosophale est un leurre ; et ceux où l'auteur, s'étant présenté comme « amoureux de science » affirme être lié par le secret traditionnel, et conclut que toute divulgation concernant les matières où les pratiques de l'Oeuvre est aussi inutile que dangereuse.

De grands adeptes au XVe et au XVIe siècle décrivirent dans un langage dépouillé, cohérent et précis, la préparation et la purification d'un petit nombre de substances qui servaient de support, mais non pas, à proprement parler, de sujet à leurs opérations ultérieures. À partir du XVIIe siècle, les auteurs font mine, au contraire, de dissimuler les indications sous un voile allégorique ou symbolique. Le fameux secret des alchimistes ne réside pas dans la connaissance des corps qui servent à l'Oeuvre. L'alchimie était très capable d'empêcher elle-même sa divulgation, du fait de la difficulté interne du magistère.

Pour Jacques Sadoul, l'alchimie s'apparente à l'agriculture et s'il s'agit d'élever une certaine matière à un plus haut degré de perfection, à un certain mûrissement. Les manipulations alchimiques ne sont comparables en rien aux expériences du chimiste. Sadoul ne voyait aucune raison évidente pour continuer d'interdire au public et au monde scientifique la connaissance des matières secrètes de l'Oeuvre alchimique.

Jacques Sadoul évoque les matières qui entrent dans la composition de l'Oeuvre. Il fait référence à Philalèthe qui estimait que la matière de la Pierre philosophale, c'était la semence contenue dans l'or. Mais cela ne voulait nullement dire qu'il fallait extraire cette semence de l'or lui-même. Sadoul cite Guillaume Salmon, auteur de la Bibliothèque des philosophes chimiques. Cet auteur affirma que le mercure des philosophes (qu'ils appelaient la femelle) était joint et amalgamé avec l'or (le mâle) bien pur et en feuilles ou en limaille mis dans l'oeuf philosophal (qui est un petit matras fait en ovale que l'on doit sceller hermétiquement, de façon que rien de la matière ne s'exhale). On devait poser cet oeuf dans une écuelle pleine de cendres clients le mettait dans le fourneau et alors le mercure, par la chaleur de son soufre intérieur, excité par le feu dissolvait l'or sans violence et le réduisait en atomes.

Mais Sadoul révèle que Salmon ne précisait pas ce qu'il entendait par mercure des philosophes. Sadoul pensait que Jacques Bergier avait décrit la vérité de très près. Jacques Bergier avait expliqué que l'alchimiste commençait à préparer, dans un mortier d'agate, un mélange intime de trois constituants. Le premier, qui entrait pour 95 % était un minerai : une pyrite arsénieuse, un minerai de fer contenant notamment comme impuretés de l'arsenic et de l'antimoine. Le deuxième était un métal : fer, plomb, argent ou mercure. Le troisième était un acide d'origine organique : acide tartrique ou citrique. L'alchimiste devait broyer à la main et mélanger ces constituants durant cinq ou six mois. Ensuite, il chauffait le tout dans un creuset. Il augmentait progressivement la température et faisait durer l'opération une dizaine de jours.

Le tout devait être enfin dissous dans le contenu du creuset grâce à un acide. La dissolution devant s'effectuer sous une lumière polarisée. L'alchimiste devait ensuite évaporer le liquide et recalciner le solide. Cette opération devait être recommencée des milliers de fois pendant plusieurs années. Après quoi, alchimistes estimaient que la première phase était terminée. Il ajoutait alors à mélange en Occident : le nitrate de potasse. Il y avait dans son creuset du soufre provenant de la pyrite et du charbon provenant de l'acide organique. Le mélange était placé dans un récipient transparent, en cristal de roche, fermé de manière spéciale. Le travail consistant désormais à chauffer le récipient en dosant, avec une infinie délicatesse, les températures. Le but poursuivi étant l'obtention dans le récipient d'un fluide que les alchimistes nommaient parfois l'aile de corbeau. Pendant des années, l'alchimiste chauffait puis laisser refroidir puis réchauffait à nouveau. Le mélange changé en un fluide bleu-noir devenait l'oeuf alchimique. Au contact de l'air, ce liquide fluorescent se solidifiait et se séparait.

L'alchimiste après avoir ouvert son récipient de cristal de roche a obtenu, par un refroidissement du liquide fluorescent au contact de l'air, un ou plusieurs éléments nouveaux. Il reste des scories. L'alchimiste va laver  cesscorie pendant des mois et il conservera l'eau distillée à l'abri de la lumière et des variations de températures. C'est le dissolvant universel et l'élixir de longue vie de la tradition.

L'alchimiste va essayer de recombiner les éléments simples qu'il a obtenus. Il mélange ces éléments dans son mortier et les fait fondre à de basses températures pendant plusieurs années. Il obtiendrait ainsi des substances ressemblant absolument aux métaux connus.

Ce serait le cuivre alchimique, l'argent alchimique, l'or alchimique.

L'une de ces substances serait soluble dans le verre. C'est la poudre obtenue en broyant ce verra modifié dans le mortier d'agate, que les textes alchimiques nomment la poudre de projection ou Pierre philosophale.

Jacques Sadoul estime que le texte de Jacques Bergier est essentiel pour celui qui veut étudier l'alchimie.

2

Le sujet des sages.

La matière première.

Jacques Sadoul cite l'alchimiste Le Breton et son ouvrage Les clés de la philosophie spagirique selon qui il y a un minéral connu des vrais savants qui le cachent dans leurs écrits sous divers noms, lequel contient abondamment le fixe et le volatile. Le sujet des sages est la matière première du magistère.

Le cosmopolite, dans sa Nouvelle lumière chymique indique que c'est une matière dure et sèche qui peut se réduire en petites parties et qui se peut broyer à la façon d'une pierre. Il est nécessaire de la réduire en une essence unique, en une pierre incombustible, résistant au feu et fondant comme cire. Le sujet des sages est un minerai métallique.

Jacques Sadoul cite ensuite les Entretiens du roi Calid et du philosophe Morien dans lequel on trouve cette précision : c'est une pierre vile, noire et puante qui ne coûte presque rien et est un peu pesante. Eugène Canseliet écrivit que Fulcanelli avait recherché pendant plus de 25 ans l'or des sages qu'il l'avait sans cesse auprès de lui, sous la main et devant les yeux.

Pour Jacques Sadoul, la matière première est un cinabre. C'est-à-dire le minerai de sulfure de mercure. C'est d'ailleurs de là que vient la mention faite par le cosmopolite de ce soufre puant qu'il faut ôter.

Au Moyen Âge, on connaissait seulement sept métaux auxquels il faut cependant joindre le zinc, l'arsenic et l'antimoine. Jacques Sadoul passe en revue ces 10 métaux.

Le cinabre ou sulfure de mercure vient d'un mot indien qui signifie sang du dragon. Cette appellation est aussi l'une de celles que l'on donne couramment au sujet des sages. Mais pour Sadoul le sujet des sages est un cinabre mais pas le cinabre.

L'argentite, ou sulfure d'argent est un minerai cher. Il peut donc être éliminé d'office selon Sadoul.

La cogélite, ou sulfure de cuivre. Sadoul n'a pu découvrir aucune allusion s'y rattachant chez les alchimistes.

L'étain. Ce métal n'a pas de sulfure naturel courant.

L'orpiment ou sulfure d'arsenic.

Sa couleur a trompé nombre de souffleurs car ce sulfure est d'un beau jaune d'or. L'arsenic a joué un certain rôle dans le magistère en tant que synonyme philosophique du sel. C'est pourquoi on a souvent confondu ce minerai avec le sujet des sages.

La blende ou sulfure de zinc. Seul Fulcanelli a suggéré que ce minerai pouvait être celui recherché. Mais selon Jacques Sadoul Fulcanelli cherchait à brouiller les pistes.

La pyrite ou sulfure de fer. Jacques Bergier a identifié la pyrite de fer avec le sujet des sages d'après l'ensemble de ses lectures et des expériences de laboratoire auxquelles il s'est livré.

La stibine ou sulfure d'antimoine.

Fulcanelli semble avoir condamné définitivement le sulfure d'antimoine mais pour Jacques Sadoul il ne faut pas conclure trop rapidement car cette mise en garde pourrait fort bien ne cacher que le dessein d'enlever aux indigner le bénéfice d'une base solide et facile d'acquisition. Sadoul est à peu près persuadé que le minerai de fer et le minerai d'antimoine ont été choisis par les alchimistes et qu'aucune des deux substances n’est totalement étrangère à l'Oeuvre. La conclusion de Sadoul et que l'Oeuvre est obtenue à partir de la pyrite de fer antimoniée.

Le feu secret ou premier agent.

Rien ne doit être ajouté à la matière mais il est également certain qu'il faut pour en extraire le mercure philosophique lui appliquer le feu secret et ce feu est partiellement étranger à la Pierre philosophale.

Le feu secret brûle sans le secours d'une flamme. Basile Valentin affirmait que le sel c'est le feu, l'eau qui ne mouille pas les mains. Pour Jacques Sadoul il s'agit d'un sel double d'une substance métallique présente dans la matière première sous forme d'impureté. Jacques Bergier utilisait en lieu et place de premier agent, l'acide tartrique. Fulcanelli dans les Demeures philosophales évoquait le mercure des philosophes. Pour lui le dissolvant universel était un véritable minéral d'aspect sec et fibreux, de consistance solide, dur, de texture cristalline. C'était donc un sel et non pas un liquide. Canseliet avait évoqué le salpêtre, c'est-à-dire du nitrate de potasse parmi les sels qui se montrent idoines à entrer dans la composition du feu secret philosophique. Le feu secret pourrait bien n'être qu'un sel double de potassium, nitrate et tartrate, le potassium figurant lui-même dans la matière première, c'est-à-dire dans la pyrite de fer antimoniée.

Le mercure philosophique.

Si l'on cherche à découvrir quel est le corps qui correspond au mercure philosophique on ne le trouvera jamais, tout simplement parce que ce mercure n'est en rien extérieur à la matière première. Il en est au contraire extrait sous l'influence du feu secret. Le mercure philosophique ne peut provenir que de la matière initiale.

3

Le magistère.

Le magistère se compose de trois oeuvres parfaitement distincts. La plupart des traités d'alchimie étudient un de ces trois oeuvres ou deux d'entre eux comme s'ils étaient l'Oeuvre complet et cela sans jamais préciser qu'ils omettent une partie très importante de la réalisation de la Pierre philosophale.

Dans un même traité, se trouveront décrits deux oeuvres au maximum sur trois et en outre, le soufre du second oeuvre pourra très bien avoir été appelé mercure dans le premier. Il n'est donc pas possible de se fier à un seul auteur pour la réalisation totale du magistère. Il faut alors établir une correspondance précise entre les diverses appellations des produits chez chacun des philosophes.

Le première oeuvre.

Tous les minerai sont soumis à une préparation chimique préalable susceptible d'enrichir leur teneur en métal et cette préparation les rend tout à fait impropres à l'Oeuvre. Il faut donc se rendre à la mine et obtenir l'autorisation de visiter les filons.

Jacques Sadoul pense, qu'au départ, une centaine de kilos de minerai est nécessaire.

Il recommande le chauffage électrique plutôt que le four au charbon de bois. Ensuite, il faut procéder à la fabrication du feu secret à partir d'une solution de tartre. L'opération doit être effectuée durant le mois de mai car la terre et l'air sont chargés de l'afflux céleste du renouveau. Il faut encore un mortier d'agate, un creuset et quelques cornues et matras. Il faut d'abord préparer la rosée du mois de mai.

La première opération consiste à pulvériser dans le mortier d'agate des blocs de matières premières mélangés au sel double qui constitue le feu secret puis d'imbiber le tout avec le sel de la rosée du mois de mai. Les deux corps extraits de la matière première et qu'il faut décomposer sont le mercure et le soufre des philosophes et le troisième corps qu'il nous faut obtenir au cours de ce première oeuvre est le mercure philosophique.

Le deuxième oeuvre.

Le mercure philosophique qui a été extrait de la matière prochaine de l'oeuvre associé au lait de vierge, doit amener l'alchimiste au stade du rebis. Les opérations de ce second oeuvre ont été décrites clairement par Cyliani dans son ouvrage Hermès dévoilé.

Le troisième oeuvre.

Le rebis doit être amené à la perfection par la coction, c'est-à-dire par la cuisson. Jacques Sadoul affirme que seul Philalèthe a été assez « charitable » dans la description de cette étape. Il décrit les opérations de cuisson dans le chapitre 23 de son livre Entrée ouverte au palais fermé du roi.

La multiplication.

Après le septième régime, le soufre rouge incombustible est véritablement la Pierre philosophale mais pas encore complètement achevée. Il faut encore la multiplier, c'est-à-dire lui faire subir le cycle complet des opérations auxquelles a été soumise la matière première. C'est une fois cette nouvelle coction achevée que l'heureux l'alchimiste trouve en possession de la véritable médecine universelle dont une dilution homéopathique deviendra son élixir de longue vie. L'alchimiste aura également fait fermenter sa Pierre avec de l'or pour obtenir la poudre de projection nécessaire à son essai de transmutation.

Il existe une deuxième méthode pour obtenir la Pierre philosophale. C'est la voie sèche évoquée par Fulcanelli. Il faut cuire le sel céleste qui est le mercure des philosophes avec un corps métallique terrestre dans un creuset et à feu nu pendant quatre jours. Selon Fulcanelli la voie sèche est plus facile alors que tous les autres alchimistes précisent au contraire qu'elle beaucoup plus difficile. Avec la voie humide, les opérations durent trois ans environ. Jacques Sadoul précise qu'il existe une troisième voie, la voie brève, qui dure trois ou quatre jours et où on opère à creuset ouvert et à de très hautes températures.

Cette dernière méthode est extrêmement dangereuse, en raison des risques d'explosion. Il faut compter une vingtaine d'années, dont un quart consacré à l'étude et les autres à la pratique de laboratoire, c’est le minimum nécessaire, pour accomplir l'Oeuvre philosophique.

Sadoul affirme que les grands adeptes qui ont trouvé la Pierre philosophale étaient des gens fort riches.

Conclusion : l'art royal.

Jacques Sadoul estime avoir démontré la réalité de l'alchimie même s'il admet que les preuves qu'il a présentées sont fondées sur le témoignage humain et qu'un tel témoignage est faillible.

Sadoul déplore l'attitude de certains scientifiques qui rejettent les témoignages comme valeur probante. Il veut considérer comme acquis la transmutation métallique. Il s'appuie sur les recherches de Camille Flammarion pour démontrer que les scientifiques peuvent se tromper car Camille Flammarion avait pu prouver que Lavoisier s'était trompé s'agissant des aérolithes. En effet, Lavoisier ne croyait pas en l'existence des aérolithes malgré les nombreux témoignages.

Sadoul regrette que les chimistes modernes, pourtant capables de renouveler les conceptions de Lavoisier, ont en revanche conservé son dogme de l'impossibilité de la transmutation métallique par des moyens alchimiques. Sadoul était certain qu'un jour la réalité du fait alchimique serait reconnu par la science officielle tout comme l'ont été les aérolithes. Jacques Sadoul suppose que l'alchimie est le souvenir de la science d'une race qui foula le sol terrestre bien avant le déluge. Il suppose qu'une civilisation se serait maintenue à travers les âges géologiques dans de tout petits groupes ethniques qui gardaient le souvenir de la catastrophe qui détruisit leur civilisation mais aussi la connaissance de certaines techniques scientifiques de leur grande époque. Jacques Sadoul se veut prophétique en affirmant que les machines construites par l'homme l'asservissent peu à peu et que nous nous dirigeons vers une civilisation robotique où le pouvoir réel sera détenu par de gigantesques ordinateurs.

 

 

 

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Commentaires
R
Très complet, vous êtes réellement expert du sujet
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Humanisme : le Contrat social
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