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Humanisme : le Contrat social
21 mai 2020

Histoires de guerres futures.

 

guerres

La guerre est un thème familier en science-fiction, si familier qu'il a contribué à populariser une image négative du genre. La science-fiction parle souvent de la guerre, si souvent qu' il y a de quoi s'interroger. Mais nous rencontrons la guerre dans l'histoire avant de la rencontrer dans la science-fiction. La science-fiction a abordé le problème du comment de la guerre avant de se poser la question du pourquoi. C'est ce qui ressort de toutes les études sur ce thème. Avant la révolution industrielle, la force des Etats était plus ou moins fonction de leur peuplement et l'enjeu principal des guerres était l'annexion de nouvelles provinces. Après la révolution industrielle, la technologie prend place au centre du débat et toute invention nouvelle peut bouleverser les règles du jeu et l'équilibre traditionnel des forces.

Wells avait inauguré le thème de l'invasion extraterrestre dans La guerre des mondes. Il se convertit à l'anticipation « plausible » avec La guerre dans les airs. Mais si le développement de l'aviation est prédit dans ce livre avec beaucoup d'intuition, l'auteur s'intéresse plus au retour à la barbarie qui, selon lui, sera inévitable conséquence d'une telle guerre. Plus spectaculaire est l'invention de la bombe atomique placée dans The World set free (1914), Wells en avait trouvé l'idée dans un livre de Frederick Soddy. Dans ce livre, Wells imagine que la guerre mondiale éclate en 1958 ; la coalition anglo-franco-russe perfectionne ses retranchements alors que les empires centraux allaient la frapper aux yeux et à la tête. Le président français soupçonne ce qui se prépare, mais la première bombe tombe sur Paris. De nouveau, c'est le chaos qui prélude à l'instauration d'un ordre généreux sur un monde unifié.

En 1913, Wells croyait pouvoir écrire que l'Angleterre n'aurait sans doute pas de guerre avec l'Allemagne mais enverrait des troupes pour combattre côte à côte avec les Français et les Allemands aux frontières de la Pologne. La deuxième guerre mondiale avait été prévue mais nul en dehors de Wells n'avait pensé à la troisième. En 1933, Wells avait écrit The Shape of things to come. Dans ce livre, la guerre commençait à Dantzig, l'Angleterre était attaquée par des escadrilles de bombardement et la longueur du conflit (26 ans) causait des ruines immenses.

En gros, la troisième guerre mondiale a suscité en une quarantaine d'années trois principaux genres littéraires. Il y a eu beaucoup de rapports secrets et un certain nombre d'anticipations journalistiques sur la guerre proprement dite. L'avant-guerre immédiate, le comment du déclenchement du conflit, a donné naissance à un genre qui a eu son heure de prospérité : la politique fiction comme Docteur Folamour de Peter George. Enfin, l'après-guerre a été annexé par la science-fiction au nom de l'idée que les ravages causés par les bombes amèneraient fatalement un nouveau Moyen Age ou une nouvelle Préhistoire, sinon la fin de l'humanité.

La science-fiction connaissait la bombe atomique depuis The World set free. Les auteurs ayant une culture scientifique pouvaient la décrire avec des détails plausibles. C'est ce que fit Clee Cartmill dans «Deadline », publié par Astounding en mars 1944. La rédaction ne fut pas peu surprise de recevoir la visite du FBI : on avait cru à une opération d'espionnage. Le déclenchement de la guerre froide, en 1947, lança la vogue des histoires post atomique pour une bonne dizaine d'années.

Elle décrivait un avenir immédiatement possible et répondait à une angoisse présente.

L'assassinat de Kennedy puis la chute de Khrouchtchev montreront les limites du dialogue entre le surhomme et le public se résignera peu à peu à l'idée qu'on ne peut pas sortir de l'histoire.

La description de la guerre proprement dite a suscité une littérature plus diffuse et moins nettement située dans le temps. Ce genre littéraire, en énumérant toutes les contraintes auxquelles devraient obéir une guerre atomique, sature le modèle et finit par faire penser que cette guerre n'aura probablement pas lieu.

L'évolution depuis 1945 est assez claire : la science-fiction n'a plus l'initiative dans la description du comment de la guerre future. La guerre n'est pas seulement un fait historique ; c'est aussi un thème culturel. La science-fiction est à l'origine un genre intellectuel issu de l'utopie et son objectif n'est pas de chanter la guerre mais de la dénoncer comme un désordre et un scandale et de décrire les moyens propres à l'éviter. Dans l'Utopie de Thomas More, le peuple élu vit dans une île abritée du monde par des rivages vertigineux ; il a prévu que son bonheur ferait des envieux, mais il a remis le soin de sa défense à une peuplade belliqueuse, préalablement vaincue par lui et réduite à une situation de dépendance telle qu'il n'a rien à redouter. La science-fiction populaire est apparue entre 1880 et 1900. C'est un genre massivement guerrier. C'est le combat des savants fous et des bons savants autour de l'invention extraordinaire qui peut asservir ou libérer le monde selon l'usage qui en sera fait. C'est aussi le combat des bons et des méchants dans un monde futur où les inventions fourmillent et où l'extraordinaire dispensé à profusion rejoint le bon vieux merveilleux.

La seconde guerre mondiale a changé bien des choses ; le pourquoi de la guerre est désormais un problème. Une science-fiction antimilitariste apparaît avec Gunner cade de Cyril Judd et The Earth war de Mack Reynolds. Chez Bradbury, l'antimilitarisme est une variante de l'anti technologisme. Bien peu d'auteurs pensent que l'agressivité est seulement un fait de culture, que l'homme est né bon, que la violence n'est qu'un effet pervers du progrès. Pour en arriver à cette vision plus radicale, il faut attendre les années 60 et la génération contestataire marquée par la guerre du Vietnam. Certains auteurs donnent la parole à l'adversaire, ce qui permet de créer des effets de points de vue qui ne sont pas seulement ironiques : dans Rêve de fer, Norman Spinrad donne à lire une heroic fantasy écrite par Hitler en personne. Partout prévaut l'idée que la société est monstrueuse et que la guerre est l'incarnation suprême de cette monstruosité.

Certains insistent avec Poul Anderson sur le romantisme de l'engagement ; d'autres au contraire misent tout sur la représentation musclée des durs ; chez eux la guerre n'esr rien de plus que le fonctionnement de la machine guerrière.

Le voisin (Robert Silverberg).

 

1

Michael Holt regarda à travers le hublot de sécurité qui s'ouvrait dans la salle des commandes et aperçut la zone de terre brune d'une centaine de mètres de diamètre qui entourait sa maison puis le début du champ de neige griffé par la silhouette hirsute de quelques rares arbres et enfin la tour métallique qui était la demeure d'Andrew McDermott.

En 70 ans, Holt n'avait jamais jeté le regard sur l'habitation de son voisin sans éprouver un sentiment d'irritation et de haine. La planète était pourtant assez grande alors pourquoi McDermott avait-il choisi d'édifier son tas de ferraille à l'endroit précis où il devait immanquable m'en tomber sous les regards de Holt ?

La propriété de McDermott était assez étendue. McDermott avait insisté pour édifier sa demeure à l'endroit qu'il avait choisi. Holt se dirigea vers le panneau de contrôle des armements et laissa reposer sa main maigre sur un rhéostat rutilant. Cette artillerie lui aurait permis de réduire Andrew McDermott en poudre.

Holt imagina que McDermott l'avait offensé. Alors, il se voyait pénétrer dans la salle des commandes et lancer un ultimatum à l'ennemi. Bien entendu, McDermott répondrait par une décharge de radiation parce que c'était dans sa manière sournoise. En dernier recours, Holt riposterait. Il se voyait, les articulations crispées sur les commandes, lançant avec ferveur décharge après décharge jusqu'à ce que la maison de son voisin soit dévorée par un feu d'artifice infernal.

Ce serait vraiment un moment digne d'être vécu. L'instant du triomphe suprême ! Ensuite, il y aura évidemment une enquête. Les 50 seigneurs de la planète se réuniraient pour discuter des causes de la bataille et Holt expliquerat que son voisin l'avait stupidement provoqué. Et les seigneurs, collègues de Holt, opineraient du chef. Ils rendraient un non-lieu en sa faveur et lui attribueraient la portion de terres de McDermott.

Mais Holt, avec ses 200 ans, n'était qu'un vieil homme fragile et ce rêve éveillé émoussait ses forces. Alors, il prit l'ascenseur qui le ramènerait vers sa famille, cinq étages plus bas.

2

McDermott appela Holt. Cela faisait 50 ans qu'il ne l'avait pas fait. Holt cru que c'était un canular mais voulut savoir ce que son voisin désirait. Il mourrait d'envie de lui déclarer la guerre. Patiemment, il accumulait les armements depuis des décennies. Nul écran au monde n'était capable de résister à l'artillerie qu'il avait assemblée. La voix de robot du secrétaire de Holt se fit entendre pour lui annoncer que McDermott ne voulait rien dire sur ses intentions à un robot mais voulait parler personnellement à Holt. Alors Holt accepta de lui parler. Depuis des années, ils avaient échangé leurs communications par l'intermédiaire de robots. Holt en avait même oublié jusqu'au timbre de voix de son ennemi. McDermott lui demanda d'allumer son écran et sa caméra car il voulait le voir. Mais Holt refusa. McDermott lui demanda de venir le voir. Il voulait mettre fin à leur conflit. Holt lui répondit que tant que son infecte maison se dresserait au-dessus des arbres, il ne pourrait jamais être question de paix entre eux.

McDermott lui dit que quand il serait mort, Holt pourrait faire sauter sa maison si cela lui chantait. Tout ce qu'il lui demandait en échange était de venir le voir. Il avait besoin de lui.

Holt lui demanda pourquoi il ne se déplaçait pas lui-même mais McDermott lui répondit qu'il en était incapable. Alors Holt brancha son écran et sa caméra et il vit McDermott baignant dans un bain nutritif. Il était paralysé car il avait eu une attaque. Il voulait voir Holt encore une fois avant de mourir. Il promettait d'envoyer ses robots de l'autre côté de la rivière et acceptait que Holt se fasse escorter d'une armée s'il le désirait. Il lui promit qu'il ne regretterait pas d'être venu. Pour lui prouver sa bonne foi, McDermott affirma que ses écrans de protection avaient été débranchés. Il exhorta Holt à tirer sur sa maison. Un flot d'émotions envahit Holt il se demanda s'il ne s'agissait pas d'une ruse subtile destinée à provoquer en lui une fatale crise cardiaque.

Mais il visa un arbre situé dans le cercle intérieur de défense de McDermott. L'arbre fut détruit. McDermott l'invita à tirer sur une tour. Holt pensait que son voisin souffrait de démence sénile. Mais il tira tout de même contre un des bâtiments annexes de son voisin.

10 m² du château de McDermott avaient été transformés en bouillie. Alors il accepta de venir voir son voisin.

3

Holt rassembla les membres de sa famille, ses trois femmes, ses fils et ses petits-enfants ainsi que l'état-major de ses robots. Illesréunit dans la grande salle du donjon pour leur annoncer qu'il allait se rendre chez le seigneur McDermott. Ils en furent émus mais avaient trop le sens de la discipline pour émettre une opinion. Holt était un seigneur et sa parole avec force de loi. Il voulut les rassurer en leur disant que McDermott était entièrement paralysé et avait lâché tous ses robots. Holt se rendrait chez McDermott accompagné de quelques robots. S'il ne revenait pas au bout d'une demi-heure, sa famille pourrait venir le chercher et si celle-ci rencontrait de l'opposition, ce serait la guerre. L'instant était critique car la famille de Holt pouvait le déclarer déchu. Le fait s'était déjà produit dans d'autres familles. Mais personne ne fit un mouvement. Il partit en voiture avec huit et de ses robots. Les kilomètres succédaient aux kilomètres. Arrivé à la frontière, il ordonna à un de ses robots de lancer une décharge pour voir si les écrans étaient toujours abaissés. Un arbre fut abattu. Alors Holt put franchir la frontière. Aucune alarme ne vint les avertir qu'ils avaient outrepassé les limites de la propriété. Holt avait l'impression de s'être laissé attirer dans un piège.

Holt n'était jamais venu chez son voisin. Il avait été invité à la pendaison de crémaillère mais avait refusé. Il ne se souvenait même plus de l'époque où il avait quitté sa propriété pour la dernière fois. Il y avait peu d'endroits à visiter dans ce monde, avec ses 50 propriétés de grandes étendues disséminées. Quand il avait besoin de compagnie, ce qui était rare, il avait recours au visiophone. Holt se sentait nerveux compagnie de ses robots gardes du corps.

4

McDermott ouvrit les portes de sa demeure. Holt lui ordonna de les laisser ouvertes. McDermott était au troisième étage et demanda à Holt de le rejoindre. Il traversa une salle obscure où étaient rangées de vieilles armures. Il ne put s'empêcher d'évaluer les frais de transport qui avaient grevé ces objets inutiles, venus de la Terre après un voyage de plusieurs années-lumière. Puis ils pénétrèrent dans une salle ovale percée de fenêtres d'où émanait une odeur putride et nauséabonde de décrépitude et de mort. McDermott était assis au milieu de la pièce, enfermé dans sa capsule vitale. On ne voyait de lui que deux yeux dans son visage ravagé.

Il remercia Holt d'être venu mais Holt n'était pas d'humeur à écouter les divagations de son interlocuteur. Il lui demanda ce qu'il voulait. Alors McDermott lui demanda de le tuer. Holt n'aura qu'à déconnecter son tube d'alimentation.

Il était immobilisé depuis un an et menait une vie végétative dans un appareil. Il pouvait vivre encore 100 ans mais il s'ennuyait. Il demanda à son voisin ce qu'il ferait à sa place. Holt lui dit que s'il voulait mourir il avait qu'à demander à un membre de sa famille de le débrancher. Mais McDermott n'avait pas de famille. Quatre de ses fils étaient morts. Le cinquième était rentré sur Terre.

Ses femmes étaient mortes et ses petits-enfants étaient partis. Ses robots n'avaient pas le pouvoir de le tuer. Alors il dit à Holt qu'il avait gagné la partie et que la victoire lui revenait de droit. Mais Holt refusa de le tuer. Il y avait trop longtemps qu'il haïssait son voisin et il ne voulait pas le faire mourir comme on éteint une lampe électrique.

McDermott ne s'était jamais rendu compte à quel point son voisin le haïssait. Il devinait qu'il allait se réjouir que savoir que son voisin menait une existence de mort-vivant. Il reconnut avoir offensé Holt. Il avait délibérément construit une tour à cet endroit pour blesser son orgueil. Il lui demanda de le punir. Mais Holt refusa. Alors McDermott le traita de démon.

5

Pendant le trajet de retour, Holt était accaparé par l'image de McDermott momifié dans son repaire. Sa famille l'attendait. Nul n'osait formuler une question. Il incombait au seigneur du logis de prononcer le premier mot.

Holt leur dit que McDermott était un vieillard malade qui avait perdu l'esprit offrant un spectacle répugnant et pathétique. Un robot annonça à Holt que McDermott attaquait. Il ordonna à ses robots de prendre des mesures défensives. Il avait compris que son voisin cherchait à le provoquer. Toutes les décharges que lançait McDermott était aisément absorbées. Maintenant, il ne tenait qu'à lui de réduire son ennemi en cendres mais il n'en ferait rien. McDermott n'avait pas compris. Ce n'était pas la cruauté mais le simple égoïsme qui avait retenu Holt de tuer son voisin. Une fois que son voisin serait mort, Holt se demandait ce qui lui resterait à haïr.

Sentinelle (Fredric Brown).

Il était trempé et tout boueux, il avait faim et il était gelé, et il était à 50 000 années-lumière de chez lui. Depuis plusieurs dizaines de milliers d'années, la guerre s'était figée en guerre de position. Les pilotes avaient la vie belle mais c'était aux fantassins que revenait la tâche de prendre les positions et de les défendre pied à pied. Il était en train en contact avec les Autres. Les Autres, c'est-à-dire la seule autre race douée de raison dans toute la galaxie. Le premier contact avec eux avait été établi près du centre de la galaxie alors qu'on en était aux difficultés de la colonisation des 12 000 planètes. Dès le premier contact, les hostilités avaient éclaté : les Autres avaient ouvert le feu sans chercher à négocier ou à envisager des relations pacifiques.

Chaque planète était l'enjeu de combats féroces et acharnés. Les Autres étaient en train de tenter une manoeuvre d'infiltration et la moindre position tenue par une sentinelle devenait un élément vital du dispositif d'ensemble. La sentinelle vit un Autre approcher de lui en rampant et il tira une rafale. La sentinelle frissonna à la vue du corps de l'Autre. C'étaient des êtres vraiment trop répugnants avec deux bras seulement et deux jambes et une peau d'un blanc écoeurant, nue et sans écailles.

Honorable adversaire (Clifford Simak).

Les Fivers étaient en retard. Peut-être n'avaient-ils jamais eu l'intention d'honorer leurs engagements. Le général Lyman Flood demanda au capitaine Gist l'heure qu'il était. Les Fivers avait 13 heures de retard. Les Fivers avaient été complètement déroutés par l'armistice. Au moment de mettre sur pied l'échange de prisonniers, ils s'étaient montrés obtus. Il avait fallu des explications sans fin pour fixer la date du rendez-vous. Ils semblaient ignorer totalement qu'il pût exister un système de mesure du temps et ne rien savoir des mathématiques élémentaires.

Le général dû s'avouer que la Terre n'avait jamais connu déconfiture aussi complète. Des escadrons tout entiers avaient été rayés de la carte et leur effectif était réduit de moitié.

Le général se demandait comment lutter contre ça ? Que faire contre une arme capable d'anéantir un astronef dans sa totalité ? Sur Terre et sur des centaines d'autres planètes appartenant à la confédération galactique, des milliers de savants s'échinaient nuit et jour, à lui trouver une réplique ou à déterminer la nature exacte de l'arme. Peut-être, parmi les prisonniers humains, quelques-uns pourraient-ils leur fournir l'indice qui manquait. Si cet espoir n'avait pas existé, la Terre n'aurait jamais pris la peine de procéder à cet échange.

Le général appela le prisonnier. Le Fiver était en rond et jovial, vêtu de couleurs éclatantes et criardes. Il demanda au général d'attendre car ses compatriotes allaient arriver dans la moitié du temps. Le général se demanda à quoi pouvait bien correspondre la moitié du temps. La minuscule planète où il se trouvait lui semblait plus rébarbative encore que dans ses souvenirs. Stérile, dénuée de toute valeur économique ou stratégique, cette planète présentait toutes les qualifications nécessaires pour servir de terrain neutre et d'emplacement à un échange de prisonniers. Il n'y avait rien qu'une étendue de rocher interminablement plate. C'étaient les Fivers qui avaient suggéré le choix de cette planète et cela aurait suffi à la rendre suspecte. Mais la Terre n'était déjà plus en état de discuter.

Mais les Fivers ne pouvaient donner matière à soupçon. Ils étaient libres de poser leurs conditions et la confédération avait été bien obligée de les accepter. Elle devait être prête quand aurait lieu la seconde manche. Les Fivers n'avait rien exigé. Il avait fallu aux Fivers trois jours de palabres pour expliquer que le patrouilleur et le pilote devaient leur être retournés. Malgré les efforts des psychologues, le prisonnier Fiver ne s'était pas montrés bavards. Son appareil avait été minutieusement examiné, en vain. Le général alla voir le psychiatre pour lui demander demander si tout était prêt. Le psychiatre répondit que tout était prêt depuis longtemps. Le général pensait que les Fivers ne ramèneraient pas beaucoup de prisonniers car tout ce qu'ils avaient à leur rendre était un des leurs et un patrouilleur. Le général pensait que c'était des gens stupides mais le psychiatre lui rappela qu'ils avaient été capables d'apprendre leur langue. Le général rétorqua qu'il avait fallu beaucoup de temps pour leur expliquer leur façon de mesurer le temps. Le général rappela que la technologie des Fivers les avait désorientés. Il ne comprenait pas pourquoi les Fivers n'avaient pas davantage profité de leur victoire car ils auraient pu anéantir les Terriens.

Les Fivers étaient les seuls qui leur étaient tombés sur le dos sans avertissement.

Le psychiatre pensait que les Fivers souffraient d'un complexe d'autodéfense mais tout ce qu'ils demandaient c'était qu'on leur fiche la paix et qu'on ne touche pas à leur planète.

Le général pensait qu'il fallait tâcher de deviner ce que les Fivers avaient en tête.

Les Fivers faisait disparaître les vaisseaux ennemis sans les désintégrer car le phénomène ne dégageait ni chaleur ni éclair. Une autre chose tracassait le général. Quand ils avaient essayé de contacter les autres races qui avaient été battues par les Fivers et quand il leur avait demandé du secours elles leur avaient tourné le dos. Le psychiatre promit au général de présenter un rapport préliminaire sur les prisonniers des qu'ils reviendraient. Les psychologues avaient eu l'idée de présenter au prisonnier Fiver une quantité de planètes stériles et sans valeur en les faisant passer pour l'orgueil de la confédération. Mais le Fiver n'était pas humain. Comment savoir quel genre de planètes pourrait inspirer de l'envie à un Fiver ?

De plus, ces planètes stériles avaient peut-être donné à penser au Fiver que la Terre serait une proie facile. Un astronef rasa le sol de trop près et descendit trop vite. Mais il réalisa un atterrissage impeccable. Tous les hommes se ruèrent hors de leur tente. Le détachement en marche obliqua sur l'aire d'atterrissage d'un pas martial. Le général pensait que la confédération ne se sentirait jamais en sécurité avec les Fivers sur son flanc.

Le sergent Conrad dirigeait la patrouille avec précision et escortait le prisonnier Fiver. Les hommes s'étaient rangés en deux fils parallèles de chaque côté du vaisseau. Un trio de Fivers se présenta devant le général.

Il s'adressa à eux de manière diplomatique. Ils affichaient une mine réjouie et le général avait l'impression qu'ils se moquaient de lui. Il leur offrit à boire. Les chimistes de la terre avaient concocté une boisson pour le prisonnier Fiver qui s'en était imbibé avec un entrain déconcertant. C'était la même boisson que le général offrait au trio. Un des trois Fiver demanda de quoi écrire. Il se mit à dessiner laborieusement et désigna les lignes ondulées qu'il avait dessinées et d'autres lignes en dents de scie. Le capitaine Gist pensait qu'il s'agissait d'un plan de bataille. Ce que le Fiver lui confirma. Le Fiver dessina des flèches et marqua d'un curieux symbole les points de contact entre les deux lignes et traça des croix aux endroits où celles-ci avaient été brisées. Quand il avait terminé son dessin, la flotte aérienne était anéantie. Le Fiver déclara que c'était l'engagement dans le secteur 17. La moitié de la cinquième escadre avait été liquidée ce jour-là. Le Fiver reconnut que c'était une belle défense mais avec une maigre erreur. Il poursuivit sa leçon de stratégie. Il expliqua pourquoi les Fivers avaient perdu alors qu'ils auraient pu gagner en employant des tactiques légèrement différentes. Le général leur dit que s'ils reprenaient les armes, il pourrait se servir des enseignements acquis lors de la dernière bataille. Le Fiver le félicita. C'est exactement ce qu'il voulait. Un autre Fiver rétorqua que les Terriens se battaient bien mais un peu trop brutalement. Dehors, un canon tonna, puis un autre. Le général bondit et se précipita pour ordonner d'arrêter les tirs. Les appareils descendaient vers le camp en formation de vol. Le Fiver leur annonça que les vaisseaux atterrissaient pour ramener les prisonniers. Il leur expliqua que s'ils se battaient si brutalement c'est parce qu'ils n'avaient pas de capteur. Le général répondit qu'ils ne s'étaient jamais battus ainsi. Alors le Fiver proposa d'offrir des capteurs pour que les Terriens puissent mieux jouer la prochaine fois. Le général comprit pourquoi il n'était pas étonnant que les Fivers n'aient pas su ce que signifiait un armistice pas plus qu'ils n'avaient compris ce que signifiait un échange de prisonniers. C'était contraire à toutes les lois du sport. Les Fivers avaient choisi cette planète parce qu'il fallait que tous les astronefs aient la place d'atterrir. Pas un des appareils qui avaient disparu ne manquait à l'appel. Le Fiverde expliqua au général que les capteurs n'abîmaient jamais les gens ni les appareils. Le général comprit qu'avec les capteurs, la guerre disparaîtrait. Désormais, on n'a plus besoin de battre les 10 : il suffirait de les capter. Les guérillas qui duraient parfois des années sur les planètes colonisées n'auraient pu aucune raison d'être : on capterait les indigènes, on les déposerait dans des réserves et on évacuerait la faune dangereuse vers les zoos. Le Fiver demanda s'il fallait encore se battre avec anxiété. Le général le lui confirma et lui demanda s'il trouvait les Terriens aussi doués qu'il le disait. Le Fiver répondit qu'il ne les trouvait pas trop doués mais qu'ils étaient quand même les meilleurs de tous. Cela irait mieux s’ils jouaient beaucoup. Le général sourit.

Mauvais contact (Idris Seabright).

À cause des bombardements de la guerre froide, ils étaient tous un peu sourds. Une jeune femme discutait avec un robot huxley. Elle le trouvait différent des autres parce qu'il lui avait demandé de lui parler franchement. Le robot lui répondit qu'il était un nouveau modèle tout juste sorti du stade expérimental. La jeune femme était la commandante Sonya Briggs, responsable de la porcherie de la zone 13. Les services de l'armée produisaient leur propre nourriture. Sonya s'était inquiétée quand les porcelets nouveau-nés avaient refusé de se nourrir. Ils étaient séparés de leur mère pour être placés dans un enclos muni d'un grand réservoir nourricier et on leur faisait écouter un enregistrement des grognements de la truie et ainsi ils étaient censés se nourrir dès qu'ils l'entendaient. Sonya avait fait des rapports mais personne n'avait su quoi faire. Sonya demanda au robot s'il était vrai que le système de copulation avait été établi par un groupe de psychologues à la suite d'une enquête sur les tensions inter-armes. On s'était aperçu que les marines haïssaient l'aviation, que l'aviation haïssait infanterie et que l'infanterie haïssait la navale au point d'affaiblir l'efficacité générale de la défense. On avait lancé le projet de copulation parce que les relations sexuelles seraient le meilleur moyen de supprimer l'hostilité en la remplaçant par des relations amicales. Le robot lui demanda ce qui s'était passé quand elle avait reçu sa fiche bleue de copulation. Elle s'était rendue au rendez-vous avec son arme. L'homme de l'aviation était lui aussi armé. Ils avaient bu un verre et avaient éprouvé l'un pour l'autre moins d'hostilité (Sonya avait entendu dire qu'on mettait du cannabis dans les boissons servies dans les zones neutres). Sonya s'était injectée un Watson (oestrogène et contraceptif en injection sous-cutanée). L'homme avait lui aussi pris son Watson. Mais Sonya n'avait pas été capable de faire l'amour avec cet homme. Le militaire de l'aviation avait refusé de signer la fiche de contrôle et voulut faire une réclamation. Alors elle avait menacé de faire une contre plainte. Ils avaient discutaillé un moment. Finalement il avait accepté de signer la fiche de contrôle. À la sortie, certains employés de la zone neutre s'étaient doutés de quelque chose. Sonya avait peur que le robot répète ce qu'elle venait de lui confier mais il la rassura en lui disant qu'il était tenu au secret professionnel. Quand Sonya avait reçu sa fiche de copulation suivante, elle était tellement angoissée qu'elle avait demandé à voir un gynécologue. Le docteur lui avait dit qu'elle était en pleine forme. Alors elle était allée voir un robot qui lui avait parlé philosophie. Ça ne l'avait pas aidée non plus. Finalement elle avait volé un Watson au laboratoire. Mais on n'avait jamais découvert qui l'avait prise. Grâce à cette double dose d'oestrogène tout s'était bien passé. L'homme lui avait dit qu'elle était une brave fille et que les Marines étaient des gens bien. Cela avait effectivement aidé à réduire les tensions puisque Sonya avait accepté une requête de l'infanterie facilement. Mais elle avait reçu une troisième fiche bleue de copulation. On avait renforcé la surveillance et elle ne pouvait pas voler une dose de Watson. Le robot comprenait que Sonya avait peur de ne pouvoir copuler avec une seule dose. Elle avait toujours détesté l'aviation et sa troisième fiche était un homme de l'aviation. Le robot lui conseilla de démissionner. Elle s'en offusqua alors le robot s'excusa. Il lui conseilla de se confier directement au sommet. Elle répondit qu'elle ne pouvait pas faire ça. Le robot lui demanda si ses difficultés de copulation lui étaient réellement imputables. Sonya le supposait. Le robot lui demanda si elle aurait éprouvé des difficultés en copulant avec un homme des Marines. Elle en fut offusquée. Mais comme le robot insista elle fut obligée de répondre qu'avec un homme des Marines, elle n'aurait eu aucun problème. Le robot en conclut qu'elle n'était pas fautive. Il réussit à la convaincre que tout était de la faute de ses partenaires car ils lui étaient inférieurs. Le robot lui conseilla de porter sur elle son arme lors de la prochaine copulation si le Watson ne fonctionnait pas.

Elle aurait droit de le tuer car elle n'avait pas à subir une scène aussi pénible par égard pour un imbécile de l'aviation. Sonya pensait que ce ne serait pas très efficace pour l'abaissement de la tension interarmes. Le robot lui répondit que tout ce qui était bénéfique pour les Marines était bénéfique pour la Défense. Elle remercia pour ses conseils. Il lui demanda de laisser une note indiquant son nom, son secteur, son numéro d'identité dès qu’elle aurait abattu son prochain partenaire. Sonya avait l'intention de tuer son prochain partenaire même si elle réussissait à copuler avec lui.

Une fois seul, le robot leva vers le plafond un regard méditatif. Il avait déjà reçu 12 jeunes femmes et leur avait donné à toutes le même avis qu'à la commandante Briggs. N'importe quel robot aurait pu prévoir que le résultat final de ses conseils serait catastrophique pour les Marines. Le robot était atteint d'une défaillance technique et avait provoqué une forme de démence. Il fit entrer le client suivant.

Le porte-guigne (Mack Reynolds).

Bull Underwood, commandant suprême, discutait avec le commandant de l'école militaire terrienne. Le général Bentley lui annonça que depuis que Mitchie Farthingworth était entré à l'école, les choix étaient devenus chaotiques. Le feu éclatait dans les dortoirs et des armes explosaient. Il voulait que ce garçon soit expulsé. Il avait fait une enquête. Mitchie n'y était absolument pour rien. Le commandant suprême ne pouvait pas croire ce que lui racontait le général. Mais le général lui expliqua que l'amiral Lawrence, de l'académie de la marine spatiale avait la même histoire à lui servir. Mitchie avait provoqué aussi des catastrophes dans cette académie. Mais les ennuis avaient cessé dès que Mitchie avait été envoyé chez le général Bentley. Underwood pensait qu'il devait s'agir de sabotage. Underwood ordonna à son robot secrétaire de le documenter sur le cadet Michael Farthingworth. Le robot secrétaire fit son rapport une minute plus tard. Le cadet était le fils du sénateur Waren Farthingworth, président de la commission du budget de la guerre. Il avait intégré Harvard mais les cours avaient été interrompus quand le toit de la salle de conférence s'était écroulé et avait tué la plupart des membres de l'université. Farthingworth avait intégré Yale et deux mois plus tard, les bâtiments universitaires avaient flambé.

Il était entré à l'université de Californie mais il y avait eu un tremblement de terre.

Le général voulait que le commandant suprême intervienne. Il lui proposa sa démission. Il était convaincu qu'on ne pouvait pas être en sécurité dans le voisinage de Farthingworth.

Le commandant suprême ordonne à son robot secrétaire de mettre les meilleurs pyrotechniciens disponibles sur le cas de Farthingworth. Une semaine plus tard, le robot secrétaire demanda au commandant d'écouter le rapport d'un civil. C'était celui du docteur Duclos. Le docteur pensait que Farthingworth était un porte-guigne, un phénomène inexpliqué signalé pour la première fois par les compagnies d'assurances au XIXe siècle. Le docteur estimait que dans la plupart des cas, le subconscient de l'individu cherchait sans le savoir sa propre destruction. Pour contrebalancer l'influence d'un porte-guigne, il fallait constamment auprès de lui une ou plusieurs personnes douées d'une chance anormale. Underwood demanda ce qu'il fallait faire et le docteur lui répondit que les porte-guigne restaient généralement tels qu'ils étaient. Underwood ordonna à son robot secrétaire de lui envoyer Farthingworth. Quand le cadet arriva dans son bureau, Underwood l'inspecta d'un oeil attentif. Il faisait plutôt piètre figure. Il portait d'épais verres de contact. Le lieutenant qui l'avait accompagné jusqu'au bureau d'Underwood fut blessé en sortant du bureau par une porte qui s'était brutalement refermée sur lui. Underwood ordonna à son robot secrétaire de donner la médaille Luna au lieutenant à titre de victimes du devoir.

Il demanda au cadet s'il savait ce qu'était un porte-guigne. Le cadet le savait. Il savait aussi que en avançant en âge, le phénomène empirait. La première fille qu'il avait invitée s'était cassé la jambe. Alors il avait examiné la chose de près. Il avait appris ce qu'était un porte guigne et avait découvert que ce phénomène suivait une progression arithmétique. Chaque année, c'était deux fois pire que l'année précédente. Il s'en remettait au commandant suprême. Le cadet pensait qu'il devait être fusillé. À ce moment-là, les vitres de la fenêtre volèrent en éclats. Le cadet ne se retourna même pas. Le commandant ne voulait pas le fusillé car il était le fils du responsable du budget militaire. Le robot secrétaire avait lui aussi subi l'influence du porte guigne. Il était incapable de parler normalement. C'en était trop pour le commandant qui se leva et tomba. Il ordonna au cadet de s'en aller. Il dit au cadet que ce ne serait même pas une sécurité que de tenter de le supprimer car le régiment y passerait avant qu'on ait réussi à réunir le peloton d'exécution. Mais il eut une bonne idée. Il ordonna au cadet d'accepter une opération hasardeuse susceptible de mettre fin à la guerre. Voilà un siècle que la guerre durait sans qu'aucun des deux belligérants parviennent à s'assurer l'avantage signifiant la victoire.

Le cadet accepta la mission et il reçut l'ordre de partir en direction de Mars. Il devrait se rendre à la capitale. Il n'aurait rien d'autre à faire. Le commandant estimait que la seule présence du cadet suffirait pour que la guerre soit terminée. Le commandant pensa que le seul ennui serait qu'il faudrait rapatrier le cadet une fois la guerre terminée. Alors il songea à le laisser sur Mars en guise de forces d'occupation.

Mars est à nous ! (Alfred Coppel).

Dans son tank, Marrane s'éveilla d'un sommeil agité. Il se sentait abruti par les arrière-effets de la drogue. Corday devrait trouver autre chose à lui donner. Comment pourrait-il conduire des hommes à la bataille quand il se sentait aussi mal. Le sergent Grubich l'appela pour lui annoncer l'ascension du plateau. Il enfila son respirateur et décompressa le tank.

Il leur faudrait prendre contact avant longtemps, sans quoi le groupe de surveillance se délabrerait comme une plante qui sèche sur pied. Le commandant Marrane avait 30 ans et pourtant il se sentait vieux. Il avait eu une pièce de Steinbeck, un des auteurs prohibés. La pièce était intitulée Nuit noires. Il y était question d'envahisseurs au cours d'une guerre aujourd'hui oubliée. Il avait trouvé dans cette pièce une phrase impressionnante qui avait suscité ses cauchemars. Peut-être, était-il sage d'interdire un tel livre aux civils.

Il y avait un relâchement dans le groupe de surveillances puisque un officier avait pu lui prêter un ouvrage de la liste grise sans aucun scrupule. Mais cela faisait 10 mois qu'ils étaient sur Mars à la recherche d'une base Kominform. Il se mettait à apprécier le sable et il y avait quelque chose qui clochait à la base de tout cela.

Marrane pouvait voir s'étirer le reste du groupe qui suivait aveuglément à travers l'interminable désert de sable ferrugineux à la recherche d'un ennemi là où n'était visible qu'un seul âprement gelé. Il vérifia  la route et regarda les cartes. Il nota la position de la colonne avec le jeune Hallerock qui n'était plus que la caricature décharnée de l'officier pimpant qui avait quitté la base de Mars près d'un an plus tôt.

Il pensa que cette patrouille devait se terminer avant longtemps parce que les hommes ne pourraient bientôt plus tenir le coup. Hallerock lui annonça qu'on avait tenté de réparer la radio mais qu'il avait été impossible d'obtenir la base de Mars. Ils n'avaient pas eu de communication depuis trois mois. C'était insanité pur d'avoir envoyé en patrouille une colonne dont seul le Weasel de tête était équipé pour communiquer avec la base. Mais tout l'argent était passé dans l'achat de plutonium et de lithium qui reposait tranquillement dans les obus jadis brillants et aujourd'hui rouillés. Le matériel de tuerie était considérable et seul le matériel de salut était chichement mesuré. Il avait effectué 13 000 km. Marrane demanda combien il restait encore jusqu'à la base de Mars. Hallerock répondit qu'il restait encore 1300 km. Marrane espérait que son groupe n'avait pas été abandonné. Il remercia Hallerock de lui avoir prêté un livre. Tout à coup, le signal d'alerte hurla par tout le labyrinthe d'acier du Weasel. Le sergent Grubich annonça que les Russes étaient justes sur l'autre flanc de la colline. La base Kominform s'étendait en longueur et le groupe allait devoir se disperser au long de la crête pour amener l'ennemi sous son feu. Une attaque par blindés contre une position fortifiée, et sans secours aérien, était toujours mortelle. Marrane se demanda s'il existait encore une base de Mars. Peut-être que les Russes l'avaient rasée. Marrane se sentit vivre pour la première fois depuis près d'un an. Il envoya les éclaireurs. Les éclaireurs virent un char russe arriver avec un drapeau blanc. Mais le règlement était formel : les tuer partout où on les trouvait.

Marrane pensa que son hésitation serait très mal jugée par une commission de loyalisme.

Mais Marrane pensait aussi qu'il pouvait encore changer d'avis et jouer à être Dieu. Il pouvait donner la vie ou la mort il ordonna aux éclaireurs de faire venir les Russes. Il y avait un colonel et un sergent. Il ordonna à Grubish de saisir l'arme du sergent russe. Il ordonna au colonel russe de le suivre dans son tank. Le colonel russe enleva son masque. C'était une femme. Elle devait avoir la trentaine et pourtant elle avait les cheveux gris. Elle parlait anglais. Elle lui demanda pourquoi ils étaient ici. Comme la conversation était enregistrée, Marrane ne voulait pas répondre. Mais finalement, il répondit que la base russe était couverte par ses canons. C'était une réponse conforme à la théorie. Elle comprit que Marrane allait ordonner la destruction de sa masse. Alors elle lui dit que sa compagnie se rendait et qu'il ne pouvait pas les abattre. Mais le groupe de surveillance de Marrane n'était pas habilité à recevoir des rééditions et devait exécuter les instructions : faire sauter la base Kominform.

Alors il dit à la femme qu'il ne pouvait accepter sa reddition. C'était comme si une autre voix que la sienne avait parlé. Surpris lui-même, il sentit sa main se crisper sur son pistolet.

Alors elle lui demanda s'il n'y avait rien qui puisse le toucher. Il répondit qu'elle pouvait toujours essayer car il n'avait pas vu une femme depuis près d'une année. Alors elle déboutonna sa tunique. Il lui dit que cela ne servirait à rien. Elle regarda le livre de pièces de théâtre que Marrane avait laissé sur son lit encore défait. Elle dit à Marrane que Steinbeck était un homme coléreux. Marrane acquiesça. La russe pensait qu'ils étaient venus assez loin pour oublier ce pourquoi ils étaient là. Marrane commença à se demander si la guerre avait sa place ici. Il réalisait qu'il était prisonnier de ce qu'il était. Au moment où la femme se rapprochait de Marrane, Grubish appela pour annoncer que les Russes avaient rasé leur base. Alors Marrane repoussa la femme et elle avoua qu'elle avait détruit la base de Marrane trois jours plus tôt. Il la précipita dehors dans le froid glacial et la traita de catin. Elle répondit qu'elle devait le faire. Mais Marrane avait donné des ordres pour que la base russe soit détruite. La fusée russe avait été également détruite et Marrane pensait que c'était peut-être le dernier lien avec la Terre. Il donna des ordres. Le groupe de surveillance reprit sa formation et repartit pour reprendre sa patrouille.

Les tranchées de Mars (Fritz Leiber).

Le narrateur ne voulait pas prendre les choses du bon côté car il savait que ce que les gens disaient étaient vrais au pied de la lettre. Bientôt, on battrait en retraite et l'ennemi réoccuperait cette pauvre chose défigurée qu'on appelait un objectif. Le pire, c'était le bruit, des hurlements mécaniques dénués de sens lui déchiraient le crâne, au point que ses pensées tournaient en crépitant comme des graines sèches dans une cosse sèche. Il y avait eu un empire galactique, jadis. Le narrateur jouait alors un rôle discret sur l'une de ses planètes bien tranquilles. Peut-être avait-il toujours haï autant ses semblables. Mais avant la guerre sa haine était étroitement tenue en lisière et méticuleusement refoulée.

Il s'avéra qu'ils avaient eu à couvrir la retraite de sapeurs martiens et devaient maintenant s'échapper du mieux qu'ils pouvaient. Le narrateur aida un officier à se relever et l'emmena dans un abri. On lui donna pour cela la médaille du mérite interplanétaire. Le narrateur pensait que sa vie n'avait jamais eu de sens. La seule chose, c'était qu'autrefois la possibilité de se détendre et de prendre de menus plaisirs lui avait permis de feindre que la vie eût un sens.

Il vit un chat à trois pattes qui réclamait de la nourriture. Il pensa que ce chat pouvait chasser seul et s'accoupler avec ses semblables quand il le voulait mais seulement parce que c'était le plus agréable. Le chat ne dirigeait pas sa propre espèce en divinité collective pour l'adorer et il ne s'émouvait à des siècles lumière de son empire. Le chat ne répandait pas humblement son sang sur son autel cosmique. En regardant le chat, le narrateur vit soudain le visage de Kenneth, tel qu'il avait vu pour la dernière fois sur Alpha Centauri. Ils avaient logé ensemble à l'enseigne du Réacteur consumé. La vision s'évanouit vite.

Trois hommes sortirent de la cachette souterraine et l'un de le salua d'un quolibet sans méchanceté sur les boulots peinards. Ils rampèrent vers l'endroit où les éclaireurs ennemis étaient censés se trouver. Le narrateur se demandait pourquoi il avait si peu de haine pour les soldats ennemis. Il pouvait seulement s'émerveiller que les ennemis soient eux aussi dotés d'une intelligence. Une fois, il avait vu un ennemi échapper à la mort il avait eu envie de lui faire un signe amical. Mais il haïssait les hommes qui combattaient côte à côte avec lui car ils faisaient partie du même misérable essaim galactique que lui-même, menteur et idolâtre de soi.

Autrefois, il y avait les soupapes de sûreté et les amortisseurs qui rendent la vie supportable et aussi l'illusion d'un but. Maintenant, il n'y avait rien, et tout le monde le savait. Le narrateur tremblait de colère. Tuer au hasard servirait au moins à manifester ses sentiments.

Mourant de sa main, peut-être les ennemis comprendrait-il l'espace d'un instant leur propre hypocrisie malfaisante. Il se rendit compte qu'il avait fait feu sur le soldat trapu qui l'avait plaisanté avant de s'éloigner en rampant. En réalité, il avait tiré sur une araignée qui allait tuer le soldat. Le narrateur se sentit comme un petit animal grégaire au sein d'une horde de lemmings courant à travers la galaxie et c'est ainsi qu'il vivrait. Mais le soldat fut abattu par un petit objet noir qui tombait en fendant la brume. Le narrateur se mit à rire en regardant le soldat blond ambitieux qui avait pour la guerre un intérêt exceptionnel. Le narrateur pensait qu'il y avait quelque chose d'abstrait et d'impersonnel, qui réconfortait, dans l'idée qu'on était ainsi uni avec un grand nombre d'autres hommes, non par quelque but commun, mais simplement parce qu'on appartenait au même monstre, un monstre si grand qu'il pouvait facilement faire office de destin et de nécessité.

Le narrateur se sentait aiguillonné sans considération et sans échappatoire au sein de ce monstre. Il suffoquait. Il revit le visage de ses amis dans la vaste étendue de ciel aux nuages fantastiques qu'il avait devant lui. Ils renfermaient tous la quintessence de l'individualité. Le narrateur était plein de remords. Comment avait-il pu les abandonner ? Il se rendit compte de l'abîme qui le séparait du soldat blond. Ce soldat était vraiment persuadé que leur mission était importante et noble. Tout était bien clair. Et cette clarté n'échapperait plus au narrateur. Par une seule action, il allait se couper de la meute galactique, se lier pour toujours aux visages apparus dans le ciel. Un des soldats lui ordonna de venir. Le narrateur tua le soldat blond. Il cacha le corps et se joignit à une autre unité. Le narrateur était officier maintenant. Les soldats ne l'aimaient pas. Ils le trouvaient froid. Il était retourné dans sa ville. Il y avait un orateur devant un petit rassemblement qui appelait à l'action. Le narrateur trouvait que cet orateur tenait des propos inutiles. Il fut saisi d'un profond émoi. Le visage de ses amis était proche et plein de confiance. Il lui sembla voir son propre visage qui lui rendait son regard insatiablement avide.

Votre soldat jusqu'à la mort (Michael Walker).

Le jour qui marqua la fin du conflit, le commandant d'infanterie de troisième classe RB1079AX avait conduit des hautes terres de l'Ouest, une colonne d'infanterie lourde à la rencontre des ennemis de ses maîtres.

Il luttait corps à corps aux côtés de ses soldats. Il relayait les commandements à sa phalange décimée. À la fin, le super commandement avait lancé l'ordre de cesser le combat. Devant lui une créature ennemie abaissa son arme et s'éloigna. Les soldats regagnaient lentement leur zone de repli. Les pertes avaient été lourdes. Si les forces de l'Homme avaient lancé une contre-offensive, le combat aurait pu durer un jour de plus. Mais jamais la guerre n'avait laissé place à la vengeance au point de sacrifier une position satisfaisante à un argument de caractère affectif. Il se dirigea vers le nord et croisa un soldat blessé qu'il connaissait. Un soignant qui passait vaporisa sur le plastron du soldat blessé un jet de peinture fluorescente pour le signaler comme irrécupérable. Le commandant aurait voulu sauver ce soldat mais la tache de peinture disait non. Il poursuivit son chemin.

Une heure  plus tard, il avait rassemblé les restes épuisés de sa phalange dans la zone de repli et diffusé un rapport sur la situation actuelle au super commandement. Il contempla les survivants et entendit les cris des blessés récupérables. Une formation de vaisseaux apparut à l'horizon. Il conduisit ses hommes jusqu'aux vaisseaux. Au-dessus de l'horizon, il y avait un transport de troupes ennemies gravitant sur la même orbite. Le major général Blackwood était installé derrière un bureau lisse et nu. Face à lui se trouvait un petit homme en civil qui tenait sur ses genoux un porte-documents. Il y avait aussi une femme qui se penchait anxieusement vers eux. Le général leur annonça que la fin de la guerre avait été proclamée. Aussi, il ne comprenait pas la visite de Mr Chalmers. Chalmers répondit qu'il était là en mission envoyé par Terra Central. On l'avait chargé de mettre l'impératrice au courant de certains aspects diplomatiques de la paix trop délicats pour les communiquer directement. La paix n'était nullement décisive. Il n'y avait eu aucune capitulation. La Terre avait été sauvée mais Mars avait été sacrifiée. Il y avait eu deux milliards de morts. Le général répondit qu'il espérait qu'ils avaient été vengés. Comme les deux belligérants avaient été mis sur un pied d'égalité, cela avait mis fin à la guerre et des traités avaient été signés. Le général affirma que son armée avait perdu plusieurs millions de soldats. Chalmers répondit que la race humaine se retrouvait avec 5 milliards de soldats sur les bras et pas une seule guerre. Terra Central avait ordonné leur destruction. Chalmers avait été envoyé pour rendre cette directive moins arbitraire. L'impératrice parla avec Chalmers. Elle ne comprenait pas pourquoi cet expédient était nécessaire. Elle demanda pourquoi on ne pouvait pas déconnecter ces hommes et les rendre à la vie civile. Les Kreekal possédaient une société en forme de ruche. Les guerriers étaient conditionnés au combat depuis la naissance. Jamais l'humanité n'avait eu à faire face a une opposition de ce type. La quasi-totalité de l'élément mâle de la race humaine avait dû être mobilisée au service de l'Homme. Ils avaient été conditionnés depuis la naissance. L'ensemble des tendances affectives avait été canalisé dans une direction unique : la destruction du guerrier Kreekal. Ils ne pouvaient éprouver qu'un seul sentiment : la haine du Kreekal.

Ils étaient la réplique exacte du guerrier Kreekal. Ils étaient considérés comme des machines conçues pour l'exécution d'une seule tâche. Avec la fin de la guerre, cette tâche avait cessé d'exister. Leur vie était devenue sans objet. L'impératrice demanda pourquoi on leur avait fait cela. Le général pensait que l'ennemi possédait une aristocratie peu nombreuse et une énorme classe ouvrière dépourvue de conscience. Ils étaient faits pour travailler ou en temps de guerre pour tuer. Dans les deux cas aucune émotion véritable n'intervenait. Il considérait que pour l'être humain le problème était de supprimer l'éventail de passions pacifiques : l'amour, l'ambition, les activités sociales. L'impératrice demanda si les hommes ne pouvaient pas être reconditionnés. Le général répondit que c'était impossible. Il pensait que le facteur de base qui caractérisait toute société ordonnée était l'instinct sexuel et son accomplissement. Mais les soldats ne connaissaient aucune motivation sexuelle au sens ordinaire du terme. Ils avaient donc été conditionnés de telle façon que pour eux, un soldat était une partie comme un autre du matériel militaire ceci pour éviter l'homosexualité. Il ne restait plus qu'à leur fournir des femmes à intervalles réguliers. Une seule femme pouvait servir à un grand nombre de soldats. Mais ils ne reconnaissaient pas à leur partenaire sexuel le statut d'être humain. D'ailleurs, ils ne se reconnaissaient pas eux-mêmes comme des êtres humains. L'impératrice trouva tout cela affreux. Chalmers expliqua à l'impératrice que personne ne devrait jamais savoir ce qui s'était passé. La race humaine avait pu être préservée grâce à cette horrible chose qu'ils avaient accomplie. Le nouveau slogan était la coopération et la coexistence avec les Kreekal. Les soldats de Terra Central ne pourraient donc survivre à un tel bouleversement.

Ils ne pouvaient plus être pris en charge et devaient être détruits.

Mais l'impératrice refusa que l'on parle des soldats comme s'ils étaient des simples machines. Le général était d'accord avec l'impératrice et reprocha à Chalmers sa volonté d'écarter les soldats de la race humaine. Chalmers répondit qu'ils n'avaient pas les moyens d'entretenir 5 milliards d'individus improductifs. S'ils n'étaient pas détruits, ils mourraient de faim. L'impératrice proposa de donner aux soldats une compagne. Mais le général répondit que les guerriers ignoraient ce qu'était l'instinct de reproduction. De plus, il restait suffisamment d'hommes normaux. Le général avait fait venir un soldat pour que l'impératrice puisse lui parler.

Le commandant d'infanterie de troisième classe RB-1079AX avait reçu l'ordre de se présenter à l'état-major du général. Deux hommes qu'il ne connaissait pas vinrent le chercher. Il se mit au garde-à-vous. Il se rendit compte que l'un des deux ressemblait à une espèce de femelle. Il n'avait jamais vu jusqu'à présent de femelle en compagnie d'un homme. Il trouvait qu'elle était vêtu d'une tunique surprenante. Il avait rarement eu l'occasion de voir une femelle qui portait des vêtements. De plus, ses jambes étaient dépourvues de toison et elle portait sur la tête une abondante excroissance chevelue. Alors il supposa qu'elle appartenait peut-être à une espèce particulière aux Hommes. Il attendit d'avoir d'autres éléments pour confirmer sa théorie. Contre toute attente, la femelle se tourna vers lui et lui parla. Elle lui dit qu'il était un homme magnifique élan fut surpris. Il prit un téléphone et demanda le numéro de l'hôpital. Il croyait que la femme était malade. Il avait vu de l'eau dans ses yeux. Le général lui retira le téléphone des mains. Il lui expliqua que l'homme et la femelle allaient sans doute vouloir lui poser deux ou trois questions. Il lui demanda de s'efforcer de répondre de son mieux. Le commandant accepta. La femme lui demanda comment il s'appelait et il donna son numéro de matricule. Elle lui demanda s'il serait toujours un soldat et il répondit qu'il le serait jusqu'à la mort. Alors elle lui demanda ce qui arriverait si il n’y avait plus de guerre et il ne répondit rien. Le général ordonna au commandant de se retirer.

L'impératrice demanda si le commandant avait un grand uniforme et le général répondit que l'uniforme de parade symbolisait la jonction entre les sphères militaire et sociale. Il n'y avait pas de sphères sociales s'agissant des soldats. Elle avait trouvé le commandant stupide. Le général répondit que pas une personne sur 10 000 ne pouvait soutenir la comparaison avec le commandant. Il demanda l'impératrice de le laisser seul avec Chalmers. Le général lui dit qu'il ne pouvait pas laisser mourir les soldats mais Chalmers lui répondit qu'ils le pouvaient tous. C'était leur devoir.

 

La première et dernière demeure (Joseph Wesley).

Le sénateur Grimes entra dans le bureau de l'amiral Burkens, sans y être invité. Il était une caricature délibérée de l'Amérique d'avant la guerre civile. Ses cheveux blancs soigneusement brossés en arrière étaient une curiosité historique. On le tenait pour l'un des trois ou quatre hommes les plus puissants de l'univers connu. Burkens administrait l'hôpital militaire du Centaure. Il demanda au sénateur pourquoi il était venu sans se faire annoncer. Le sénateur avait aidé à la fondation de l'hôpital militaire. Burkens précisa qu'il s'agissait d'un centre de rééducation et pas d’un hôpital. Le sénateur s'était arrangé pour que Burkens puisse écarter les gens qui cherchaient à le contacter en les obligeant à suivre des voies hiérarchiques y compris les législateurs ordinaires. Le sénateur n'avait pas le temps d'organiser un comité d'enquête législative alors il avait forcé la porte de Burkens grâce à sa carte d'identité bleue. Burkens s'occupait du fils du sénateur. Il s'attendait donc à voir Grimes. Il lui dit que son fils allait bien et pourrait reprendre le combat dans les trois mois à venir. Le fils du sénateur était d'accord pour entreprendre de reconquérir les planètes capturées. Il s'était porté volontaire pour aller combattre les Kwartah. Burkens était chargé de remettre de jeunes épaves humaines en état de combattre. Il dit au sénateur que son fils savait parfaitement à quoi il s'engageait. Il devait savoir qu'il aboutirait dans ce centre de rééducation. Le sénateur demanda pourquoi son fils devait reprendre le combat. Burkens répondit que personne ne l'obligerait à retourner au combat mais que le jeune homme voudrait y retourner. Burkens emmena le sénateur voir son fils. Ils discutèrent de la guerre intersidérale. Les Kwartah avait conquis 27 des planètes possédées par les Terriens.

Burkens expliqua au sénateur que pendant les premiers jours de rééducation, les patients ne pouvaient être observés que par le moyen d'un écran. Le sénateur put voir son fils sur l'écran. Celui-ci se tenait debout près d'un arbre. Il était entièrement nu. Il suçait son pouce. Il pleurait. Burkens expliqua au sénateur que son fils ne pouvait pas encore se rappeler son passé. Le sénateur était choqué de voir son fils sans vêtements. Alors Burkens expliqua que chaque patient arrivait dépourvu de facultés intellectuelles et d'habitudes de propreté. Il n'y avait pas assez de personnel pour changer les couches de 57 000 patients. De plus, il n'était pas question de laisser une infirmière en compagnie de Jim, le fils du sénateur. Au début du processus de guérison, toute excitation était à proscrire. Les jeunes patients masculins étaient prompts à se rappeler qu'ils étaient des hommes. Tous les patients se trouvaient dans un état de totale hébétude. Le sénateur n'était pas au courant des procédés de rééducation. Il n'avait pas le temps d'essayer de comprendre ce que faisaient les experts. Il s'était imaginé que les dommages étaient purement physiques.

Burkens expliqua au sénateur comment les soldats arrivaient à gagner. Tout d'abord, on leur montrait une bande au cours de leur entraînement avant leur admission définitive. Ils étaient soumis à des tests physiques et psychologiques. Burkens montra la bande au sénateur. Burkens avait été le premier cobaye du programme. La bande montrait son entraînement. Toute cette affaire remontait au XXe siècle quand un idiot s'était dit que les mammifères devaient pouvoir respirer sous l'eau aussi bien que dans l'air, à condition que la pression soit assez élevée pour accroître le pourcentage d'oxygène dissous dans des proportions suffisant à assurer la vie. Mais les premiers sujets étaient morts parce qu'ils n'étaient pas arrivés à éliminer suffisamment de gaz carbonique.

Les scientifiques avaient conclu qu'il fallait utiliser l'ordinateur le plus compact et le plus perfectionné jamais conçu et l'installer à l'intérieur même de l'appareil de combat. Cet ordinateur, c'était le cerveau humain connecté à un appareillage unique et très fragile : le corps humain.

Sur la vidéo, le sénateur pouvait voir que Burkens avait été préparé à respirer dans l'eau salée. Les pilotes étaient introduits dans une sorte de matrice artificielle car cette matrice était capable de résister à des décélérations extraordinaires. Mais il leur fallait donc pouvoir respirer dans cette matrice composée d'un liquide spécial. Burkens expliqua au sénateur que son fils avait passé plusieurs centaines d'heures dans une sphère humide avant sa première mission de combat. Burkens proposa au sénateur de lui montrer une vidéo dans laquelle on voyait son fils au combat.

Burkens expliqua au sénateur que le vaisseau de son fils avait été frappé par un missile qu'avait lancé sa quatrième victime. Son vaisseau avait été détruit. La matrice artificielle dans laquelle il était plongé avait été automatiquement éjectée. Le sénateur ne pouvait pas croire que c'était cet engagement qui avait amené son fils au centre de rééducation.

Burkens lui expliqua qu'un second vaisseau avait récupéré son fils. La bataille avait duré cinq jours. Mais quand la bataille fut finie, Jim ne voulut pas retourner au vaisseau porteur. Alors son chasseur se mit en procédure automatique. Burkens expliqua au sénateur qu'après quelques jours de combat, les pilotes étaient très attachés à leur capsule-matrice. Ils avaient été soignés et protégés au milieu d'un enfer de destruction. Ils ne supportaient plus l'idée de devoir naître à nouveau. C'est une fois sorti de sa matrice, que le pilote entrait en état de choc.

Après quoi, il retrouvait la mentalité et le comportement d'un nouveau-né. Mais la guérison était assez rapide cependant. Jim pourrait bientôt reprendre le combat. Burkens promit au sénateur que Jim ne serait pas obligé de le faire. Mais dans les faits, les pilotes suppliaient qu'on les renvoie au combat. Le désir du retour à la matrice était presque plus fort que les pulsions sexuelles. L'expérience avait montré qu'il fallait accorder aux pilotes qu'un maximum de trois combats. Parmi les pilotes qui avaient été envoyés au combat une quatrième fois pour protéger une planète frontière, par un sur cent ne s'était remis. Burkens faisait partie de ce faible pourcentage et c'était pourquoi il dirigeait ce centre de rééducation et n'avait plus le droit de remonter dans une capsule. Burkens savait que Jim pourrait reprendre le combat et il l'enviait. La seule possibilité pour Burkens de piloter une cinquième fois dans la matrice été que les Kwartah attaquent le centre de rééducation. Même si cela signifiait qu'il ne pourrait jamais guérir de son cinquième combat.

Hymne de sortie du clergé (Fredric Brown).

Le roi a perdu sa reine. La guerre a été longue et dure mais étant donné que la reine des Noirs a disparu en même temps, cette perte n'entraînera pas la perte de la guerre. On pouvait percevoir dans la voix du roi la crainte d'une défaite. Les soldats sont prêts à mourir pour le défendre. Les cavaliers du roi ainsi que ceux des Noirs étaient tous morts. L'évêque Thibault combattait mais ne savaient pas pourquoi. C'était le signe avant-coureur de l'hérésie. Il avait cessé de croire en Dieu et en était venu à ne plus croire qu'à des dieux pour lesquels les soldats n'étaient que des pions. Il croyait que les soldats n'étaient pas maîtres de leur progression. Il croyait que les Blancs ne représentaient pas forcément le bien et les Noirs le mal. Il pensait qu'à l'échelle cosmique, il importait peu qui gagnerait la guerre. L'évêque mourut courageusement transpercé par la lance d'un cavalier noir. Mais il se passait quelque chose. La tour, qui au commencement était du côté de la reine, glissa vers le roi noir du mal, l'ennemi. Ils avaient gagné ! Et une voix venant du ciel dit calmement : « échec et mat ». Puis tout à coup, la terre elle-même bascula et un des côtés du champ de bataille se souleva. Les blancs et les noirs mêlés se retrouvèrent dans une boîte monstrueuse comme une tombe commune où gisaient déjà les morts.

La ville (Ray Bradbury).

La ville attendait depuis 20 000 ans. Les rivières avaient disparu. Les vents qui avaient été violents étaient devenus sereins et les nuages qui avaient couru déchiquetés dans le ciel, flottaient maintenant comme une blancheur paresseuse. Il n'y avait plus de bannière sur les tours. Il n'y avait plus d'empreintes digitales sur les poignées de portes et plus un papier sur les trottoirs. La ville attendait. Les saisons passaient de la glace au feu pour revenir à la glace.

Par un après-midi de l'été, la ville cessa d'attendre. Dans le ciel, apparut une fusée. Elle se pose à 50 m du mur d'obsidienne. La ville dégagea des narines secrètes dans ses murs noirs pour aspirer les auteurs des prés, de météores et de métal chaud. Elle sentit l'odeur de la fusée. Ce renseignement impressionna une bande qui glissa dans une fente. Un calculateur se mit à battre comme un métronome. Il y avait neuf individus. Le message fut instantanément imprimé sur une bande. Les astronautes pensaient être dans une ville morte. Mais la ville entendit leurs conversations. La ville enregistra l'odeur de sueur des astronautes. Les données s'inscrivirent sur des bandes. Un des astronautes était inquiet et voulait retourner à la fusée. Mais le capitaine refusa. Malgré tout, Smith, l'astronaute inquiet avait le sentiment d'avoir déjà vu cette ville. Mais cette planète était à des milliards de kilomètres de la Terre. La ville entendit les pas des astronautes et accéléra la machine. Une vapeur fraîche souffla sur les envahisseurs. Ils furent réconfortés par l'odeur de l'herbe verte. La contre-manoeuvre de la ville avait réussi. La ville dégagea ses yeux de leurs brumes. Smith vit les fenêtres bouger. Il retourna dans la fusée car il ne voulait pas tomber dans le piège. Les autres astronautes se moqua de lui. Grâce à ses pavés, la ville pesa les envahisseurs. À présent, la ville était complètement éveillée. La ville devait accomplir une tâche ultime. Une trappe s'ouvrit dans la chaussée. Le capitaine disparut et les autres ne s'en aperçurent pas.

Le capitaine fut entièrement découpé au rasoir et de grands microscopes à cristal scrutèrent les fibres musculaires et des doigts mécaniques sondèrent le coeur qui battait encore.

Les hommes couraient après Smith en criant. La ville avait réussi à analyser entièrement les hommes qui venaient de l'envahir à partir du corps du capitaine. C'étaient les ennemis que la ville attendait depuis 20 000 ans. C'étaient les hommes que la ville attendait pour exercer sa vengeance. La ville avait réussi à analyser le fait que c'était des hommes de la planète Terre qui avaient déclaré la guerre à Taollan 20 000 ans auparavant et qui avaient gagné. Ils avaient laissé une maladie puis ils étaient partis. Les machines de la ville reconstituèrent le capitaine avec des organes de cuivre, de laiton, d'argent, d'aluminium, de caoutchouc et de soie. Le faux capitaine apparut sur la chaussée et tira sur Smith qui tomba. Il dit aux autres astronautes qu'il avait quelque chose d'important à leur dire. Il leur annonça qu'il était la ville, La ville qui avait attendu 200 siècles le retour des fils des fils des fils. Il leur expliqua que la ville avait été construite par les derniers survivants de cette planète et le nom de cette ville était vengeance. La ville avait été créée pour être une antenne capable d'analyser tous les futurs voyageurs de l'espace. Deux autres fusées s'étaient posées sur son sol. Comme ses occupants n'étaient pas des Terriens, ils purent repartir sains et saufs.

Le capitaine annonça que la vengeance serait exécutée jusque dans ses moindres détails. La chaussée s'ouvrit les hommes tombèrent en hurlant. Ils eurent le temps de voir l'éclat des bistouris qui venaient à leur rencontre.

La ville construisit des répliques des astronautes et les laissa repartir dans la fusée. Ils allaient pouvoir retourner sur la Terre. Ils chargèrent les bombes à maladie sur la fusée. Ces bombes seraient jetées sur la Terre.

Progressivement, la ville se mit à jouir du luxe de mourir.

La guerre est finie (Algis Budrys).

Frank Simpson attendait l'heure du départ compte tenu de vol. Le froid soleil de Château luisait faiblement au travers des nuages de cristaux de glace. La file des hommes s'étirait entre le bord du plateau ou étaient érigés les treuils et les rangées de bidons, au pied de la coque. Les bidons passaient de main en main, jusqu'au vaisseau. Des malades ou des mourants s'éloignaient parfois en titubant jusqu'à l'endroit qui leur était assigné et s'y écroulaient. Certains avaient participé au transport du carburant depuis l'usine. Simpson se souciait peu que les hommes meurent. Il n'était là que pour le vaisseau. Bientôt, ce serait à lui d'agir.

Il n'était pas excité à l'idée du voyage qui l'attendait. Depuis sa naissance peut-être, cette impulsion avait été là, dominant toute chose. Chacun des hommes qui se trouvaient sur le plateau l'avaient ressenti de la même façon. Mais seul Simpson allait partir et il n'en éprouvait aucun sentiment de triomphe.

Il était né à la ville de Château il songea qu'il lui eût été difficile de naître ailleurs. Il se souvenait de son gîte familial sans le moindre sentiment d'affection. C'avait été un endroit douillet et confortable. Le souvenir de la ville entraîna celui de son père. Il lui avait dit que ce serait sa génération qui achèverait la construction du vaisseau et qu'il pourrait en être le pilote.

Il avait fallu des générations pour construire le vaisseau et des générations pour apprendre à le construire. Il avait fallu parcourir la planète en quête d'une source de carburant. Bien souvent, le carburant avait tué ceux qui le maniaient sans que l'on sût pourquoi. Année après année, le vaisseau avait été érigé sur le plateau, au point de convergence des pistes des wagons venus des mines et des forges où les hommes luttaient contre le métal fondu dans les creusets. L'une après l'autre, les pièces avaient été hissées au flanc du plateau où l'on avait choisi de construire le vaisseau parce que l'air était plus ténu, à plus de 1000 m d'altitude.

Wilmer Edgeworth s'approcha tenant le coffret de métal rouillé, soigneusement scellé. Il le donna à Simpson. Il lui demanda pourquoi il partait. Simpson pensait que cet homme était fou. Mais il lui répondit qu'il partait parce que le vaisseau était là et que des générations s'étaient éreintées pour qu'il puisse partir. Simpson lui demanda pourquoi il posait de telles questions. Edgeworth lui dit qu'il ne savait pas. Mais il pensait que quelque chose n'était pas normal. Il ne savait pas pourquoi on faisait tout ça. Personne ne comprenait pourquoi on avait bâti ce vaisseau. On avait trouvé des villes comme Château mais beaucoup plus petites. Il y avait des petits hommes qui les habitaient. Des hommes qui ne mesuraient pas plus de 10 cm. Il avait visité l'ossuaire. Il avait découvert que leurs ancêtres étaient les plus petits qu'eux. Mais pour Simpson, seul le vaisseau comptait. Alors Edgeworth demanda à Simpson de l’excuser.

Les hommes regardaient le vaisseau. Personne ne regarda Simpson. Seul le vaisseau intéressait les gens.

À l'intérieur du vaisseau, il y avait une machine massive et complexe. Des câbles lourds reliaient le moteur au générateur. Nul ne connaissait leur fonction. Ils avaient été mis en place durant des années. Au-dessous du compartiment principal se trouvaient les moteurs avec leur épaisse cuirasse de plomb. Simpson avait demandé à quoi cela servait-il. Mais le chef d'équipe n'en savait rien. Il savait simplement que le vaisseau ne serait pas comme il fallait sans cela. Simpson s'installa et ajusta les courroies sur sa poitrine et sur ses hanches. Il s'aperçut que les instruments se trouvaient exactement à la portée de ses doigts. Ses doigts coururent sur une rangée de boutons et le vaisseau décolla. Il carbonisa les hommes couchés sur le plateau.

Simpson fut surpris par l'aspect du ciel. Il n'y avait aucun nuage. Pas le moindre reflet de lumière, pas le plus léger voile de poussière. Il n'y avait que les étoiles. Il comprit pourquoi le vaisseau avait été construit. Simpson franchit le sas qui menait au vaisseau terrien et s'arrêta, contemplant les deux êtres qui l'attendaient. Leur peau était lisse et blanche. Une toison soigneusement taillée couvrait leur crâne. Il les contempla avec dégoût. Il percevait leurs chuchotements. Il leur cria que la guerre était finie. Il leur tendit le coffret de métal. L'amiral terrien s'empara du coffret. L'amiral montra l'estampille du coffret à l'autre terrien qui s'appelait Hudston. Hudston lut les initiales NTS. C'était un organisme qui avait été dissous au XXIIIe siècle. L'amiral ouvrit le coffret et en retira une liasse de cartes qui tombaient en miettes et un livre à couverture de cuir qui se trouvait en dessous. C'était le journal de bord du VNTS Lièvre. L'auteur du journal avait écrit qu'il avait quitté le système solaire au sein de l'hyperespace. Le vaisseau était endommagé parce qu'il avait été attaqué par le vaisseau éclaireurs d'Eglin, apparemment dans l'ignorance de la trêve. Le vaisseau avait atterri en catastrophe à 1200 GST sur une petite planète inconnue. Le vaisseau avait été réduit en cendres. Le pilote avait exploré l'endroit où il avait atterri. Il se demandait combien il faudrait de temps à la Terre pour découvrir que la guerre était finie.

Simpson avait réussi sa mission et peu lui importait ce qui devait arriver ensuite. Dans son journal de bord, le survivant indiquait qu'il n'y avait rien de comestible sur la planète à l'exception de petites bestioles qui ressemblaient à des lézards mâtinés de chiens de prairie. Le survivant avait en lui l'AID qui lui permettrait de transmettre à tout prix l'information qu'il détenait à qui de droit. Le survivant s'appelait Norman Castle . Hudston signala à l'amiral que les AID ne mourraient pas. Celui de Norman n'avait pas pu acquérir la perception du temps écoulé et n'avait pas pu se rendre compte que sa mission était tombée en désuétude. Il n'avait pas pu se rendre compte que la guerre était finie. Simpson se sentait entièrement vide. Il avait perdu tout intérêt pour ce qui importait aux yeux des hommes. Il se mit à déchirer rageusement ses vêtements. Cela expliquait pourquoi Simpson et les siens avaient construit le vaisseau sans comprendre ce qu'ils avaient fait.

Le sacrifié (Philip K. Dick).

Un homme sortit de chez lui tandis que deux chenilles le regardaient. La première demanda à la seconde de faire son rapport. L'homme avait entendu les chenilles et il les écrasa.

Il descendit rapidement le chemin qui menait à la rue. Il vit un oiseau. Les oiseaux, ça allait. Ils ne faisaient pas de mal. Il poursuivit son chemin et ne frôla une toile d'araignée. Il était difficile de se faire une opinion au sujet des araignées. Il attendit à l'arrêt d'autobus et le bus arriva. Il monta. Une douce sensation de sécurité le traversa. Il se détendit, pour la première fois depuis des jours.

Les fourmis votèrent contre les humains. Elles agirent contre ceux qu'elles appelaient les géants. Parmi elles, il y avait la fourmi Tirmus qui s'opposai à toute violence estimant qu'aucun géant ne pourrait raconter à ses semblables ce qu'il avait remarqué sur les fourmis car les autres l'auraient pris pour un fou. L'armée des fourmis ne prit pas en compte son opinion.

Au crépuscule, l'homme rentra chez lui. Il se jeta dans la toile d'araignée. Il entendit un commentaire qui disait : « attendre ». Arrivé chez lui, les fourmis l'attaquèrent. Il sortit de chez lui et ouvrit le robinet. Il ajusta la lance pour projeter de l'eau sur les fourmis. Les fourmis s'enfuirent.

Maintenant, l'homme était assis à son bureau. Il avait compris que les insectes tenaient vraiment à l'avoir. Un désespoir noir déferla sur lui comme un torrent. À côté de lui l'araignée se laissait glisser sur la tablette du bureau. Elle l'interpella à. Il la regarda fixement. Elle lui dit qu'elles étaient 6 millions mais elles avaient leurs propres problèmes. Les dieux. Les dieux, pour les araignées, c'était les fourmis. Elles étaient hiérarchiquement au-dessus des araignées. Les araignées avaient un arrangement avec les oiseaux depuis des siècles.

Il y avait 1 milliard d'années, les envahisseurs gouvernaient la Terre. Selon l'araignée, les hommes étaient venus d'une autre planète. Il y avait eu une guerre. Cette guerre réduisit les deux antagonistes à la barbarie. Les hommes avaient oublié comment attaquer et les antagonistes avaient dégénéré en factions sociales fermées : fourmis et termites. Les araignées avaient été créées par le dernier groupe des humains qui connaissaient l'histoire complète. De nouvelles araignées descendirent sur leurs fils et se posèrent sur le bureau. Une veuve noire parla à l'homme. Elle lui annonça du grabuge. Elle pensait pouvoir tenir les fourmis car les araignées avaient un accord avec les oiseaux et avec les crapauds.

Le plancher commençait à bouger et à s'affaisser. L'homme pensait que les araignées voulaient le sauver mais il n'avait pas compris que pour les insectes l'individu n'était rien, seul comptait l'espèce. Et ses yeux terrifiés voyaient déjà le plancher s'effondrer et l'énorme masse de l'armée souterraine de fourmis prête à le dévorer.

La libération de la Terre (William Tenn).

Un certain mardi du mois d'août, le vaisseau apparut dans le ciel au-dessus de la France. Il ressemblait à un énorme cigare d'argent. La panique et la consternation lorsque l'engin se matérialisa dans le ciel. Les gens couraient en hurlant et en le montrant du doigt. Ils signalèrent avec excitation aux Nations unies qu'une étrange embarcation métallique était apparue au-dessus de leur pays. Le vaisseau fut photographié. On en tirera des livres et des maquettes. Une énorme partie de l'engin s'ouvrit brusquement et le premier des extraterrestres en descendit avec cette démarche complexe sur ses trois pieds que les humains allaient bientôt découvrir et aimer. L'extraterrestre portait un vêtement métallique pour se protéger des effets atmosphériques.

L'extraterrestre mesurait 8 m. Il se mit à parler et attendit une réponse. Personne ne lui répondit alors il se retira dans son vaisseau. À cette époque-là, les terriens vivaient en opposition avec la simplicité fiévreuse et majestueuse des temps actuels. Les temps actuels survenus après la libération par les extraterrestres. Ne pas savoir ce qu'avait dit l'extraterrestre rendait les Terriens à demi fou.

Une délégation des Nations unies s'installa sous le vaisseau. Elle avait reçu pour consigne de souhaiter la bienvenue aux extraterrestres. Tous les engins militaires patrouillant autour du vaisseau reçurent l'ordre de ne transporter qu'une seule bombe atomique et d'arborer un petit drapeau blanc. Ce fut ainsi que les ancêtres affrontèrent l'ultime défi de l'histoire.

L'extraterrestre reparut quelques heures plus tard. La délégation lui demanda de bien vouloir se considérer comme chez lui sur cette planète dans les trois langues officielles-l'anglais, le français et le russe. Il écouta puis se lança dans un discours incompréhensible pour les représentants du gouvernement mondial. Heureusement, un jeune Indien cultivé qui était membre du secrétariat détecta une similarité suspecte entre la langue de l'extraterrestre et un obscur dialecte du Bengale. La raison en était la dernière fois que la Terre avait été visitée par des étrangers de ce type particulier, la civilisation la plus avancée de l'humanité résidait dans une vallée humide du Bengale et on avait écrit des dictionnaires de ce langage de manière qu'un groupe d'explorateurs qui aurait pu éventuellement se présenter puisse communiquer avec les habitants de la Terre.

Conformément aux suggestions du jeune Indien, on alla chercher le seul professeur de linguistique comparée qui fut capable de comprendre et de parler cette version particulière du dialecte mort. Le savant fut amené de New York jusqu'à cette région au sud de Nancy où s'était posé le vaisseau. Pendant ce temps, d'autres extraterrestre étaient sortis du vaisseau transportant d'énormes quantités de pièces immenses en métal et entreprirent d'assembler une machine. Chaque jour, les extraterrestres se dirigeaient vers un nouvel emplacement de la planète et se mirent à assembler une structure métallique gigantesque qui marmonnait toute seule sur un ton nostalgique. Des savants essayèrent d'examiner ces machines. Mais ils se mirent à rétrécir en les touchant. Finalement, le savant glana suffisamment de mots de la langue étrangère pour qu'une conversation fût rendue possible. Les extraterrestres lui expliquèrent qu'ils appartenaient à une civilisation très avancée qui avait propagé sa culture dans toute la galaxie. Ils avaient placé les Terriens dans une sorte d'ostracisme bienveillant les considérant comme des animaux sous-développés. Les extraterrestres avaient attendu que les Terriens aient atteints un niveau qui permette de leur accorder le rang de membres associés dans la fédération galactique sous la tutelle de l'une des espèces les plus anciennes et les plus importantes de cette fédération. Les extraterrestres s'appelaient les Dendi. Ils avaient été en conflit pendant des siècles avec une autre espèce, les Troxxt. Les Troxxt s'étaient établis sur une planète de Proxima Centauri. Les Dendi avait dû établir une base à l'intérieur de leurs lignes de communication de base et cette base ne pouvait être que la Terre.

Ils se confondirent en excuses pour avoir fait intrusion dans l'évolution des Terriens. Mais les Terriens étaient en effet devenus sans le savoir une satrapie des horribles Troxxt. Ils pouvaient se considérer à présent comme libérés.

Les Dendi prétendaient être engagés dans une guerre contre un ennemi si horrible et si entièrement ignoble dans ses manières d'agir qu'il ne méritait pas d'être considéré comme doté d'intelligence. Les Dendi affirmait ne pas combattre uniquement pour eux-mêmes mais pour tous les membres loyaux de la fédération galactique. Ils demandèrent aux terriens s'ils voulaient  se tenir à l'écart d'un tel conflit et les Terriens répondirent non.

Alors les Dendi demandèrent aux Terriens de ne pas se trouver sur leur chemin quand ils procéderaient à l'entretien de leurs canons. Toutes les armées permanentes furent réorganisées en patrouille de garde placées autour des armes des Dendi. Aucun humain ne pouvait approcher à moins de deux miles des engins des Dendi. La coopération avec les extraterrestres pris le pas sur toutes les autres activités humaines. Un professeur Harvard au cours d'une table ronde à la radio sur « la place de l'homme dans un univers quelque peu trop civilisé » affirma qu'il fallait tout subordonner au but de préserver la liberté du système solaire. Ce slogan fut répété partout. Un jour, les Dendi demandèrent d'évacuer Washington. Le Capitole fut démantelé en quelques jours et reconstruit  presque parfaitement dans les collines au pied des montagnes Rocheuses. Malgré cela, les Terriens continuèrent de coopérer.

Mais les Terriens furent grandement atteints en découvrant que les extraterrestres ne formaient par un groupe plus puissant qu'un simple escadron et que leur chef n'était qu'un simple sergent.

Ils furent également surpris d'apprendre que la bataille de la Terre imminente n'aurait qu'une dignité historique à peine plus élevée que celle d'une simple action de patrouille. Cela était humiliant au plus haut degré.

Les extraterrestres jetaient parfois de côté un fragment paraissant inutilisable du métal parlant qu'ils utilisaient. Ce métal pouvait devenir exactement de la même nature que le métal qu'il touchait que ce soit du zinc, de l'or ou de l'uranium.

Les extraterrestres appelaient ce métal le lendi. Il fut vite frénétiquement recherché dans une économie brisée par de constantes et inattendues liquidations de ses centres industriels les plus importants. Les terriens commencèrent à mendier du lendi et les Dendi semblaient prendre un plaisir inexplicable à distribuer de minuscules échantillons de ce métal à la foule.

L'humanité commença presque à souhaiter que l'attaque se produise afin d'être soulagée du poids empoisonné du sentiment de ses propres infériorités.

Deux jours avant la fin du mois de septembre, les extraterrestres annoncèrent qu'ils avaient détecté de l'activité sur l'une des lunes de Saturne. Il y eu un important trafic de télescopes à bon marché pour surveiller le ciel.

Les Troxxt attaquèrent simultanément à l'aide de trois vaisseaux. Les Dendi actionnèrent leurs canons d'où se dégagea une série de nuages écarlates qui poursuivirent les Troxxt.

Quand les nuages retombaient, les terriens rougissaient puis noircissaient et leurs cheveux et leurs ongles rétrécissaient. Leur chair se transformait en liquide. Ce fut vraiment une désagréable manière de mourir pour 1/10 de l'humanité.

Quand les Troxxt furent chassés par les Dendi, ces derniers réparèrent leurs armes et compatirent au malheur des Terriens.

Mais les Troxxt revinrent et les terriens étaient prêts à les affronter. Les Dendi utilisèrent leurs armes et une fois de plus des hommes moururent. Les Troxxt se défendirent mieux. Les Dendi sonnèrent le rappel. Un énorme vaisseau lança un sillon chauffé au rouge vers le sud et Marseille disparut dans la Méditerranée.

L'humanité se durcit pour faire face à l'horrible épreuve de la domination Troxxt. Les Troxxt sortirent de leur vaisseau. Ils ressemblaient à des vers. Ils capturèrent des terriens. Ils apprirent la langue des Troxxt. 11 terriens furent relâchés pour jouer le rôle d'interprètes. Les Troxxt avait atterri le sixième jour de l'ancien mois d'octobre presque mystique. Le 6 octobre devint le jour sacré de la Seconde Libération. L'histoire que les interprètes racontèrent fit baisser la tête de honte aux hommes qui grinçaient des dents en voyant comment ils s'étaient laissé berner par les Dendi. Les Dendi étaient la fédération galactique. Ils avaient organisé une vaste force de police pour se protéger contre les révoltes qui pourraient se produire à l'avenir. La plupart des espèces qu'ils avaient découvertes s'étaient avérées dociles et maniables. Mais, à travers les siècles, l'opposition à l'égard des Dendi grandit et l'opposition fut formée par les créatures à base de protoplasme. On était d'ailleurs arrivé à appeler l'opposition la ligue protoplasmique.

Les Troxxt furent la seule race importante à refuser le désarmement total demandé par la fédération galactique. Se heurtant à la détermination des Troxxt de défendre leurs cousins en chimie organique (toutes les espèces qui étaient constituées de la même façon qu’eux) et à l'hostilité brusquement montrée par au moins les deux tiers des peuples interstellaires, les Dendi avaient provoqué une réunion du conseil fantoche de la galaxie pour déclarer qu'il existait un état de révolte. Mais les Troxxt purent continuer à se battre grâce à des armes secrètes que la ligue protoplasmique lui avait fournies. Les terriens découvrirent que les Dendi étaient constitués d'une chimie corporelle dérivée de composés siliconés complexes. Des officiels des Nations unies, des chefs d'État et des interprètes de la langue utilisée pour indiquer avec les Dendi furent exécutés car ils avaient été considérés comme des traîtres après le jugement le plus long et le plus juste que connut l'histoire de la terre. L'humanité fut invitée à entrer dans la ligue protoplasmique. Les Troxxt furent appelés les seconds libérateurs. Ils invitèrent les terriens à participer au travail intensif et urgent de la défense planétaire. Mais les intestins des hommes se dissolvaient sous l'invisible éclat des forces utilisées pour construire les nouvelles armes. Ils moururent dans les mines que les Troxxt avaient rendues plus profondes ou dans des puits de pétrole sous-marins.

Même au sein d'une paralysie économique complète occasionnée par la suppression de toutes les facilités essentielles de production sur d'autres armements militaires et en dépit des cris d'angoisse de ceux qui souffraient de blessures industrielles, les terriens trouvaient quand même très réconfortant de se rendre compte qu'ils avaient pris place dans le futur gouvernement de la galaxie afin de préserver la démocratie.

Mais les Dendi revinrent briser cette idylle dans leurs énormes vaisseaux spatiaux. Trois jours plus tard, les seuls Troxxt qui demeuraient sur la Terre étaient les membres dévoués d'un petit groupe qui gardait le navire fixé en Australie. La bataille prit des proportions terrifiantes.

La planète Vénus avait été expulsée du système solaire et la Terre avait vacillé dans les cieux comme un substitut orbital. Les Dendi avait décidé de désintégrer l'Australie le 24 juin qui devint le jour sacré de la première Relibération.

Les Dendi voulurent convaincre les Terriens que les Troxxt avaient toujours considéré qu'il était dangereux de les laisser participer pleinement en apparence à leur action. Les interprètes des Troxxt furent exécutés. 18 mois plus tard, les Troxxt se frayèrent un passage pour reprendre possession de la Terre. Ce fut la seconde Relibération. Peu d'humains acceptèrent de se charger avec enthousiasme des responsabilités de nouvelles charges. Les Troxxt, pour relibérer la Terre, avaient jugé nécessaire de produire une énorme explosion sur l'hémisphère nord. Il reste fort peu d'humains. Parmi ceux qui restaient, un grand nombre préférèrent se suicider plutôt que de porter le titre de secrétaire général des Nations unies. Les Dendi réussira libérer une nouvelle fois la terre peu de temps après. À ce moment-là, la Terre perdit sa profonde enveloppe de substance ce qui lui donna une forme de poire. Deux ou trois libérations plus tard, les Troxxt et les Dendi découvrirent que la Terre était devenue bien trop excentrique dans son orbite pour posséder les conditions minimales de sécurité demandées à une zone de combat. La bataille s'éloigna dans la direction d'Aldébaran.

Les terriens qui avaient survécu mourraient de faim et de soif et passaient leur vie à courir sous l'énorme soleil immuable.

Champ de bataille (J. G. Ballard).

Le major Pearson observait l'escadrille d'hélicoptères la plus proche. Son unité s'apprêtait à passer le cours d'eau mais il espérait que l'opération serait annulée. Le caporal Benson avait dépouillé de son pantalon un mitrailleur des marines qui avait été tué. Derrière le monument qui formait le mur arrière du poste de commandement, s'ouvrait l'entrée bordée de sacs de sable du tunnel ou étaient emmagasinés les approvisionnements. À cet endroit-là, le sergent Tulloch et le lieutenant de 17 ans qui avait été envoyé dans la nuit, travaillaient sur l'appareil de radio de campagne. Autour du dépôt, les 30 hommes de Pearson surveillaient les armes, les caisses de munitions et les bobines de fil téléphonique. Épuisés après l'embuscade, ils n'avaient plus la force de traverser le fleuve.

Les hélicoptères américains avaient déjà décollé de leur base implantée autour de la ville et volaient au-dessus de la vallée comme autant d'oiseaux sans cervelle.

Bien que Pearson fut le commandant de l'unité de guérilla, la véritable initiative émanait de l'Écossais, le sergent Tulloch. Le sergent s'était joint aux premières bandes de rebelles qui avaient constitué le noyau de l'Armée de Libération nationale. Il avait surtout été attiré dans l'armée des insurgés par la perspective de tuer des Anglais. Pearson se demandait souvent dans quelle mesure le sergent l'identifiait encore au gouvernement fantoche de Londres, appuyé par les forces d'occupation américaines.

Pearson écoutait le grondement des mortiers lourds qui tiraient de l'enclave américaine. 900 artilleurs des marines y résistaient depuis des mois à la pression de deux divisions de forces rebelles. Les Américains étaient appuyés par des hélicoptères bombardiers. Il demanda au sergent quand la radio serait réparée. Le sergent répondit qu'il allait la réparer. Le sergent était arrivé à la conclusion que Pearson avait perdu courage. C'était une chance que les Américains fussent si peu nombreux sur le terrain, sinon tout le front de libération aurait été balayé depuis longtemps. Même avec leurs 20 millions d'hommes sous les drapeaux, les Américains pouvaient à peine en réserver 200 000 pour les îles britanniques, secteur lointain de leur guerre globale contre des douzaines d'armées de libération nationale. Le réseau de radio clandestine que Pearson et Tulloch écoutaient le soir signalaient des combats incessants des Pyrénées aux Alpes bavaroises, du Caucase à Karachi. 30 ans après le conflit originel dans le sud-est de l'Asie, le globe tout entier n'était plus qu'une énorme conflagration insurrectionnelle, un Vietnam à l'échelle mondiale.

Pearson contemplait la lignée du fleuve à travers les arbres. Au nord, près du château de Windsor en ruine, des colonnes de fumée s'élevaient sous les hélicoptères quand ils piquaient pour lancer leurs roquettes dans les forêts déchiquetées qui envahissaient les rues des faubourgs désertés.

Pearson devrait traverser en courant le terrain découvert avec ses hommes et franchir à gué le fleuve et passer la ligne d'arbres sur la rive opposée. Ces dernières années, il y avait eu 1 million de soldats tués et un autre million de civils. Le lieutenant était jeune car on conservait les jeunes en vue de la paix qui viendrait bien un jour et on affectait les hommes plus âgés aux missions les plus dangereuses. Pearson avait fait prisonniers trois Américains. Il y avait un sergent, un capitaine et un jeune. Pearson observa le capitaine. Le capitaine l'examinait avec cette surprise que Pearson avait déjà vue sur le visage d'autres prisonniers, un étonnement sincère que ces petits hommes en haillons puissent poursuivre aussi longtemps la lutte. Les Américains appelaient les rebelles « Charlie ». Les trois prisonniers savaient que si l'ordre d'attaquer arrivait, ils seraient tous les trois fusillés sur place. Il n'y avait pas grand-chose à attendre d'un interrogatoire dans les règles. La technologie des armes américaines avait progressé au point de n'avoir pu aucune signification possible pour les commandants rebelles. Les tirs d’artillerie, les dispositifs de combat et les sorties d'hélicoptères étaient dirigés par des ordinateurs.

Pearson porta la main sur le petit a de monnaie du jeune soldat américain. Il ouvrit un agenda à la reliure de cuir. Celui-ci renfermait une succession de notations illisibles ainsi qu'une lettre pliée émanant d'un ami. L'ami en question était un objecteur de conscience qui parlait des mouvements pacifistes aux États-Unis. Le jeune soldat avait aussi un livre intitulé « Appelez-moi Ismaël » par Charles Olsen. Pearson se demandait quelle était cette armée ou les simples soldats portaient des livres dans leur sac. Il demanda au capitaine américain s'il savait où ils se trouvaient et celui-ci répondit qu'ils étaient à Runnymede, sur la Tamise. Pearson lui demanda depuis combien de temps il était ici et là capitaine répondit que cela faisait plus d'un mois.

Le capitaine n'était pas un combattant. Il était architecte, attaché à la commission militaire de sauvegarde des monuments. Il s'occupait des monuments commémoratifs et funéraires dans le monde entier.

Pearson lui répondit que ses perspectives étaient infinies à la façon dont allaient les choses.

Le capitaine pensait que la guerre n'avait abouti absolument à rien. Mais Pearson pensait que la guerre avait transformé toute la population de l'Europe en une paysannerie armée. Heureusement, les Américains étaient dénués du moindre espoir de réussite en raison même de leurs bonnes intentions, de leur refus de recourir aux armes nucléaires quelles que soit leurs pertes. Le sergent avait réussi à obtenir la liaison avec le commandement. Pearson demanda au capitaine architecte pourquoi il était venu de ce côté du fleuve. Le capitaine répondit qu'il voulait voir s'il était possible de transporter le mémorial de Kennedy. Pearson regarda le monument et se rappela qu'il avait été érigé par un ancien gouvernement britannique en hommage au président assassiné. La veuve du président avait assisté à l'inauguration. Le capitaine remarqua que des slogans avaient été tracés avec la pointe des baïonnettes. Quelqu'un avait écrit : « halte aux atrocités américaines au Vietnam ». Le sergent Tulloch tua les trois prisonniers. Ils demeurèrent écroulés tous les trois au pied du monument.

À 50 m de la berge, Pearson et ses hommes furent abattus par les Américains.

Bienvenue, camarade ! (Simon Bagley).

 

Johnny Murphy avait travaillé au projet américain pendant cinq ans avant de savoir vraiment de quoi il retournait. C'était un journaliste chevronné. Le projet américain était vraiment secret. Il avait été infiltré par des agents communistes. Même le Pentagone n'était pas au courant. Cela se passait au début de 1962. Johnny avait pris un verre avec un camarade de faculté, Jack Lindstrom. Jack était anthropologue. Il débarqua un jour dans le bureau du narrateur. Ils s'étaient retrouvés dans un bar tranquille. Il lui avait annoncé qu'il allait se joindre à un groupe de recherches qui se proposait d'appliquer les techniques de l'anthropologie à l'étude du mode de vie américain. Le but de ce projet était de disséquer l'Américain moderne pour voir ce qui le faisait agir. L'étude serait menée dans le pays tout entier. La plupart des grandes fondations assuraient leur concours avec l'aide de l'État. L'État posséderait enfin un étalon de mesure auquel il pourrait se référer pour établir sa politique. Il faudrait peut-être 20 ans pour mener à bien cette entreprise. Jack proposa à son ami de le rejoindre dans cette aventure. Le groupe avait besoin de gens expérimentés pour recueillir les informations et pour rédiger des rapports. Jacck avait senti que Johnny en avait assez du métier de journaliste. En effet, Johnny éprouvait secrètement l'envie d'écrire un roman. Jack ajouta que le salaire proposé n'était pas négligeable. Alors Johnny demanda ce qu'il aurait à faire. Jack lui expliqua qu'il ferait partie d'un service de documentation. Il devrait enquêter sur le monde du journalisme. Johnny envisageait d'accepter à condition qu'il puisse écrire un article sur ce projet. Jack accepta en affirmant qu'il n'y avait rien de secret là-dedans.

Sans le savoir, Johnny venait d'être recruté. Il fut mis à la tête du service d'information. L'organisation était énorme et chacun travaillait à un rythme constant. Johnny eu du mal à s'adapter à son nouveau rythme et de voir un peu plus loin que le lendemain matin. Dans les six mois, ils s'installèrent dans un gratte-ciel de New York. Johnny disposait d'un bureau personnel luxueux. Au bout d'un certain temps, le calme lui porta sur les nerfs. Alors il fit venir sa secrétaire personnelle et se sentit moins seul. On l'envoya à San Francisco organiser le siège pour la côte ouest puis à Chicago et dans une douzaine d'autres villes. Il fut chargé du recrutement et il mettait des quantités d'équipe dans la nature. Il répondait à des quantités de questions et quand certaines demeuraient sans réponse, il allait par monts et par vaux pour les résoudre. Les années passèrent.

Johnny ne voyait guère Jack mais parfois ils se croisaient et ils échangeaient quelques propos sur l'organisation. Il lui demanda combien de personnes travaillaient pour l'organisation. Jack ne le savait pas précisément. Johnny voulut savoir combien tout cela coûtait et Jack ne pensait pas que cela coûtait des milliards. En plus du personnel de l'organisation, il y avait le personnel auxiliaire, les sténographes, les femmes de ménage, les électroniciens… Johnny estimait qu'il fallait 25 000 personnes pour que l'organisation fonctionne. Il pensait que cela devait coûter cher aux contribuables. Même si l'organisation n'était pas secrète puisque Johnny avait pu écrire un article sur le sujet il savait que personne ne connaissait l'énormité de l'entreprise. Johnny envisageait de mettre au courant un ou deux membres du Congrès susceptible de faire un sacré raffut à la Chambre. Jack conseilla de n'en rien faire. Jack supposait que le gouvernement savait ce qu'il faisait. Mais il semblait mal à l'aise. Johnny en conclut que Jack n'occupait pas dans l'organisation une position aussi haute qu'il le pensait.

Mais deux jours plus tard, Johnny fut rappelé au bureau de New York où il fut mis sur le gril. J. L. Haggerty lui annonça qu'il avait été mis au courant de quelques réflexions que Johnny avait eues en dehors de ses heures de travail. Haggerty lui reprocha d'avoir pensé tout haut, en public, dans un endroit où on pouvait l'entendre. Haggerty le rassura. Heureusement pour lui, Johnny était blanc comme neige, il n'était pas communiste et il n'allait voir des films européens. Johnny fut surpris de voir qu'un dossier le concernait et que ce dossier devait peser dans les 2 kg. Haggerty affirma que si Johnny avait été suspect de quoi que ce soit il aurait été fusillé. Haggerty n'allait pas mettre Johnny à la porte. Au contraire, il allait tout lui dire. Johnny devrait jurer de garder le silence.

Haggerty fit appeler Jack. Jack avait raconté la conversation qu'il avait eue avec Johnny dans le restaurant. Johnny avait été convoqué à cause de ce qu'il avait dit sur les deux membres du congrès. Haggerty expliqua Johnny le congrès n'était pas au courant des activités du Projet américain. Il n'y avait pas plus d'une centaine de personnes dans tout le pays qui connaissaient exactement les activités du projet. Johnny devait donc être mis au courant du secret pour savoir pourquoi ce secret était gardé.

Haggerty savait qu'il pouvait faire confiance à Johnny parce que celui-ci était un patriote. Jack entra à ce moment-là. Haggerty ordonna à Johnny de lire un document. C'était la prestation de serment habituelle. Haggerty lui annonça que s'il soufflait un mot du projet, il serait un homme mort. Puis Johnny dut signer quelques pages. Haggerty ordonna à Jack d'emmener Johnny dans son bureau et de tout lui révéler. Haggerty pensait que ce serait peut-être commode d'avoir Johnny sous la main quand tout serait au point pour expliquer les choses au public en termes accessibles à tous.

Jack expliqua à Johnny qu'il venait de monter en grade et que quelqu'un d'autre allait prendre sa place dans l'organisation. Un petit type timide entra dans le bureau et photographia  Johnny. Un quart d'heure plus tard, ce fut le tour d'un gars costaud qui désirait prendre ses empreintes digitales. Ensuite ce fut une sémillante infirmière avec une seringue. Elle voulait un échantillon du sang de Johnny.

Jack revint pour donner une carte à Johnny stipulant qu'il travaillait pour la Carson Electronics. Jack emmena Johnny dans sa voiture puis ils montèrent dans un avion civil. Ensuite ils montèrent dans une voiture et se rendirent en pleine campagne pour se retrouver à la Carson Electronics. Jack lui expliqua que cette société travaillait à des projets secrets pour l'armée de l'air. Cette société était en partie une couverture même si elle expédiait vraiment du matériel pour l'armée de l'air. Jack lui montra une pièce la plus grande qu'une cabine téléphonique. Johnny devrait s'y rendre à chaque fois que le groupe lui donnerait quelque chose à faire. Jack avait compris que Johnny voulait être l'historien du Projet américain. Il lui révéla que le projet américain était constitué de deux parties. Celle où Johnny avait travaillé et l'autre qui devait être gardée entièrement secrète. Jack était un de ceux qui eurent les premiers l'idée de ce projet. Il pensait être le seul anthropologue qui ait jamais travaillé à la disparition de son métier.

Jacques expliqua à Johnny que tout développement spécifique était le résultat de l'ensemble d'une culture particulière. Dans les années 1940, la cybernétique était apparue grâce à la mise en commun de plusieurs sciences. Dans le Projet américain entrait une bonne part d'électronique, une partie non négligeable de la théorie psychologique relative à l'hypnose, une forte dose de neurologie, la théorie de l'espace et pour parachever le tout la contribution de Jack en anthropologie.

Le Projet américain avait pu ainsi inventer une machine capable de laver le cerveau à distance. L'ingénieur qui avait mis l'appareil au point s'appelait Harrod et il considérait son appareil comme un appareil de réadaptation.

Son idée était que ce serait un accessoire du divan du psychiatre pour aider au traitement des maladies mentales. Quelqu'un de haut placé mit l'embargo sur la découverte. Jacques expliqua Johnny que le projet était de réaliser l'union de l'humanité entière. Selon Jack la guerre résultait du conflit entre cultures. La violence était la seule réponse que l'homme avait trouvée pour décider quelle serait la culture qui survivrait. Jack était parti de l'idée de transformer l'humanité entière en donnant aux hommes un même mode de pensée, une culture commune. De plus, l'opération devait être faite partout à la fois. Il fallait donc construire une machine très puissante et l'installer dans un satellite. Toute la planète pourrait être placée dans le champ neural aussi longtemps qu'il serait nécessaire. Johnny comprit que le Projet américain allait imposer une structure mentale à chaque individu sur Terre.

Johnny demanda à Jack quel conditionnement mental avait été choisi. Jack répondit que les gros bonnets avaient discuté sur « l'homme idéal ». De nombreux philosophes avaient été consultés en vain. Le projet avait failli tourner court. Alors on laissa Jack se débrouiller. Jack décida de s'en tenir à la science et un programme fut établi sur ce qui faisait qu'un Américain était un Américain. C'était le fruit de l'enquête de Johnny. Quand le résultat serait trouvé, le projet aurait le modèle type à utiliser. Johnny comprenait pourquoi le projet avait été tenu secret. Si un mot avait transpiré, les bombes atomiques se seraient mises à pleuvoir dans l'heure suivante. Johnny pensait que c'était de l'impérialisme mental. Mais pour Jack le moment était venu. Quand le programme serait en action, on pourrait commencer à licencier toutes les armées et à mettre au rebut les stocks de bombes. Il n'y aurait plus qu'une seule culture à étudier et les anthropologues seraient mis au chômage. Jack pensait que le monde connaîtrait vraiment un essor extraordinaire quand le projet serait réalisé. Mais Johnny ne trouvait pas cela bien. Il pensait à 600 millions de Chinois Américains. Quelques membres du projet avaient le coeur malade à l'idée de ce qu'ils étaient en train de faire. Jack en faisait partie.

Alors il demanda à Johnny ce qu'il en pensait. Johnny répondit qu'ils auraient mieux fait de s'en tenir à l'homme idéal. Jack annonça à Johnny qu'il ne pourrait pas quitter la Carson Electronics avant que tout soit terminé. La Carson Electronics était la prison la plus luxueuse que Johnny avait jamais vue. Le cinéma passait chaque soir les films les plus récents et le bar était bien approvisionné. Johnny enquêta pour un livre qu'il devait écrire sur l'histoire du projet. Il parla à toutes les personnes travaillant au projet. Le projet était passé au crible par des psychologues et des neurologues. Johnny ne put rencontrer Harrod car il s'était coupé le cou au rasoir avant que l'opération soit mise en route. Johnny devint très ami avec le Dr Paul Harden, psychologue et neurologue qui dirigeait les recherches. Le docteur pensait pouvoir réformer l'humanité selon le modèle américain. Ainsi, il pensait que les Russes seraient toujours de fieffés salauds mais des salauds américains.

Le docteur pensait pouvoir modifier les conceptions politiques des gens mais pas leurs convictions. Pour Johnny c'était une contradiction. Le docteur lui expliqua que le projet consistait en une sorte d'éducation forcée ou de déconditionnement. Les gens montreraient leurs préférences politiques en votant démocratiquement au lieu de lancer des bombes. Ainsi le français radical continuerait de voter radicale mais dans la tradition américaine. Les Russes renonceraient au communisme parce que ce n'était pas un régime naturel aux États-Unis.

Les gens ne pourraient pas revenir en arrière parce qu'il n'y aurait plus rien sur quoi revenir. Johnny pensait que les doutes et les problèmes de conscience de ce projet ne semblaient pas troubler particulièrement le docteur Harden.

Johnny pensait que tôt ou tard surviendrait quelque fanatique qui voudrait que tout le monde pense exactement comme lui.

Mais le moment était venu et s'ils ne faisaient rien, quelqu'un d'autre le ferait.

Au bout de trois ans, la machine fut prête. La seule chose qui retardait le déclenchement du projet était l'enquête anthropologique qui n'était toujours pas terminée. Mais le projet était bien gardé, de sorte qu'il était impossible à quiconque de seulement deviner l'ampleur de l'organisation. Le satellite fut assemblé et Johnny demanda au docteur Harden combien de temps prendra l'opération une fois que l'engin serait sur orbite. Le docteur répondit que cela prendrait une semaine environ. Johnny voulut savoir quel serait l'effet sur les Américains d'origine. Le docteur lui répondit que l'effet serait à peu près nul. Le comité des activités antiaméricaines serait définitivement au chômage toutefois. Deux jours avant le coup d'envoi, Harden fit savoir qu'une réunion générale se tiendrait au foyer. Harden et une demi-douzaine de responsables étaient sur l'estrade. Il proposa aux scientifiques d'élire un comité de travail. Johnny proposa que le président de ce comité soit le docteur Harden. La motion fut adoptée. Le camarade Harden annonça : « camarades travailleurs scientifiques, vous devez vous êtes rendu compte à présent que la grande glorieuse Union soviétique a montré une fois de plus sa supériorité sur l'impérialisme bourgeois ». Tous les communistes présents, c'est-à-dire toutes les personnes présentes, applaudirent.

Si les mythes m'étaient contés. (Fritz Leiber).

Une fillette demanda à son arrière-grand-père pourquoi les géants des neiges parlaient toujours russe. Il répondit que les gens étaient plus grands en Russie et que les hivers n'y étaient guère cléments. Il lui demanda comment elle savait que les géants des neiges parlaient russe. La fillette répondit qu'ils écrivaient B pour V et P pour R et pour le G ils faisaient une petite potence. Elle lui demanda s'il savait quelque chose sur la mythologie nordique. Il répondit que c'était plein d'histoires sanglantes et atroces. Il y avait neuf mondes et l'arrière-grand-père se souvenait du Jotunheim où vivaient les géants des neiges et de l'Asgard où vivaient les héros. Il y avait le pont Bifrost gardé par Heimdall. C'était l'orbite de lancement où se trouvait la grande station radar qui défendait le pays contre les missiles du Jotunheim et des autres nations. La fillette demanda à son arrière-grand-père de lui raconter toute l'histoire. Il se souvenait d'une querelle entre des nains pour savoir qui ferait le plus beau cadeau aux dieux. Pour la fillette, les nains étaient les savants et les ingénieurs. Les dieux étaient les Aesir. Parmi les cadeaux se trouvait la Flèche de Glunguir qui touchait toujours son but. Il y avait aussi le navire Skidbladnir qui était un cuirassé de poche. Il y avait le sanglier Gold Bristle qui volait sans jamais s'arrêter. La petite fille savait que c'était un astronef atomique. Il y avait le marteau de Thor Mjolnir. La petite fille savait que c'était un missile. Il y avait l'anneau d'or Draupnir qui donnait naissance à huit anneaux semblables. La petite fille savait que c'était la transmutation atomique. Mais c'était peut-être aussi la société capitaliste.

L'arrière-grand-père trouvait que sa petite fille employait de bien grands mots et se lançait dans des explications bien trop compliquées pour une gamine.

Il était inquiet par la maigreur de sa petite fille il voulait qu'elle aille manger des tartines de confiture mais elle voulait encore une histoire. Elle voulait qu'il lui raconte l'histoire des neuf mondes. Mais elle avait l'air d'en savoir plus que son arrière-grand-père alors il se mit à lui poser des questions. Il lui demanda pourquoi les géants des neiges parlaient-ils toujours russe et elle répondit que les géants des neiges étaient les Russes. Alors l'arrière-grand-père admit que les Russes avaient un parler plutôt rude et qu'ils se trimbalaient en manteau de fourrure en se détruisant eux-mêmes. Ils constituaient une menace permanente comme les géants des neiges. Khrouchtchev était le Géant Skyrmir, la petite fille en était sûre. Le Jotunheim et l'Asgard étaient la Russie et l'Amérique et l'Europe était le Midgard. L'arrière-grand-père se sentait de plus en plus angoissé. Il voulut savoir quel livre elle avait lu pour en savoir autant. Mais elle ne voulait pas lui donner le livre qu'elle tenait.

Elle lui demanda de retrouver plusieurs faits importants enfouis dans sa mémoire. Il y avait une tradition qui montrait Odin parcourant le Midgard sous un déguisement. Elle voulait savoir qui cela pouvait être. L'arrière-grand-père suggéra que ce pouvait être William O’Douglas qui avait voyagé dans le monde entier et avait écrit des tas de livres sur ses voyages.

La fillette ne les croyait pas. Elle pensait aussi que un des Aesir n'était pas bon. C'était Loki qui semait toujours la perturbation. L'arrière-grand-père somma sa petite-fille d'arrêter car il avait peur de se retrouver à Ragnaroc. Il s'occupait des mythes nordiques et n'avait jamais cru à tout ce fatras qui finissait trop bien avec les fils d'Odin et de Thor qui fondaient un nouveau monde après la mort des autres dieux et des géants. Il avait toujours pensé que Ragnaroc était suspendu au-dessus des gens. Il ne voulait pas que sa petite-fille aille jeter un coup d'oeil sur cet univers de terreur et de désespoir.

La petite fille voulait se retrouver à Ragnaroc car c'était le sens de toute l'histoire. Midgard, le serpent enroulé autour du monde au fond de la mer et qui ne sortirait qu'à la fin c'était le sous-marin atomique. Fenris, le loup qui broyait sous ses mâchoires la terre et les étoiles, c'était le vol spatial et les missiles. Et Surtur qui était arrivé de Muspelheim pour terminer la guerre avec une arme qui avait tout détruit était sans doute le général en chef d'un pays mais la petite fille ne savait pas lequel. Elle voulut savoir qui était Loki. Elle savait que les mythes avaient été envoyés dans le passé que les gens sachent ce qui devait arriver et qu'ils interviennent. Mais ça n'avait servi à rien. Elle insista pour savoir qui était Loki alors l'arrière-grand-père lui cria qu'il ne savait même pas le nom de sa petite fille. Il ferma les yeux. Quand il les rouvrit, son arrière-petite-fille avait disparu. Tout à coup, il se souvint qu'il n'avait pas d'arrière-petite-fille. Il avait une petite fille qui avait deux ans. Quant au livre de mythes, personne ne l'avait jamais regardé. Il savait qu'il n'avait pas d'arrière-petite-fille, pas encore…

Les défenseurs (Philip K Dick).

 

Taylor lisait le journal du matin. C'était sa période de repos, la première depuis longtemps et il en était heureux. Mary lui demanda ce qu'il y avait. Il répondit que Moscou avait été bombardé. Les nouvelles de la guerre étaient satisfaisantes. Taylor faisait partie intégrante du programme de guerre. Il était technicien. Il se satisfaisait de l'arrivée des nouveaux sous-marins. Les soviétiques auraient sûrement une drôle de surprise. Mary se rappelait d'un événement. Une fois, pendant les toutes premières semaines de la guerre, avant que tout le monde ait été évacué de la surface, ils avaient vu un train-hôpital ramenant des blessés qui avaient été exposés aux retombées radioactives. Cela n'avait pas été un spectacle très plaisant.

Il y en avait eu beaucoup de ces spectacles. Taylor trouvait que sa femme pensait trop à cela, ces derniers temps. Il lui dit qu'il ne fallait plus y penser car il n'y avait plus personne, là-haut. Il n'y avait plus que des soldomates qui ne craignaient rien. Mary ne voulait pas voir de spectacle. Elle en avait assez de voir des villes détruites. Taylor lui répondit que les villes ennemies étaient encore plus touchées. Il se demandait pourquoi sa femme se tourmentait sans cesse. Dans l'état actuel des choses, il se trouvait bien à l'abri. On ne pouvait espérer que tout soit parfait en vivant sous terre, avec un soleil artificiel et une nourriture synthétique. C'était une dure épreuve de ne pas pouvoir voir le ciel, de ne pas pouvoir aller où bon vous semblait ni voir autre chose que des murs de métal, de grandes usines et des baraquements. Mais cela valait mieux que d'être à la surface. Le visiophone sonna. C'était Moss qui ordonnait à Taylor de venir immédiatement au Second Etage.

Taylor proposa à sa femme de lui ramener quelque chose de la surface mais elle refusa. Il trouva cela absurde.

Moss emmena Taylor dans un bureau où se trouvait un officier de la sécurité intérieure. C'était le commandant Franks. Franks annonça à Taylor qu'ils allaient devoir monter au Premier Etage. Taylor n'était jamais allé aussi haut. Il demanda si c'était radioactif. Franks lui répondit que les radiations ne pénétraient pas jusqu'au Premier Etage car il y avait du plomb et du rocher. Au Premier Etage, il y avait plein de soldats. Personne n'était retourné à la surface depuis huit ans.

À présent, la surface était un désert mortel de nuages qui traînaient au ras du sol. Il y avait des robots immunisés contre le rayonnement, construits dans la hâte fébrile des derniers mois avant la guerre froide, c'était les soldomates. Dans le monde entier, il ne restait pas un seul être humain. Ils étaient tous sous la surface dans les abris qui avaient été soigneusement conçus, même après les premières bombes. À la surface, les soldomates progressaient et luttaient, poursuivant la guerre des hommes. Sous terre, les êtres humains travaillaient sans relâche pour produire les armes destinées à la poursuite du combat. Franks dit à Taylor que de temps à autre la sécurité examinait et interrogeait un soldomate qui avait été la surface pendant un certain temps afin de découvrir certaines choses. L'ascenseur allait ramener un soldomate de classe-A. Des officiers participeraient à l'interrogatoire sans être exposés aux radiations grâce à un mur de plomb. Franks, Moss et Taylor prirent place derrière le mur de plomb. Le soldomate fit son rapport. La guerre se poursuivait. Les soldomates manquaient d'engins de poursuite rapide. Certains dirigeants commençaient à penser que les possibilités d'erreurs étaient trop grandes. Le soldomate répondit que les rapports étaient soigneusement vérifiés avant d'être transmis. Franks demanda s'il existait un endroit non exposé assez grand pour abriter quelques humains capables d'observer les conditions actuelles. La machine hésita avant de répondre qu'elle en doutait. Il existait toutes sortes de projectiles sensibles aux mouvements. Franks ordonna à la machine de retourner vers la sortie. Avant de partir le soldomate dit que chaque mois le pourcentage de particules mortelles dans l'atmosphère augmentait. Franks donna à la machine un échantillon d'alliage que le soldomate l'examine.

Le soldomate poussa de l'épaule contre le mur et une section de celui-ci glissa. Des soldats surgirent dans la chambre et entourèrent le soldomate et promenèrent un compteur Geiger sur lui avec précaution. Il n'était pas radioactif. Franks dit à Taylor et à Moss que c'était la seconde fois que cela se produisait. Franks annonça qu’un premier groupe d'investigation se tiendrait prêt à gagner la surface. Mais Moss trouvait que quelque chose ne connaît pas dans ce qu'avait dit le soldomate. La machine avait dit que nulle vie ne pouvait exister à la surface sans se trouver grillée. Le soldomate était cabossé et noirci. Il avait été à la surface pendant longtemps.

Quand Taylor rentra chez lui, sa femme avait peur qu'il soit désigné pour aller à la surface. Même si l'opération était secrète, Mary avait senti une expression ancienne sur le visage de son mari. Il reconnut qu'il devait obéir et joindre le groupe de reconnaissance. Mary était amère parce qu'elle savait que son mari ne reviendrait jamais.

Les forces de surface rapportèrent d'une attaque soviétique se déroulaient. De nouvelles armes étaient utilisées. Taylor appela Moss pour savoir si le projet de sortie à la surface était abandonné. Moss répondit que le projet était maintenu. Il se rendit immédiatement dans le bureau de Moss. Franks les attendait à la station de départ. Les soldats revêtaient leur tenue plombée et des armes étaient distribuées. Franks, Taylor et Moss allaient sortir les premiers et un quart d'heure plus tard ils seraient suivis par les soldats. Ils montèrent à bord d'un petit véhicule. Une peur tenace habitait les pensées de Taylor, une peur qui avait été en lui depuis huit ans. Arrivés à la surface, ils virent des soldomates déplacer d'énormes chargements de fusils. Ils sortirent du véhicule. Franks ordonna à un soldomates de classe B d'aller chercher un classe A. Comme le soldomate hésitait, Franks lui ordonna d'obéir. Deux soldomates de classe A arrivèrent. Ils étaient du conseil de surface. Ils leur dirent que c'était impossible pour des humains de rester à la surface. Franks répondit qu'ils étaient protégés par leurs tenues. Il voulait réunir immédiatement le conseil. Les soldomates évoquèrent la nouvelle attaque soviétique. Mais Franks voulait absolument rassembler le conseil. Franks voulait voir le lever du soleil même si il les soldomates lui dire que c'était un spectacle déplaisant. Ils arrivèrent dans la chambre du conseil. Un des soldomates enjoignit encore une fois les humains à retourner d'où ils venaient mais Franks refusa. Les soldomates discutèrent entre eux et annoncèrent à Franks qu'il semblait agir contre son bien. Mais Franks répondit qu'ils étaient des humains et non des machines. Les soldomates avaiten calculé que Franks et ses hommes ne pouvaient pas tenir plus de 50 minutes. Les soldomates se rabattirent brusquement sur les armes pour les obliger à partir. Alors Franks leur annonça qu'ils étaient prêts à s'en aller. Le chef des soldomates regrettait de devoir les laisser regagner le sous-sol mais cette guerre était devenue celle des soldomates. Ils la menaient comme ils l'entendaient. À ce moment-là, 12 soldats armés de pistolets surgirent à la surface et le chef des soldomates recula. Le chef des soldomates comprit les intentions de Franks. Frank ordonna aux soldats de détruire les soldomates. Il ne restait plus que quatre membres du conseil de surface. Ils retournèrent dans la chambre du conseil. Puis ils sortirent sur une petite colline pour contempler une vaste vallée. Ils entendirent un coq chanter. Le soleil se leva et des oiseaux commencèrent à chanter. Durant huit ans, les humains avaient été trompés par les soldomates. Il n'y avait pas de guerre. Dès que les humains avaient quitté la surface, la guerre avait cessé. Les soldomates détruisaient les armes depuis des années à chaque fois que ces armes arrivaient à la surface. Taylor demanda à un des soldomates pourquoi ils avaient fait ça. Il répondit qu'avant de poursuivre la guerre, il leur était nécessaire de l'analyser afin de découvrir quel était le but. Ils avaient trouvé que la guerre n'avait aucun but.

Les soldomates avaient découvert que les différentes cultures humaines passaient par certaines phases, chacune en son temps. Quand chaque culture commençait à perdre sa raison d'être, des conflits surgissaient entre ceux qui désiraient abandonner pour construire une nouvelle société et ceux qui souhaitaient continuer comme par le passé avec le minimum de changements.

Le conflit interne menaçait d'entraîner la société dans la guerre, groupe contre groupe. Les soldomates trouvaient nécessaire que cette haine intérieure soit drainée vers l'extérieur, vers un groupe externe, de telle façon que la culture survive à cette crise. Le résultat était la guerre. Les soldomates pensaient que l'homme était presque uni en une seule société. Une moitié du monde affrontant l'autre moitié. Il ne restait plus qu'un seul pas vers une société unie.

La guerre devait donc se poursuivre afin de satisfaire la dernière poussée de violence et de haine de l'homme. Les soldomates avaient constaté des changements importants dans l'esprit humain. La haine s'était progressivement usée. Les soldomates voulaient donc poursuivre la supercherie. Ils avaient utilisé des maquettes de villes en ruine pour tromper les humains. Les photos diffusées de San Francisco détruit venaient d'une maquette. Le véritable San Francisco était totalement intact. Depuis huit ans, les soldomates veillaient sur le monde.

Ils maintenaient en état toutes les villes. Franks entraîna Moss et Taylor loin des soldomates pour leur parler. Franks avait compris que les soviétiques avaient été également trompés et il voulait profiter de la situation pour reprendre le contrôle. Puis Franks annonça à un soldomate qu'il devait faire un rapport et décider de la politique à suivre. Le soldomate ne dit rien. Mais quand Franks et ses hommes voulurent redescendre, ils se rendirent compte que l'entrée vers les sous-sols avait été soudée. Les soldomates avaient prévu la réaction de Franks quand il apprendrait la vérité. Pour les soldomates, il était impensable de permettre aux humains de recommencer la guerre. Les soviétiques avaient appris la vérité avant et ils avaient tenté désespérément de forer de nouveaux tubes vers la surface pour recommencer la guerre. Le soldomate demanda poliment à Franks et ses hommes d'abandonner leurs armes. Il leur montra des soldats russes qui avaient abandonné leurs armes et descendaient d'un engin aérien. Les soldomates leur avaient demandé de venir pour que les humains commencent à parler de la paix. Un des soldats russes dits à Taylor que les villes étaient trop grandes pour être entretenues par un petit groupe d'hommes. Aussi, les Russes s’étaient finalement installés dans un village moderne. Ils avaient certaines choses à apprendre des Américains. Ils les invitèrent dans le village.

Taylor pensait à sa femme et il ne voulait pas la quitter mais il ne la reverrait pas avant que le tube soit rouvert. Alors il suivit les autres. Il comprit qu'il ne faudrait pas longtemps avant que lui et Mary vivent à la surface comme des êtres humains raisonnables avec l'humanité tout entière. Un soldomate lui expliqua qu'il avait fallu des milliers de générations pour en arriver là.

Pas de trêve avec les rois ! (Poul Anderson).

1

Le mess tout entière était ivre et les jeunes officiers se montraient à peine plus bruyants que leurs aînés, placés près du colonel. La tempête faisait rage au-dehors. L'automne était précoce à Echo Summit. La troisième division, les Catamounts, était réputée comme la plus turbulente de l'armée des Etats Pacifiques d'Amérique, et, parmi les régiments qui la composaient, celui des Rolling Stones, en garnison au fort Nakamura, était le plus enragé. Le capitaine Hulse se mit à chanter avec le lieutenant Amadeo. Le colonel Mackenzie fut convoqué par le major Speyer. Le colonel espérait qu'aucune attaque ne viendrait de l'Ouest. Le Major était l'homme le plus intelligent des Catamounts selon Mackensie. Officiellement il était major de garnison, en pratique il était le conseiller du chef.

Le Major avait reçu une dépêche de San Francisco. Mackensie lut le papier que le major lui tendit. Le Sénat des Etats Pacifiques avait lancé un décret de mise en accusation contre Owen Brodsky, L’ex-juge des Etats Pacifiques d'Amérique. L'ex-juge assistant Humphrey Fallon avait été nommé juge des Etats Pacifiques d'Amérique conformément à la loi de succession.

Le juge Fallon venait de proclamer la loi martiale dans toute la nation. L'embargo serait mis immédiatement sur toutes les armes à l'exception d'un contingent de 10 % du stock et tous les hommes seraient consignés dans la région du fort Nakamura. Le Major allait être remplacé par le colonel Simon Hollis. Le colonel Hollis désignerait les officiers et les hommes de troupe qui devraient être remplacés par des membres de son bataillon.

Les hommes remplacés seraient envoyés à San Francisco et le Major devrait se présenter au brigadier général Mendoza. Seuls les officiers pourraient garder leur pistolet. Tous ceux qui accorderaient leur aide à la faction Brodsky seraient poursuivis pour haute trahison la dépêche était signée du général Gérald O’Donnell.

Les partisans de la guerre exigeaient la destitution de Brodsky depuis que celui-ci avait résolu l'incident de frontière avec le Canada par un compromis. Fallon était un ambitieux mais ses partisans n'étaient qu'une minorité. Le major pensait que le Sénat ne pourrait pas approuver la nomination de Fallon. Un nouveau commandant-en-chef avait été nommé. Mackensie et Speyer feraient partie de la charrette.

Speyer supposait que Fallon avait pris le pouvoir dans les formes légales. Il imaginait que Brodsky avait pris le large. Il pensait que la garde personnelle de Brodsky avait assuré sa fuite. Le beau-fils de Mackensie ferait partie de la relève. Il serait une sorte d'otage pour garantir la bonne conduite de Mackensie. Mackensie avait juré fidélité à la Constitution et il refusait de constituer la milice personnelle d'un quelconque bossman. Speyer pensait que la guerre contre le Canada Ouest n'était peut-être pas la conséquence la plus importante de la prise de pouvoir de Fallon. Fallon était également partisan d'un gouvernement central fort. Des bossmen seraient accusés de collusion avec les partisans de Brodsky. Des guerres subséquentes éloigneraient les bossmen pendant des années et ainsi le but glorieux constitué par la réunification serait atteint. Mackensie était inquiet par le pouvoir de la centrale Esper (constituée de personnes possédant des pouvoirs extrasensoriels). Speyer lui rappela que la Constitution avait été rédigée expressément pour confirmer les régions séparées dans leurs libertés anciennes. Alors Speyer ordonna à Mackensie d'envoyer le sergent Irwin avec mission de couper les fils télégraphiques. Officiellement, ils n'auraient pas reçu le message du grand quartier général et cela leur donnerait quelques jours pour contacter le quartier général de la Sierra. Speyer pensait que ce ne serait qu'un jeu de repousser le bataillon de Hollis. Durant l'hiver, ils pourraient garder le contact avec les autres unités afin d'organiser quelque chose.

Mackensie pensait qu'il valait mieux qu'il prévienne Laura. Speyer étreignit l'épaule de Mackensie. Il avait des larmes dans les yeux.

Mackensie retourna dans ses quartiers. Il alla voir sa fille. Elle était revenue près de son père pendant que son mari se trouvait à San Francisco.

Mackensie avait envoyé son gendre à San Francisco pour l'écarter pendant la durée de la crise politique. Tom admirait Fallon et le mouvement Esper. Son franc-parler avait amené des frictions entre lui et ses camarades officiers.

Il avait fait ses débuts comme apprentis pêcheurs dans un village misérable. Il avait appris les premiers rudiments auprès d'un Esper local puis il s'était engagé dans l'armée et avait gagné ses galons grâce à son courage et à son intelligence. Il n'avait jamais oublié que les Espers aidaient les pauvres et que Fallon avait promis d'aider les Espers. Ensuite, les batailles, la gloire, la reconstitution de la démocratie fédérale. Mackensie réveilla sa fille. Elle lui demanda des nouvelles de Tom. Il répondit que Tom n'avait pas encore été blessé. Il lui annonça la prise de pouvoir de Fallon. Elle lui demanda s'il comptait se révolter. Il obéirait aux ordres de son chef. Elle demanda l'autorisation de partir le lendemain et son père accepta. Il lui demanda de dire à Tom qu'il était toujours le meilleur mari possible.

2

Deux Espers discutaient. L'un des deux, Mwyr,  ne pensait pas qu'il aurait fallu verser tant de sang. L'autre répondit qu'il en faudrait encore avant que leur projet ne soit accompli. L’Esper le plus ancien était présent sur Terre depuis plus de deux siècles. Quand il était arrivé, les conséquences des guerres nucléaires des humains étaient toujours si affreusement présentes. Les humains avaient besoin des Espers. L'autre répondit que ne sachant rien des humains Mwyr ne pouvait pas espérer autre chose pour eux qu'un nouvel élément de troubles. L’Esper ancien pensait que les humains devaient être étudiés en secret pendant que les Espers les laisseraient agir à leur guise. Il y avait seulement 70 ans que les Espers s'étaient sentis suffisamment sûrs pour introduire un nouvel élément dans le pays qu'ils avaient sélectionné. Il leur faudrait peut-être 1000 ans pour terminer leur mission. Mwyr pensait que les humains avaient fini par se sortir du chaos et qu'ils avaient trouvé eux-mêmes des solutions à leurs propres problèmes. L'autre se demandait de quel droit Mwyr s'arroger le titre de psycho dynamicien. Quant à lui, il pensait que la plus grande partie de la Terre se trouvait toujours à l'état barbare. Le continent américain avait pris le premier rang sur la voie du progrès, parce qu'avant la destruction, ce continent possédait le niveau technique le plus élevé et la plus grande puissance industrielle. Mais la structure sociale avait abouti à un fouillis d'États querelleurs. Le pouvoir militaire se trouvait entre les mains d'une aristocratie terrienne. Il reprochait aux Terriens leur adoration aveugle de la technique héritée des sociétés ancestrales.

Mwyr lui demanda s'il était affecté par le fait qu'une centaine d'hommes avait été tuée à la suite d'une révolution fomentée par les Espers. L'autre se rendait compte qu'il manifestait une sensibilité hors de propos. Mwyr pensait que le pire était encore à venir. Il pensait qu'un gouvernement désireux de restaurer l'ordre ancien se lancerait dans d'interminables guerres avec ses voisins. Une démocratie élémentaire finirait par remplacer leur système et cette démocratie serait dominée par un capitalisme corrompu puis par une dictature. Il ne resterait plus de place pour le vaste prolétariat. Il faudrait aux Espers résoudre bien des problèmes avant d'en avoir terminé. L'autre lui demanda s'il pensait que le bain de sang serait épargné quand ils aboutiraient au résultat final. Mwyr pensait qu'ils paieraient plus cher que tous les autres.

3

Le capitaine Thomas Danielis, de l'artillerie de campagne, armée loyaliste des Etats Pacifiques était sur son cheval, devant son escadron. Ils essayaient de dégager un tracteur d'artillerie qui s'était enlisé. Au-delà de la région s'étendaient des terres désertiques réclamées par les Saints. Ceux-ci ne constituaient plus une menace, toutefois les échanges commerciaux se poursuivaient sur une échelle très réduite. Alors, le chemin de fer n'allait pas plus loin que Hangtown. En conséquent, le corps expéditionnaire qui se rendait dans la région de Tahoe devait patauger à travers des forêts désertes. Danielis était étonné que l'ennemi n'ait pas donné le moindre signe de vie alors qu'il lançait ses patrouilles à la recherche d'unités rebelles. Il savait que Mackensie n'était pas homme à demeurer inactif derrière le mur d'un fort et ce n'était pas pour rien que le régiment avait reçu le sobriquet de Rolling Stones.

Un homme en robe bleue s'adressa à Danielis. Sur sa poitrine, on voyait le symbole du Yin et du Yang. On décelait une trace d'accent du Texas dans sa façon de parler. C'était un Esper. Les Espers respectaient la loi du pays mais ne se reconnaissaient aucune patrie car ils se réclamaient de l'humanité tout entière. Les Etats Pacifiques avaient énormément gagné en prestige et en influence lorsque l'impénétrable central de l'ordre était venue s'établir à San Francisco. Danielis se souvenait de l'apôtre qui était venu faire visite à son foyer à San Francisco, sur sa propre invitation, dans l'espoir que Laura apprendrait à préserver une certaine paix de l'esprit. Danielis dit à l’Esper qu'il pourrait se détendre s'il l'usait de ses pouvoirs pour lui dire ce qui attendait ses hommes. Mais l’Esper n'était pas un adepte.

Il s'appelait Woodworth. Danielis pensait que les Espers pouvaient encore se décider à participer à la guerre. Le Central avait permis à plusieurs reprises le recours au terrible rayon Psi lorsque l'ordre s'était trouvé sérieusement menacé. D'autre part, Fallon entretenait avec eux des relations d'amitié plus étroites que ne l'avait jamais fait Brodsky ou le Sénat des bossmen et la Chambre des députés du peuple.

Danielis se demandait ce que préparaient les rebelles. Woodworth ne lui répondit pas. Danielis enrageait de ne pouvoir disposer que de quelques misérables petites lignes de chemin de fer et de mulets pour le convoi de ravitaillement alors que son pays pouvait réaliser ce qui existait aux temps anciens car rien ne manquait, ni les livres ni les renseignements. Il avait vu les journaux scientifiques et des laboratoires de recherche. Mas tout était inutilisé.

Woodworth n'était pas d'accord car son ordre devenait supranationale. Le monde était beaucoup plus pauvre en matières premières qu'avant les super bombes. La connaissance était toujours appliquée là où cela n'exigeait pas trop de puissance industrielle.

Danielis savait qu'il y avait du pétrole partout et du charbon, du fer, de l'uranium mais le monde ne possédait pas l'organisation qui permettait d'exploiter ces ressources. C'était l'une des raisons pour lesquelles Danielis espérait la Réunification pour pouvoir reconstruire.

La Réunification pourrait permettre le retour de la démocratie et du suffrage universel pour que père et fils n'aient plus besoins de s'entre-tuer. Woodworth préférait cette dernière raison et affirma que les Espers seraient prêts à soutenir cette même raison. Mais il était opposé au machinisme. Danielis alla à la rencontre de l'éclaireur qui était un Indien. Le Major Jacobsen discutait avec l'éclaireur. L'éclaireur leur annonça que le fort avait été évacué. Le gouvernement contrôlait la côte tout entière au moyen d'unités navales, afin de surveiller les Canadiens de Vancouver et garder les importantes routes maritimes vers Hawaï. Les derniers postes et villes rebelles se trouvaient isolés les uns des autres dans les montagnes, les forêts et les déserts. Les places bossmen tombaient les unes après les autres sous la pression des loyalistes. Le seul point noir dans ce tableau était constitué par la Sierra de Cruikshank qui commandait une véritable armée. Cette expédition contre le fort Nakamura n'était qu'une petite partie de ce qui avait paru dès le premier jour une difficile campagne.

Maintenant, les Rolling Stones avaient battu en retraite, sans offrir la moindre résistance. Ce qui signifiait que leurs frères, les Catamounts, avaient également évacué la place.

Danielis comprit que cette suite était une idée de Mackensie. Il suggéra au major de prévenir le commandant.

4

Mackensie se dirigeait vers la Napa Valley qui appartenait à la communauté Esper de Sainte-Hélène. Les 3000 hommes de sa troupe étaient en marche. Les chariots suivaient. Il n'y avait aucun danger d'attaque immédiate. La communauté était importante et comprenait plusieurs milliers de personnes. Speyer espérait que les Espers se comporteraient honnêtement.

Les Espers étaient partisans de la non-violence. Mackensie redoutait le rayon Psi des adeptes de l'ordre. Mackensie ne les aimait pas. Speyer pensait qu'ils faisaient beaucoup de bien chez les pauvres. Mackensie le reconnaissait mais il ne supportait pas que les Espers s'occupent des orphelins les rendant incapables de s'adapter à la vie en dehors de la communauté. Speyer se prenait souvent à les envier. Il aurait voulu connaître la paix intérieure pour oublier l'exécution de plusieurs de ses semblables. Les Espers travaillaient avec des produits chimiques, avec l'électronique et pour Speyer cela s'adaptait parfaitement à la mentalité de l'américain évolué. Mais l'unité mystique de la création prônée par les Espers, ce n'était pas l'affaire des Américains, selon Speyer. Speyer pensait que la seule façon de réaliser l'unité, c'était de brûler tout ce qu'ils avaient adoré jusqu'à présent.

Speyer ordonna à Mackensie d'aller présenter ses compliments au lieutenant Yamaguchi et de lui passer le commandement. Mackensie avait insisté pour se faire accompagner d'un second parlementaire. Il pensait que ses facultés cérébrales n'étaient probablement pas de taille à se mesurer à celle d'un Esper de haut rang. Contrairement aux bossmen, les Espers n’entouraient pas leurs communautés de murs. La communauté était composée de groupes qui vivaient ensemble et que l'on appelait superfamilles. Cette pratique était à l'origine d'une certaine hostilité à l'égard de l'ordre et d'un flot ininterrompu de plaisanteries grivoises.

L'idée de base consistait à délivrer l'individu de l'instinct de propriété et à élever les enfants sur un plan social plutôt que dans un clan étroit. Mackensie présenta le Major Speyer au chef de la colonie, le Philosophe Gaines. Gaines les emmena dans son bureau.

Mackensie lui annonça qu'il comptait contrôler la Napa Valley et la Vallée de la Lune. Ils allaient établir un camp retranché. La colonie serait indemnisée pour les dommages que la troupe causerait aux récoltes aussitôt que le gouvernement aurait été restauré. La nourriture et les médicaments seraient réquisitionnés et par mesure de précaution quelques hommes logeraient dans la communauté pour observer les événements.

Gaines répondit que la charte de l'ordre exemptait la communauté des servitudes militaires. Aucun homme ne devait franchir les limites des territoires occupés par une communauté Esper. Il ne pouvait donc accepter une violation de la loi. Mackensie répondit que Brodsky puis le juge Fallon avaient proclamé la loi martiale sur l'ensemble du territoire. Toutes les lois étaient donc suspendues. Gaines répondit que puisque seul l'un des gouvernements pouvait être légitime, il s’ensuivait que les proclamations de Brodsky et de Fallon étaient une nulles et non avenues. Il pensait que les partisans de Fallon occupaient un vaste territoire. Speyer lui expliqua que le commandement de la Sierra avait tourné les partisans de Fallon. La Sierra contrôlait le trafic par l'occupation de Sacramento et ses bases s'étendaient vers le sud. Speyer pensait que les forces de Fallon seraient encerclées d'ailleurs elles venaient de quitter la Columbia Valey pour pouvoir défendre San Francisco.

Gaines demanda si l'armée qui s'était avancée dans la Sierra avait été repoussée. Mackensie fut obligé de reconnaître que ce n'était pas le cas. Cette armée se trouvait à Los Angeles et à San Diego. Speyer expliqua qu'il avait coupé les communications ennemies par le milieu. Il espérait que Brodsky serait de retour à San Francisco avant l'automne. Gaines ne pouvait admettre d'établissement militaire sur les terres de la communauté. Il leur ordonna de partir. Au besoin, il était prêt à utiliser les rayons Psi. Il leurs donna une heure pour partir.

Il envoya un messager aller chercher les adeptes. Mackenzie partit à la recherche du messager. Il le retrouva en train de parler à sept ou huit hommes. Les adeptes était juste devant lui. Il leur donna l'ordre de s'arrêter en brandissant son revolver. Ils demandèrent ce que Mackensie avait fait de leur chef. Mackensie répondit qu'ils le savaient puisqu'ils étaient capables de lire dans ses pensées. Mais l'un des adeptes répondit qu'il répugnait à pervertir les rayons Psi en les faisant servir à la violence mais il serait prêt à les utiliser si Mackensie l’y obligeait. Il le prévint que toute force armée qui tenterait de s'introduire dans la ville serait anéantie. Mackenzie entra en courant dans le vestibule mais les autres Espers s'y trouvaient déjà. Alors Mackensie tira s'efforçant de blesser plutôt que de tuer.

Tout se déroulait comme un cauchemar. Il lui sembla que son coeur allait se briser en 1000 morceaux. D'autres Espers l'attaquèrent mais il les assomma. Mais des renforts arrivèrent. Une sonnerie de trompette retentit. La foule massée sur l'escalier s'immobilisa. Quelqu'un cria. Des cavaliers occupaient la place. Speyer arriva accompagné par plusieurs hommes de troupe. Mackenzie éprouvait moins de remords d’avoir menacé les Espers car ils avaient employé les anciennes armes ce qui était contraire à leur règlement. Speyer avait deviné que Gaines était démuni puisqu'il avait envoyé un messager chercher des individus qui se prétendaient télépathes. Ils ouvrirent une porte. Ils découvrirent une pièce dans laquelle se trouvaient des appareils qui ne semblaient pas avoir été construits par des êtres humains.

5

Deux extraterrestres Espers discutaient de la situation. Ils étaient alarmés par le fait que les terriens avaient pu envahir une colonie et même s'emparer de l'arsenal de cette colonie. Mais les terriens ne pourraient pas s'en servir sans l'entraînement approprié. De plus, les adeptes étaient conditionnés pour ne pas révéler leur science aux non-initiés. Néanmoins, un des deux Espers craignait que la révélation ne se propage et que l'on découvre que les Espers n'avaient pas accès aux profondeurs inconnues de l'âme. Ils étaient simplement initiés aux arcanes d'une science physique évoluée. Cela entraînerait la défection de bien des membres de l'ordre dont la foi ne résisterait pas à la désillusion. Des deux Espers, c'était Mwyr le plus inquiet. Mais l'autre le rassura en lui disant qu'il sous-estimait la capacité de l'âme humaine à négliger les contingences heurtant les croyances les plus chères. Et en admettant le pire, même si la foi se perdait et que l'ordre se désintégrait, ce serait un coup sévère porté au plan mais pas un coup fatal. La science du Psi n'avait jamais constitué qu'un fragment de folklore dont la puissance avait paru suffisante pour servir d'agent moteur à une orientation nouvelle de la vie. Il en existait d'autres. Les terriens les moins éduqués croyaient en la magie. En dernier ressort, la nouvelle culture finirait par éliminer les superstitions. Mwyr pensait que cela pourrait provoquer un retard de 100 ans. L'autre Esper reconnut qu'il serait beaucoup plus difficile d'introduire un élément radicalement étranger dans une société autochtone qui avait su forger ses propres institutions. Alors il proposait d'intervenir directement. Il comptait donc écraser les réactionnaires. Le gouvernement poursuivrait ses adversaires vaincus avec une rigueur impitoyable. Au fur et à mesure que les gens, citoyens ordinaires mais aussi Espers rejettera de plus en plus le matérialisme, la légende apparaîtrait de plus en plus fantastique. Mwyr était devenu psychodynamicien pour créer l'union des êtres pensants et ainsi constituer la maîtrise de l'univers par la vie. Les extraterrestres avaient vu ce que les Terriens avaient fait de l'énergie nucléaire et ils ne voulaient pas lâcher une telle bande de carnivores à travers la galaxie. Il voulait d'abord leur donner le temps d'acquérir une civilisation morale. Les extraterrestres pensaient que les Terriens ne parviendraient jamais à la paix par leurs propres moyens. Ainsi les extraterrestres ne se sentaient pas complètement inutiles dans le cosmos en intervenant dans les civilisations.

6

Thomas Danielis fut promu au grade de major pour le rôle spectaculaire qu'il avait joué dans la répression de la révolte des citoyens de Los Angeles. Au cours de la bataille de Maricopa, les troupes loyalistes ne réussirent pas à rompre l'encerclement opéré par les rebelles de la Sierra et Danielis fut nommé lieutenant-colonel. Il pensait à l'enfant qu'il attendait et qu'il n'avait pas encore vu. Il songeait à se lancer dans les affaires après la guerre. Il se rendit dans la tente où l'on procédait à l'interrogatoire des prisonniers. Le capitaine Lambert interrogeait un sergent. C'était un rebelle au gouvernement de son propre pays. Mais le sergent pensait que c'était Lambert le rebelle. Comme il n'arrivait pas à obtenir des réponses satisfaisantes, Lambert tordit le bras du sergent. Danielis lui ordonna d'arrêter. Il menaça de le faire passer en cour martiale si Lambert continuait ce genre de pratique. Après quoi, il lui expliqua que les rebelles n'étaient pas des rebelles à leur propre point de vue. Ils étaient fidèles à une tradition, celle des bossmen.

Mais tout cela était trop profond pour Lambert. Alors Danielis lui expliqua qu'il existait beaucoup plus de combattants extérieurs des armées en présence que dans leur sein même. Si les bossmen parvenaient à établir un commandement unifié, ce serait la fin du gouvernement Fallon. Ils étaient divisés par trop de querelles de clocher pour que la chose puisse se produire. L'intérêt des Fallonistes était d'amener le bossman moyen à penser que les Fallonistes n'étaient pas si mauvais. Il lui conseilla d'employer la ruse plutôt que la violence dans les interrogatoires.

Après quoi, Danielis se rendit dans la tente où se tenait la conférence. Il fut surpris d'y trouver le philosophe Woodworth car il était persuadé qu'il était resté au centre Esper de Los Angeles. Le général Perez divulgua un plan secret. Le grand quartier général avait mis au point un plan avec le central Esper à San Francisco. Les Espers avaient abandonné leur neutralité après avoir été attaqués dans la colonie de la Napa Valley. Woodworth fit un rapport sur la prise de Sainte-Hélène. La plupart des adeptes étaient absents ce qui avait donné un avantage à l'ennemi.

Sainte-Hélène était toujours occupée. Il parla de rumeurs que le commandement ennemi s'efforçait de propager. Woodworth affirma que les Espers n'avaient pas de pouvoirs surnaturels. Il s'agissait simplement de l'utilisation des forces latentes que la plupart des gens possédaient. Il affirma que l'ennemi avait truqué quelques appareils scientifiques en faisant croire qu'il s'agissait du matériel dont se servaient les adeptes. Le central Esper avait donc décidé d'offrir son concours aux Fallonistes. Le général Perez pensait que le développement personnel de chaque Esper subirait un retard de plusieurs années du fait de la violence de l'ennemi. Les Espers étaient prêts à utiliser le rayon Psi si l'ennemi attaquait  leur quartier général mondial à San Francisco. Cette révélation fut pour Danielis un véritable coup de massue. L'ennemi détenait plus de la moitié de la Californie, l'Oregon et l'État et une bonne partie de l'État de Washington.

Les Fallonistes ne disposaient que d'une seule voie d'accès vers San Francisco. Mais ils avaient l'avantage sur le plan naval.

Le général pensait que l'objectif de l'ennemi était San Francisco. C'était le siège du gouvernement et le grand centre industriel de la nation.

Le général annonça donc le plan. La garnison de la Sierra serait attaquée à partir de San José.

Il faudrait feindre une sérieuse défaite et battre en retraite. Ensuite, l'armée se replierait vers le Nord en direction de San Francisco. Lorsque l'ennemi serait engagé dans la poursuite, il serait débordé par les flancs et attaqué sur ses arrières. Les adeptes Espers seraient présents en renfort. Danielis pensait intensément à Laura.

7

Presque toute l'armée de la Sierra s'était rassemblée à Modesto puis s'était heurtée aux forces ennemies débouchant de San José. Mackenzie pensait à sa fille et avait peur qu'elle soit tuée pendant la bataille de San Francisco. Mackensie discutait avec Speyer. Speyer pensait que toute cette affaire semblait louche.

Mackenzie avait proposé que l'armée de la Sierra sorte de ses montagnes. Il avait démasqué et l'énorme mystification des Espers. Il avait réussi à minimiser aux yeux de ses hommes le fait que, derrière la mystification, se cachait un mystère auquel on osait à peine penser.

Il était terrifié par la perspective des dangers qui menaçaient sa fille. Il appelait de tous ses voeux la fin de cette interminable guerre. Chaque fois que le vent tombait, le chant des sorciers lui parvenait aux oreilles. C'étaient des Indiens pour la plupart. Tout cela n'était pas clair. L'ennemi aurait dû se frayer un chemin vers le sud, et non pas se laisser encercler. Le capitaine Hulse lui annonça qu'une troupe ennemie marchait dans leur direction. Mackensie s'informa auprès du quartier général. On lui confirma les larges manoeuvres des Fallonistes qui allaient tenter une percée.

Les Rolling Stones devraient se maintenir par leurs propres moyens.

La plage devrait être défendue en même temps que la butte qui la dominait.

Il se passa un temps incroyablement long avant que l'ennemi apparût. Il s'agissait d'une force puissante mais disposant de peu d'artillerie. Mackensie donna ses ordres en conséquence.

La cavalerie Falloniste s'ébranla au petit trot. Les canons rugirent. Les archers disposés derrière les canons se mirent à leur tour de la partie. Mackensie vit vaciller les lignes des assaillants. Les Espers utilisèrent le rayon Psi. La cavalerie de la Sierra s'élança en avant. Un terrible bourdonnement remplit le ciel. Un rayon brûla les hommes tout vifs. Mackensie pensait que les adeptes devaient se trouver dans un char. Mackensie et Speyer descendirent la colline à bride abattue, vers les canons. Mackensie et Speyer montèrent dans la charte pour viser les Espers. Les émissions de rayon Psi s'arrêtèrent.

Puis Mackensie et Speyer montèrent dans la voiture régimentaire qui était munie d'un tube lance-roquettes. Mackensie visa le char des Espers. Le char explosa.

8

Danielis était en colère contre les Espers. Il était écoeuré de constater à quel point l'ordre l'avait frustré de sa vie entière. Il avait l'impression d'être le simple jouet entre les mains d'étrangers et que tous les esprits sérieux et bien intentionnés qui faisaient partie d'une communauté Esper étaient les dupes de quelqu'un.

Il avait convoqué Woodworth pour lui annoncer son plan. Il espérait que les adeptes pourraient ramener quelques-unes de ses unités. San Francisco était attaqué. Les rebelles avaient réussi à s'emparer d'un bateau dans lequel avaient embarqué les milices des bossmen. Danielis avait peur pour Laura. Il mourut dans une bataille en recevant une grenade en pleine poitrine.

9

Mackenzie était arrivé à San Francisco. Il pensait à sa fille. L'attaque des Twin Peaks devait être menée tambour battant car les Espers ne manqueraient pas de défendre leur Central. Mackensie avait les nerfs tendus dans l'expectative d'un rayon Psi, mais rien ne se produisit.

Mackensie envoya son armée détruire le bâtiment principal des Espers. L'ensemble de l'édifice avait contenu un appareillage presque aussi grand que lui-même. Mackensie pensait que c'était leur vaisseau spatial. Quelques robes bleues gisaient parmi les ruines. Une demi-douzaine de survivants se faufilait vers le vaisseau spatial. Mais ils furent arrêtés par les archers. Un être qui n'était pas humain gisait broyé au pied de la machine. Mackenzie pensait que quand les gens auraient vu cela, ce serait la fin de l'Ordre.

Mackensie vit le drapeau des Etats Pacifiques flotter au sommet du gratte-ciel. Le gratte-ciel avait servi de bâtiments de logement pour le personnel et il avait été également employé à des fins plus mystérieuses. Speyer interrogeait un extraterrestre qui sanglotait. Un deuxième extraterrestre se tenait droit dans une robe de métal tissé. L'extraterrestre avouait qu'il n'y aurait pas d'autre vaisseau spatial en près d'un siècle pour les secourir. Le chef des extraterrestres dit à Speyer qu'ils étaient venus par amour. Leur rêve, c'était de guider les Terriens et de leur apprendre à se guider eux-mêmes vers la paix. Ils voulaient les guider vers l'avenir. Le chef des extraterrestres croyait en la Grande Science qui prédisait, selon lui, avec une certitude absolue. Mais Speyer se moqua de lui en montrant les ruines de leur gratte-ciel.

Alors l'extraterrestre répondit qu'ils étaient trop peu nombreux pour diriger tant de sauvages dans les moindres détails.

Il leur proposa de mettre un terme à la guerre et à toutes les souffrances passées. Mais Speyer lui répondit qu'il avait été à l'origine d'une guerre assez abominable. L'extraterrestre reconnut que c'était une erreur de leur part. Speyer ne voulait pas croire à la sincérité de l'extraterrestre car s'ils avaient été sincère ils seraient venus ouvertement et auraient trouvé des hommes tout prêts à les écouter. Les extraterrestres avaient choisi de dispenser leurs bienfaits par le truchement de ruses subtiles. Les terriens n'avaient pas eu voix au chapitre. Speyer ne supportait pas que les extraterrestres aient pu considérer les hommes comme des enfants.

L'extraterrestre lui répondit que les hommes se déchiraient sans cesse et qu’ils n'obtiendraient jamais la paix. Speyer lui répondit que c'était son opinion et que personne ne pouvait prédire quoi que ce soit. Speyer préférait être mort que domestiqué.

Speyer annonça à l'extraterrestre que le peuple serait entièrement éclairé sur ce qu'ils étaient aussitôt que le juge Brodsky serait rétabli dans ses fonctions.

10

Mackenzie alla voir sa fille. Elle avait maigri. Il lui annonça la mort de son mari. Elle savait déjà car elle avait été avertie par quelques-uns des hommes de Tom. Laura lui demanda s'il cela avait vraiment valu la peine de tuer, non seulement Tom, mais aussi tant de gens pour une simple question de politique. Mackensie lui répondit que ce n'était pas une simple question de politique. Il se rendit compte tout à coup il y avait l'enfant. Il devrait s'occuper de son petit-fils. Tom avait voulu que son enfant porte le nom de son grand-père. Laura ne voulait pas que son fils devienne un militaire. Elle était certaine que certains Espers continuerait à leur travail sur de nouvelles bases. Elle pensait que les hommes devraient faire cause commune avec eux. Elle voulait que son fils croit en un idéal différent de celui qui avait tué son père. Laura pensait que la guerre de son père était finie mais que la sienne venue de commencer.

 

 

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